LA GENESE DE LA COUCHE INTERMEDIAIRE

LA GENESE DE LA COUCHE INTERMEDIAIRE

La dégradation du ballast 

Précédemment nous avons mis en évidence que la couche intermédiaire est un mélange de sol support, du ballast et des fines issues de sa dégradation. Cette partie s’attachera à présenter la genèse de la couche intermédiaire en faisant un historique du ballast utilisé en voie, à démontrer l’impact des circulations et des opérations d’entretien sur la dégradation du ballast. Enfin, on conclura par l’analyse chimique de la couche intermédiaire de Sénissiat qui permet de confirmer que cette structure est formée par l’interpénétration du ballast et du sol support, mais également des produits issus de la dégradation du ballast. 

Les ballasts utilisés au cours du temps

 Historiquement, le ballast mis en œuvre lors de l’édification des lignes était des pierres dures concassées, dont les gisements étaient situés à proximité du chantier. En effet, les critères de sélection de l’époque n’imposaient pas de dureté minimale ni de fuseau granulométrique homogène, bien que le ballast doive être assez dur pour résister aux chocs provoqués par les charges roulantes et pour supporter les effets des actions de bourrage. Un ballast tendre ou poreux se désagrège rapidement, il absorbe l’humidité qui retient des poussières et des corps étrangers et ainsi perd son comportement frottant. C’est pour cela qu’historiquement différents types de roches ont été utilisées chacune dans des conditions différentes. On peut citer par exemple : LA GENESE DE LA COUCHE INTERMEDIAIRE « Rôle de la couche intermédiaire dans le potentiel de la voie ferrée » Chapitre : III  – Les roches sédimentaires : seules les formations primaires sont utilisées, car elles constituent des pierres suffisamment dures pour constituer un ballast de bonne qualité. Ces produits sont fragiles et se fendent dans le sens de la stratification et pour les roches calcaires celles-ci s’altèrent par dissolution. Néanmoins, les roches siliceuses (grès, quartzites) résistent bien aux altérations liées à des agents atmosphériques. – Notons qu’actuellement l’homologation de carrières de ballast de calcaires durs est en cours à la SNCF, car cette roche répond aux critères définis par la norme NF EN 13450 (AFNOR, 2003). Cependant, il sera nécessaire de vérifier l’impact des fines issues de l’attrition de ce produit et vérifier qu’elles n’engendrent pas un ciment qui aurait pour effet de lier les particules de ballast et d’empêcher les opérations de bourrage. – Les graviers : il se compose de cailloux roulés, qui peuvent être concassés dans de rare cas, car cette opération rendait le matériau plus couteux. Généralement, le gravier issu d’anciennes rivières contenait plus de fines que celui issu de gravière, ce qui nécessitait de le laver pour le rendre exempt de fines argileuses. Cependant la forme roulée du matériau rendait les opérations de bourrage inefficaces, car les graviers « roulaient » les uns sur les autres (absence de friction). – Les roches volcaniques : avant d’être généralisées sur le RFN, ces roches étaient déjà utilisées à la fin du XIXe siècle. Leurs caractéristiques en termes de compacité, de densité, d’absence de porosité, mais également le fait qu’elles soient non gélives et qu’elles résistent parfaitement aux agents atmosphériques, ont largement contribué à leurs utilisations. – Enfin, sur les lignes situées à proximité des mines, il n’était pas rare de trouver des produits issus des hauts fourneaux. Ces laitiers concassés remplissaient pleinement le rôle du ballast du fait des arêtes vives. Cependant, la présence de chaux dans le laitier le rendait fragile et faisait qu’il se délitait sous l’effet cumulé des sollicitations mécaniques induites par les circulations et du climat.

L’impact des circulations et du bourrage sur la dégradation du ballast

 La qualité mécanique du ballast est essentielle pour que celui-ci résiste aux différentes sollicitations mécaniques qui sont le trafic et les opérations de maintenance. Différents travaux ont étudié l’influence de ces paramètres sur la dégradation du ballast. Parmi ceux-ci, je présenterai les études menées sur le réseau ferroviaire français (Perales, 2010) et suisse (Paderno, 2010). « Rôle de la couche intermédiaire dans le potentiel de la voie ferrée » Chapitre : III 

