Figure managériale de l’architecte de l’inconnu

Figure managériale de l’architecte de l’inconnu

Au travers de différentes approches, entre études de cas, méthodologie d’action et expérimentation collective, nous avons montré comment certains acteurs déploient des activités pour se saisir de problématiques d’innovation orpheline et agir pour susciter de la part des autres acteurs de l’écosystème un élargissement des processus d’innovation au-delà de la fixation collective. Nous allons maintenant préciser la figure managériale de l’architecte de l’inconnu, tout d’abord en dressant un profil de cet acteur selon trois plans, le modèle cognitif, le modèle d’action et le modèle de performance (XIII.1). Le rôle de l’architecte sera ensuite positionné par rapport aux rôles plus classiques de l’innovation (XIII.2), à savoir l’entrepreneur, l’intermédiaire d’innovation et l’intégrateur, et des exemples d’acteurs jouant ces différents rôles étayeront le propos. Pour sortir de l’innovation orpheline et insuffler une dynamique de travail du potentiel de valeur en dehors des effets de fixation collective, les chapitres précédents ont décrit l’enjeu qu’il y a pour un architecte de l’inconnu à ce que les expansions soient partagées, non pas dans une configuration d’échanges bilatéraux entre deux acteurs mais dans le but d’une extension collective des imaginaires de l’ensemble des acteurs de l’industrie. Comment alors faire partager des expansions de l’espace des imaginaires ? L’exemple expansif a été modélisé et testé dans un protocole expérimental dans le chapitre XI puis mobilisé lors d’ateliers de conception innovante par le cluster I-Care sur la thématique de l’aide à l’autonomie des personnes âgées dans le chapitre XII (i.e. la proposition d’exemples provocants par les animateurs de l’atelier pour susciter l’intérêt, le questionnement auprès des participants, les amenant à explorer des concepts novateurs et en dehors de leur scope traditionnel de pensée). Nous avons montré dans ces deux contextes comment lespace des imaginaires peut être conduite par l’exposition des acteurs à des exemples surprenants, défixants.

Nous avons présenté deux acteurs, l’association ARIEL et le cluster I-Care, qui ont joué dans un contexte particulier d’innovation orpheline un rôle d’architecte de l’inconnu, agissant sur les capacités de conception des autres, et ce avec plus ou moins de réussite. La synthèse de ces deux cas permet ainsi de comparer deux acteurs jouant ce rôle d’architecte, et ce selon différents attributs : leurs structures organisationnelles et les actions traditionnellement menées, les outputs de leurs actions d’architecte, leur légitimité à conduire de telles actions, les ressources dont ils disposent et la pérennité des processus qu’ils mettent en place. Ces deux cas d’étude mettent ainsi en lumière les limites et les conditions de l’action d’un architecte. Il s’agit de deux structures très différentes, l’une dépendant de la Région Rhône-Alpes dans un premier temps, des cotisations de ses membres ensuite ; et l’autre, associative, dépendant de sa propre motivation à lever des fonds, à se saisir de stratégies de partenariat à l’international. Les conditions d’existence de ces architectes de l’inconnu semblent être en particulier intrinsèquement liées à leur motivation. Au fond, comment une toute petite association comme ARIEL peut-elle jouer un rôle dans ce panorama franco-ukrainien des bioénergies ? Il faut bien alors l’idéalisme de ses président et vice-président et beaucoup de ténacité pour frapper aux portes successives des ministères, ambassades, grands groupes industriels, laboratoires de recherche pour animer, titiller, bouleverser les mécanismes en place. La force de motivation d’ARIEL ne peut par ailleurs être saisie que rapportée à la légitimité qu’a l’association à s’occuper de ces questions : une intervention sur le long terme est difficilement soutenable dans le cas d’ARIEL, d’où le relais par exemple à un pôle de compétitivité, comme le pôle IAR, pour soutenir le rôle d’architecte. La question du « bon relais » reste alors toute ouverte : l’ l’Académie des Technologies pourraient tout à fait être ce relais. Par ailleurs, en termes de performance, le développement institutionnel du cluster I-Care est éclairant : il s’agit en effet d’un processus relativement lent, les ressources humaines du cluster étant mobilisées par de nombreuses activités qui n’ont pas de lien avec le rôle d’architecte. La capacité du cluster I-Care à développer une méthodologie innovante pour la gestion des innovations orphelines doit beaucoup à la volonté de son directeur de ne pas être un simple animateur de réseau ni un simple relais de financements, mais de vouloir aider un milieu à développer ses capacités d’innovation.

 

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