IUFM de la Guadeloupe

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L’introduction des restitutions organisées de connaissances (ROC) dans les épreuves du baccalauréat, à partir de 1995, est une réponse de l’institution à la volonté de rendre plus efficace l’enseignement en cycle terminal. Cet article s’appuie sur l’analyse de la ROC du sujet Antilles Guyane session 2006 par une approche anthropologique en proposant la construction de son « site mathématique ». Au travers de cet exemple sont interrogées certaines caractéristiques du concept ROC comme sa cohérence (notamment institutionnelle) et sa transparence de cette évaluation. Mots clés : site mathématique, restitution, ROC, Descartes, habiletés, connaissances, savoirs, pré-requis, réorganisation, méthode, baccalauréat, CAPES, CAPLP, évaluation. 1. Introduction L’introduction, dans le cadre des épreuves du baccalauréat 2005, d’exercices novateurs, dont un pilier est la restitution organisée de connaissances (ROC), est une réponse proposée par l’institution à la nécessité de rendre plus efficace l’enseignement en cycle terminal. L’idée sous jacente est que l’on peut contribuer à atteindre cet objectif en agissant en amont, par le moyen de l’évaluation certificative. L’affirmation selon laquelle  » le baccalauréat pilote l’enseignement du cycle terminal  » [direction Bernard David, 2000] ou bien celle qui stipule que  » le mode d’évaluation aux examens structure les contenus de l’enseignement et organise la scolarité  » (selon une déclaration d’André Périssol à l’assemblée Nationale en 2005) illustrent ce postulat. Cet article, qui fait état de recherches effectuées pour un travail de thèse, s’appuie sur une étude de la ROC du sujet Antilles-Guyane session 2006 dans le cadre de la théorie Anthropologique du Didactique formulée par Y. Chevallard en 1989. L’article construit le site mathématique de la ROC étudiée [P. Duchet , K. Erdogan, 2005] : nous postulons en effet que la construction du site mathématique local d’une ROC permet d’appréhender par niveau de praxéologie croissant, les connaissances ou les coutumes mathématiques à enseigner pour préparer les élèves à devenir des résolveurs [C. Castela 2008]. Nous partons d’une première analyse situant la ROC selon les points de vue, historique/ institutionnel/ des pratiques (à l’oral du baccalauréat)/ mathématiques. Nous poursuivons notre étude par l’explicitation des méthodes de résolution, permettant de préciser son écologie didactique. L’ensemble de ces éléments permet alors la construction du site. L’orientation choisie permet d’interroger au travers de cet exemple, certaines caractéristiques du concept de ROC, notamment celles liées à l’introduction de pré-requis dans une épreuve de baccalauréat. Dans cet ordre d’idées, montrons que contrairement à son acronyme ROC elle n’évalue pas seulement que des connaissances mathématiques. Nous testerons également la cohérence du concept, tant au niveau institutionnel qu’au niveau des connaissances requises. L’ensemble de ces questionnements permet de montrer que la ROC n’est probablement pas un mode d’évaluation à rejeter même si elle ne constitue pas une réponse parfaite aux différentes fonctions qui lui ont été assignées par l’institution. 2. Premières analyses de la ROC 2.1 Première lecture Voici le sujet tel qu’il fut proposé aux candidats, à la session 2006 du Baccalauréat série S Antilles Guyane : Restitution organisée de connaissances Pré-requis : – La fonction logarithme népérien est dérivable sur ]0 ; +∞ [ et sa fonction dérivée est la fonction inverse – ln(1)=0 Démontrer que pour tous réels strictement positifs a et x, ln(ax) = ln(a)+ln(x) Un élève résolveur [C. Castela, 2008] qui lit pour la première fois le sujet remarque deux codages de natures différentes qu’on peut considérer comme relevant du champ protomathématique [Y. Chevallard, 1985].

