Etude hydrodynamique d’une hydrolienne

Hydrolienne versus éolienne

Puisque les hydroliennes sont souvent considérées comme des adaptations d’éoliennes, il est pertinent de rappeler les différences entre un fonctionnement dans l’eau et dans l’air. Si le principe est physiquement similaire, d’importantes différences persistent. L’avantage majeur des hydroliennes est la prédictibilité de la ressource. En effet, les courants marins ont des vitesses qui peuvent être prédites avec une bonne précision. En revanche, le régime des vents garde un caractère aléatoire. Une autre remarque s’impose comme importante : les éoliennes sont dimensionnées pour résister à des vents très forts, de 50 à 60 m/s, alors que le vent moyen est de 10 à 15 m/s. En revanche, pour les hydroliennes, le contexte est complètement différent, car on ne retrouve pas l’équivalent d’une rafale de vent dans l’eau. Ainsi, l’environnement dans lequel opère une hydrolienne est très différent de celui dans lequel opère une éolienne. En effet, il existe des problèmes assez difficiles liés à l’installation, la durée de vie et la maintenance d’une hydrolienne qui doivent être impérativement résolus avant toute véritable exploitation d’un parc hydrolien.

En dépit d’une légère ressemblance avec les éoliennes, il existe une différence dans la conception d’une hydrolienne en raison de la densité plus élevée de l’eau (environ 800 fois la densité de l’air). Ainsi, pour la même puissance fournie, une hydrolienne est de taille plus petite qu’une éolienne (Figure 1.6). En conséquence, les chargements subis par la structure d’une hydrolienne sont très différents de ceux subis par la structure d’une éolienne. En effet, les efforts dus à la traînée augmentent lorsqu’on passe de l’eau à l’air, alors que les forces centrifuges diminuent. Ces deux paramètres ont une influence significative dans le dimensionnement du système. Alors que l’éolienne devra faire face à des forces centrifuges importantes, l’hydrolienne subira des contraintes de traînées importantes, impliquant un dimensionnement approfondi au niveau de son embase, souvent en forme de tripode. Le Tableau 1.1 offre une vue d’ensemble de cette comparaison, turbine dans l’eau versus turbine dans l’air, pour un diamètre équivalent (Ploesteanu (2004) [8], Amet (2009) [7] et Andreica (2009) [9]). On déduit que pour une turbine dans l’eau avec une vitesse d’écoulement de 2 m/s, le diamètre doit diminuer d’un facteur √8, par rapport à une turbine dans l’air entraînée par un vent de 10 m/s, pour conserver la même puissance extraite. Il s’avère ainsi que les différences entre une turbine dans l’eau et dans l’air sont considérables et qu’on ne peut pas tout simplement prendre une éolienne, la mettre dans l’eau et affirmer qu’on a réalisé une hydrolienne.

THEORIE DE CONVERSION DE L’ENERGIE HYDROCINETIQUE

La puissance totale contenue dans un courant d’eau est directement dépendante de la masse volumique du fluide (𝜌), de la section du tube de courant (𝐴) et du cube de la vitesse de l’écoulement amont (𝑈0), équation (1.1) : 𝑃 = 1 2 𝜌𝐴𝑈0 3 (1.1) Néanmoins, la puissance récupérée par l’hydrolienne se voit diminuée par le rendement de l’hélice, ce qui est dû aux pertes hydrodynamiques. Par conséquent, l’équation (1.1) devient : 𝑃𝑡𝑢𝑟𝑏𝑖𝑛𝑒 = 𝐶𝑝 1 2 𝜌𝐴𝑈0 3 = 𝐶𝑝 𝑃 (1.2) Le rendement d’une hydrolienne est souvent exprimé par le coefficient de puissance 𝐶𝑝 qui représente le pourcentage de puissance extractible de l’écoulement en tenant compte des pertes hydrodynamiques. Il existe une limite, issue du théorème monodimensionnel de Betz, qui indique que la valeur de 𝐶𝑝 ne peut dépasser (16⁄27), c’est-à-dire que le rotor ne peut extraire plus de 59.3% de l’énergie contenue dans l’écoulement. La théorie de Betz permet d’évaluer la puissance théorique maximale développée par une turbine à axe horizontal par rapport à la puissance incidente de l’écoulement traversant le rotor. Elle permet de prendre en compte le fait qu’une partie du tube de courant amont passe à l’extérieur de la turbine et ne peut pas, par conséquent, transférer son énergie hydrocinétique. La théorie fondamentale définissant le pourcentage de puissance extractible par une turbine à axe horizontal a été bien établie, elle peut être lue dans de nombreux ouvrages traitant l’étude des performances des éoliennes, comme celui de Burton et al. (2001) [10] ou Manwell et al. (2003) [11].

