Etude de l’inhibition d’une enzyme peu spécifique, la pepsine par un peptide fluoré l’Ac-Ala-Phe-(R)-Tfm-Ala-Ala-NH2

 Etude de l’inhibition d’une enzyme peu spécifique, la pepsine par un peptide fluoré l’Ac-Ala-Phe-(R)-Tfm-Ala-Ala-NH2

La présence d’atomes de fluor et, en particulier, du groupement trifluorométhyle, en des positions stratégiques de peptides peut augmenter leur résistance métabolique (voir paragraphe 2.2. du chapitre I). Ceci a ainsi déjà été démontré par l’équipe de Koksch en 1997 dans le cas d’une étude de résistance à l’hydrolyse enzymatique par la chymotrypsine.9 Les auteurs ont testé et comparé l’hydrolyse d’un panel de peptides comportant différents aminoacides αtrifluorométhylés autour du site de clivage de l’enzyme (positions P1, P2, P3, P1’ et P2’). Il s’est alors avéré que l’hydrolyse des peptides substitués en positions P2, P2’ et P3 était considérablement diminuée par rapport à leur analogues non fluorés. Pour notre part, nous souhaitons étudier la résistance métabolique de peptides fluorés visà-vis d’une enzyme peu spécifique, la pepsine. L’étude mise en œuvre consiste à mesurer et comparer les vitesses d’hydrolyse d’un peptide comportant une alanine α-trifluorométhylée par rapport à son analogue non fluoré comportant une alanine. 1) La pepsine La pepsine est une enzyme du suc gastrique découverte par Theodor Schwann en 1833172 et appartenant à la famille des aspartyle protéases (Figure 63). Elle est stockée sous forme de proenzyme inactive, le pepsinogène, dans les cellules principales de l’estomac.173 Au moment de la digestion, le pepsinogène est excrété dans l’estomac où il est hydrolysé en pepsine sous l’action de l’acide chlorhydrique provenant des cellules pariétales de la muqueuse gastrique. Figure 63 : Structure de la pepsine La pepsine est une endoprotéase peu spécifique mais qui hydrolyse de préférence les liaisons peptidiques à proximité d’aminoacides à chaînes latérales hydrophobes, plus particulièrement aromatiques (Tyr, Trp, Phe). L’hydrolyse par la pepsine est de plus favorisée si un aminoacide soufré se trouve proche de la liaison peptidique hydrolysée. Son pH optimum d’action se situe entre 1,8 et 4,4 et elle devient inactive à partir d’un pH de 6,5 par l’action des bicarbonates alcalins du suc pancréatique.174 Comme pour toutes les enzymes de la famille des aspartyle protéases, le mécanisme catalytique de clivage le plus communément admis fait intervenir un mécanisme général de type acide/base impliquant la coordination d’une molécule d’eau entre deux résidus aspartate hautement conservés (Schéma 110). 175,176 Un aspartate active la molécule d’eau qui peut alors réagir sur le carbonyle de la liaison peptidique à hydrolyser. Après protonation, il y a perte de la molécule d’eau ce qui entraine le clivage de la liaison peptidique.

Digestion enzymatique de peptides fluorés

Afin d’étudier et de comparer l’hydrolyse de peptides α-trifluorométhylés par rapport à un analogue non fluoré, nous avons choisi de synthétiser la séquence Ac-Ala-Phe-(R)-α-Tfm-AlaAla-NH2 (S,S,R,S)-24 ainsi que l’analogue non fluoré Ac-Ala-Phe-Ala-Ala-NH2 (S,S,S,S)-39 qui incorpore une alanine à la place de l’α-Tfm-Alanine (Figure 64). Ces peptides comportent des résidus aliphatiques alanine ainsi qu’une phénylalanine aromatique, susceptibles d’être reconnus par la pepsine. Cette enzyme étant une endoprotéase peu spécifique, chaque position est susceptible d’être clivée. Notre étude consiste alors à analyser et comparer la vitesse d’hydrolyse de ces deux peptides par l’enzyme pepsine porcine, afin d’étudier l’effet qu’engendre la présence du groupement trifluorométhylé sur la digestion du peptide.