Le premier codage consiste à noter ln(x) à la place du plus habituel lnx. Ce code fait référence à la valeur de la fonction ln prise au point x, comme il réfèrerait à une fonction f non précisée prise au point x. L’ostensif (x) est d’un usage commun. Il s’emploie dans la classe à partir de la seconde. Ainsi, après trois occurrences du mot « fonction » dans les pré-requis, ce codage situe bien la ROC dans le champ des « fonctions ». Le deuxième code est le choix des lettres a et x. Traditionnellement les lettres a, b, c désignent dans un contexte mathématiques des constantes inconnues tandis que x, y et t sont des variables. L’auteur suggère au résolveur que x sera traité comme une variable et a comme une constante. Remarquons également que le concepteur a choisi de donner comme pré-requis non une définition de la fonction ln mais une propriété de celle-ci. En effet il aurait pu choisir d’écrire « La fonction logarithme népérien est la primitive définie sur ]0 ; + [ de la fonction inverse qui s’annule en 1 ». Ce choix dans l’évaluation finale indique, par son caractère inhabituel, un objet précis : la dérivation. Dans le même ordre d’idées le concepteur n’introduit pas l’objet du problème en le citant comme étant une propriété ni une relation fonctionnelle mais simplement une démonstration. Ainsi dans l’énoncé de cette ROC, l’implicite occupe une place première. Pour reconnaître les concepts protomathématiques, paramathématiques ou mathématiques l’élève résolveur doit montrer une « habileté de lecture mathématique », habileté au sens du mot latin « habilis » : « qui ont des habitudes, qui « savent y faire ». C’est la notion anglaise de « craft », de « clever » (adresse et présence d’esprit et habitude), c’est l’habileté à quelque chose. Encore une fois nous sommes bien dans le domaine technique.  » [M. Mauss, 1950] En conséquence une lecture attentive du sujet permet à cet « expert » de décoder et donc de choisir les techniques [Y. Chevallard, 1989], la variable et la stratégie. 2.2 Panorama général Point de vue historique Sans entrer dans un long développement , mentionnons qu’après la découverte des logarithmes par une approche cinématique, leur reconnaissance mathématique découle du fait qu’ils sont une réponse aux calculs longs et difficiles en astronomie. Les calculs de multiplication ou de division sont remplacés par deux correspondances dans une table et une addition. C’est au début du XVII° siècle que John NAPIER publie son traité Mirifici Logarithmorum Canonis Descriptio, où il donne des tables de correspondances. Nous pouvons donc dire que la propriété énoncée dans la ROC est à la base du concept logarithme. Cette naissance, si elle ne dépend pas des exponentielles, est cependant liée à la suite des puissances d’un nombre et de celle de ses exposants. En effet la suite q,q²,..qn peut être mise en relation avec 1,2 ,…n. Nous retrouvons alors la propriété qui fonde notre exercice, un produit qpqr est en relation avec p+r grâce à la propriété des puissances. Point de vue institutionnel (évolution des programmes) Dans les programmes antérieurs à 2002 les logarithmes introduisent les nouvelles fonctions de terminale. Elles sont donc vues comme fondement de la fonction exponentielle. Dans le programme de 1971 par exemple « La fonction logarithme népérien est définie sur R*+ par ; la fonction exponentielle sera obtenue comme réciproque de la fonction logarithme népérien. On justifiera les règles de calcul et l’isomorphisme ainsi établi entre le groupe additif (IR*+, +) et le groupe multiplicatif (IR*+, ) » . Cette introduction est conservée dans les années 1980. Le programme des années 1990 n’impose plus « le mode d’introduction des fonctions ln et exp » [BO du 13 juin 1997, p18]. « L’existence et la dérivabilité de ces fonctions peuvent être admises. En revanche, les propriétés des fonctions ln et exp feront l’objet de démonstrations » Le programme de 2002 marque une rupture avec les précédents pour l’introduction de la fonction ln. La fonction exp est introduite le plus tôt possible avant celle de logarithme. Elle doit occuper une place centrale. La fonction logarithme népérien n’est plus la première fonction « transcendante » étudiée en classe de terminale. Elle perd ainsi sa place dans la progression au profit de la fonction exponentielle.

