Étude du fonds François Guiguet (1860-1937), portraitiste

Étude du fonds François Guiguet (1860-1937),
portraitiste

Apprentissage. Du Dauphiné à l’École nationale des Beaux-Arts de Paris

 Auguste Ravier (1814-1895), paysagiste François Guiguet est né le 8 janvier 1860 dans la maison familiale du « Grimaud » à Corbelin dans le nord de l’Isère. Il est le cinquième d’une famille de douze enfants. Son père est menuisier et travaille en famille. Comme ses frères aînés, l’adolescent est apprenti dans l’atelier qui jouxte la maison. Sa vocation d’artiste n’est pas affirmée même s’il dessine très tôt des dessins techniques propres à la menuiserie et à la mécanique, quelques portraits des membres de sa famille et la maison du Grimaud : « Le soir sous la lampe, les assiettes enlevées, je dessinais avec ardeur. Le fait de fixer des lignes, d’exprimer des attitudes me donnait une ivresse. Le dimanche, je me perdais dans la campagne et avec mes crayons et du papier, je tentais de voler aux paysages environnants un peu de leur rythme » 19 . La tradition orale familiale indique que le médecin de famille, le docteur Gauthier, impressionné par la facture de ses dessins, suggère à ses parents de prendre conseil auprès du peintre paysagiste Auguste Ravier, vivant à une dizaine de kilomètres, à Morestel. La famille ne s’y oppose pas20 . La date exacte de leur rencontre est inconnue – probablement au printemps 1877 – mais elle peut être confortée par la lettre que Ravier écrit à son ami le peintre Henri Blanc-Fontaine (1819-1897) : « Il n’a jamais rien appris. […] Il rabote toute la semaine. Le dimanche il fait des dessins qui ressemblent à des Millet et des peintures naïves qui ressemblent à des Courbet. […] Il a 17 ans ; je tâche de lui être utile comme je puis »  . Cette rencontre est déterminante pour l’avenir du jeune homme. Ravier lui dispense des conseils sur le paysage, la composition, les valeurs et le dessin. 19 Tancrède de Visan, « François Guiguet ou le crayon patient », Notre carnet Organe des Salons Lyonnais et des Châteaux du Sud-Est, 25 septembre 1925, n°41, p. 4. 20 Destiné par ses parents à embrasser la carrière de notaire pour reprendre une tradition familiale perdue, Auguste Ravier avait dû persévérer pour les convaincre de le laisser devenir peintre. Le frère cadet de Guiguet, Jules (1861-1913) intègrera aussi l’École des Beaux-Arts et, installé à Grenoble, deviendra un ébéniste réputé. 21 Lettre du 23 décembre 1878. Copie tapuscrite transmise par Maurice Wantellet conservée dans le fonds AFG ; original fonds Blanc-Fontaine, archives privées. 19 De cette époque date la petite étude à l’huile représentant un paysage de la campagne dauphinoise conservée dans le fonds MFG22 (vol.2, p.5). Cette œuvre, dédicacée et offerte à son Maître, lui reviendra à la mort de ce dernier. D’autres dessins témoignent de cet apprentissage23 (vol.2, p.6,7). Ils sont des copies de dessins de Ravier. Guiguet a pris soin de les annoter « d’après Ravier ». Certains d’entre eux reprennent la forme ovale que Ravier utilisait pour ses paysages24 (vol.2, p.8) ; d’autres, à l’huile, adoptent la touche en hachures caractéristique de Ravier. Guiguet se souvient : « Ravier regardait par-dessus mon épaule. Lorsque j’eus terminé, il prit mon papier, le retourna et refit mon paysage. J’ai gardé cette précieuse feuille dessinée au recto et au verso ». Leur relation semble donc privilégiée : compte tenu de la personnalité de Ravier, retiré du monde et pratiquant la peinture en toute indépendance, Guiguet peut être considéré comme son seul élève. Lui-même le revendique d’ailleurs comme son « premier Maître » 26 : « Ç’a [sic] été pour moi une extraordinaire bonne fortune de le connaître ; il a décidé de ma carrière en