Etude de la dégradation du ballast sur le réseau français 

Des premiers travaux sur la dégradation du ballast ont été menés par Lecocq (REF, 1985), dans le but de quantifier l’évolution du pourcentage de fines produites en fonction du chargement, et ce pour différents matériaux de ballast. L’objectif final de cette étude était de déterminer un état de pollution du ballast qui rendait les opérations de maintenance inefficaces. Les conclusions que l’on peut tirer de cette étude sont que : la production de fines est dépendante de la dureté du matériau ballast ; les fines résultantes de l’usure de la traverse peuvent représenter jusqu’à 4% de la totalité des fines produites ; enfin, le colmatage total du ballast est atteint pour un pourcentage de fines (<1,6mm) de 12,5%. De ces travaux, Lecoq a proposé des abaques de dégradation du ballast en fonction de la qualité du matériau et de la classe de trafic de la ligne (Figure III.1). Dans ce graphique, la DRG renseigne la dureté globale du ballast, qui permet de prendre en compte la dispersion des qualités de dureté (DR) du matériau définie par : – La résistance à l’usure par frottement des grains entre eux (essai d’attrition DEVAL Sec (DS) et Humide (DH)) – La résistance aux chocs des grains de ballast entre eux (essai de fragmentation Los Angeles) – La valeur DR retenue (obtenue à l’aide d’un abaque) est la plus petite des DRs et DRh (respectivement sec et humide). Ainsi la dureté globale DRG est évaluée statistiquement, elle équivaut à la plus petite des deux valeurs suivantes : – ;<==== − 0.5>?@ (moyenne des DR – ½ écart type) – ;< + 2 (Plus faible valeur de DR + 2)  .En 2010, Perales (2010) a réalisé une étude sur la dégradation du ballast de LGV (granulométrie 31,5/50 mm, de la carrière de Montaute (58)). L’objectif de ces travaux était de voir l’impact indépendamment l’influence des opérations de maintenance et des circulations ferroviaires sur la dégradation du ballast. Pour l’étude de l’impact des circulations sur le matériau ballast, Perales a simulé à l’aide du vibrogir (banc d’essai reproduisant le chargement ferroviaire) jusqu’à 20 années de circulation d’un essieu de 17,5 T, correspondant à un trafic cumulé de 240 millions de tonnes. Des échantillons de ballast ont été prélevés à intervalle régulier pour quantifier la dégradation du ballast en termes de production de fines et de fragmentation des grains, et ce en fonction de l’historique de chargement. Cet essai montre que la production de fines (<25mm) est importante au début des sollicitations et que celle-ci stagne à mi-vie de sollicitation (Figure III.2). De ce test, un ratio de production de fines par rapport au trafic cumulé a été établi. Ainsi pour une ligne LGV, circulée par des trains de 17,5T/essieux, la production moyenne de fines (<25mm) est estimée à 170 g/MT.  

Etude de la dégradation du ballast sur le réseau 

Suisse. Paderno (2010) a quantifié l’impact des opérations de bourrage sur la dégradation du ballast, sur le réseau ferroviaire Suisse. Le ballast utilisé, lors de ces travaux, est un grès concassés contenant 25 – 30% de minéraux durs (quartz et calcite). La résistance à la fragmentation Los Angeles est de 11 à 15. Le granulat utilisé étant conforme à la norme Européenne EN 13450 et les conditions de trafic et de maintenance sont assimilables aux règles françaises ; la dégradation du granulat peut être considérée comme transposable à la dégradation de ceux mis en œuvre sur le RFN. Lors de son étude, Paderno a reproduit en laboratoire (Figure III.6) une portion de voie et l’a sollicité pour représenter vingt années d’une portion de voie circulée par des trains de 22T/e (correspondant à une ligne UIC 2). En parallèle, « Rôle de la couche intermédiaire dans le potentiel de la voie ferrée » Chapitre : III 83 des actions de maintenance corrective sur la géométrie de la voie ont été opérées. Après sollicitations, le châssis de voie a été déposé et la granulométrie de ballast analysée sous traverse et autour de celleci. Ce zonage permet d’estimer l’effet des sollicitations et des bourroirs sur la dégradation du ballast. Notons toutefois que le granulat situé entre traverses subit exclusivement l’action de plongée des bourroirs ; la sollicitation induite par les circulations étant moins importante, alors que les grains situés sous traverses subissent l’action cumulée du trafic et du bourrage mécanique. Figure III.6 : Dispositif d’essai – Bloc bourroir 1x et poutre de sollicitation (Paderno 2010) La Figure III.7 montre l’influence du trafic et du bourrage sur la dégradation du ballast. Ainsi, la comparaison avec le ballast originel non sollicité permet d’observer une évolution granulométrique des granulats. Le décalage des courbes vers la gauche après sollicitation indique une diminution granulométrique des grains de ballast. Figure III.7 : Courbes granulométriques du ballast avant et après sollicitations « Rôle de la couche intermédiaire dans le potentiel de la voie ferrée » Chapitre : III 84 Ce travail met en évidences deux points principaux : – Le premier est que le ballast situé sous traverse est plus dégradé par celui situé dans les cases. Cela s’explique d’une part par la sollicitation du trafic ferroviaire, mais également par la fragmentation des grains suite à la mise en vibration des bourroirs. – En second point, on peut noter l’impact de la plongée des bourroirs sur la modification granulométrique des ballasts. En effet, bien que moindre, la correction granulométrique du ballast situé en case est non négligeable. c. Conclusion: Ces travaux ont mis en évidence l’effet des circulations et des opérations de maintenance sur la dégradation du ballast. L’ensemble des auteurs met en évidence l’effet du bourrage sur la fragmentation des grains, dès les vingt premiers cycles de maintenance. Pour ce qui est de l’effet des circulations sur la production de fines, les travaux de Perales ont mis en évidence, dans le cas d’une LGV, la production de 170 g de fines par million de tonnes circulées. Ces informations confirment donc l’apport des produits de dégradation du ballast dans la constitution de la couche intermédiaire. Cependant il est nécessaire de procéder à une analyse minéralogique des fines de la couche intermédiaire pour justifier cette hypothèse en regardant notamment leur nature pétrographique. Ces travaux d’identification ont été réalisés dans le cadre de la thèse de Trinh (2011), sur la couche intermédiaire de Sénissiat et sont présentés dans le paragraphe suivant. 

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