Néanmoins, on propose de reprendre en détail la théorie monodimensionnelle de Betz afin de mieux comprendre cette limite théorique qui revient régulièrement dans la quantification de la puissance extractible par une turbine à axe horizontal. Cette théorie considère que l’écoulement traverse un disque, appelé disque actionneur, qui possède des propriétés bien spécifiques pour représenter le rotor. Cependant, la turbine est supposée avoir un nombre infini de pales, chacune d’elles possédant une épaisseur infiniment mince pour représenter le disque actionneur. Parmi les hypothèses adoptées dans cette théorie, le disque actionneur n’infligera aucune traînée de frottement ou d’effet de rotation. La chute de pression est définie dans la zone du disque ; la variation de pression entre l’amont et l’aval du disque est à l’origine d’une force axiale considérée comme constante sur toute la surface du disque actionneur. On considère un rotor représenté par un disque placé dans un courant d’eau avec une vitesse à l’infini en amont 𝑈0 et une vitesse à l’infini en aval U3 (Figure 1.7). Un saut de pression de 𝑃1 à 𝑃2 s’exerce sur le disque alors que la vitesse est continue (𝑈1 = 𝑈2). Etant donné que la production d’énergie se fait au préjudice de l’énergie cinétique, il est impératif que la vitesse 𝑈3 soit inférieure à la vitesse 𝑈0. En effet, une hydrolienne freine l’écoulement qui la traverse et, par conséquent, le tube de courant traversant le rotor s’élargit (Guney (2011) [12]).

Analyse des éoliennes munies d’un carénage

Dans les années 70, des chercheurs de la Grumman Aerospace Corporation (Etats-Unis) ont obtenu, sur une éolienne tripale munie d’un carénage formé de diffuseurs en cascade, un coefficient de puissance de 1.57, soit 2.65 fois la limite de Betz. La conclusion principale était que les carénages permettent l’obtention d’un gain de puissance, dû aux forces de portance et de traînée induites par la géométrie du carénage, mais ceci au détriment de coûts supplémentaires conséquents, rendant ainsi l’ajout d’un carénage inapplicable en termes de rentabilité, Multon (2011) [17]. Igra (1981) [32] annonce que la puissance extraite par une éolienne carénée peut être 3.5 fois plus grande que celle d’une éolienne libre. Il annonce que l’éolienne carénée est plus efficace que n’importe quelle éolienne libre ayant le même diamètre. Riegler (1983) [33] a montré que le coefficient de puissance maximal pour une éolienne sous tuyère divergente est de 1.96, soit 3.3 fois la limite théorique de Betz. Riegler explique cela par le fait que le débit récupéré provient d’une région plus grande en amont par rapport à une éolienne libre. La même année, après plusieurs expériences en soufflerie, Gilbert et Foreman (1983) [34] annoncent un facteur de 4.25 pour une éolienne dotée d’un diffuseur de profil d’aile, c’est-à-dire que ce dispositif produit 4.25 fois plus de puissance en comparaison avec une éolienne libre. Hansen et al. (2000) [35] ont analysé numériquement, avec des simulations CFD, une éolienne dotée d’un diffuseur. Ils affirment que la limite de Betz peut être multipliée par un facteur proportionnel à l’augmentation du débit traversant le diffuseur. Des études approfondies ont été réalisées par Phillips et al. (2003) [36] [28] sur une éolienne carénée développée par Vortec Energy. Plusieurs modèles de diffuseurs ont été développés grâce à des simulations numériques réalisées par Phillips et al.