Ce programme (voir document 1) propose trois introductions au logarithme. Le professeur, habitué aux programmes antérieurs à 2002 aura tendance, par habitude, à privilégier la troisième approche. En revanche, pour l’élève dont l’enseignant aura choisi une des deux premières approches, cette ROC peut constituer une démonstration nouvelle (une interview de professeur corrobore ce fait). Point de vue des pratiques de l’oral du baccalauréat. Dans les années 1980 les professeurs utilisaient les contenus mathématiques de cette ROC dans l’oral du baccalauréat pour sélectionner les candidats. Ce sujet était alors, dans la pratique, reconnu comme étant difficile. Dans la décennie 90, le professeur choisit souvent le mode de fonctionnement induite par cette ROC pour introduire la fonction ln. Il procède en définissant ln par la primitive définie sur ]0, + [ de la fonction x qui s’annule en 1. Après une étude succincte de la fonction ln, il est amené à en déduire la propriété « fondamentale » : • soit par une question : « Soit a un réel strictement positif et soit la fonction g définie par g(x)=ln(ax) pour x >0 ; Montrer que g est dérivable et calculer .En déduire que ln(ax) = lnx + lna pour tout x>0 » ; • soit en la démontrant directement dans son cours. Point de vue mathématique Les relations fonctionnelles restent un sujet délicat en mathématiques. Cependant, classiquement, celles présentes dans le curriculum du professeur (certifié, agrégé) de lycée sont au nombre de quatre, avec des hypothèses de régularité sur la fonction inconnue adaptées au niveau de formation : – équation fonctionnelle des fonctions linéaires de la variable réelle : f(x + y) = f(x) + f(y), – équation fonctionnelle des fonctions logarithmes : f (x y) = f(x) + f(y), – équation fonctionnelle des fonctions exponentielles : f (x + y) = f(x)f(y), – équation fonctionnelle des fonctions puissances : f (x y) = f(x) f(y), La résolution des trois dernières peut, par exemple, s’obtenir à partir de la résolution de la première, la plus élémentaire. Dans l’expérience des auteurs, cela reste un sujet d’oral 1 assez difficile pour les étudiants préparant le CAPES. Au niveau des programmes du secondaire, l’élève apprend (ou démontre partiellement) que les fonctions précitées vérifient l’équation fonctionnelle correspondante. C’est ce qui est demandé dans la ROC étudiée. Dans son cursus, il peut cependant être amené à résoudre ces équations fonctionnelles avec des hypothèses de régularité fortes. 3. Méthodes de résolution Nous allons rédiger quelques réponses possibles à cette ROC en les appelant méthode dans le sens ordinaire de ce mot. Nous ne choisissons pas une rédaction la plus économique possible pour expliciter quelques concepts protomathématiques ou paramathématiques et par voie de conséquence, pouvoir construire effectivement le site mathématique. Première méthode Les pré-requis peuvent faire penser à la définition de ln à partir de l’intégrale : lnx = . Nous avons donc à démontrer que pour tous réels strictement positifs a et x, . En utilisant la relation de Chasles, nous obtenons . Ces deux égalités précédentes sont identiques si, et seulement si, . Or pour démontrer cette égalité, il faut effectuer un changement de variable affine u=at. Rappelons le théorème : « Soit une fonction f continue sur un intervalle I contenant ma+p et mb+p (m,p,a,b réels, m 0) alors » . Or . Soit f : R R définie par f(t)= . La fonction f est continue sur R, ainsi nous pouvons appliquer le théorème .. Deuxième méthode Nous utilisons la fonction exponentielle, fonction qui dans la programmation de la classe se situe avant la fonction ln. Nous remarquons qu’un professeur peut choisir d’utiliser cette méthode en cours pour démontrer la propriété du logarithme présente en suivant les directives prescrites par l’institution.

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