ETUDE DE LA FREQUENCE APPROPRIEE POUR LE TRAITEMENT DE MASSE AU PRAZIQUANTEL

ETUDE DE LA FREQUENCE APPROPRIEE POUR LE
TRAITEMENT DE MASSE AU PRAZIQUANTEL

Contexte et Justification 

 Contexte

 Le bassin du fleuve Sénégal est situé dans la partie Ouest de l’Afrique. Il est partagé par quatre pays à savoir la Guinée, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal (voir figure 1). La population du bassin du fleuve Sénégal estimée à plus de 9 000 000 de personnes, dont 85% vivent à proximité du fleuve [16]. Il est drainé par un fleuve long de 1800 km; le deuxième plus long de cette région de l’Afrique. Le bassin du fleuve Sénégal est divisé en trois grandes régions: le haut bassin, qui est montagneux, la vallée, et le delta, région d’une grande diversité biologique et qui abrite des zones humides. Les conditions topographiques, hydrographiques et climatologiques sont fort différentes entre ces régions, et connaissent de grands écarts de températures entre les saisons. Figure 1 : carte du bassin du fleuve Sénégal Bien que l’agriculture constitue la principale activité du bassin, l’agriculture irriguée connaît une expansion fulgurante aussitôt après la mise en eau des barrages de Diama et Manantali (1986-1988). La pêche est sans doute l’activité économique la plus importante du bassin après l’agriculture, en particulier pour les populations qui vivent à proximité du fleuve dans la vallée et le delta. L’élevage a également toujours été une activité économique majeure dans le bassin. Grâce à la capacité de charge assez élevée des pâturages au niveau des plateaux herbeux et des plaines d’inondations, les populations riveraines et plus lointaines pratiquent la transhumance et font de l’élevage extensif de bovins, caprins, et ovins [16]. Le régime d’écoulement du fleuve dépend essentiellement des pluies qui tombent dans le haut bassin en Guinée (environ 2000 mm/an). Dans la vallée et le delta, la pluviométrie est généralement faible et dépasse rarement 500 mm/an. La sécheresse des années 1970 a rendu cette situation encore plus difficile [16]. 4 L’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS) a été mise en place en 1972 par trois des quatre Etats riverains : le Mali, la Mauritanie et le Sénégal. La Guinée a rejoint cette organisation en 2006. Le mandat assigné à l’OMVS lors de sa création était, entre autres, de : Réaliser l’autosuffisance alimentaire des populations du bassin ; Améliorer leurs revenus des ménages ; Préserver les équilibres écosystémiques ; Accélérer le développement économiques des Etats membres et ; Réduire la vulnérabilité aux aléas climatiques [17,18]. C’est dans ce cadre qu’elle avait procédé, dans les années 80, à la construction et la mise en service des barrages de Diama (1986) et Manantali (1988) sur le fleuve Sénégal [19, 20], afin de promouvoir le développement des cultures irriguées (le riz en particulier) à l’échelle du bassin du fleuve Sénégal [11]. Face au spectre de la désertification qui plane dans cette région sahélienne, ces ouvrages sont considérés comme le seul espoir d’avenir d’un pays que l’on craint de voir abandonné par ses habitants [21]. En effet, l’impact de ces barrages sur les niveaux d’étiage est incontestable car les cotes qui passaient en dessous du niveau de la mer en période de faible hydraulicité (en 1983/84) se maintiennent actuellement à un niveau supérieur à 1 m [22]. 5 Les cultures irriguées se sont considérablement développées avec la plus grande disponibilité de l’eau induite par ces barrages. Sa superficie a plus que quadruplé entre 1984 et 2003 en passant de 51.619 à 211.844 ha, au rythme moyen de 8.433 ha/an [22]. En parallèle avec ces conditions favorables au développement socioéconomique, des modifications écologiques se sont intervenues rapidement dans le bassin du fleuve Sénégal, avec la prolifération des plantes aquatiques, qui constitue l’une de plus grandes modifications engendrées par le barrage anti-sel de Diama [22]. Les conséquences de ces modifications écologiques sont traduites, entre autres, par, une recrudescence des bilharzioses, qui sont devenues le souci majeur des services de santé dans cette zone [23, 14, 19]. Jusqu’ en 1989, seule la bilharziose urinaire était présente dans le Delta et la moyenne vallée du fleuve Sénégal [14, 19, 11]. L’apparition de la schistosomiase intestinale (la forme la plus redoutable des bilharzioses) dans le Delta du fleuve après la mise en opération des barrages est strictement liée à ces infrastructures [24, 25, 21 et 22]. L’augmentation progressive et l’extension de la zone de prévalence de cette forme de bilharziose sur la vallée et le haut bassin sont confirmées par plusieurs études

