Fonctionnement hydrogéochimique des zones humides

Fonctionnement hydrogéochimique des zones humides

Sols 

La zone d’étude comporte trois principaux types de sols que sont les sols ferrugineux tropicaux, les sols peu évolués d’apport et les sols hydromorphes avec différentes variantes (Figure 14). 

Sols ferrugineux tropicaux 

Les sols ferrugineux tropicaux peu ou pas lessivés ou encore appelés sols « Dior » sont des sols peu évolués rouges ou beiges, à hydroxydes de fer, pauvres en matière organique. Ils recouvrent les dunes ogoliennes fixées et boisées. Ils sont caractérisés par un important lessivage du fer (Millot, 1964, Duchaufour, 1972) et la présence d’horizons rouge-vif en profondeur (Charreau et al., 1965). Les sols Dior sont essentiellement sableux (Maignien, 1965) et couvrent dans la région d’étude une superficie relativement importante. On les retrouve aussi au niveau des sables argileux et grés du « Continental terminal ». Les sols sur sable dunaire en profondeur, bien drainés, perméables et faiblement structurés sont des sols à très faibles teneurs en argiles. Les sols dérivés du Continental terminal sont au contraire généralement peu épais et recouvrent à faible profondeur une cuirasse ferrugineuse (Gaye, 1990). Ces sols qui sont localisés au Nord Est renferment aussi les sols bruns rouge sub-arides dû au caractère ferrugineux.

 Sols minéraux peu évolués 

Les sols minéraux recouvrent les dunes vives ou semi-fixées du littoral. Ce sont des sols pauvres en matières organiques notamment à Lompoul où ils sont de couleur jaune-ocre faiblement minéralisé en ilménite (Hébrard, 1958). Ces sols sont généralement des sols de minéraux brut à l’Ouest proche du rivage. 

Sols hydromorphes 

Leur développement dépend essentiellement des variations saisonnières de la nappe phréatique et de l’importance de la production végétale dans les dépressions qui déterminent l’apport de matière organique. Les sols organiques se répartissent en deux types principaux (Fall, 1986): – les sols humifères à hydromorphie partielle qui se forment sur les bordures des dépressions tourbeuses, ou à l’intérieur de certaines dépressions non tourbeuses; – les sols organiques semi-tourbeux ou tourbeux à hydromorphie totale, temporaire ou permanente qui se forment dans les tourbières. Ces sols sont localisés à l’arrière des dunes littorales qui longent la côte dans les dépressions inter-dunaires humides. La désignation de tourbière correspond à une zone humide caractérisée par l’accumulation progressive de la tourbe, elle se distingue par sa très forte teneur en matière organique, peu ou pas décomposée, d’origine végétale. C’est donc un écosystème spécifique et fragile dont les particularités en font, malgré des émissions de méthane, un puits de carbone vu qu’il y a plus de synthèse que de dégradation de la matière organique. Dans le secteur, il se distingue des sols tourbeux particulièrement dans la zone Sud de Mboro à Lompoul. D’après les travaux de Fall (1986), l’origine de la sédimentation des tourbes ligneuses et des vases organiques provient de l’accumulation du matériel organique (sédiments tourbeux) dans les cuvettes inter-dunaires et les paléo-vallées du massif des dunes ogoliennes depuis le Pléistocène supérieur jusqu’à une époque récente. Figure 14 : Typologie des sols modifiée (USAID, 1986) Le développement et la conservation de ces sédiments tourbeux dépendent essentiellement de facteurs climatiques (périodes pluvieuses du Quaternaire), hydrogéologiques (position du niveau de la nappe des sables) et géomorphologiques (formation de réceptacles stables dans le massif dunaire). Cette sédimentation est ainsi un mélange binaire entre une composante biogénique autochtone liée à l’importance de la production végétale des réceptacles et une composante « terrigène » allochtone qui constitue la contribution de l’environnement inorganique. A côté de ses sols hydromorphes, il peut se développer des sols halomorphes. Ce sont des sols légèrement ou franchement salés qui se forment principalement dans le delta du Sénégal et dans certains lacs côtiers tel que Tanma (Fall, 1986) au Sud-Ouest du secteur d’étude. 

