EFFETS DE GENRE ET DE LA CAPACITE D’INNOVATION MARKETING

 EFFETS DE GENRE ET DE LA CAPACITE D’INNOVATION MARKETING

Les différences de rôles et les stéréotypes

L’environnement socioculturel pousse les hommes et les femmes à avoir chacun des rôles différents dans la société. Faire une analyse de ces rôles nous permet de montrer les représentations économiques, politiques et socioculturelles des hommes et des femmes et d’étudier les stéréotypes. Dans cette partie, nous étudions les stéréotypes et revenons sur le sens donné au genre quant aux rôles et responsabilités des hommes et des femmes dans la société.

Les stéréotypes

Le mot stéréotype vient du grec « stereos », chose rigide, solide et « typos » caractère, empreinte (Doraï, 1988 ; Morchain, 2006). Il était utilisé dans le domaine de l’imprimerie et 59 désignait un nouveau procédé de clichage de reproduction en masse d’un modèle fixe (Dziri, 2007). Il existe depuis 1798 et fut employé d’abord en psychologie par Walter Lippmann (1922) (Schadron, 2006 ; Brasseur, 2008). Les psychologues l’étudiaient pour analyser les préjugés raciaux et sexistes (Kondrachova et al. 2000). En effet, les stéréotypes sont une rationalisation et une justification des préjugés (Brasseur, 2008). Ces derniers ne sont qu’une « correspondance attitudinelle du stéréotype » (Salès-Wuillemin, 2006, p.15). Selon Delpech (2010, p.53), les stéréotypes sont définis par Leyens, Yzerbyt et Schadron (1994) comme « des croyances partagées concernant les caractéristiques personnelles, généralement des traits de personnalité, mais souvent aussi des comportements d’un groupe de personnes ». Ils se rapportent à l’attitude qui s’exprime par des actes et croyances (Doraï, 1988). Les stéréotypes viennent de deux processus cognitifs : la recherche d’informations confirmant les théories implicites développées préalablement par la personne et la catégorisation sociale qui est à l’origine du développement de l’identité sociale des individus (Brasseur, 2008). La discrimination positive ou négative qui en résulte montre la dimension conative des stéréotypes (Sallès-Wiuillemin, 2006). Le stéréotype est un jugement qualitatif, porté sur une personne ou groupe de personnes, un objet ou un concept en dehors d’une expérience personnelle (Doraï, 1988). C’est lorsque par exemple nous considérons que la femme doit s’occuper de son foyer et du bien-être de son mari et de ses enfants (Kleinert, 2010), et que « le public est un domaine de l’homme dans la cité » (Coquery-Vidrovitch, 2004, p.15). D’où le paradoxe sur la partition sexuelle des « fonctions » et « rôles » sociaux : le public aux hommes et le privé aux femmes (Magri et Varikas, 1991). L’étude des stéréotypes laisse apparaître deux courants de pensée (Doraï, 1988). Le premier courant considère que les stéréotypes sont un ensemble de croyances incorrectement apprises et/ou surgénéralisées et/ou en contradiction avec les faits qu’elles représentent et/ou rigides. Le second courant voit les stéréotypes comme des catégories/concepts et sont plutôt 60 des généralisations. Le fait que nous attribuons des travaux et des activités spécifiques aux individus selon leur sexe relève notamment des stéréotypes de genre. Les stéréotypes de genre sont « un ensemble de caractéristiques psychologiques et comportementales qu’un groupe social attribue généralement à un homme ou à une femme » Morley (2004, p.69). Ils dépendent fortement des normes, des pratiques culturelles, des croyances, etc. et « gardent une force et un poids moral et psychologique à travers les générations » (Sagna, 2006, p.6). L’examen de ces écrits nous incite à dire que les stéréotypes sont des caractéristiques généralisées, des croyances consciemment ou inconsciemment établies sur la base de normes sociales acceptables. Sachant que le genre prend en compte « les représentations et stéréotypes culturels liés à chacun des sexes, à leur place, à leurs rôles, etc. » (Chabaud et Lebegue, 2013, p.47), les stéréotypes sont analysés dans cette recherche pour voir, à travers leurs contenus, leurs effets sur les femmes dirigeantes de PME/TCFL.

