Gommes versus fruits dans l’alimentation des animaux selon leur sexe 

Généralités sur la gommivorie et sur la gomme naturelle

La gommivorie

La définition du régime alimentaire fait généralement référence à l’aliment le plus communément consommé et aux spécialisations anatomiques. Les primates ont développé de nombreuses adaptations anatomiques et morphologiques qui leur permettent de mieux consommer et digérer certains types d’aliments. Cela se réfère surtout à la dentition et au système digestif. Les adaptations anatomiques associées à la gommivorie sont surtout, les ongles carénés pour permettre l’accrochage aux supports verticaux, un gros caecum pour la fermentation digestive et le peigne dentaire pour creuser l’écorce de l’arbre (FERARI et MARTIN, 1992 ; HEYMANN et SMITH, 1999).
La gommivorie consiste en l’ingestion de gommes surles blessures des arbres. Chez les primates, les gommivores sont les strepsirhiniens (Microcèbes, Phaner…) et quelques platyrhiniens (Ouistitis : genre Callithirixet Cebuella).
Le régime des gommivores est supplémenté par des fruits ou des insectes.

La gomme naturelle

Définition

La gomme naturelle est un composé glucidique particulièrement collant fabriqué à l’intérieur des tissus végétaux par des cellules spécialisées. Ce composé s’accumule peu à peu dans de petites poches afin de protéger l’arbre des agressions. Quand ces poches se déchirent la gomme s’échappe et se répand à l’intérieur des tissus puis coule à l’extérieur par une petite fissure. Tant que l’ouverture persiste les cellules sécrétrices restent actives et produisent de la gomme qui s’écoule en continu.
La fonction essentielle de la gomme est la protection de la plante contre les intrusions d’insectes et contre l’infection (SMITH et MONTGOMERY, 1959). Ainsi, les insectes, les champignons et les micro-organismes en tous genres se retrouvent instantanément englués à la moindre tentative d’intrusion dans l’arbre.
Généralement, la gommose ou production de gomme, est une maladie qui vient à la suite de blessures infligées aux branches ou à l’écorce de l’arbre. La gomme apparaît de façon importante pour jouer un rôle de cicatrisant.(wikipédia). La figure 1 montre une photo d’une coulée de gomme sur Alantsilodendron alluaudianum dans la forêt épineuse.

Propriétés physico-chimiques

La gomme est un exsudat généralement inodore, de pH acide, soluble dans l’eau mais insoluble dans l’alcool (Wikipédia). A l’air libre le liquide collant se solidifie en donnant des cristaux. La couleur de la gomme varie du jaune blanc au jaune brunâtre.
C’est un complexe polysaccharidique, peu digeste quelques fois mélangé à d’autres substances de nature protéique et de sels minéraux comme le potassium, le magnésium et le calcium dans le cas de la gomme d’Acacia ou gomme arabique. Il contient également de l’eau. Et comme toutes parties d’une plante, elle est composée en quasi-totalité d’hydrates de carbone (CHIVERS et HLADIK, 1980 ; POWER et OFTEDAL, 1996 ; LAMBERT, 1998 ; POWER, 1996).

Milieu d’étude

Les études effectuées sur l’espèce Microcebus griseorufus se sont déroulées dans la Réserve Privée de Berenty, de fin novembre 2005 à fin février 2006 dans la partie Sud de Madagascar.

Situation géographique et le statut de la Réserve

La réserve de Berenty se trouve dans le Sud de Madagascar 25°05’ latitude Sud, 46°18,5 longitude Est ( ANDRIANOME, 2004), environ à 95km à l’Ouest de Fort Dauphin et à 11km au Nord du district d’Amboasary Sud (FELANTSOA, 2002) (GARBUTT et al , 2001 ; RASAMIMANANA, 2004). Au Nord, elle est limitée par la rivière Mandrare, au Sud par une plantation de sisal. Elle a une superficie de 240 ha (RASAMIMANANA, 2004). Il s’agit d’une Réserve privée appartenant à la famille DE HEAULME depuis 1936. Cette famille originaire de France assure sa conservation et son aménagement jusqu’à maintenant (FELANTSOA, 2002 ; RASAMIMANANA, 2004). La figure 2 montre la localisation géographique et la carte de la réserve privée de Berenty.

