Facteurs influençant la biométhanisation
Plusieurs paramètres contribuent à la bonne réalisation du processus de méthanisation dont voici quelques-uns.
Le potentiel méthanogène du substrat
Les déchets méthanisables sont caractérisés avant tout par leur composition en matières sèches (MS) et matières volatiles (MV) [34].
Le Potentiel Méthane est le volume de méthane biogaz produit lors de la dégradation anaérobie en présence de bactéries d’un échantillon initialement introduit, exprimé dans les Conditions Normales de Température et de Pression (CNTP : 0°C, 1013 hPa).
Le test de biodégradabilité permet d’estimer le potentiel méthane des différents substrats fermentescibles. Elle est estimée à partir de la production de méthane biogaz obtenue lors des tests par rapport à la production maximale théorique.
Le protocole est basé sur la mesure de la production de méthane par un réacteur fermé dans lequel sont mis en contact une quantité connue de l’échantillon à tester et une quantité connue de microorganismes anaérobies, ces derniers étant placés dans des conditions favorables pour la dégradation dudit échantillon [34].
Voici pour quelques substrats, leur potentiel de production de méthane (en m3 de méthane par tonne de matière brute) :
Paramètres physico-chimiques
Le processus de méthanisation doit être contrôlé par plusieurs paramètres afin de fournir aux micro-organismes un milieu adéquat à son développement permettant ainsi d’atteindre le maximum de rendement. Voici les conditions nécessaires pour que les réactions biologiques soient bien optimisées.
La température
La température affecte beaucoup l’activité et le type de micro-organismes se nourrissant des substrats et donc de la vitesse de dégradation de ceux-ci. On peut différencier trois types de conditions de digestion selon la température.
Régime psychrophile
La température est comprise entre 10 à 25°C, condition rencontrée dans les marais et les décharges avec une production lente de gaz.
Régime mésophile
De 30 à 40°C, utilisé lors de la biométhanisation des effluents d’élevage, des résidus agroindustriels et des ordures ménagères.
Régime thermophile
Température variant entre 50 à 65°C, condition développée dans certains procédés de dégradation des déchets ménagers.
Les deux derniers types de digestion (mésophile et thermophile) nécessitent un apport de chaleur d’où l’importance d’une bonne isolation thermique des digesteurs.
Dans le cas général, on travaille dans le domaine mésophile vers 35 – 40°C. Au-delà de ces trois régimes les bactéries ne réagissent plus.
L’anaérobiose
Si la phase préalable à la méthanogenèse peut se dérouler en présence d’air, la phase méthanogène ne peut se développer qu’en absence d’oxygène (flore anaérobie stricte). La matière organique constituée de l’assemblage complexe de polymères va être, dans cesconditions d’anaérobiose, dégradée par divers groupes de micro-organisme qui travaille en symbiose. La présence d’oxygène provoque une réaction très exothermique et la formation de dioxyde de carbone. Les Archæa méthanogènes sont des organismes anaérobies stricts.
L’humidité
Comme pour toute activité biologique, la présence d’eau est indispensable. L’humidité minimale est de 60 à 70 %, eau liée ou eau libre, la teneur optimale se situe entre 70 à 85% [34]. Dans tous les cas, l’humidité des déchets doit être suffisante pour que l’hydrolyse, première étape de la méthanisation, puisse se dérouler normalement. Si au contraire l’humidité est insuffisante, l’acidification se fait trop vite au détriment de la méthanisation, de ce fait le substrat organique doit être très dilué. La quantité d’eau doit être supérieure ou égale à 45% du poids total du substrat.
Facteur nutritionnel
Les exigences nutritionnelles des bactéries méthanogènes les distinguent de l’ensemble des autres bactéries. Globalement, leurs milieux de culture doivent avoir des teneurs en C, N et P dans la proportion 100 – 5 – 1 ou 100 – 4 – 1 [5]. Ces bactéries consomment à peu près 30 fois plus de carbone que d’azote, si bien qu’un rapport C/N compris entre 20 et 30 est optimum [9], c’est pourquoi il est recommandé d’utiliser les déjections animales et aussi les excréments humains qui ont un bon rapport C/N.
Il faut savoir qu’un rapport C/N élevé indique la présence de substance difficilement dégradable dans le substrat. Tandis qu’un rapport C/N faible indique la présence d’ammoniac qui est toxique en cas de teneur élevée.