Le genre à travers les rôles de sexe

Le rôle a deux orientations théoriques : une orientation structurelle défendue par les anthropologues qui expliquent l’importance du statut, et une orientation interactionniste qui considère le rôle comme la dialectique entre le « soi » et son environnement social (CoenenHuther, 2005). D’après ce dernier, nous avons en plus une conception institutionnelle du rôle développée par Linton qui montre que l’individu remplissant un rôle met en œuvre les droits et les devoirs constituant le statut. Le rôle renferme alors trois dimensions (Fougeyrollas et Roy, 1996) : normative, qui montre le respect par l’individu des règles de conduites idéales, typique, qui renvoie aux attributs et qualités associés à la personne et interprétative, qui fait état de l’interaction au cours de laquelle l’individu respecte les normes idéales établies. Quatre principaux rôles sont alors identifiés (Fougeyrollas et Roy, 1996) : les rôles assignés ou imposés qui sont liés à des attributs biologiques tels que le sexe et l’âge, les rôles 61 acquis qui dépendent des actes de l’individu comme son rôle professionnel, les rôles prescrits qui correspondent aux comportements adéquats attendus (Bitbol-Saba, 2015) et les rôles réels qui traduisent un modèle de conduite et de comportements mis en acte de façon subjective. La répartition des rôles a fait l’objet de beaucoup de développements théoriques (Dankoco, 1996) et, selon Dali-Youcef (2012), le premier à l’étudier dans la prise de décision sociale est le sociologue Wolfe (1959). Elle est analysée dans le domaine familial par plusieurs auteurs (Davis et Rigaux, 1974 ; Dankoco, 1996). Parmi les théories sur la répartition des rôles nous avons, entre autres, l’approche théorique structuro-fonctionnaliste des rôles défendue par Parson et Bales (1955) et celle interactive (Badji, 2018) développée par Blood et Wolfe (Diop Sall, 2002). La théorie structuro-fonctionnaliste montre la structuration des rôles qui est influencée par la famille, les normes socioculturelles et les développements économiques (Diop Sall, 2002). D’après cette dernière, la répartition des rôles entre les hommes et les femmes n’est qu’un fait social et culturel. Dans la sociologie parsonienne, le rôle est l’aspect actif du status qui définit le rang de prestige dans la société (Delphy, 2001). Selon cette idéologie décrite par cette auteure, chaque status correspond à un rôle que tout individu possédant le status doit remplir. En effet, les rôles masculins sont fondés sur l’individualisme, ce qui fait que les hommes adoptent des attitudes de domination, d’indépendance, de force, d’agressivité, alors que ceux féminins sont sociables, ce qui explique le caractère sociable, émotif et docile des femmes (Diop Sall, 2002). Selon Parson (1937), la répartition des rôles repose sur la différenciation selon le sexe ; de ce fait, l’homme se réserve le rôle « instrumental » et la femme celui « expressif » (Dankoco, 1996). L’approche interactive qui s’appuie plus sur les réalités sociologiques et biologiques explique que les rôles ne sont pas figés, du moment que l’individu a des interactions avec le système dans lequel il évolue (Diop Sall, 2002). De ce fait, pour Rocheblave-Spendé (1969), le 62 rôle n’est qu’« un modèle organisé de conduites, relatif à une certaine position de l’individu dans un ensemble interactionnel » (Bollecker et Nobre, 2011, p.2). Les rôles de genre désignent alors, selon Morley (2004, p.69) « les catégories de rôles que l’on considère dans une société comme convenant à un homme ou à une femme ». Quatre rôles sont identifiés par Herbst (1952), différenciant les hommes des femmes, à savoir household duties, child control and care, social activities and economic activities (Davis, 1970). Selon Chirwa (2008) et AVSF (2013), Moser (1989) abonde dans le même sens et considère que les femmes remplissent trois rôles essentiels : le « rôle reproductif », le « rôle productif » et le « rôle de gestion de la communauté ». Tous ces travaux analysés nous permettent de dire que ces théories développées sur l’attribution et la répartition des rôles sont complémentaires. L’individu qui évolue dans une société se voit assigner, imposer ou s’attribuer des rôles pour être en harmonie même avec cette société. L’attribution des rôles s’effectue sur le plan socioculturel, religieux, économique et particulièrement professionnel. Chaque individu dispose ainsi d’un statut qui dépend de son sexe et du rôle qu’on lui a attribué dans la société. Pour la clarté de cette recherche, nous considérons le genre comme l’ensemble des rôles attribués socialement et culturellement aux femmes et aux hommes dans la société selon leur sexe. 

