Etude de la délivrance d’antigènes dans les voies aériennes en utilisant des nanoparticules de maltodextrine lipidées

L’échelle nanométrique est la plus petite échelle d’organisation entre plusieurs atomes. Elle est constituée d’une multitude d’objets de formes, de compositions, d’origines et de rôles différents, appelés nano-objets. La norme ISO/TS 80004-2:2015 définit les nano-objets comme des objets dont au moins une des dimensions est comprise entre 1 nm et 100 nm. Un objet ne possédant qu’une dimension nanométrique est nommé nanoplaque. Pour 2 dimensions on parle de nanofibres et pour 3 dimensions on utilise le terme de nanoparticules (NPs) (Figure 1). On peut séparer les NPs naturelles des NPs synthétiques. Les premières sont organiques (composés dérivés du carbone) ou inorganiques (minéraux…), et les secondes sont créées par l’activité humaine, de manière involontaire par la dégradation (produits de combustion…) ou de manière volontaire en laboratoire, pour étudier leur toxicologie ou pour chercher des applications potentielles. La prise en compte de cette échelle a débuté à la fin des années 50 avec les avancées faites dans le domaine de la miniaturisation. Le désormais célèbre discours “There is plenty of room at the bottom”, prononcé par Richard Feynman en 1959 lors d’une conférence à l’American Physical Society, est considéré comme le point de départ de la recherche autour de ces nano-objets. Par la suite, d’autres évènements clés comme l’invention en 1981 du premier microscope à effet tunnel, capable d’observer les structures atomiques de surfaces conductrices, ont ouvert les champs d’études de l’échelle nanométrique.

Les NPs naturelles et synthétiques peuvent être discrètes et individuelles, appelées « particules primaires », ou être le fruit de l’agrégation de plusieurs particules pour former un amas homogène. On parle alors de « particules secondaires » .

La découverte et la compréhension du rôle des NPs dans leur comportement avec la matière et le vivant constituent les nanotechnologies. Ce terme a été utilisé pour la première fois en 1986 par le physicien Eric Drexler et s’est depuis largement démocratisé. Les nanotechnologies consistent aujourd’hui en l’étude, la fabrication et l’utilisation de ces particules et des propriétés qui leur sont associées pour des applications très diverses, parmi lesquelles la médecine, l’électronique et l’alimentation.

Les NPs possèdent des caractéristiques physico-chimiques singulières liées à leur taille, qu’il est possible d’exploiter dans ces différents domaines cités.

La fabrication d’une nanoparticule d’un matériau donné permet d’augmenter le rapport surface sur volume (S/V) de ce dernier, ce qui a un impact sur ses propriétés physicochimiques. Par exemple, les nanoparticules d’or de diamètre inférieur à 5 nm ont une température de fusion proche de 500°C alors que celles de diamètres supérieurs à 20nm dépassent les 1000°C (1). De même, les nanotubes de carbone, constitués de nanoplaques de graphène repliées en tube, dont le diamètre peut varier de 0,4 nm à 100 nm, donnent aux matériaux des propriétés de résistance jusqu’à 100 fois plus importantes que l’acier, bien que 6 fois plus léger (2). Ces découvertes révolutionnaires trouvent des applications dans de nombreux domaines.

La taille des NPs peut influencer leurs propriétés optiques. En effet, la lumière UVvisible possède une longueur d’onde d’ordre nanométrique. Ainsi, quand un faisceau incident de lumière blanche rencontre une NP métallique, le nuage électronique de cette dernière pourra soit absorber la partie du faisceau dont la longueur d’onde est proche de son diamètre (effet plasmon) et ainsi modifier la couleur du rayon réémis, soit être excité et fluorescer. Les quantum dots (QD) qui sont des NPs de métaux semiconducteurs en sont l’exemple le plus représentatif, car la longueur d’onde de la fluorescence réémise va dépendre directement du diamètre de ces NPs (3).