Le brassage
Le brassage est essentiel car il permet d’éviter la production de croûtes et la décantation de particules denses qui empêcherait l’évacuation du biogaz, elle permet également une meilleure homogénéité du substrat dans le digesteur. Ce brassage facilite le contact substratbactérie permettant une meilleure fermentation dans le digesteur. Il existe différente technique de brassage que l’on fixe directement sur le digesteur comme le mélangeur a pales sur axe incliné ou l’agitateur sur axe à hauteur réglable…
Le pH ou potentiel hydrogène
Il faut veiller à maintenir le pH dans une zone voisine de 7. Le pH optimal se situe entre 6,5 et 8,0. Les bactéries méthanogènes doivent avoir un pH voisin de la neutralité pour une bonne fermentation.
Si le milieu est trop acide alors il y a inhibition du métabolisme des bactéries due à la formation d’acide organique et la fermentation pourrait s’arrêter. Pour éviter cela, on pourrait ajouter une solution tampon de bicarbonate ou de soude de concentration 1,5g/l [3] ou procéder à un chaulage du substrat.
La digestion en discontinu
C’est une fermentation appliquée surtout aux substrats solides c’est-à-dire ayant un taux de matières sèche comprise entre 30 et 40% [32]. Ces systèmes discontinus et comparables au processus d’un marais ou les déchets se tassent aux fonds produisant du gaz jusqu’à épuisement.
A la différence de la digestion continue, la production dans ce système ne peut être régulière, elle commence après le chargement et la fermeture de la cuve, et s’arrête ou est arrêtée lorsque la production baisse jusqu’à devenir nulle. Après épuisement de la production de biogaz puis déchargement du substrat un nouveau cycle de fermentation commence à partir de substrat frais.
La digestion continue-discontinue ou semi-continue dite de type Fedbatch
Il s’agit d’une culture discontinue, sans soutirage, alimentée en continue par un milieu nutritif.
Elle se distingue de la culture en continue par le fait que le volume du fermenteur varie continuellement. Le procédé consiste donc à introduire régulièrement en discontinue les matières organiques à fermenter et à évacuer en continue un volume équivalent du digestat.
En conclusion, un digesteur à alimentation continue est d’abord rempli et ensuite alimenté régulièrement pour qu’il conserve sa charge. Un digesteur à alimentation discontinue est rempli de lisier, scellé et utilisé jusqu’à ce qu’il ne produit plus de biogaz et qu’il faille le recharger.
Les différentes types de biodigeste
Biodigesteur type Indien ou cloche flottante
C’est un digesteur fonctionnant en semi-continue, la chambre de digestion verticale, de forme cylindrique est construite en briques, agglomérés de ciment, béton armé ou pierres scellées par mortier. Le gaz est emmagasiné dans une cloche flottante à la surface de la matière organique.
La construction est simple et ne nécessite pas de main d’œuvre spécialisée. Le contrôle de la digestion est facile, la pression de gaz stable, l’alimentation en matière organique et la sortie des boues organiques ne requiert pas de manutention.
L’inconvénient réside dans le coût du réservoir de gaz mais aussi elle exige un entretien régulier. En période froide ou dans les régions à basse température une diminution de la production de gaz est considérable due à la perte de chaleur au niveau de la cloche, il est de ce fait nécessaire d’isoler cette partie en cas de baisse de température pour éviter d’importante perte de gaz.
LES CO-SUBSTRATS
Les quantités et le potentiel méthanogène des produits issus de la ferme seulement sont réduits pour une installation rentable. De plus, il est extrêmement rare qu’un projet de biogaz agricole puisse être rentabilisé si celui-ci ne traite pas de co-substrat. Pour pouvoir améliorer le rendement de production en biogaz, il est donc nécessaire d’utiliser ces cosubstrats qui sont des biodéchets fermentescibles à fort potentiel méthanogène. La technique consiste à mettre en co-digestion dans le même réacteur la matière organique à traiter et le co-substrat. La production de biogaz est ainsi dopée par ces apports externes. De plus ils permettent d’avoir une production stable et constante.
Ces co-substrats apportent également des recettes nécessaires à l’équilibre financière grâce à la production importante de biogaz qui génère des recettes de vente d’énergie.
Les co-substrats envisageables
Il est préférable d’utiliser les produits végétaux propres à fort contenu énergétique comme les déchets verts exempts d’impuretés et de branches, les déchets de l’industrie agro-alimentaire, des restaurations, les résidus d’assainissement (boues, graisse de station d’épuration,…). Les produits riches en graisse permettent aussi d’avoir un meilleur rendement en méthane. On peut également mettre en co-digestion les déjections provenant d’animaux différents de la ferme à condition que le potentiel méthanogène de celui qui est utilisé en co-substrat soit supérieur à la déjection à traiter.
