LA MESURE DE LA FIDÉLITÉ À L’ÉTUDE DE L’ENGAGEMENT

 LA MESURE DE LA FIDÉLITÉ À L’ÉTUDE DE L’ENGAGEMENT

L’observation des nombreuses recherches sur la fidélité à la marque montre une certaine confusion quant à la définition même du concept de fidélité. On trouve pêle-mêle diverses dénominations, comme la fidélité comportementale, attitudinale, fidélité vraie, trompeuse ou fausse… Sont également mentionnées les notions d’habitude, d’inertie, d’engagement et même d’évitement de la recherche de variété… Les mesures de ce phénomène montrent sont, elles aussi, très différentes. Certains auteurs déduisent la fidélité des comportements, d’autres étudient les attitudes. La fidélité est parfois évaluée à partir de ses conséquences, parfois à partir de ses antécédents… Il semble donc nécessaire de commencer cette recherche par une brève revue de la littérature sur le concept de fidélité et de montrer que ce construit recouvre des notions très diverses. Nous proposerons donc une classification des principales approches et mesures de la fidélité. Nous nous concentrerons ensuite sur l’engagement envers la marque et tenterons de préciser quels sont les liens qui existent entre ces deux notions. La seconde partie de cette étude sera consacrée aux définitions de l’engagement, qui sont parfois très différentes. A partir des travaux existants, nous essaierons de formaliser une définition de ce construit. Nous tenterons ensuite de clarifier ses relations avec différentes attitudes que le consommateur entretient face à la marque. L’intérêt des chercheurs pour la fidélité des consommateurs envers une marque est ancien et date du début des années 20. Copeland, sans toutefois utiliser explicitement le terme de fidélité, décrit en 1923 dans Harvard Business Review sous le titre « Relation of Consumer’s Buying Habits to Marketing Methods » un phénomène qu’il qualifie d’insistance pour une marque. Il fait l’hypothèse d’un continuum d’attitudes qui, en fonction des préférences du consommateur, va de la simple reconnaissance de la marque jusqu’à l’insistance. Il est ainsi le premier à envisager qu’une attitude forte envers une marque puisse influencer le comportement du consommateur et il propose de définir la fidélité comme le comportement d’achat exclusif d’une marque. L’intérêt porté à la fidélité ne cessera de croître. Dès les années 50, à une époque où le marketing et l’étude du comportement du consommateur n’en sont qu’à leurs débuts, un des objectifs des chercheurs sera d’identifier des régularités et des répétitions. Ces études restent essentiellement exploratoires. Elles décrivent des achats, essaient éventuellement de les prévoir, plutôt que d’en proposer une explication. Dans cette optique, les chercheurs privilégient l’examen des comportements à celui des attitudes. La question centrale est de déterminer si le comportement d’achat des consommateurs est dû au hasard ou si, au contraire, certaines régularités peuvent être identifiées. Les premières études d’importance ont été celles de Brown (1952) puis de Cunningham (1956) qui se sont penchés sur les relevés des achats des ménages et qui ont identifié des répétitions d’achats qui ne pouvaient être occasionnées par le hasard. Cette approche comportementale s’est poursuivie jusqu’à nos jours et la connaissance du comportement s’est depuis énormément enrichie : identification de différentes formes de fidélité (exclusivité et multi-fidélité), extension du concept de fidélité à la marque à celui de fidélité au point de vente, élaboration de mesures de fidélité, calculs de modèles statistiques de représentation et de prévision des comportements (Ehrenberg et al., 1988, 1990). En parallèle, s’est développé un courant de recherche privilégiant l’aspect attitudinal de la fidélité. Il ne s’agit plus de prévoir une répétition des achats, mais de proposer une explication de la fidélité à la marque et d’en identifier les antécédents.

Mesures comportementales de la fidélité 

De nombreux facteurs peuvent être invoqués pour expliquer la généralisation de l’approche comportementale de la fidélité. Nous nous contenterons de citer les principaux : – une certaine facilité d’observation du phénomène : les chercheurs raisonnent le plus souvent à partir d’observations ou de comportements constatés. La réalité des achats observés ne peut être mise en doute et est facilement quantifiable, à la différence des attitudes des consommateurs dont la mesure est généralement délicate. Ainsi, Kapferer et Laurent (1992) définissent la fidélité comme « une variable qui décrit le comportement objectif d’un consommateur : rachète-t-il régulièrement la même marque ? La tâche du chercheur est donc simple – du moins en principe- : il lui suffit d’observer un comportement.»1 – la généralisation d’outils permettant de recenser avec précision et sans risques d’erreur les comportements des consommateurs, y compris sur des périodes longues. La généralisation des scanners, le progrès et la sophistication des 1 in « la Sensibilité aux Marques », p.43 Première partie : Revue de la littérature et présentation des hypothèses 16 moyens informatiques, le développement d’outils de calcul facilitent la collecte de bases de données très importantes. Ce progrès technique a permis de créer des modèles complexes de description et de prévision des comportements. – un certain pragmatisme dans les objectifs de recherche, notamment en matière de modélisation. Les chercheurs privilégient le développement et le test de propositions théoriques, généralisables par réplication, à l’élaboration de modèles conceptuels difficiles à valider empiriquement. On constate souvent une opposition entre la complexité de la recherche sur les attitudes, par rapport à la simplicité (affichée) d’un modèle de prédiction. – enfin, la recherche sur les comportements profite certainement d’un soutien plus marqué des entreprises. Celles-ci préfèrent souvent des modèles qui aboutissent à des résultats chiffrés (donc scientifiques…) à des explications théoriques complexes, souvent incomplètes et qui sont parfois éloignées de leurs préoccupations et problèmes quotidiens… 