m’encourageant dans mes premiers essais ; il m’a, par ses conseils, préservé de bien des défaillances ; son esprit élevé a laissé en moi une trace ineffaçable. J’ai la plus grande admiration pour le peintre lumineux et le dessinateur incomparable » , rapporte-t-il à Félix Thiollier28 (1842-1914) dans une lettre du 31 août 1899. Dans la publication posthume que ce dernier consacre à Ravier, Guiguet grave le portrait de son Maître d’après une photographie réalisée par Thiollier, lorsque le peintre venait chez lui à Verrières dans le Forez29 (vol.2, p.9). Si par la suite, François Guiguet délaisse le genre du paysage au profit du portrait, il faut souligner l’importance cruciale de l’enseignement de Ravier, tant sur le plan pictural que dans la manière de concevoir la peinture et le métier de peintre. Dans ses carnets, Guiguet consigne les aphorismes du paysagiste : « Il faut savoir chanter juste, avant de chanter fort» ou    Brouillon de lettre de François Guiguet à Camille Mauclair, sans date, fonds AFG. 27 Félix Thiollier, Auguste Ravier peintre, 1814-1895, portraits de l’artiste et très nombreuses reproductions de ses dessins et de ses croquis, Saint-Étienne, Imprimerie Théolier, réédition d’après l’original de 1899, Sorbiers, Imprimerie Freynet, 1980, p.7. 28 Félix Thiollier, stéphanois, industriel, amateur d’art est également un photographe averti et prolifique. Il rencontre Ravier en 1873 et devient son ami intime. Il sera son exécuteur testamentaire. 29 Portrait d’Auguste Ravier, inv.1995.

L’eau-forte et la photographie ont été données à la

Maison Ravier en 1995. 20 « À quoi bon un habit doré s’il n’y a rien dedans ». Jusqu’à la mort de Ravier, Guiguet lui reste très attaché et revient régulièrement auprès de lui. Enfin, en 1879, convaincu par le talent de Guiguet, Auguste Ravier demande une entrevue à son père « pour une communication importante relativement à l’avenir de votre fils » 30. Ravier l’encourage à poursuivre par une formation artistique plus établie et officielle : il le recommande auprès de Michel Dumas (1812-1885), peintre et directeur de l’École nationale des Beaux-Arts de Lyon. 2/ Michel Dumas (1812-1885) et l’École nationale des Beaux-Arts de Lyon (1879-1882) Après avoir étudié à l’École nationale des Beaux-Arts de Lyon, sa ville natale, Michel Dumas a été l’élève de Jean-Dominique Ingres (1780-1867) en 1834 à Paris. « Dumas fut l’un des disciples fervents qui rejoignirent Ingres à Rome durant son directorat à la villa Médicis » 31. Dumas part à Rome en 1838. Il est un peintre d’histoire, de portraits et de paysages. En 1878, Dumas revient à Lyon et il dirige l’ENBA. Il enseigne la figure dans la classe de peinture et accueille Guiguet dans sa classe. Ce dernier « […] trouva un maître sûr, dévoué, savant, Michel Dumas qui, sans chercher à influencer ses aspirations, le força à dessiner et à acquérir la sûreté de l’œil et de la main dans l’expression de la forme » 32 . L’enseignement d’Ingres a sans doute influencé celui de Dumas : « l’influence du dessin de l’estompe d’Orsel, chez qui il a été praticien, s’ajoute à celle d’Ingres, pour doter Michel Dumas d’un métier de dessinateur d’une extrême rigueur » 33 . On peut supposer que c’est à partir de ce moment que Guiguet délaisse le paysage, qui n’est pas enseigné à l’école, pour se tourner vers les scènes à personnages et le portrait. Dumas semble satisfait de ce nouvel élève et en informe Ravier : « J’ai bien regretté de n’avoir pu vous voir à Lyon et vous montrer les dessins de votre protégé, j’en suis très content, et je pense comme vous qu’il pourra faire l’honneur de l’École. 30 Lettre de Ravier à Joseph Guiguet, 1er mars 1879, fonds AFG. 31 Emmanuelle Amiot-Saulnier, La peinture religieuse en France, 1873-1879, Prix du Musée d’Orsay 2006, éditions Musée d’Orsay-RMN, Paris, p.64. 