Les conditions d’ajouts des co-substrats
Plusieurs conditions sont nécessaires afin que les co-substrats puissent amorcer rapidement la fermentation.
Il faut que ces co-substrats soit compatibles avec l’installation c’est-à-dire n’implique pas de contraintes supplémentaires (chargement, tri, pompabilité,…)
Leurs potentiels méthanogènes doivent être élevés par rapport au substrat initial.
Sur le plan agronomique, il faut que le digestat obtenu soit valorisable c’est-à-dire ayant un bon bilan de fertilisation.
Mais surtout, ils doivent être non toxique et propres pour l’environnement, suivre le plan règlementaire selon la charte de l’environnement Malagasy [16].
LE DIGESTAT
Le digestat sortant du digesteur est le produit résidu de la méthanisation. Il est composé de matière organique non biodégradable comme la lignine, de matières minérales (azote, phosphore, potasse), de l’eau et des bactéries excédentaires.
Ces digestat peuvent être stockés (dans des dalles en béton) et manipulés sans odeur nauséabonde par rapport à un produit non traité. Sa valeur fertilisante ne se dégrade pas car seule la fraction putrescible de la matière organique est transformée en gaz, la fraction ligneuse qui contribue à la formation de l’humus n’est pas attaquée.
Une séparation solide-liquide (par pressage ou centrifugation) des digestat peut être envisageable selon son épandage sur cultures. On obtient alors une phase solide riche en matière organique et en élément phosphaté utilisable comme amendement et une phase liquide contenant de l’azote ammoniacal et peu de matière organique utilisable comme engrais liquide.
PROCEDES DE VALORISATION DES LISIERS
Le traitement du lisier ainsi que les procédés qui les accompagnent regroupent toutes les actions de transformation par différents moyens techniques que peut subir le lisier. Le mode d’action est déterminé en fonction du processus fondamental qu’implique le procédé. Le traitement peut avoir pour effet de modifier la composition chimique par élimination de certains éléments et modifier la consistance physique, pratiqué en vue d’augmenter la concentrationen éléments nutritifs par exemple.
On peut classer les traitements suivant trois procédés fondamentaux :
Les procédés physico-chimiques : ceci combine les modes d’action physiques (filtration, sédimentation, flottation,…) avec les modes d’actions chimiques (floculation, réactions chimiques,…). On peut citer par exemple les procédés de séparation mécanique, la décantation naturelle ou par centrifugation, la précipitation physicochimique, la flottation avec air dissous, l’isolation sous lattes,…
Les procédés biologiques : comme nous l’avons vu ils utilisent l’action des microorganismes pour dégrader la matière organique du lisier. Ils peuvent être du type aérobie ou anaérobie. Selon le support des microorganismes, on peut citer la culture bactérienne en suspension (boues activées, lagunage,…), la culture bactérienne fixée (lits bactériens, biofiltre,…) ou le compostage (solide),…
Les procédés thermiques : ils utilisent la chaleur pour concentrer par évaporation les matières solides du lisier et pour stériliser les co-produits (boue, filtrat, surnageant, fraction solide, précipité minéral,…)
Ces différents procédés peuvent être classés en fonction de leurs objectifs de traitement.
Selon la problématique, les procédés peuvent consister à l’extraction de l’azote seul, du phosphore seul ou des deux éléments, à l’élimination de l’azote, la conservation d’un maximum de fertilisants, la désodorisation du lisier,…
Le mode de traitement du lisier peut nécessiter plus d’une étape au cours de laquelle les procédés auront généralement des modes d’actions différentes suivant les conditionsopératoires. On distingue les étapes suivantes :
Séparation mécanique
Pour cette technique on utilise des éléments poreux tels que des tamis, des toiles ou des membranes pour retenir les éléments les plus grossiers du lisier. Certains équipements sont conçus pour n’exercer aucune contrainte mécanique sur le lisier alors que d’autres appliquent une pression sur le lisier. Elle a pour objectif de séparer le lisier en une phase liquide et une phase solide afin de faciliter le pompage, le brassage et diminuer les besoins énergétiques des traitements biologiques.