Justification 

Sur le plan pathologique, chaque forme de bilharziose a un impact considérable sur la santé des populations et en particulier les enfants d’âge scolaire, les adolescents et les membres de professions impliquant un contact avec des eaux infestées (les agriculteurs, les employés des travaux d’irrigation, les pêcheurs, et les femmes dans leurs tâches domestiques) [13, 27]. Les schistosomiases urinaire et intestinale entraînent un retard de croissance physique, de moindres performances cognitives donc un retard scolaire, un état nutritionnel déficient avec de multiples carences et de l’anémie. La santé reproductive est également concernée. 6 Il a été rapporté des saignements après les rapports sexuels, des grossesses extrautérines et une infertilité. Les lésions génitales induites par les schistosomiases pourraient également constituer un facteur de risque pour la transmission du virus de l’immunodéficience humaine. D’une manière générale, l’endémicité de cette maladie tropicale négligée présente un double aspect : d’une part, des nombreux programmes de lutte ont certes réussi, hier comme aujourd’hui, à réduire la mortalité, la morbidité et la transmission dans des proportions telles que l’élimination de la maladie est maintenant envisageable. D’autre part, la schistosomiase reste encore une cause majeure de mortalité et de morbidité dans divers pays, notamment en Afrique subsaharienne [13]. La prévalence de la schistosomiase a baissé de manière spectaculaire dans de nombreux pays au cours des dernières années : la Chine et l’Egypte ont obtenu une réduction de 90 % au prix d’efforts de lutte prolongés avec le praziquantel. Le Maroc a éliminé la schistosomiase urinaire en 2005 [28]. C’est probablement les résultats encourageants des traitements de masse au praziquantel, auprès de la population à risque, qui ont amené l’OMS à maintenir cette chimio-prévention dans les stratégies principales de la lutte contre la bilharziose [3]. En effet, le praziquantel est un médicament de choix pour le traitement de la schistosomiase. Sa préférence étant essentiellement motivée par ses effets indésirables minimes, son efficacité élevée ainsi que son coût raisonnable [1]. Cependant et du fait que le praziquantel n’est actif que sur les vers adultes [29, 30], le taux de transmission extrêmement élevé augmente la probabilité pour un malade d’être infecté 1 à 5 semaines avant le traitement, et donc d’héberger des parasites immatures dont on sait qu’ils sont pratiquement insensibles à ce médicament [1]. 7 Pour Sellin B. et Boudin C. [29] «plus la transmission est importante, plus les individus se réinfecteront précocement. Un sujet qui s’infecte le lendemain de la cure thérapeutique peut éliminer des œufs un mois et demi plus tard dans le cas de S. mansoni et trois mois dans le cas de S. haematobium. II faut donc répéter les cures de traitement tous les mois et demi pour S. mansoni, trois mois pour S. haematobium. L’intervalle peut être plus important quand la transmission est modérée [29]». Des études menées dans des différentes zones écologiques, dans le Monde, aux caractéristiques épidémiologiques très variées ont montré que le traitement de masse des populations affectées n’empêche pas la ré-infection, qui, 8 à 12 mois après, atteint le niveau initial d’infection [30] et qu’un retraitement à intervalles de temps réguliers permet de diminuer l’intensité de la ré-infestation, de réduire la charge parasitaire, et de maintenir un faible niveau d’infection même dans les situations où la ré-infection se fait rapidement [31]. Kahama et al. (1999) ont évalué l’efficacité du traitement par le praziquantel (40 mg/kg) sur la prévalence de la bilharziose urinaire chez des élèves au Kenya. Les résultats de cette recherche ont montré qu’à 2 mois de traitement la prévalence a chuté. Cependant, une augmentation progressive de la prévalence à partir du 6ème mois après le traitement pour atteindre des taux extrêmement élevés vers 18 mois a été soulignée [31]. En Tanzanie, les résultats de suivi après traitement au praziquantel d’une cohorte de 224 enfants infectés dans des zones de transmission modérées à fortes, ont souligné la réapparition d’œufs dans les urines six à douze mois après le traitement a été suivie par la réapparition des lésions pathologiques au bout de six mois [1]. 