Approches et définitions

 Jacoby et Chesnut (1978) rapportent que l’approche comportementale de la fidélité repose sur un comportement qui consiste à racheter la même marque. Bien qu’évidente et robuste, cette définition ne résout pas tous les problèmes et deux questions fondamentales restent sans réponse : – à quel niveau observer la fidélité ? – comment mesurer et qualifier au mieux ce phénomène ? La fidélité à la marque peut tout d’abord s’observer à un niveau individuel : chaque consommateur adopte un comportement d’achat qui lui est propre. C’est notamment la vision qu’adoptent Kapferer et Laurent (1992) qui considèrent la fidélité à la marque comme le comportement objectif d’un consommateur3 (« rachète-t-il régulièrement la même marque ? »). Ces auteurs, parmi d’autres, considèrent donc la fidélité comme une propriété individuelle et essentiellement comportementale du consommateur. Les éventuels aspects psychologiques sont représentés par d’autres variables, au nombre desquelles la sensibilité à la marque. Une autre possibilité consiste à observer la fidélité à la marque à un niveau agrégé. Elle devient alors une propriété ou une caractéristique de la marque, au même titre que d’autres indicateurs comme, par exemple, sa part de marché4 . C’est aussi la vision des auteurs des modèles probabilistes de prévision de parts de marché. D.A Aaker (1991) partage cette optique et considère la fidélité comme l’une des composantes de la valeur de la marque. Cette approche est particulièrement adaptée à l’évaluation ou l’audit dans le cadre d’une analyse stratégique de l’entreprise. Le second problème posé aux chercheurs est de définir la nature de la fidélité. A l’origine, celle-ci a souvent été considérée dans son sens le plus restrictif d’exclusivité (Copeland 1923). De nombreux auteurs dont Cunningham (1956) proposent rapidement d’assouplir cette condition et adopteront la notion de multi-fidélité ou de fidélité partagée (Brown, 1952) : le consommateur peut être en même temps fidèle à un nombre restreint de marques qui, lorsqu’on les cumule, représentent la majorité de ses achats. Cette vision semble plus réaliste et permet de s’affranchir de la condition draconienne d’exclusivité, rarement rencontrée dans la réalité. Elle permet aussi de tenir compte d’usages différents du même produit, par exemple lors d’occasions de consommation différentes.

Catégories de mesures 

La plupart des études reposent sur l’observation du comportement d’achat réel du consommateur : « l’élément déterminant de l’approche comportementale est que le degré de fidélité à la marque du consommateur à une marque est déduit de son comportement d’achat observable » (Mellens, Dekimpe et al., 1996). Nous avons vu que cette approche a été grandement facilitée par la généralisation des scanners permettant une collecte aisée de l’information et réduisant les risques d’erreur. On peut tenter d’établir un premier classement de ces mesures selon qu’elles utilisent des comportements effectifs ou des comportements déclarés. Les mesures reposant sur l’observation des comportements peuvent être regroupées en quatre types principaux : mesures de proportion, de séquences, indices composites et mesures stochastiques. Première partie : Revue de la littérature et présentation des hypothèses 19 Les mesures les plus anciennes appartiennent essentiellement aux deux premières catégories : elles calculent la proportion d’achat d’une marque5 ou relèvent la séquence6 des marques achetées. On peut adresser le même reproche à ces deux méthodes: il appartient au chercheur de fixer le seuil à partir duquel le consommateur est considéré comme fidèle à la marque. Cette subjectivité se retrouve dans la littérature : pour les proportions d’achat, Cunningham retient un critère de 50% des achats, Ehrenberg place cette limite à 66% tandis qu’Epstein préconise un minimum de 75%. L’analyse des séquences d’achat pose le même problème de définition des seuils : le critère le plus souvent mentionné est celui de trois achats successifs (Tucker, 1964, puis Mc Connell, 1968), mais rien n’empêche les autres chercheurs de se montrer plus ou moins exigeants. D’autres chercheurs, conscients des limites de ces deux méthodes, ont proposé une approche différente et ont développé des indices composites, reposant sur plusieurs indicateurs dont ils déduisent la fidélité à une marque. Carman (1970) propose un modèle combinant proportions d’achat et nombres de marques de la séquence d’achat (modèle enthropique). Enis et Paul (1970) proposent un indice de fidélité reprenant à la fois le nombre de changement de produits et une variable de proportion. L’avantage de ces ratios est qu’ils aboutissent à un continuum qui permet de répartir et de classer les consommateurs. Ce modèle présente toutefois certaines limites qui tiennent à l’interprétation des scores obtenus. Les mesures probabilistes de la fidélité se rattachent indirectement à ce courant de recherche. La fidélité est ici déduite des probabilités d’achat de la marque. La dernière approche diffère des trois précédentes : plutôt que de recourir à l’observation des consommateurs, elle repose sur l’interrogation du consommateur et raisonne à partir de comportements déclarés : le recours à ce procédé est justifié par la difficulté de mesurer à la fois les attitudes et les comportements des consommateurs.

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