Climat et sol

Climat

Le climat de Berenty est de type semi-aride avec un hiver frais ou tempéré et une faible pluviosité (FELANTSOA, 2002). La pluviométrie moyenne annuelle varie de 22mm à 912mm selon l’année (PRIDE, 2003 dans RAZAFIMAHATRATRA, 2008). De 1988 en 2005, la précipitation moyenne annuelle est de 531 ± 13 mm (GENIN, 2007). La saison sèche est longue, durant 8 mois allant de Mars en Octobre et la saison humide est courte : du mois de Novembre au mois de Février (figure 3). La température moyenne mensuelle est au voisinage de 27,5°C (RAZAFIMAHATRATRA, 2008).

Mode de vie

Les microcèbes sont des animaux nocturnes arboricoles et solitaires. Ils se déplacent rapidement en courant et en sautant sur les branches, même les plus fines, entre les fouillis de lianes et de buissons mêmes les plus touffus, grâce à leur petite taille et à leur faible poids, en gardant le corps généralement en positionhorizontale par rapport au support. Ils peuvent sauter une distance de 2 à 3 m et utilisentla queue comme balancier pour amortir l’impact à l’atterrissage (RANDRIAMIARISOA, 2006).
Le tapetum lucidum , couche réfléchissante qui couvre la rétine et qui agit comme amplificateur de lumière, permet aux microcèbes une meilleure vision nocturne. Les microcèbes sortent généralement plus tôt que les autres lémuriens nocturnes. Même si les microcèbes ont les qualités d’un hibernant, on n’observe pas d’engraissement saisonnier chez M. griseorufus dans la forêt épineuse.M. griseorufus est moins actif de 22h à 3h que M. murinusde la forêt galerie (RASOAZANABARY, 2003).

Abris

Pendant le jour, les microcèbes dorment dans des gîtes qui sont généralement des trous d’arbres. Dans la forêt épineuse de Berenty, ils dorment dans un trou du tronc d’Alluaudia procera (Didieraceae) et dans les touffes de branches d’Euphorbia sp (Euphorbiaceae) où on trouve généralement un animalpar gîte. Cependant, on peut trouver des gîtes sociaux où l’on peut rencontrer 2 à 3 individus de même sexe.
L’importance des abris, quel que soit leur type, est la protection contre les prédateurs

Interaction sociale

En cas de rencontre sociale, on peut distinguer deux interactions (PAGESFEUILLADE, 1998) :
– interaction sociable ou affiliative : c’est une rencontre entre deux ou plusieurs individus qui vont se toiletter mutuellement ou se partager les gîtes, surtout entre mâles et femelles
– interaction agonistique : ce sont des comportements agressifs tels que le refus de contact, la poursuite et la morsure suivis d’échanges vocaux. Les microcèbes émettent des cris qui font « tsi ! tsi ! » d’où leur nom vernaculaire « Tsidy ».
Le procédé de marquage de territoire est dénommé par un terme anglo-saxon « urine washing » qui consiste à imprégner d’urine les deux mains ainsi que les pieds par un mouvement relativement vite en les remuant et frottant près de l’organe génital. (ATSALIS, 1999a ; SCHILLING, 2000)
La petitesse de la taille des microcèbes est susceptible d’intéresser un grand nombre de prédateurs à savoir :
– les serpents : Sanzinia madagascariensis (Boa)
– les oiseaux rapaces : Tyto alba, Asio madagascariensis, Accipiter henstii et Polyboroides radiatus . Ces deux derniers sont capables de les enlever de leur gîte (KARPANTY 2004)

Reproduction

La période de reproduction n’est pas synchronisée comme chez la plupart des lémuriens et elle est relativement longue (GENIN, 2007) : de septembre à mai. La gestation dure 60 jours (RANDRIANARIMALALASOA, 2008). Une femelle peut avoir 1 à 2 petits par portée, rarement trois. Il n’y a pas de dimorphisme sexuel, ils se distinguent par leur organe sexuel.

Répartition géographique

Cette espèce se localise dans les forêts épineuses désertiques de l’extrême Sud et du Sud-Ouest de Madagascar (MITTERMEIR et al , 2006), de Taolagnaro à Morombe en passant par Tuléar. Notamment, dans la Réserve Privée de Berenty, dans la Réserve Spéciale Beza-Mahafaly et dans le Parc National de Tsimanampetsotsa.

METHODES ET MATERIELS

Période d’étude

Les travaux sur terrain ont été menés du 29 Novembre 2005 au 27 Février 2006, saison humide et période d’allaitement. La première semaine a été consacrée à la reconnaissance du lieu d’étude, aux relevés de la végétation et à l’initiation de suivi des animaux car les animaux courent vite et il est facile de les perdrede vue. Les nuits de suivis et les sessions de piégeage sont alternées. Les surveillances des arbres se font en 10 nuits consécutives. Les observations se font de 17 h 30 à 5 h 30, faisant un total de 288 h pour l’ensemble suivi et affût.