32 Maurice Champavier, François Guiguet, Paris, imprimerie Silvestre, 1898, p.6, fonds AFG. 33 Cf. Élisabeth Hardouin-Fugier, Étienne Grafe cité par Emmanuelle Amiot-Saulnier, op.cit., p.64. On trouve dans les archives Guiguet une copie d’après L’autoportrait d’Ingres, datée 16 juin 1879, lorsqu’il entre à l’école de Lyon. 21 Je l’ai pris dans mon atelier et j’en fais mon élève particulier. Je veux lui faire gagner les quelques années qu’il a de trop »34 . La distribution des prix de l’ENBA a lieu le 12 août 1880, fin de sa première année qui se révèle très satisfaisante35. Le procès-verbal fait apparaître la nomination de Guiguet à cinq reprises. Au concours d’essai pour le Prix de Paris, pour lequel six élèves seulement peuvent être admis à entrer en loges après concours, Guiguet se classe quatrième sur les treize qui ont travaillé sur le thème imposé d’Abel et Caïn, dans la catégorie de peinture. Pour le grand concours de la peinture de figure d’après nature ou demi-figure de grandeur nature d’après modèle vivant, il obtient la première mention36 ; pour celui de l’esquisse peinte en un jour dont le sujet est Acis et Galathée, Acis fils de Faune, une première mention lui est aussi décernée37 ; pour le concours du dessin de la figure d’après modèle vivant, il obtient le premier prix, une médaille d’or ex-aequo38 . Enfin, le Conseil d’administration et les professeurs lui ont accordé une troisième mention aux concours mensuels de peinture et dessin de la figure39 . Outre la reconnaissance de son talent, ces récompenses permettent à Guiguet de se faire connaître auprès de deux personnalités importantes qui lui apporteront leur soutien : Édouard Aynard (1837-1913), Vice-président du Conseil d’administration de l’école, et Albert Kaempfen (1826-1907), Inspecteur des Beaux-Arts auprès du Ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts40 . Les relations avec Dumas sont cordiales et même amicales puisque le professeur l’invite à dîner en compagnie du statuaire Jean Bonnassieux (1810-1892)41 : « je vous 34 Lettre de Michel Dumas à Ravier, 5 juin 1879, Archives de la bibliothèque d’étude et de recherche de Grenoble, cote R9804. À son arrivée, Guiguet à 19 ans or l’admission à l’ENBA de Lyon se fait à l’âge de 14 ans. Cf. Nelly Gabriel, Histoires de l’École nationale des Beaux-Arts de Lyon, édition Beau-fixe avec le concours de l’ENBA de Lyon, 2007, p.42. 35 Pendant l’exercice 1879-1880, l’ENBA et les écoles municipales de Lyon comptaient 709 élèves dont 116 inscrits (95 en moyenne de présence) pour la seule ENBA. Cf. Procès-verbal de la distribution des prix pour l’année scolaire 1879-1880 aux élèves de l’École nationale des Beaux-Arts et des écoles municipales de dessin de la ville de Lyon, 1880, Lyon, imprimerie J.Gallet, p. 8, fonds AFG. 36 Pour ce concours, il existe 6 récompenses : 1 er prix (médaille d’or), le 2e prix (médaille de vermeil) et le 3e prix (médaille d’argent) suivis de la 1ère, 2e et 3e mention. Cf. Procès-verbal, op. cit., p. 31, fonds AFG. 37 Quatre récompenses pour ce concours : 1er prix (médaille de vermeil), 2e prix (médaille d’argent), 1ère et 2e mention. Cf. Procès-verbal, op. cit., p. 31, fonds AFG. 38 La médaille d’or est suivie par le 2e prix (médaille de vermeil), le 3e prix (médaille d’argent), puis 1ère et 2e mention. Cf. Procès-verbal, op. cit., p.33, fonds AFG. 39 Les récompenses se répartissent ainsi : 1er prix (médaille de vermeil), 2e prix (médaille d’argent) suivis de 1ère , 2 e et 3e mention. Cf. Procès-verbal, op. cit., p.41, fonds AFG. 40 Nous y reviendrons en troisième partie. 