Fluctuations spatiales d’origine quantique dans les images non amplifiés

Fluctuations spatiales d’origine quantique dans les images non amplifiés

Caractéristiques temporelles des sources lumineuses observées

L’essence de ce paragraphe réside dans le rapport entre la caractéristique temporelle de la source et le temps de détection de la caméra CCD. Le but est de justifier l’absence d’aspects temporels de la lumière dans l’écriture de l’opérateur enveloppe du champ électrique décrit en 1.3.1. Le sujet majeur de cette thèse est l’étude des fluctuations quantiques spatiales de la lumière dans une image amplifiée paramétriquement. Ce sont donc les conditions expérimentales de l’amplification paramétrique qui déterminent le temps de détection, Td, pour toutes les expériences réalisées. L’amplification paramétrique d’images utilise une source laser délivrant des impulsions à une cadence de tirs de 33 Hz. Or l’absence de synchronisation entre la caméra CCD et le laser nous impose un temps de détection de 30 ms afin d’obtenir un seul tir laser pendant ce temps-là. Nous avons utilisé un temps de détection Td = 30 ms, pour toutes les expériences présentées dans ce manuscrit. Nous allons présenter pour chaque source les raisons permettant de se soustraire des aspects temporels dans l’écriture de l’opérateur enveloppe du champ électrique. La première source présentée est la lampe à flux lumineux continu. C’est une source thermique. De ce fait elle est totalement incohérente temporellement [1, 2, 4, 5]. L’emploi, non systématique, d’un filtre interférentiel étroit (δλFWHM = 0.4 nm @527.5 nm) augmente le temps de cohérence (tc) de la source thermique tel que tc ≈ 1 ps [7]. Sans filtre interférentiel nous avons tc  1 ps. Quoiqu’il en soit, le temps de détection (Td = 30 ms) est toujours très supérieur au temps de cohérence de la source thermique, Td  tc. Par conséquent, la vitesse des variations temporelles de la lumière est très supérieure à la vitesse des détecteurs. Ces variations sont donc totalement intégrées pendant le temps de détection, et tous les aspects temporels de la source sont perdus. La fluorescence paramétrique est générée spontanément par un cristal non linéaire χ(2) pompé par une source laser intense. Nous y reviendrons en détail dans le cinquième chapitre. Pour l’instant l’idée intéressante est la suivante : le laser pompe est impulsionnel (δt ≈ 1 ps), la fluorescence paramétrique ainsi produite est aussi impulsionnelle avec une durée d’impulsion du même ordre de grandeur que celle de la pompe. En regard du temps d’acquisition (Td = 30 ms), l’impulsion est totalement intégrée temporellement pendant la détection car  Td  δt. Donc tous les aspects temporels de la fluorescence paramétrique sont intégrés pendant le temps d’acquisition. Pour terminer, nous considérons ici le cas d’une impulsion laser gaussienne telle que δt.δν < 0.6 avec δt ≈ 1 ps . Le laser est temporellement mono-mode, de plus nous restons dans la situation o`u Td  δt. Ainsi toute l’impulsion est intégrée lors de la détection. Ainsi, pour les trois sources lumineuses observées, l’intégration des variations temporelles de la lumière lors de la détection permet de ramener la description du champ électrique aux stricts aspects spatiaux. La nature spatiale de la distribution statistique de chaque source étudiée est présentée dans le paragraphe 1.4