Le design le plus récent, illustré dans les figures Figure 1.23 et Figure 1.24, fut analysé expérimentalement dans une soufflerie et numériquement avec des calculs CFD. Les résultats numériques ont montré une surestimation de la puissance extraite en comparaison avec l’expérience. Les auteurs expliquent cette différence par la présence de zones de décollement dans le diffuseur, mal captées par le modèle de turbulence (k − ε) employé dans leur simulation. Grassmann et al. (2003) [37] [38] ont étudié numériquement et expérimentalement l’effet de l’ajout d’un système de carénage à un prototype d’éolienne libre. Leur carénage est un diffuseur constitué de deux sections aérodynamiques séparées par une rainure (Figure 1.25). Les résultats ont montré une augmentation du coefficient de puissance d’un facteur d’au moins 55% en comparaison avec le même rotor démuni de carénage. Visser (2009) [39] a analysé les performances de l’éolienne carénée développée par Wind Tamer Corporation [40]. Le carénage est constitué d’une section droite précédant un diffuseur, les deux sections sont séparées par une rainure supposée contrôler la couche limite (Figure 1.26). Les mesures expérimentales, menées en terrain réel d’opération de la turbine, ont démontré un coefficient de puissance légèrement supérieur à la limite de Betz. Ohya et al. (2008) [41] [42] ont étudié une éolienne avec un diffuseur comportant un rebord à la sortie de celui-ci (Figure 1.27). Les auteurs expliquent que la présence du rebord crée une zone de forte dépression à la sortie du diffuseur, provoquant ainsi la formation de tourbillons conduisant à une augmentation du débit passant à travers le diffuseur (Figure 1.28). Ils annoncent une augmentation de la puissance d’un facteur compris entre 2 et 5 en comparaison avec une éolienne libre.