41 Jean Bonnassieux, sculpteur, membre de l’Institut, formé à l’ENBA de Lyon. 22 présenterai et je crois qu’il vous sera utile » 42. En 1885, lorsque Guiguet présente un autoportrait pour sa première exposition à Lyon. Dumas complimente son élève : « Voilà de la peinture saine et vraie. Bravo mon cher ami, c’est le retour de l’enfant prodigue, vous n’avez qu’à marcher dans cette voie qui est la bonne » 43 . Ainsi ses études à Lyon se terminent par l’obtention du Prix de Paris en 1882. Ce prix, créé en 1875, récompense un élève dans les différents domaines enseignés. Il s’agit de désigner un élève capable de suivre avec succès les cours de l’École nationale des Beaux-Arts de Paris44. Grâce à une allocation annuelle de 1.200 francs45, Guiguet part à Paris. 3/ Alexandre Cabanel (1828-1889) et l’École nationale des Beaux-Arts de Paris (1882-1885) Les cours débutent le 15 octobre 188246 et François Guiguet s’installe au 103 de la rue Vaugirard : il y demeure jusqu’en 188947 puis rejoint la Butte Montmartre. Il s’installe au 13 de la rue Ravignan où il reste quinze années. L’immeuble où est situé son atelier/logement, qui donne sur la place, est appelé la « Maison du Trappeur » ; il portera ensuite le nom de « Bateau Lavoir ». Guiguet entre dans la classe d’Alexandre Cabanel (1828-1889), peintre d’histoire et peintre de genre, successeur d’Ingres et considéré comme le représentant de l’Académisme français. Cet ancien pensionnaire de la Villa Médicis à Rome présente au Salon de 1863 La naissance de Vénus48. L’œuvre, immédiatement acquise par Napoléon III, consacre sa reconnaissance et fait de lui le peintre officiel du Second Empire puis de la Troisième République. La même année, il intègre l’Académie des Beaux-Arts qui vient d’être réformée ; l’enseignement du dessin y conserve sa prééminence, mais des ateliers de peinture et de sculpture sont aussi ouverts. En 1864, Cabanel y est nommé professeur-chef d’un atelier de peinture : il a accueilli près de 600 élèves tout au long de sa carrière ; son atelier était un des plus importants de 42 Lettre de Michel Dumas à Guiguet, 5 septembre 1882, Lyon, fonds AFG. 43 Lettre de Michel Dumas à Guiguet, 18 janvier 1885, Lyon, fonds AFG. 44 Nelly Gabriel, op.cit., p.144-145. 45Cf. Arrêté du Ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, 12 octobre 1882, fonds AFG. Cette allocation est valable pendant trois années consécutives. 46 Cf. Lettre du Ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, 13 octobre 1882, fonds AFG. 47 Cf. Bon de déménagement de la Maison Louis Hauët, 8 avril 1889, fonds AFG. La rue Vaugirard est située dans le 6e arrondissement. 48 Conservée au Musée d’Orsay, Paris. Elle fut au cœur d’une controverse l’opposant à l’Olympia d’Édouard Manet. 23 l’école49 . Son enseignement traditionnel prépare à l’obtention du Prix de Rome. Le professeur ne se rend qu’une à deux fois par semaine dans cet atelier public50 (annexe 1, p.127) et n’aura que peu d’influence sur Guiguet : « souvent critiqué, Cabanel apparaît pourtant comme un maître apprécié, juste, ouvert et soutenant ses élèves au cours de leur carrière. […] la liste des élèves et la variété de leur production montrent que Cabanel n’a pas cherché à imposer sa manière » 51 . À cette période, Guiguet effectue son service militaire de décembre 1883 à septembre 1887 ce qui le tient relativement éloigné de l’école. Il bénéficie toutefois de permissions qui lui permettent de produire des œuvres et de présenter ses premières toiles au Salon. Respectueux de la tradition mais n’ayant jamais caché son aversion pour l’enseignement académique, Guiguet confie à Tancrède de Visan : « Je n’ai rien fait, rien appris à l’École […]. Rien n’est plus mal enseigné aux BeauxArts que le dessin, si ce n’est la peinture. Pourquoi ? Parce que les traditions sont perdues […]. Aux belles