Aspects techniques
Plusieurs types de séparateur mécanique existent et utilisent différentes techniques ; le lisier peut s’écouler à travers l’élément poreux sans contrainte utilisant seulement la force gravitationnelle alors qu’une contrainte (vis, rouleau, force centrifuge, pression hydrostatique,…) peut également être appliquée pour améliorer les performances du séparateur. L’utilisation de ces techniques dépend en partie des caractéristiques de l’effluent (MST, MES,…).
Les techniques de séparation les plus utilisés sont le tamisage, la décantation, la centrifugation, la flottation, la filtration dont la filtration membranaire qui représente un cas particulier de séparation mécanique se déroulant entièrement en phase liquide sous l’action d’une différence de pression entre les deux cotés d’une membrane qui est une barrière qui permet le passage de certains particules entre deux milieux et qui en interdit d’autres.
D’autres modes de séparation existent également mais le principe étant la même dans le but de retenir les particules solides du lisier par des ouvertures dont l’efficacité varie en fonction des caractéristiques du lisier, en particulier la taille et la forme des particules solides, sa teneur en MST ainsi qu’avec la forme et les dimensions des ouvertures de l’élément séparateur. Ce tableau regroupe les différentes techniques de séparation mécaniques citées dans la littérature.
Le procédé de décantation
La décantation est un procédé de séparation des particules en fonction de leur vitesse de sédimentation qui dépend de la différence de densité entre les particules solides du lisier et le lisier lui-même. D’une manière générale, la vitesse de décantation augmente avec le diamètre des particules ou par addition de floculant, mais diminue avec la viscosité du lisier.
Aspects techniques
Le procédé de décantation des lisiers se fait :
Soit par décantation naturelle se produisant sous l’action de la force gravitationnelle qui permet aux particules plus denses de se déposer graduellement au fond de la fosse entrainant avec elles les éléments particulaires tels que l’azote organique, le phosphore, le calcium, le magnésium et les métaux.
Pour obtenir un maximum de sédimentation du lisier, celui-ci doit être entreposé avec le minimum de perturbation possible, c’est-à-dire, protéger la fosse du vent, alimenter le lisier frais provenant du bâtiment d’élevage par le fond de fosse, si c’est possible disposer d’un puits de pompage permanent, incorporé ou adjacent à la fosse d’entreposage, qui limitera la perturbation du lisier décanté lors de la reprise.
La force gravitationnelle étant l’unique force motrice causant la décantation, seules les particules les plus grossières ont le temps de décanter. Les particules les plus fines telles que les colloïdes ne décantent que très lentement et sont facilement remises en suspension par une perturbation du lisier.
Le procédés sur lits bactériens ou culture fixée
La culture bactérienne est fixée sur un support inerte. L’aération s’effectue par contact entre l’air et le liquide circulant en couche mince sur le support. Un traitement primaire (tamisage ou autre) est nécessaire afin d’assurer la séparation des matières grossières en suspension dans le lisier. Cette précaution facilite l’entraînement des boues en excès et évite le colmatage.
Les procédés avec culture libre en suspension
Par opposition avec la culture fixée où les microorganismes sont fixés sur des supports organiques ou synthétique, dans ce procédé ils sont maintenus en suspension dans le lisier à traiter.
Les procédés aérobies
Ici les microorganismes responsables de la dégradation du lisier requièrent la présence d’oxygène pour leur croissance, il exige donc une quantité suffisante d’oxygène, fournis soit par des aérateurs mécaniques ou des aérateurs de surface comme des diffuseurs fines bulles, soit par des injecteurs ou par simple diffusion.
La concentration minimale en phase liquide est de 1mg d’oxygène par litre ce qui représente près de 15% de saturation dans les conditions mésophiles.
Table des matières
Introduction générale
Première partie : ETUDES BIBLIOGRAPHIQUES
I. La biométhanisation
II. Le biogaz
III. Etudes générales des lisiers de porc
IV. Procédé de valorisation des lisiers
Deuxième partie : ETUDES EXPERIMENTALES
I. Méthodes d’expérimentation et appareillages
II. Résultats et discussion
III. Conclusion partielle
IV. Valorisation du biogaz et perspectives d’avenir
Troisième partie : ETUDES DE FAISABILITE DE MISE EN PLACE DES DEUX BIODIGESTEURS
I. Contexte à Madagascar et dans la région Vakinankaratra
II. Etudes de faisabilités techniques
III. Etudes socio-économiques et environnementales
IV. Conclusion de la troisième partie
Conclusion générale
Références bibliographiques
Annexes