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 : ETAT DE L’ART SUR LES HYDROLIENNES
1.1 INTRODUCTION
1.2 SYSTEMES DE CONVERSION DE L’ENERGIE HYDROCINETIQUE
1.2.1 Classement des hydroliennes
1.2.2 Hydrolienne à axe horizontal versus hydrolienne à axe vertical
1.3 THEORIE DE CONVERSION DE L’ENERGIE HYDROCINETIQUE
1.4 SYSTEME DE CARENAGE
1.4.1 Classification des systèmes de carénage
1.4.2 Principe de fonctionnement d’une turbine carénée
1.4.3 Modèles analytiques pour l’étude de turbines carénées
1.5 ETUDE DES TURBINES MUNIES D’UN SYSTEME DE CARENAGE
1.5.1 Analyse des éoliennes munies d’un carénage
1.5.2 Analyse des hydroliennes munies d’un carénage
1.6 CONCLUSION
Bibliographie
CHAPITRE 2 : ETUDE HYDRODYNAMIQUE D’UNE HYDROLIENNE
2.1 METHODES NUMERIQUES D’ETUDE DU COMPORTEMENT HYDRODYNAMIQUE DES
DES HYDROLIENNES
2.1.1 Méthode de l’élément de pale couplée au bilan de quantité de mouvement (BEMt : Blade Element Momentum Theory)
2.1.2 La méthode des éléments de frontières (BoundaryElement Method)
2.1.3 Les méthodes à solveurs RANS (Reynolds Average Navier Stokes)
2.2 THEORIE DE L’ECOULEMENT POTENTIEL
2.2.1 Équation principale
2.2.2 Conditions aux limites
2.2.2.1 Condition de glissement
2.2.2.2 Condition à l’infini
2.2.2.3 Condition de Kutta
2.2.3 Solution intégrale
2.3 METHODE DES SINGULARITES
2.3.1 Source tridimensionnelle
2.3.2 Source bidimensionnelle
2.3.3 Doublet tridimensionnel
2.3.4 Doublet bidimensionnel
2.3.5 Tourbillon
2.4 CODE POTENTIEL BIDIMENSIONNEL
2.5 CODE POTENTIEL TRIDIMENSIONNEL
2.6 HYDROLIENNE VERSUS HELICE MARINE
2.7 CALCUL ITERATIF ROTOR SOUS TUYERE
2.8 CONCLUSION
Bibliographie
CHAPITRE 3 : CONCEPTION D’UN ROTOR D’HYDROLIENNE DOTE D’UN D’UN SYSTEME DE CARENAGE RESUME EN FRANCAIS
1. INTRODUCTION
2. PRINCIPAUX TRAVAUX ET RESULTATS
2.1 Validation
2.2 Procédure de conception
3. CONCLUSION DE L’ARTICLE
4. CONCLUSION ET PERSPECTIVE
Bibliographie.
ARTICLE
CHAPITRE 4 : APPLICATION DES COMPOSITES DANS LE SECTEUR EMR
4.1 PLACE DES COMPOSITES DANS LE SECTEUR DES EMR
4.2 GENERALITES SUR LES COMPOSITES
4.2.1 Les stratifiés
4.2.2 Les structures sandwichs
4.2.3 Procédé de fabrication des stratifiés à matrice organique
4.3 CONCEPTION DES STRUCTURES COMPOSITES
4.4 LES COMPOSITES EN CONSTRUCTION NAVALE
4.4.1 Hélice marine en matériaux composites
4.4.2 Hélice de génération de puissance (hydrolienne) en matériaux composites
4.5 ENDOMMAGEMMENT DES COMPOSITES
4.5.1 Fissuration de la matrice
4.5.2 Décohésion fibre-matrice
4.5.3 Rupture des fibres
4.5.4 Délaminage
4.6 ECHELLES DE MODELISATION DES STRUCTURES COMPOSITES
4.7 MODELISATION DE L’ENDOMAGEMMENT DES STRUCTURES COMPOSITES
4.7.1 Approches fondées sur des critères d’initiation à la ruine
4.7.2 Approches basées sur la Mécanique de l’Endommagement
4.7.3 Approches basées sur la Mécanique de la Rupture
4.8 MODELISATION DES STRUCTURES COMPOSITES SOUS UN CODE ELEMENTS FINIS
FINIS
4.9 CONCLUSION
Bibliographie
CHAPITRE 5 : CONCEPTION STRUCTURELLE D’UN CARENAGE D’HYDROLIENNE
5.1 INTRODUCTION
5.2 PROJECTION DES CHARGEMENTS ET FIXATION DE LA TURBINE
5.2.1 Transfert des pressions
Interpolation spatiale
5.2.2 Conditions aux limites (fixation du carénage)
5.3 CONCEPTION D’UN CARENAGE D’HYDROLIENNE EN COMPOSITE
5.3.1 Matériaux utilisés dans la modélisation
5.3.2 Modélisation du plan de stratification de la tuyère
5.3.3 Détermination de la stratification adéquate
5.3.4 Convergence du maillage
5.3.5 Influence de la géométrie
5.4 COMPARAISON DES GEOMETRIES DE CARENAGE
5.5 ETUDE D’UNE GEOMETRIE OPTIMALE
5.5.1 Paramètres d’optimisation
5.5.2 Géométrie optimale de longeron
5.5.3 Optimisation des épaisseurs
5.5 CONCLUSION
Bibliographie.
CHAPITRE 6 : IMPACT SUR DES STRUCTURES COMPOSITES
6.1 CONTEXTE
6.2 ETAT DE L’ART SUR L’IMPACT
6.2.1 Les différentes catégories d’impact
6.2.2 Impact à basse vitesse
6.2.3 Impact à grande vitesse
6.2.4 Modes d’endommagement d’un composite suite à un impact
6.3 MODELISATION NUMERIQUE DE L’ENDOMAGEMENT INTRA-LAMINAIRE
6.3.1 Description du modèle
6.3.2 Application du modèle à un pli composite orthotrope
6.3.2.1 Tension/compression dans la direction des fibres
6.3.2.2 Tension/compression dans la direction transversale
6.3.3 Application du modèle à un cas d’impact d’une plaque composite
6.4 CONFRONTATION ESSAI/CALCUL A UN CAS D’IMPACT MOYENNE/GRANDE VITESSE
6.4.1 Description du modèle
6.4.2 Modélisation numérique de l’impact
6.4.3 Comparaison essai/simulation numérique
6.5 CONFRONTATION ESSAI/CALCUL A UN CAS D’IMPACT FAIBLE VITESSE
6.5.1 Description du modèle
6.5.2 Modélisation numérique de l’impact
6.5.3 Influence du critère implémenté
6.5.4 Comparaison essai endommagent/simulation numérique
6.5.4.1 Introduction des interfaces
6.5.4.2 Influence des paramètres de la loi d’interface
6.6 DISCUSSION
6.7 CONCLUSION
Bibliographie
CHAPITRE 7 : IMPACT SUR UN CARENAGE D’HYDROLIENNE
7.1 INTRODUCTION
7.2 IMPACT SUR CARENAGE D’HYDROLIENNE
7.2.1 Description du modèle
7.2.2 Modélisation numérique de l’impact sur une tuyère d’hydrolienne
7.2.3 Effet de l’énergie d’impact
7.3 MODELISATION DE LA TUYERE COMPLETE
7.3.1 Stratégie de modélisation
7.3.1.1 Modèle complet de la tuyère
7.3.1.1.1 Géométrie et plan de stratification
7.3.1.1.2 Conditions limites et maillage
7.3.1.1.3 Résultats
7.3.1.2 Modèle d’impact
Réponse à l’impact
7.3.1.3 Approche de type submodeling
Résultats du sous-modèle
7.4 CONLUSION ET DISCUSSION
Bibliographie
CONCLUSION GENERALE
ANNEXE A.1
ANNEXE A.2
ANNEXE A.3
ANNEXE A.4
ANNEXE A.5
ANNEXE A.6

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