époques il y avait des ateliers, non des écoles ; il n’y avait pas des professeurs, mais un patron. La peinture et le dessin ne peuvent être appris dans des cours publics, car le professeur n’a pas le droit de choisir ses élèves » 52 . Guiguet complète sa formation en fréquentant le Musée du Louvre, et en collectionnant les reproductions des Maîtres italiens et hollandais ; au contact d’artistes contemporains, il perfectionne son apprentissage. II / Héritage des Maîtres passés et contemporains 1 / Les dessinateurs du XVIe au XVIIIe siècle Guiguet a accordé au dessin une importance cruciale. Il précède le travail à l’huile mais il est aussi conçu de manière autonome. Ses dessins s’inscrivent dans l’histoire du portrait dessiné qui devient une spécificité française en vogue auprès de la cour et de la bourgeoisie au 49 Michaël Vottero, « L’atelier de Cabanel, la marque du maître », in Alexandre Cabanel et la grande peinture au XIXe siècle, Dossier de l’art n o 176, juillet-août 2010, p. 58. 50 Michaël Vottero, op.cit., p. 60. Tancrède Bastet (1858-1942), peintre de la région grenobloise, élève de Cabanel à Paris, a représenté l’atelier à l’époque où Guiguet le fréquente aussi. Vue de l’atelier de Cabanel, 1883, Musée de Grenoble inv. MG 1332. 51 Michaël Vottero, op.cit., p. 58. 52 Cf. Entretien accordé par François Guiguet à Tancrède de Visan, op.cit., p. 4 et 5. 24 XVIe siècle. Cette tradition est d’abord incarnée par les Clouet, père et fils. L’on considère que Jean Clouet (v. 1475/1485 – v. 1540/1541) innove en mettant en place le portrait moderne : un visage de face ou de trois-quarts, où l’expression par le regard est privilégiée, empreint de réalisme et de naturel. Le buste et les vêtements sont légèrement esquissés (annexes 2a et 2b p. 128). Le papier, au-delà de sa fonction de support, est réservé par endroit pour faire surgir la lumière d’un visage. De la même manière, l’emploi des deux ou des trois crayons le rattache aux Maîtres du XVIe siècle. Certaines études d’approche sont tracées aux deux crayons : la mine de plomb, enseignée par Ravier, ou la pierre noire d’Italie qui définit la forme et le modelé, la sanguine qui permet de suggérer la teinte de la carnation. D’autres effectuées « aux trois crayons » privilégient les effets lumineux, notamment l’éclat de la pupille, par des rehauts de craie blanche. Chez Guiguet, on remarque que les dessins de jeunesse sont parfois estompés : dans le fonds MFG, on constate cette pratique dans des académies, c’est-à-dire des études anatomiques au fusain ou à la sanguine ; les études préparatoires pour le plafond de Dracy-le-Fort illustre cette manière issue de l’ENBA (vol.2, p.11-13). Par la suite, il abandonne ce traitement au profit de lignes libres et rapides. À partir des années 1920, il systématise un dessin constitué de hachures régulières à la manière d’un graveur53, où le modelé délicat et la carnation douce obtenus restent inimitables. On peut les considérer comme de véritables œuvres abouties. Pour certains critiques, les sujets tirés de la vie quotidienne qui composent le fonds MFG se placent dans la lignée de Jean Siméon Chardin (1699-1779). Comme l’a souligné Alphonse Germain : « Guiguet est le peintre de la scène intime. Comme Chardin, il possède le don d’extraire une œuvre attachante des menus faits de la vie quotidienne, de conter des actes banals en délectables proses d’art ; et avec autant de puissance que l’auteur de la Mère laborieuse, il évoque « l’en-dedans » des êtres et ce que R. W. Emerson appelait « l’esprit des choses » »54 . 53 En 1888, il obtient une 2e médaille au Salon de Lyon pour la gravure. 54 Ralph Waldo Emerson (1803-1882), écrivain américain. Alphonse Germain, La plume, 1901, p.502. Cf. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k15605r/f523.item.r=GuiguetGuiguet%20Guiguet.zoom, consulté le 18/12/2017. 25 2/ Puvis de Chavannes (1824-1898) et la décoration murale Dès son arrivée à Paris, Guiguet fait la connaissance du peintre Pierre Puvis de Chavannes, sans doute par l’intermédiaire d’un autre lyonnais, Édouard Aynard55 . Imprégné par l’art des Primitifs italiens et le classicisme d’Ingres, Puvis de Chavannes développe une peinture allégorique. À côté de tableaux de chevalet, il travaille essentiellement à des décors monumentaux56 dont celui du Panthéon de Paris, où il compose la vie de Sainte Geneviève57 , ou celui de l’escalier du Musée des Beaux-Arts de Lyon. Il s’attache à de grands cycles historiques, mettant en scène des figures en aplats dans un paysage paisible, traduits dans une grande sobriété et une gamme colorée restreinte. Il délaisse la perspective au profit d’une composition plane ; de l’ensemble émane une atmosphère sereine et intemporelle. Puvis de Chavannes initie Guiguet à la décoration murale. Entre 1889 et 1892, ce dernier réalise deux plafonds pour l’appartement d’Antonin Dubost58 (1844-1921) : le Printemps et l’Été. À ce jour, il ne reste rien de ces décors. D’après la correspondance conservée dans les archives, Germaine Dubost (1887-1936)59 souhaite retirer ces toiles marouflées car l’immeuble été vendu ; elle demande à Guiguet comment procéder. Par ailleurs, la bibliographie60 indique que Guiguet a également réalisé une scène de vendange pour le décor d’un plafond d’une villa située à Dracy-le-Fort61. Les archives conservent une photographie sépia, insolée, qui laisse deviner une scène de vendange. Il convient de rapprocher cette photographie d’un pastel62 de grand format dont la composition évoque indéniablement l’influence de Puvis de Chavannes ; elle représente un couronnement allégorique : « le triomphe de la vigne » 63 (annexe 3, p.129 et vol.2, p.10). Dans le fonds MFG, on trouve également une centaine de petits croquis reprenant cette composition ainsi qu’une série d’études à la sanguine représentant les figures isolées qui s’y rapportent.

Table des matières

Remerciements
Avant-propos
Liste des abréviations
Introduction
FORMATION. DU PAYSAGE AUX PORTRAITS
I / Apprentissage. Du Dauphiné à l’École nationale des Beaux-Arts de Paris
1) Auguste Ravier (1814-1895), paysagiste
2) Michel Dumas (1812-1885) et l’École nationale des Beaux-Arts de Lyon
3) Alexandre Cabanel (1828-1889) et l’École nationale des Beaux-Arts de Paris
II / Héritage des Maîtres passés et contemporains
1) Les dessinateurs du XVIe
au XVIIIe siècle
2) Puvis de Chavannes (1824-1898) et la décoration murale
3) Luigi Chialiva (1842-1914) et la peinture au dégraissé p.27
III / Guiguet et les portraitistes contemporains
1) Fantin-Latour (1836-1904)
2) Eugène Martel (1869-1947)
3) Tony Tollet (1857-1953)
PRODUCTION. PORTRAITS ET COMMANDES
I/ Portraits
1) 1905 à 1914
2) 1914 à 1920
3) 1920 à 1936
II/ Commandes historiques
1) Portraits posthumes de soldats (1914-1918)
2) Projet pour le Monument aux Morts de Corbelin (1920)
CIRCULATION ET RÉCEPTION DES ŒUVRES
I / Salons et expositions
1) Premiers soutiens au sein des institutions artistiques
2) Expositions à Paris et en province
3) Expositions à l’étranger
II / Collections privées et publiques
1) Antonin Personnaz (1854-1936)
2) François Ducharne (1883-1975)
3) Collections à l’étranger
4) Achats de l’État et des musées
III / Critique et comptes rendus des Salons
1) Gustave Kahn (1859-1936) et Roger Marx (1859-1913)
2) Camille Mauclair (1872-1945) et les peintres intimistes
3) Alphonse Germain (1861-1938)
Conclusion
Sources et Bibliographie
Index des principaux noms cités
Annexes

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