Description quantique du champ lumineux libre et incident 

Quantification continue du champ

 La description quantique du champ lumineux exprime la dualité onde/corpuscule . L’énergie contenue dans le champ est décrite comme une somme discrète de quanta d’énergie appelés photons. Ce champ électromagnétique sera considéré libre et incident avec une polarisation unique et bien déterminée. “Libre” signifie un champ se propageant librement dans l’espace, par opposition aux champs stationnaires intra-cavités optiques. “Incident” désigne un champ dont l’abscisse du plan transverse est située dans le plan de détection du capteur. La description quantique s’appuie sur l’opérateur champ électrique Eˆ (r,t) décomposé en une somme entre l’opérateur de fréquence positive et son adjoint [8] : Eˆ(r,t) = Eˆ(+)(r,t) + Eˆ(−) (r,t) (1.5) Cet opérateur représente un champ de pulsation ω0, se propageant selon la direction privilégiée z, avec un vecteur d’onde  k0. C’est ce que nous admettrons tout au long de cette thèse. Les aspects spatiaux de la lumière sont décrits par la variable r. Sa décomposition en deux variables d’espace, z et ρ, permet de distinguer ce qui est lié à la propagation (z ), de ce qui caractérise les propriétés spatiales de la lumière (ρ), accessibles à la détection. La détection se déroulant dans un plan transverse déterminé, nous décrivons donc le champ pour une valeur de z fixée, telle que z = z0. Cela élimine la dépendance en z. Le vecteur ρ  décrit le champ dans le plan transverse à la propagation, en regroupant les composantes x et y tel que :  ρ = x2 + y2. Ainsi l’opérateur champ électrique prend la forme suivante, en z = z0: Eˆ(+)(ρ,t  ) = Eˆ(+)(ρ)e−i(ω0t) (1.6) avec Eˆ(+)(ρ) l’opérateur enveloppe et e−i(ω0t) la porteuse de l’onde plane progressive associée, de vitesse c = ω0 k 0 . Ici, l’écriture de l’opérateur enveloppe néglige les aspects temporels de la lumière. Ce choix a été justifié dans le paragraphe 1.2.2. Ainsi les fluctuations spatiales de la lumière peuvent être étudiées indépendamment des fluctuations temporelles. Nous quantifions l’énergie contenue dans l’enveloppe du champ, sur toute sa distribution spatiale, pendant le temps de détection Td. Pour cela, l’opérateur champ électrique est exprimé à l’aide de sa transformée de Fourier spatiale transverse : Eˆ(+)(ρ,t  ) =  d2q (2π)2 E˜(+)(q)e−i(q.  ρ−(ω(k)−ω0)t) (1.7) Avec ω(k) donné par la relation de dispersion dans le vide (ω(k) = c.k), q la partie transverse du vecteur d’onde  k et E˜(+)(q) le coefficient de Fourier. Cette nouvelle écriture du champ dans l’espace réciproque (équation 1.7) permet de traduire la quantification du champ. En effet, le système considéré est échantillonné spatialement en cellules élémentaires. L’intérêt réside dans l’association de chaque coefficient de Fourier à une cellule élémentaire [9], tel que : E˜(+)(q) = i  ω(k) 2 0c aˆ(q) (1.8) o`u 0 est la constante diélectrique du vide, ˆa(q) et ˆa† (q) sont respectivement les opérateurs annihilation et création d’un photon, de vecteur d’onde  k = q +  kz0 et d’énergie ω(k). Ces opérateurs vérifient les relations de commutation suivantes : [ˆa(q),aˆ† (q  )] = (2π) 2 δ(q − q  ) (1.9a) [ˆa(q),aˆ(q  )] = 0 (1.9b) [ˆa† (q),aˆ† (q  )] = 0 (1.9c) En réalisant la transformée de Fourier inverse de l’opérateur enveloppe, son expression dans l’espace direct correspond à : E(+)(ρ) = i  ω0 2 0c aˆ(ρ) (1.10) 14 CHAPITRE 1. CADRE THEORIQUE. ´ Nous déduisons aisément des relations 1.7, 1.8 et 1.10, le lien entre l’espace direct et l’espace réciproque, pour les opérateurs annihilation et création : aˆ(ρ) =  d2q (2π)2  ω(k) ω0 aˆ(q)e−i(q.  ρ−(ω(k)−ω0)t) (1.11) Cette expression nous permet de réexprimer les relations de commutations précédentes, dans l’espace direct : [ˆa(ρ),aˆ† (ρ  )] = δ(ρ − ρ  ) (1.12a) [ˆa(ρ),aˆ(ρ  )] = 0 (1.12b) [ˆa† (ρ,z  ),aˆ† (ρ  ,z )] = 0 (1.12c) Les aspects proprement quantiques sont contenus dans les relations de commutation 1.9 et 1.12. Néanmoins, ce modèle doit être adapté à nos moyens de détection pour parfaire la description quantique du champ lumineux. 