 Végétation 

La zone d’étude est caractérisée par un contraste remarquable avec à l’Ouest les Niayes où la végétation est luxuriante et à l’Est les terres agricoles. La partie Ouest est constituée d’une grande variété d’espèces avec même parfois une forêt sempervirente (Stancioff, Staljansens, 1986). Les essences de cette forêt sont des espèces « à feuillage persistant ». On retrouve dans les Niayes des espèces fruitières forestières (Mangifera indica) et des palmeraies à huile (Elaeis guineensis). La diversité végétale et les sols hydromorphes dans les dépressions, sont en étroite relation avec la nappe phréatique. Ce contexte favorable fait que les Niayes représentent un environnement complexe, riche sur le plan floristique, comprenant de nombreuses espèces reliques des régions soudanaises et subguinéennes (Trochain, 1940; Raynal, 1961). Cependant, il est observé actuellement une disparition quasi-totale des espèces naturelles du fait de la progression des cultures maraîchères. La végétation à l’Est se résume à une pseudo-steppe arbustive relativement pauvre. Cette formation découle de la nature du sol (sableux et peu fertile), du surpâturage et du déboisement. La couverture végétale est caractérisée par un peuplement arboré et arbustif clair, typique de la zone sahélo-saharienne, avec dominance d’espèces tels que Acacia radiana, Balanites aegyptiaca, Boscia senegalensis. Le tapis herbeux est formé généralement de graminées, disparaît en grande partie en fin de saison sèche pour se régénérer après les premières pluies. 

 Végétation de système dunaire 

Plusieurs faciès et groupements successifs de la couverture végétale ont été défini de la côte vers l’intérieur avec un faciès halophile, un groupement steppique et un groupement continental parsemé d’arbustes buissonnants et d’arbres (Trochain, 1940) Le système de dunes jaunes et de dunes blanches présente une végétation quasi-inexistante tandis que les dunes vives ou semi-fixées ont une végétation essentiellement composée de graminées et de cypéracées psammophiles (Fall, 1986). Le faciès halophile à Cyperus conglomeratus apparaît comme le pionnier qui subit une évolution progressive pour donner le groupement steppique type qui s’enrichit graduellement par la suite à mesure que l’on s’éloigne des sables vifs du littoral (Raynal, 1961). Le système de dunes ogoliennes rouges se distingue par des espèces ligneuses telles que Acacia albida, Acacia seyal, Balanites œgyptiaca et Parinaris macrophyla plus présentes dans la partie Sud de la zone des Niayes. Les strates arbustives et herbacées sont essentiellement composées d’euphorbiacées telles que Euphorbia balsamiphera, de combrétacées comme Guiera senegalensis, Combretum glutinosum, et de graminées saisonnières Cenchrus biflorus, Andropogon sp. Hormis la végétation d’origine anthropique implantée dans le cadre du projet de fixation des dunes littorales où la plante Casuarina equisetifolia a été très utilisée, les rares espèces présentes sont Opuntia tuna et Maytenus senegalensis (Touré et Fall, 2001). 