Genre, société et culture

Les rôles des hommes et des femmes sont toujours considérés comme simples et évidents, car les deux sexes « agissent en conformité avec les structures, systèmes et normes socialement établis » (Sagna, 2006, p.5). Dans la plupart des cultures, les hommes et les femmes ont des rôles différents (Diop Sall, 2005). Seulement, « la place qu’occupent les uns et les autres n’est pas absolue mais relative » (Kpakpo, 2004, p.44). Un facteur essentiel qui constitue un point de différence avec les hommes est le rôle de mère de la femme qui implique des représentations et des comportements différents (Paradas et 63 al. 2012). Au Sénégal, cette considération est inculquée à la femme dès le bas âge et son éducation est plus basée sur les pratiques religieuses et coutumières (Diop Sall, 2005). Contrairement à l’homme qui est dans la sphère publique, la femme, elle, évolue dans une sphère privée (Coquery-Vidrovitch, 2004) qui se matérialise par la gestion des travaux domestiques (Mendy, 2014), l’exécution des tâches non génératrices de revenus (Diouf et Simen, 2014), la procréation, les enfants et la famille en général, etc. Nous pouvons penser que les femmes sont prédisposées à entreprendre volontairement plus d’activités « à but non lucratif » que les hommes (Simmons et Emanuele, 2007 cités par Belghiti-Mahut et al. 2016). La femme a ainsi cette fonction « historique » de maîtresse de maison (Paradas et al. 2012). Elle représente un modèle type de femme bien défini par les sociétés à travers ses valeurs et traditions. « Les femmes sont porteuses d’identités, de valeurs et d’attentes » (Mendy, 2017, p.64). N’étant jamais au-devant de la scène, il est toujours difficile de délimiter les pouvoirs de la femme au sein de la famille (Dankoco, 1996). « La famille est l’espace de transfert des valeurs et de leur préservation, elle est aussi le lieu de préfiguration des projets de sociétés » (Kébé, 2008, p.21). La femme appartenant ainsi à la sphère domestique (Gravel, 2017) s’oriente plus vers la transmission des savoirs (Paradas et al. 2012). Jouant un rôle fondamental dans les institutions sociales et échanges sociaux (Dankoco, 1996), la femme reste une garante des traditions et des valeurs et représente ainsi une fervente défenseuse des us et coutumes. Ces rôles et responsabilités qui lui sont attribués ne lui permettent pas d’avoir un pouvoir de décision sur les conditions d’accès aux ressources pour son insertion dans l’économie (Sarr, 1999). L’homme, en revanche, se voit assigner le rôle de chef, d’autorité morale (Adjamagbo et al. 2003 ; MFFDS, 2015) sur les enfants et la femme (Kébé, 2008). Néanmoins, cette autorité est morale et non absolue. L’homme a le pouvoir économique (Adjamagbo et al. 2003) et se charge de trouver les ressources suffisantes pour subvenir aux besoins de la famille (Sall, 2012) 64 et de ce fait, évolue dans des activités productrices de revenus. Les conditions de vie des deux sexes montrent traditionnellement que la femme ne sort pas de la maison et est sous le contrôle de son mari (Adjamagbo et al. 2003), alors que l’homme évolue hors de la maison, ce qui fait sa promotion dans certaines activités politiques et décisionnaires. Les hommes et les femmes ont depuis toujours des responsabilités différentes (Ifeyinwa, 2008). L’attribution des rôles et responsabilités subit l’influence de plusieurs facteurs, parmi lesquels nous pouvons citer, entre autres, la religion. 