Discrétisation des opérateurs 

La description précédente du champ transverse (équations 1.7 et 1.10) s’appuie implicitement sur une représentation continue. Or, du point de vue expérimental, la détection s’effectue à l’aide d’un capteur CCD composé de photo-cellules ou pixels 2, discrétisant le plan transverse. Il est donc logique de décrire le système en utilisant une représentation discrète. Nous allons ainsi présenter une “pixelisation” du champ électromagnétique transverse [10], en considérant le pixel comme une cellule élémentaire de résolution du champ ou un mode spatial [11]. Pour cela nous établissons deux hypothèses. Premièrement, l’espace transverse est “découpé” en pixels carrés, de surface Spix, disjoints et jointifs, repérés par l’indice i. Deuxièmement, nous supposons des fluctuations spatiales transverses du champ lumineux supérieures aux dimensions finies du pixel. Cela signifie que le champ est constant à l’intérieur du pixel. En d’autres termes, toutes les fluctuations spatiales de l’intensité, dont les dimensions sont inférieures à celle du pixel, sont intégrées par le détecteur. Nous redéfinissons ainsi les opérateurs annihilation et création de photons pour chaque pixel, tel que : aˆi = 1 Spix  Spix(i) aˆ(ρ) d2 ρ aˆi † = 1 Spix  Spix(i) aˆ† (ρ) d2 ρ (1.13) 2. Le mot “pixel”est la contraction de “picture element”, ce qui en anglais signifie : élément d’image. A l’aide de l’équation 1.12, nous calculons le commutateur des opérateurs que nous venons de définir. [ ˆai,aˆj † ]= ˆaiaˆj † − aˆj † aˆi = 1 Spix  Spix(i) d2 ρ  Spix(j) d2 ρ  aˆ(ρ) ˆa† (ρ  ) − 1 Spix  Spix(j) d2 ρ   Spix(i) d2 ρ aˆ† (ρ  ) ˆa(ρ) = 1 Spix  Spix(i) d2 ρ  Spix(j) d2 ρ  aˆ(ρ) ˆa† (ρ  ) − aˆ† (ρ  ) ˆa(ρ) = 1 Spix  Spix(i) d2 ρ  Spix(j) d2 ρ  δ(ρ − ρ  ) = ⎧ ⎪⎨ ⎪⎩ 1 Spix Spix d2ρ = 1 si i = j, 0 si i = j. La relation de commutation dans le plan discretisé se résume par : [ ˆai,aˆj † ] = δij (1.14) Mais le champ n’est pas une grandeur directement mesurable expérimentalement. Les détecteurs étant sensibles à l’intensité lumineuse, nous devons définir des opérateurs décrivant l’intensité du champ. 

Intensité du champ pour un pixel 

Définissons un opérateur intensité en fonction des opérateurs champ, donnés par l’équation 1.6, par la relation : ˆI(ρ,t  )=2 0cEˆ(+)† (ρ,t  ).Eˆ(+)(ρ,t  ) (1.15) A l’aide des équations 1.6 et 1.10 introduites dans 1.15, on obtient l’expression de l’intensité lumineuse incidente en fonction des opérateurs annihilation et création, que l’on défini pour un pixel, de surface Spix, éclairé pendant un temps Td telle que : Ipix = 1 Td  Spix dρ ˆI(ρ,t  ) = ω0 Td  Spix dρ aˆ† (ρ).aˆ(ρ) (1.16) A l’aide des équations présentées en 1.13, nous discrétisons la relation 1.16 telle que : Ipix = ω0 SpixTd aˆi † .aˆi (1.17) 16 CHAPITRE 1. CADRE THEORIQUE. ´ Ce qui permet d’introduire un nouvel opérateur, plus proche de la réalité expérimentale, l’opérateur numération Ni, tel que : Ni ≡ aˆi † .aˆi (1.18) Ainsi l’intensité re¸cue par le pixel i s’exprime en fonction de l’opérateur numération, tel que : Ipix = ω0 SpixTd Ni (1.19) L’action de l’opérateur, sur la base discrète propre au pixel i, exprime l’intensité lumineuse incidente en fonction du nombre de photons : Ipix = niω0 SpixTd (1.20) Avec ni (ni ∈ N) le nombre total de photons incidents sur le pixel i. Nous venons de quantifier l’intensité du champ lumineux, en un nombre entier et fini de photons incidents, pour un photo-détecteur élémentaire. Maintenant, nous allons utiliser cette quantification, afin de décrire l’intensité lumineuse et ses fluctuations spatiales, au travers des distributions statistiques spatiales observées sur un ensemble de pixels.