Les particules de taille nanométrique vont enfin avoir des interactions nouvelles avec les tissus biologiques. Les NPs ont une dimension inférieure à celle des cellules, avoisinant celle d’une membrane plasmique (environ 7,5 nm) ou des jonctions serrées (100 nm à 500 nm) ce qui leur permet de pénétrer les tissus en profondeur par passages intercellulaires et transcytose, et de rentrer dans les cellules par différentes voies, selon leur taille et leur composition, à l’inverse des particules de taille plus importante dont la progression est plus facilement freinée.

À l’influence de la taille s’ajoute celles de la réactivité chimique, de l’hydrophobicité, de la charge de surface (potentiel zêta), ou de la forme. Il est possible de combiner ces différentes propriétés pour conférer aux NPs des propriétés spécifiques et uniques en vue d’utilisations précises.

Malgré l’immense variété de matériaux à partir desquels des NPs peuvent être fabriquées (organique, inorganique, mixtes), leur synthèse peut s’effectuer par trois approches principales : la top-down qui consiste à réduire la taille d’un objet ou d’un polymère macroscopique, la bottom up qui se réalise en agglomérant des atomes ou molécules entre elles (NPs métalliques, lipidiques, protéiques…) et la purification de NPs naturellement existantes . L’objectif d’une synthèse est d’obtenir des NPs stables dans le temps et dans leur condition d’utilisation, ayant une taille homogène et maîtrisable, avec le meilleur rendement possible. Par ailleurs, le souhait de réaliser des particules safe by design et à partir de chimie « verte » est de plus en plus accentué en vue des nombreuses applications potentielles.

La nanomédecine est l’utilisation des nanotechnologies appliquée à la recherche médicale, et se base sur le concept de la magic bullet théorisé par le Prix Nobel de médecine de 1908, Paul Ehrlich. En partant de ses travaux sur l’arsenic antimicrobien, il statuait lors d’un discours qu’il faudrait inventer des vecteurs capables de délivrer un médicament précisément sur son site d’action, permettant ainsi de limiter les effets secondaires. Les NPs ont depuis ce jour tenté de répondre à ce défi grâce à leur capacité d’associer des substances actives et de les protéger in vivo de la dégradation, à pénétrer les tissus, à reconnaître des cellules cibles et à délivrer les médicaments sous forme biologiquement active. Ainsi ont émergé les premiers nanomédicaments, focalisés en premier lieu sur l’amélioration des agents diagnostiques et thérapeutiques anti-cancéreux. En effet les médicaments chimio thérapeutiques sont des molécules cytotoxiques visant à ne détruire que les cellules cancéreuses, mais dont la distribution systémique induit d’importants effets secondaires par destruction des tissus sains. La doxorubicine liposomale (Doxil®) fut ainsi le premier nanomédicament thérapeutique commercialisé, en 1995, avec une délivrance plus importante du médicament au niveau des tumeurs et une toxicité cardiaque significativement diminuée (4). D’autres nanomédicaments développés en vue de diminuer la toxicité et d’améliorer l’efficacité des traitements déjà existant furent mis sur le marché à la fin des années 90 avec notamment la daunorubicine liposomale (DaunoXome®, anticancéreux accepté en 1996), la cytarabicine liposomale (DepoCyt®, agent antinéoplasique accepté en 1999) et l’amphotéricine B liposomale (Ambisome®, antifongique accepté en 1999) (5). On compte aujourd’hui une cinquantaine de nanomédicaments sur le marché.

Il est commun de classer les nanoparticules utilisées en nanomédecine selon leur composition physicochimique. Ci-après sont détaillées les principales particules utilisées en nanomédecine. On distingue ainsi les particules organiques (lipidiques, polymériques, les dendrimères, les particules virales) et les particules inorganiques.