8 Les résultats d’une étude réalisée en 2008 au Mali (Sacko & al.) [30], sur la comparaison de l’effet de l’administration de deux doses de praziquantel (40mg/kg) à 2 semaines d’intervalle avec la même dose en prise unique, ont souligné l’efficacité de la double dose sur la réduction de l’intensité et la morbidité par rapport avec la dose unique. Des études réalisées au Sénégal oriental en 2008 par SY et al. [20] ont conclu, également, sur la nécessité d’instaurer un traitement de masse 2 fois par an, au début et à la fin de la saison de pluies au niveau des zones endémiques. Dans la zone de Richard-Toll, nous avons discuté avec la population de certains villages en juin 2012, qui ont suggérée d’organiser les traitements de masse 2 fois par un, au moins, pour diminuer la réinfectation, visible 4 à 5 mois après chaque traitement de masse annuel. L’importance de la périodicité de traitement de masse au praziquantel a été confirmée par l’OMS, qui précise que « les calendriers appropriés de traitement et de retraitement dans des conditions d’endémie particulières dépendront de divers facteurs, notamment de la durée et de l’intensité de l’exposition. L’intervalle entre deux traitements dépend essentiellement du type de transmission dans la situation d’endémie donnée [1] ». En effet, les directives de l’OMS en vigueur préconisent l’organisation d’un traitement de masse tous les 12 mois dans les zones à haut risque (prévalence de 50% et plus) et tous les 24 mois dans les zones à risque modérée (prévalence de 10 à 49%) [12]. Cependant, il convient de souligner que ces directives ont été très peu respectées dans la sous région et que le traitement de masse se fait, le plus souvent, annuellement et de manière homogène dans toutes les zones écologiques et sans tenir compte de l’intensité de l’exposition. 9 Ce constat sur la non application des directives pourrait expliquer, en partie, les amendements apportés par l’OMS en 2012 à la stratégie mondiale de lutte contre la schistosomiase, qui suggèrent, entre autres, l’organisation d’un traitement de masse deux fois par an (tous les 06 mois) si, après 5 à 6 ans de chimiothérapie préventive, les prévalences restent élevées [1]. Dans le Delta du fleuve Sénégal (BFS), où l’intensité et la transmission sont élevées [33], nous pensons que la fréquence annuelle suggérée pour le traitement de masse contre la bilharziose pourrait être inappropriée pour l’élimination de la schistosomiase et qu’un traitement de masse organisé tous les Six (06) mois pourrait donner des résultats meilleurs. Par ailleurs, en explications aux taux de guérison d’une faiblesse très préoccupante obtenus avec le praziquantel au début des années 90 sur la rive gauche du fleuve Sénégal, plusieurs hypothèses ont été évoquées : spécificité de la situation épidémiologique de la vallée du fleuve qui se caractérise par une transmission continue et intense, fortes charges parasitaires des patients, courte durée de réinfection, et sous dosage du médicament. Dans le but de vérifier cette dernière hypothèse, le praziquantel a été administré à la dose de 60 mg/kg en deux prises espacées de 8h, mais cette augmentation de la dose à 60 mg/kg n’a pas amélioré sensiblement les taux de guérison [34]. Par contre, aucune hypothèse concernant la fréquence de traitement de masse n’a été soulevée, bien que les recherches réalisées sur les gastéropodes infectés, recueillis dans la région du foyer sénégalais ont démontré qu’une telle résistance était en grande partie due à la lenteur de la maturation de l’isolat sénégalais [34]. D’autres arguments importants, nous ont conforté dans notre hypothèse sur la nécessité de réduire les intervalles entre les traitements de masse dans le Delta du fleuve Sénégal : d’une part le fait que les lésions les plus graves provoquées par les œufs apparaissent au cours du stade précoce de l’infection et par là l’importance d’un traitement plus fréquent dans les zones à hautes transmission et d’autre part, le fait que les médicaments antiparasitaires sont absolument sans danger, ne provoquent aucun effet secondaire notable et bien supportés par les enfants [35]. 10 Il est important, également, de souligner que les données sur l’efficacité du praziquantel sont très nombreuses, mais les recherches sur la fréquence appropriée des traitements de masse sont rares. L’importance de la chimio prévention dans la lutte contre la bilharziose, nous a encouragés également, à réaliser une étude qui consiste à comparer la prévalence de la bilharziose à l’intérieur d’une zone écologique de haute transmission où on organisera des traitements de masse sur des sites différents à des intervalles variés.