Comptage des photons 

Les fluctuations quantiques sont décrites par des moyennes d’ensembles, souvent estimées par des moyennes temporelles, si le signal considéré est stationnaire dans le temps. Toutefois, elles peuvent aussi être estimées par des moyennes spatiales, si le signal est stationnaire dans l’espace sur une surface suffisamment grande. C’est dans ce dernier cas que l’on se place. De plus, les aspects spatiaux de la lumière sont complètement différents des aspects temporels (cas de la diffraction), ainsi les fluctuations spatiales de la lumière sont étudiées indépendamment des fluctuations temporelles. Les propriétés spatiales de la lumière sont observées à l’aide de caméras CCD détectant des photons par effet photo-électrique [12]. C’est un processus aléatoire et destructif dans lequel la lumière échange son énergie avec la matière de fa¸con quantifiée. La quantité d’énergie détectée est proportionnelle à l’intensité du champ mesurée au travers du rendement quantique η qui correspond à la probabilité de détecter un photon. Par souci de simplification, nous considérons pour l’instant un détecteur parfait avec un rendement quantique unitaire (η = 1). Les photons incidents sont donc détectés avec une probabilité unité. Ainsi, la distribution du nombre de photons incidents   est rigoureusement identique à celle du nombre de photons détectés. Nous allons décrire la répartition spatiale du nombre de photons sur un ensemble de pixels pour les trois types de sources décrites précédemment. Le nombre de pixels étant fini, nous emploierons donc les estimations de la moyenne vraie et de la variance vraie pour caractériser la distribution. Ainsi, pour une intensité lumineuse décrite par l’opérateur ˆI(ρ,t  ) illuminant un ensemble de p pixels de surface totale Sd = p×Spix, la moyenne est donnée par la relation : n¯pht = 1 p  p i=1 ni (1.21) o`u ¯npht est le nombre moyen de photons par pixel. Les fluctuations d’intensité s’expriment au travers de la dispersion des données statistiques par rapport à la moyenne : (∆npht) 2 = 1 p − 1  p i=1 (ni − n¯pht) 2 (1.22) o`u (∆npht)2 est la variance du nombre de photons par pixel. Nous allons utiliser ces deux grandeurs pour caractériser les distributions spatiales du nombre de photons observées. 

Source thermique continue

 La distribution du nombre de photons d’une source thermique incohérente suit une statistique de Bose-Einstein. Ainsi la variance de la distribution du nombre de photons incidents est telle que [2, 5]: (∆npht) 2 = ¯npht + (¯npht)2 M (1.23) o`u le facteur de dégénérescence M représente le nombre de modes spatio-temporel (ou cellules cohérentes) contenu dans le volume de détection. Ce volume est le produit de la surface de détection par le temps de détection et par la vitesse de la lumière. L’indépendance des aspects temporels et spatiaux nous permet de décomposer le facteur M, en un produit d’un facteur de dégénérescence temporel Mt et d’un facteur de dégénérescence spatial Mp tel que : M = Mt × Mp (1.24) Nous avons vu précédemment que la cohérence temporelle de la source thermique continue était faible. Le facteur Mt se calcule comme suit : Mt = Td/tc [7]. Etant donn´ ´ e les ordres 18 CHAPITRE 1. CADRE THEORIQUE. ´ de grandeur considérés (§ 1.2.2), nous avons Mt  1. Du point de vue spatial, la source est quasi-ponctuelle assurant ainsi une certaine cohérence spatial, donnant Mp > 1. Donc, pour notre source thermique continue, nous avons M  1. Mais nous n’avons pas explicité complètement l’équation 1.23. Le premier terme de droite, (¯npht), correspond au bruit propre des photons. La distribution le décrivant est poissonienne. Le second terme, ((¯npht)2/M), traduit les fluctuations incohérentes de l’intensité. La description complète de la source est une superposition de ces deux contributions. Afin d’expliciter facilement la distribution, nous allons raisonner par modes. L’équation 1.23 devient : (∆m) 2 = ¯m + ¯m2 (1.25) o`u m est le nombre de photons par mode, tel que ¯m = ¯npht/M et (∆m)2 = (∆npht)2/M. Or pour les sources thermiques classiques, le nombre moyen de photons par mode, pour le domaine visible, est très inférieur à l’unité (¯m  1) 3. Ainsi, le terme ¯m2 devient négligeable devant le terme ¯m. Dans ces conditions particulières, une source thermique n’est statistiquement pas discernable d’une source cohérente [7]. Donc, notre source thermique suit une distribution statistique de Poisson se caractérisant ainsi : (∆npht) 2 = ¯npht (1.26) Mais pour obtenir une statistique de Poisson, il faut avoir une intensité classique stationnaire sur tout l’espace statistique considéré. Si la condition de l’intensité constante n’est pas respectée, alors la statistique obtenue n’est pas poissonienne. Nous détaillerons nos mesures de distributions statistiques spatiales de Poisson dans le troisième chapitre.

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