Matériel et méthode

La digestion des peptides (S,S,R,S)-24 et (S,S,S,S)-39 est effectuée en bain thermostaté à température fixe de 37 °C par une solution de pepsine issue de muqueuse gastrique d’origine porcine à 4 g/L dans du HCl à pH 2, pH optimal de fonctionnement de la pepsine. La concentration en peptides est de 10 mmol/L dans une solution de HCl à pH 2. Les solutions de pepsine et de peptide sont alors mélangées, la solution résultante étant diluée cinq fois. Afin de mesurer la vitesse d’hydrolyse enzymatique, des échantillons de 20 µL sont prélevés à intervalles de temps réguliers et la réaction enzymatique est stoppée par ajout d’une solution de soude à pH 12, ce qui inhibe le fonctionnement de l’enzyme. Les échantillons sont finalement analysés par UPLC couplée à un détecteur de masse afin d’observer les fragmentations. Ces mesures permettent ainsi d’apprécier la vitesse à laquelle les peptides sont digérés. 

Synthèse des peptides

Les peptides (S,S,R,S)-24 et (S,S,S,S)-39, acétylés en position N-terminale et amidifiés en position C-terminale ont été synthétisés manuellement sur support solide en utilisant une résine amide Rink permettant de libérer, après clivage, les peptides sous forme amide (Figure 65). Figure 65 : Résine de Rink 

Synthèse du peptide Ac-Ala-Phe- Ala-Ala-NH2 (S,S,S,S)-39

La synthèse du peptide (S,S,S,S)-39 a été réalisée sur support solide à l’aide d’une résine amide de type Rink. Le greffage des différents acides aminés s’effectue par activation des fonctions acides de cinq équivalents d’aminoacides par du HATU en présence de DIPEA. Après chaque phase de couplage d’une durée d’une heure, l’amine N-terminale du peptide en croissance est déprotégée de son groupement Fmoc par traitement à la pipéridine (20% dans du DMF). L’efficacité des différentes étapes de couplage et de déprotection est vérifiée par microclivage et 177 Delaroche, D.; Aussedat, B.; Aubry, S.; Chassaing, G.; Burlina, F.; Clodic, G.; Bolbach, G.; Lavielle, S.; Sagan, S. Anal. Chem. 2007, 79, 1932-1938. Chapitre IV : Conséquences des Interactions Peptides Fluorés-Protéines sur l’Inhibition de Processus Biologiques 204 analysée par masse couplée à un appareil d’UPLC afin de s’assurer de la présence du peptide en cours de synthèse. La dernière étape d’acétylation est réalisée après déprotection du groupement Fmoc à l’aide d’anhydride d’acétique et de pyridine dans du DMF.150 Le clivage du peptide, réalisé au moyen de TFA à 95%, de triisopropylsilane (TIS) à 2,5% et d’eau à 2,5% fournit le tétrapeptide (S,S,S,S)-39 non fluoré après purification par HPLC semi-préparative avec un rendement de 15% (Schéma 111). Schéma 111 Ce faible rendement en produit (S,S,S,S)-39 isolé s’explique par des difficultés importantes de solubilité dans le système d’éluants utilisés (eau et acétonitrile en présence d’acide trifluoroacétique à une concentration de 0.1%). 

Synthèse du peptide fluoré Ac-Ala-Phe-(R)-α-Tfm-Ala-Ala-NH2 (S,S,R,S)-24

La synthèse du peptide (S,S,R,S)-24 a précédemment été décrite au chapitre II (Schéma 92). Ce peptide incorporant une (R)-α-Tfm-Alanine en milieu de chaîne, la stratégie classique de couplage peptidique sur phase solide, qui consiste à additionner les différents aminoacides les uns après les autres de l’extrémité C-terminale vers l’extrémité N-terminale n’était pas envisageable car la réactivité de la fonction amine de l’α-Tfm-Alanine est fortement diminuée. C’est pourquoi un bloc dipeptidique Fmoc-Phe-(R)-Tfm-Ala-OtBu (S,R)-21, a préalablement été synthétisé en solution, dans les conditions de couplage ayant précédemment été optimisées, et incorporé dans la séquence peptidique en cours de croissance (Schéma 92). L’étude de résistance métabolique à la pepsine de ces deux peptides (S,S,S,S)-39 et (S,S,R,S)-24 a alors été réalisée. 

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