Table des matières

INTRODUCTION
1. Contexte et Justification
2. Objectifs
CHAPITRE I : GENERALITES SUR LES BILHARZIOSES
I. DEFINITION
II. EPIDEMIOLOGIE
1. Espèces parasitaires et répartition géographique de la schistosomiase.
2. Cycle parasitaire
3. Transmission et morbidité
4. Données épidémiologiques de base pour la lutte
5. Réservoir de parasites
6. Facteurs de risque pour les bilharzioses
III. PHYSIOPATHOLOGIE ET ANATOMOPATHOLOGIE
IV. CLINIQUE
V. DIAGNOSTIC
1. Diagnostic indirect
2. Diagnostic direct
3. Examens complémentaires non biologiques
VI. TRAITEMENT
1. Praziquantel
2. Action du traitement sur la morbidité
VII. MESURES DE LUTTE CONTRE LA SCHISTOSOMIASE
1. Traitement médicamenteux périodiqu
2. Eau potable et installations d’assainissement
3. Education pour la santé et l’hygièn
VIII. L’EAU ET LES BILHARZIOSES
CHAPITRE II : POPULATIONS ET METHODOLOGIE.
I. CADRE D’ETUDE
II. TYPE ET PERIODES DES ETUDES
III. POPULATION DES ETUDES
IV. COLLECTE DE DONNEES
V. ANALYSE DES DONNEES
VI. ASPECTS ETHIQUES
CHAPITRE III : RESULTATS
ETUDE 1 : Évaluation de la prévalence des bilharzioses auprès des enfants de 5 à 14 ans
après plusieurs années de traitement de masse dans le bassin du fleuve Sénégal
1. Résumé
2. Manuscript
ETUDE 2 : Évaluation de l’efficacité d’une homogénéisation de la fréquence des traitements
de masse par praziquantel contre la schistosomiase urinaire dans le bassin du fleuve Sénégal
1. Résumé
2. Manuscript
ETUDE 3 : Evaluation de l’efficacité d’un traitement de masse semestriel au praziquantel
dans les zones à haute transmission du bassin du fleuve Sénégal
1. Résumé
2. Manuscript
CHAPITRE IV : DISCUSSION GENERALE
I. DISCUSSION GENERALE
CHAPITRE V : CONCLUSION GENERALE
I. CONCLUSION GENERALE
CHAPITRE VI : RECOMMANDATIONS GENERALES ET PERSPECTIVES
I. RECOMMANDATIONS GENERALES ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXE

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