Le piégeage

Afin de suivre les animaux pour connaître leur comportement alimentaire et surtout leur alimentation en gommes, les microcèbes sont attrapés avec les pièges de SHERMAN.
Ce sont des pièges en aluminium de forme parallélépipédique (7,7cm x 7,7cm x 30,5cm ou 23,5cm x 7,9cm x 9cm). Les animaux sont appâtés avec des petites tranches de banane mises dans les pièges lesquels sont placés tous les 20m le long des chemins avant la tombée de la nuit (17 h environ), entre 1 à 2m du sol. Ils sont également placés autour des gîtes connus.
Les contrôles des pièges se font à minuit et tôt lelendemain.
Les animaux capturés ou recapturés sont ramenés au camp à 5 km du site et anesthésiés à la kétamine (IMALGENE 500) à 2mg/100gsoit environ 1mg/ animal, afin de les peser sur une balance électrique à 1g près, exceptées les femelles gestantes, et de les marquer en coupant un petit bout d’oreille, en rasant une partie de la queue, et de les munir de collier radio (TW4 -buttons celles tags, biotrack, Wareham, UK) pour les suivre.

Le radio-pistage

Les animaux marqués et munis de radio collier sont suivis. Le collier est constitué de fil électrique, utilisé à la fois comme antenne et mini- émetteur de signaux. En ajustant la fréquence, les signaux émis par le collier sont captés par un récepteur (PRO-ADRESEC) et transmis aux oreilles du chercheur. Les signaux sont forts dans la direction de l’animal suivi et s’amplifient quand on s’en approche.
L’observation d’un animal se fait à moins de 10m avec une lampe frontale. La visite régulière des touristes n’a pas d’effet sur la densité des animaux et facilite les observations des animaux qui ne sont pas farouches à la présencehumaine.
Les paramètres observés sont :
repos : l’animal ne bouge pas.
déplacement : l’animal change de place d’un arbre àun autre ou sur un même pied d’arbre ou d’un endroit à un autre pour la recherche, le choix de nourritures et pour la chasse des insectes en courant très vite.
l’alimentation : l’animal mâche et avale quelque chose.
le type de nourritures : gomme, fruit, insecte, sécrétion larvaire.
toilettage : qui consiste à lécher le museau ou lesdents pour enlever les restes de gommes qui s’y collent ou à lécher une partie ducorps.
interactions sociales : toilettage mutuel, partage de gîte et rencontre suivis d’échanges vocaux.
A cause du nombre restreint de colliers et de la difficulté de les récupérer, quatre animaux seulement ont été suivis dont deux mâles codés mâle 1 et mâle 3 et deux femelles codées : femelle 5 et femelle 8. Chaque animal est suivi pendant une nuit complète de 17h 30 à 5h 30. Ces différentes activités sont notées pour chaque animal suivi ainsi que l’endroit où il se trouve toutes les 15 minutes. Les échantillons de nuit où l’animal est perdu durant 3 intervalles de temps successifs sont invalidés, surtout lors des suivis effectués sur d’autres animaux non marqués. L’endroit et les ressources sont marqués par des bouts de ruban afin de les repérer le jour et de tracer leur domaine vital.
Un domaine vital est la surface en polygone convexe dans laquelle l’animal suivi effectue ses diverses activités.

L’affût 

L’affût consiste à attendre discrètement près d’un arbre l’arrivée éventuelle d’un animal qui vient y manger. C’est une observation de l’arbre visant à connaître le mode d’exploitation d’une ressource riche en gomme, c’est-à-dire ayant un nombre de coulées par arbre supérieur à 10 (n=5). Deux arbres seulement ont été surveillés car ils présentent les mêmes hauteurs et diamètres de couronne : l’arbre dénommé A 0et A 1 .

Expérimentation

Une expérience pour vérifier les causes des coulées de gomme en prenant comme matériel biologique, l’espèce principale à gomme, Alantsilodendron alluaudianum (Fabaceae) a aussi été menée. On a choisi au hasard10 arbres parasités par des insectes qui creusent une galerie dans le tronc et on leur donneun coup de machette dans le tronc au niveau des galeries, et on en donne le même coup, à10 autres arbres non parasités. Pour avoir des entailles uniformes les coups de machetteont été donnés par un paysan habile.

