Evaluation critique de l’infiltration civile au regard de la jurisprudence

Evaluation critique de l’infiltration civile au regard de la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle et de la Cour européenne des droits de l’homme

Les méthodes particulières de recherche visent à lutter contre des infractions importantes, telles que le terrorisme et la criminalité organisée, c’est pourquoi elles confient aux autorités des pouvoirs qui sont de nature à porter atteinte aux libertés et droits fondamentaux95, tels que « la présomption d’innocence, le procès équitable et le droit de la défense, le respect de la vie privée […] » et « les principes fondamentaux de la procédure pénale, tel le principe de loyauté dans la collecte des moyens de preuve »97. L’atteinte à ces droits résulte du fait que la personne qui exécute la méthode particulière de recherche pénètre dans la sphère privée du criminel et fournit des éléments sur ses activités aux autorités. Ces éléments ayant été obtenu dans le cadre d’une méthode en partie secrète, le criminel ne disposera pas toujours de la possibilité de débattre de ceux-ci contradictoirement « à la différence des autres moyens de preuves communément utilisés »98. Or, ceci pourrait résulter dans une atteinte à ses droits de la défense99 vu les difficultés d’organiser un contrôle effectif des méthodes particulières de recherche tant au niveau légal qu’au niveau pratique.

En conséquence, la Cour Constitutionnelle a jugé, dans son arrêt n°202/2004 (analysé en plus de détails ci-dessous), qu’ « il revient au législateur, sous le contrôle de la Cour, de formuler les dispositions qui autorisent le recours à ces méthodes de recherche de manière telle que l’atteinte aux droits fondamentaux qu’elles comportent soit limitée à ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif décrit »100. Bien que la méthode de l’infiltration, en elle-même, ne semble pas poser de difficultés à la Cour Constitutionnelle101 et à la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après Cour EDH), celles-ci exercent quand même un contrôle sur la mise en œuvre de cette méthode, afin de s’assurer qu’elle respecte les droits fondamentaux.  Nous allons analyser dans cette section si la méthode de l’infiltration civile telle qu’elle a été introduite par le législateur, par la loi du 22 juillet 2018, respecte tous les droits fondamentaux des individus tels qu’interprétés par les arrêts des juridictions suprêmes. Pour ce faire, nous allons analyser différentes thématiques relatives aux droits fondamentaux.

l’infiltration civile pour des faits qui n’ont pas encore été commis, c’est-à-dire, au cours d’une enquête proactive. Afin de déterminer si cette possibilité risque de poser problème, il faut examiner les jurisprudences la Cour Constitutionnelle et la Cour EDH qui ont toutes deux été amenées à examiner l’opportunité du recours aux méthodes particulières de recherche dans le cadre d’une enquête proactive. Dans le cadre des discussions parlementaires, cette faculté a posé des difficultés. En effet, AVOCATS.BE102 s’est interrogé sur la légalité de l’intervention d’infiltrants civils dans le cadre d’une enquête proactive103. L’article 47novies/1 prévoit que l’infiltration civile pourra être organisée pour des « personnes concernant lesquelles il existe des indices sérieux qu’elles commettent ou commettraient […] ». Il y a donc lieu de s’interroger quant à la possibilité d’introduire des infiltrants civils dans un milieu criminel afin de prévenir des infractions futures et du risque qui en découle que l’infraction recherchée soit en fait provoquée104. En effet, la Cour EDH a considéré, à de nombreuses reprises, que la provocation d’une infraction dans le cadre d’une infiltration constituait une violation de l’article 6 de la Convention  La Cour Constitutionnelle n’a pas sanctionné la mise en œuvre des méthodes particulières de recherche « à l’égard de personnes qui n’ont pas commis d’infractions, mais auxquelles les autorités prêtent l’intention d’en commettre »105 comme une violation des articles 12, alinéa 2 et 22 de la Constitution. Dans un premier temps, la Cour rappelle que les méthodes particulière de recherche ont une finalité judiciaire106, c’est-à-dire qu’elles peuvent être mises en œuvre « exclusivement dans le but de rechercher des crimes ou des délits qui ont été ou qui seront commis, d’en rassembler les preuves et d’en identifier ou d’en poursuivre les auteurs »107. Ensuite, elle précise que les méthodes particulières de recherche ne peuvent pas être mises en œuvre à l’égard de toute personne dont on pourrait penser qu’elle a l’intention de commettre des infractions, sans autre précision108. Les enquêtes proactives sont possibles dans un nombre limités d’hypothèses visées dans l’article 28bis §§1 et 2 du C.I.cr et elles requièrent l’existence « d’indices sérieux » et de « suspicions raisonnables »109. Partant, la Cour considère que le renvoi de l’article 47ter concernant l’utilisation des méthodes particulières de recherche à l’article 28bis §§1 et 2 C.I.cr.110 limite suffisamment leur champ d’application111. L’exigence de prévisibilité est donc satisfaite.

 

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