Genre et religion

Il est toujours difficile de parler du genre et de la religion parce que nous savons que cette dernière est très sensible et concerne la foi et la spiritualité de la personne. Cependant, il y a lieu de montrer la considération des deux sexes dans la religion pour déterminer le statut, les responsabilités et la mission de chacun. Autrefois, la femme était considérée comme un objet de plaisir et avec la liberté absolue de l’homme, il pouvait en épouser autant qu’il voulait (Kébé, 2008). Dans l’antiquité grecque, de nombreuses légendes accusaient la femme d’être la source de tous les maux (Muamba, 2003). « Les femmes étaient subsidiaires et s’il y en avait assez, on procédait à l’élimination des filles par infanticide » (Kébé, 2008, p.26). Selon Simone de Beauvoir, les religions ont beaucoup contribué à la domination masculine (Dubesset, 2008). Dans l’histoire religieuse israélienne, les femmes ont joué un rôle crucial pour le salut du peuple (Abbé Seck, 2004). D’après les propos de Moingt (2011, p.68) « l’Eglise se flatte d’avoir elle-même enseigné le respect de la femme au monde païen ou barbare, de l’avoir toujours défendu et soutenu et de professer l’éminente dignité de la femme ». Du point de vue de la religion chrétienne, la femme a toujours eu une place déterminante au même titre que l’homme. Selon Abbé Seck (2004, p.12), « l’homme et la femme ont été créés jumeaux et donc égaux par nature et par essence ». L’Eglise montre l’importance qu’on accorde à la femme à 65 travers une femme modèle qui est Marie, mère de Jésus, qu’elle voit comme une femme qui a pu combiner chasteté et maternité (Moingt, 2011). En revanche, des figures importantes comme saint Augustin, saint Thomas d’Aquin et Martin Luther n’ont pas eu une grande considération à l’égard de la femme réduite exclusivement à son rôle d’enfantement (Diouf, 2009). Comme la religion chrétienne, celle musulmane définit les rôles et les responsabilités de chaque sexe et de leurs rapports pour régler les pratiques sociales malsaines et d’assurer le bienêtre. Dans le Coran, les hommes et les femmes sont au même pied et doivent se soumettre aux mêmes obligations et exigences des lois islamiques, notamment les responsabilités religieuses, sociales et patriotiques (Sagna, 2006). Pendant la période pré-islamique, la femme n’avait pas de statut juridique (Kébé, 2008) et les filles étaient enterrées vivantes dès leur naissance (Lô, 2019). Avec l’islam, la femme a retrouvé sa dignité d’être humain et ses droits reconnus (Rapport de l’atelier- conférence, 2002). Sa situation dans l’islam reste parmi les sujets les plus délicats, même s’il lui a attribué divers droits (Salman et al. 2012) et restitué sa dignité (Kébé, 2008). D’ailleurs, on attribue en partie à l’islam la faiblesse de la femme par rapport à l’homme (Sall, 2012), le symbole même de l’oppression de la femme, d’après certains (Diouf, 2009). Elle est subordonnée à l’homme, particulièrement pour les affaires familiales (Sagna, 2006). Dans les confréries musulmanes sénégalaises, les femmes proches du leader religieux (mère et sœur) jouent un rôle de « Lingeer » (Sow, 1997). Dans les religions traditionnelles sénégalaises, les femmes jouaient un rôle important (Dankoco, 1996). Ce dernier montre que chez les Lébou, la femme assume le rôle d’officiant et organise les cérémonies religieuses, de même que chez les Joola où la femme reste gardienne et responsable des fétiches.

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE :FONDEMENTS THEORIQUES ET EMPIRIQUES DE LA RECHERCHE
CHAPITRE 1 : COMPRENDRE LA PERFORMANCE COMMERCIALE PERÇUE DES PME A TRAVERS
LE GENRE ET LA CAPACITE D’INNOVATION MARKETING
Section 1 : L’approche par les ressources et compétences : source de performance chez les PME
Section 2 : Le genre : un concept ambigu
Section 3 : L’innovation marketing : un levier déterminant pour les PME
Section 4 : Performance commerciale perçue, genre et capacité d’innovation marketing : quels liens ?
CHAPITRE 2 : REALITES ET DYNAMISME DES PME/TCFL AU SENEGAL : ANALYSE DE LA
PERFORMANCE COMMERCIALE PERÇUE A TRAVERS LE GENRE ET LA CAPACITE
D’INNOVATION MARKETING
Section 1 : Présentation du secteur agricolE
Section 2 : Les PME agroalimentaires sénégalaises
Section 3 : Fondements empiriques
Section 4 : Hypothèses et modèle de recherche155
DEUXIEME PARTIE : METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE, PRESENTATION, INTERPRETATION
ET DISCUSSION DES RESULTATS
CHAPITRE 3 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE
Section 1 : Positionnement épistémologique et méthodes de recherche
Section 2 : Approches méthodologiques de la recherche
Section 3 : Opérationnalisation des concepts du modèle d’analyse : la pertinence de l’étude exploratoire
Section 4 : Opérationnalisation des concepts du modèle d’analyse : vers une validation empirique
CHAPITRE 4 : PRESENTATION, INTERPRETATION ET DISCUSSION DES RESULTATS DE LA RECHERCHE
Section 1 : Description et analyse de l’échantillon
Section 2 : Test des hypothèses
Section 3 : Interprétation et discussion des résultats
Section 4 : Contributions, limites et voies de recherche
CONCLUSION GENERALE

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