Autres matériels

Une carte quadrillée de la forêt épineuse a été utilisée pour repérer l’endroit où se trouvait l’animal durant le suivi de la veille. Sondéplacement a été repéré durant la nuit en posant des rubans toutes les 15 mn sur son itinéraire afin d’établir son domaine vital. Ces points sont ensuite placés sur la carte le lendemain.
Des carnets et crayons ont été également utilisés pour recueillir les données, un ordinateur pour le traitement de données et pour la rédaction. Des livres et documents concernant le sujet ont été consultés pour de plus amples informations.

Traitement et analyses des données

Saisie des données

Les données recueillies lors des observations ont été entrées dans le logiciel Microsoft Excel avant d’être traitées par le logiciel SPSS 2.0 qui par tableau croisé, a ressorti les correspondances entre les différentes variables étudiées ainsi que leurs fréquences.

Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : GENERALITES 
1. Généralités sur la gommivorie et sur la gomme naturelle
1.1. La gommivorie
1.2. La gomme naturelle
1.2.1. Définition
1.2.2. Propriétés physico-chimiques
2. Milieu d’étude
2.1. Situation géographique et le statut de la Réserve
2.2. Climat et sol
2.2.1. Climat
2.2.2. Le sol
2.3. Flore
2.4. Faune de la réserve
3. Description de l’espèce Microcebus griseorufus
3.1. Taxonomie
3.2. Morphologie
3.2.1. Mensuration (RASOLOARISON et al 2000)
3.2.2. Pelage
3.3. Mode de vie
3.6. Reproduction
3.7. Répartition géographique
3.8. Statut de conservation
DEUXIEME PARTIE : METHODES ET MATERIELS
1. Période d’étude
2. Le piégeage
3. Le radio-pistage
4. L’affût
5. Étude des arbres à gommes et des coulées de gomme
5.1. Méthode d’inventaire
5.2. Prélèvement des échantillons de gommes et de fruits pour l’analyse chimique
5.3. Expérimentation
6. Autres matériels
7. Traitement et analyses des données
7.1. Saisie des données
7.2. Analyse des données
7.2.1. Pourcentage et moyenne
7.2.3. Test de corrélation linéaire de Spearman
7.2.4. Test de Khi-deux
TROISIEME PARTIE : RESULTATS ET INTERPRETATION 
1. Les individus étudiés et leur domaine vital
2. Les arbres à gommes de l’espèce Alantsilodendron alluaudianum exploités dans chaque domaine vital ainsi que leur répartition
3. Les différentes activités des animaux suivis
4. Les différentes ressources consommées par les animaux suivis
5. Les différentes espèces végétales consommées parles animaux
6. Gommes versus fruits dans l’alimentation des animaux selon leur sexe
7. Variation de pourcentages de temps à consommer de la gomme suivant les heures de la nuit
8. Les paramètres temporels pendant les affûts
9. Répartition des gommes et des prises alimentaires sur les arbres surveillés
9.1. Répartition des gommes
9.2. Répartition des prises alimentaires
9.3. Variation de nombres de prises alimentaires selon les plages horaires sur les arbres surveillés
10. Interactions
11. La gomme et les espèces à gomme
11. 1. Taxonomie de l’espèce à gomme Alantsilodendron alluaudianum
11. 2. Taxonomie de Commiphora spp
11. 3. Abondance des espèces à gommes et des gommes
11. 4. Abondance des coulées selon la grandeur des tiges
11. 5. Les causes de la gommose sur l’espèce A. alluaudianum
11. 6. Effets des coups de machette sur la production de gomme
QUATRIEME PARTIE : DISCUSSIONS ET INTERETS DE L’ETUDE
1. Discussions
1.1. Taille de domaines vitaux des animaux
1.2. Durée d’alimentation
1.3. Composition chimique de la gomme et la préférence des animaux
1.4. Abondance des arbres à gommes et densité des microcèbes
1.5. Fréquence d’alimentation selon les espèces
1.5. Digestibilité
1.6. Régime alimentaire et budget d’activités des lémuriens de la réserve de Berenty
2. Intérêts de l’étude
2.1. Intérêt écologique
2.2. Intérêts économiques
2.2.1. Utilisation en industrie textile et agro-alimentaire
2.2.2. Usages médicinaux de la gomme
3. Intérêts pédagogiques
3.1. Au niveau de l’enseignement primaire
3.2. Au niveau de l’enseignement secondaire
3.2.1. En classe de seconde
3.2.2. En classe de première
3.2.3. En classe de Terminale
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE 

projet fin d'etude

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