Les liposomes sont des NPs synthétisées à partir de phospholipides amphiphiles qui s’organisent en bicouche lipidique avec un cœur aqueux, à la manière des membranes cellulaires. Ces NPs ont été développées dans les années 60, au départ comme modèles biologiques de membranes plasmiques (7), et furent les premières à avoir été développées pour améliorer la pharmacocinétique de médicaments. C’est pour cette raison que les premiers nanomédicaments sont des formulations liposomales. Les liposomes peuvent être synthétisés par différentes méthodes (injection éthanolique, hydratation de films lipidique, microfluidique…) ce qui permet de modifier à façon leur diamètre (15 nm-20 µm) et leur structure vésiculaire. On distingue alors, comme le montre la Figure 5, les liposomes de petite taille et unilamellaires (small unilamellar vesicles ou SUV), les liposomes multilamellaires (multilamellar Vesicle ou MLV), les liposomes unilamellaires de grande taille (large unilamellar Vesicle ou LUV) et les liposomes unilamellaires géants (giant unilamellar Vesicle ou GUV). Il est possible de modifier le comportement des liposomes en variant leur composition en phospholipides : l’ajout de lipides ayant différents taux d’insaturation et différentes longueurs de chaînes d’acides gras ou l’addition de cholestérol permet par exemple de modifier leur rigidité et leur fluidité, là où l’ajout de phospholipides portant un e charge cationique (phosphatidylcholine, phosphatidyléthanolamine…) permet d’ajouter des charges positives en surface du vecteur, favorisant à la fois la stabilité colloïdale, l’association d’antigènes anioniques, ainsi que la délivrance intracellulaire par des interactions électrostatiques (8). Après administration intraveineuse (IV), ces particules sont rapidement captées par les macrophages du système phagocytaire mononucléaire (clairance hépatosplénique), il peut donc être nécessaire de modifier la surface de ces vecteurs, de manière covalente ou électrostatique par ajout de polymères permettant d’améliorer la furtivité, le ciblage et la biodisponibilité (9,10). Indépendamment des modifications de surface, ces NPs sont pour l a plupart biosourcées ce qui les rend parfaitement biocompatibles. En revanche la nature des lipides utilisés peut générer de la toxicité.

Le principal avantage de ces particules est de pouvoir associer une large variété de substances actives selon leur affinité pour les lipides : les petites molécules hydrophobes peuvent s’enchâsser au sein ou en surface de la bicouche lipidique, et les macromolécules plus hydrophiles comme les peptides peuvent être encapsulées dans le cœur hydrophile ou en surface de la bicouche. L’association peut être effectuée pendant la synthèse (in process) ou après (post-loading). Le processus de synthèse de nanomédicaments liposomaux peut être transposable à grande échelle ce qui facilite le passage en phase clinique. En revanche l’association de médicament peut déstabiliser la structure de la particule, diminuant sa stabilité. Dès lors l’utilisatio n de surfactants souvent toxiques peut s’avérer nécessaire .

Table des matières

PARTIE I : INTRODUCTION GENERALE
1. Nanoparticules et Nanomédecine
1.1. Les nanoparticules
1.2. La nanomédecine
1.3. Les nanoparticules utilisées en nanomédecine
1.4. Endocytose des NPs
1.5. Génération de NPs / ciblage
1.6. Conclusion intermédiaire
2. Les nanoparticules pour délivrer des vaccins par voie muqueuse
2.1. Principes généraux sur la vaccination
2.2. Influence de la voie d’administration
2.3. Intérêt des nanoparticules dans la voie muqueuse
PARTIE II: RESULTATS
Première étude: Importance of the Phospholipid Core for Mucin Hydrogel
Penetration and Mucosal Cell Uptake of Maltodextrin Nanoparticles
Seconde étude: Cationic and reticulated maltodextrine NPs act as a pure delivery
system, to enhance the antigens immunogenicity toward airway immune cells
PARTIE III : DISCUSSION GENERALE
PARTIE IV : CONCLUSION

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