Végétation des Niayes 

La désignation « Niaye » définissait selon Trochain (1940) une formation forestière hygrophile essentiellement constituée de palmiers à huile associés à des espèces d’affinité guinéenne, qui se développent dans et autour des bas-fonds humides en permanence, alimentés par de l’eau douce. Cette définition a cependant beaucoup évolué avec le temps. Les espèces présentes dans ces milieux sont considérées par Trochain (1940) comme des vestiges d’une forêt subguinéenne. Ses sols fertiles, très humifères et humides, sont propices aux cultures maraîchères lesquelles sont pratiquées intensivement sur toute la frange littorale. En 1961, les travaux de Raynal définissaient les associations végétales de la zone des Niaye représentant un espace dont la zonation écologique est liée à la proximité de la nappe, elles signalent dans le temps une série progressive, colonie saturée et adaptée à l’approfondissement des cuvettes. Ce dernier fait la distinction entre la Niaye inondée caractérisée par un nombre d’espèces réduit et une dominance des fougères, et la Niaye humide non inondée caractérisée par une végétation riche et variée où se distingue une strate ligneuse (Alchornea cordifolia, Caesalpinia bonduc), des espèces grimpantes (Abrus precatorius, Adenia lobato) et des espèces en bordure (Chrysobalanus orbicularis). Ces zones humides se caractérisent généralement par la disparition de la végétation naturelle au profit des cultures maraîchères qui progressent régulièrement des bordures vers le centre des dépressions du fait de la qualité du sol et la baisse du plan d’eau (Fall, 1986, Aguiar, 2009). Certaines dépressions dont celles de Fass Boye et de Diogo présentent une typhaie vigoureuse au centre des Niayes. Cette formation représente selon Raynal (1961), les caractéristiques d’une Niaye en voie de dégradation. L’espèce dominante dans cet écosystème humide est Elaeïs guineensis typiquement guinéenne. Elle marque la zone de contact entre le bas du système dunaire et la dépression. Aussi, l’espèce Cocos nucifera est bien représentée dans la zone bordant généralement la dépression. La strate herbacée assez importante est conditionnée par la topographie. Du centre de la dépression à sa marge externe, différentes espèces se déterminent sous l’influence de l’eau (Figure 15). Ainsi, au centre des dépressions, des espèces aquaphiles, en particulier Nymphaea lotus, Phragmites vulgaris et sur les marges, des espèces moins exigeantes en eau. Ces zones humides présentent une forte biodiversité. Un ensemble de 260 espèces a été récencé dans cet écosystème dont les Poaceae, Fabaceae-Faboideae, Euphorbiaceae sont les plus représentatifs (Faye et al., 2014). De plus, ces travaux montrent en plus de la classification des espèces, une comparaison avec la classification de base de Tronchain, 1940, une augmentation de la flore rudérale (lié à l’homme) et une diminution du nombre d’espèces. Ainsi, face à ses différentes activités anthropiques et aux changements climatiques, on distingue une modification de la biodiversité végétale. Le groupement hydrophyte à Typha évolue vers les groupements à Phragmites australis et Paspalum vaginatum, et le groupement à Aristida stipoides caractéristique d’une steppe évolue vers une savane arbustive. 

Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE I : CONTEXTE DE L’ETUDE DU LITTORAL NORD AU SENEGAL
CHAPITRE I : CADRE PHYSIQUE ET CONTEXTE CLIMATIQUE
CHAPITRE II : GEOMORPHOLOGIE ET HYDROGRAPHIE
CHAPITRE III : CONTEXTE GEOLOGIQUE ET HYDROGEOLOGIQUE
PARTIE II : MATERIELS ET METHODES
CHAPITRE IV : DONNEES EXISTANTES ET COLLECTE DE DONNEES COMPLEMENTAIRES
CHAPITRE V : TECHNIQUES ANALYTIQUES
CHAPITRE VI : METHODES DE TRAITEMENT DES DONNEES
PARTIE III : EVALUATION QUANTITATIVE ET QUALITATIVE DE LA NAPPE DU LITTORAL NORD
CHAPITRE VII : EVALUATION QUANTITATIVE DES EAUX SOUTERRAINES
CHAPITRE VIII : EVALUATION QUALITATIVE DES EAUX DU LITTORAL NORD
CHAPITRE IX : ORIGINE DE LA MINERALISATION ET PROCESSUS GEOCHIMIQUES DANS LA
NAPPE DU LITTORAL NORD
PARTIE IV : FONCTIONNEMENT HYDRO-GEOCHIMIQUE ET SEDIMENTAIRE
DE L’ECOSYSTEME DES NIAYES SUR LE LITTORAL NORD
CHAPITRE X : ETUDE GRANULOMETRIQUE, MINERALOGIQUE ET GEOCHIMIQUE DES SEDIMENTS
CHAPITRE XI : CHIMIE ET GEOCHIMIE ISOTOPIQUE DES EAUX INTERSTITIELLES DE LA ZONE DES NIAYES
CHAPITRE XII : ETUDE DES PROCESSUS DE DEGRADATION ET ORIGINE DE LA MATIERE
ORGANIQUE : APPLICATION A LA NIAYE DE MBORO
DISCUSSIONS
CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

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