La nécessité d’une approche didactique

La nécessité d’une approche didactique

Les enseignants sont interrogés sur leur façon de faire en classe. Ils signalent différentes pratiques enseignantes dans telle ou telle situation de classe. Même si nos résultats s’appuient uniquement sur du déclaratif, et que nous ne sommes pas allés observer l’une des classes d’un des répondants pour pouvoir étudier la différence entre ce qu’il déclare faire et ce qu’il fait vraiment, nous souhaitons nous outiller de concepts didactiques pour pouvoir mettre en parallèle les déclarations des enseignants avec les notions relevant du champ de la didactique.

Qu’entend-on par didactique ?

Dans nos propos, nous parlerons d’une approche didactique au singulier. Un débat s’engage pour savoir s’il faut parler de didactique et/ou didactiques. Nous allons dans ce chapitre faire l’état des lieux de la discussion, sans prétendre être exhaustif, en présentant l’avis des différents auteurs autour de cette problématique et justifier, au regard des théories, notre choix de parler de la didactique au singulier. Tout d’abord, qu’entend-on par didactique ? Chevallard (2014) apporte plusieurs informations sur la définition de ce concept. Selon lui, « la didactique est la science dont l’objet premier est le didactique, c’est-à-dire l’ensemble des faits didactiques » (ibid., p. 38). Il entend par « fait didactique » (ibid.) tout ce qui est mis en place pour permettre la transmission de savoirs ou savoir-faire. C’est la « science des conditions de la diffusion des connaissances dans les institutions d’une société » (ibid., p. 42). Pour Schneuwly (2014, p. 14), la didactique est « un ensemble hétérogène de didactiques disciplinaires, auxquelles s’ajoutent également des domaines comme la didactique comparée ou la didactique professionnelle ». L’existence des didactiques disciplinaires découlent de celle des disciplines scolaires. Le champ professionnel et éducatif en appelle aux didacticiens pour les aiguiller. Ces derniers se retrouvent « dans un champ de tension entre exigences professionnelles et scientifiques » (ibid., p. 18). Or, c’est par la reconnaissance de l’existence de plusieurs disciplines que Reuter (2014, p. 55) refuse le « généralisme » en expliquant que « le didacticien [ne peut être] le spécialiste de tous les contenus, en tous lieux sociaux » avec une maîtrise parfaite de ce qu’il avance. Ne prendre en considération que l’aspect disciplinaire des didactiques, risque l’omission totale de « la dimension inter didactique a priori de toute action d’enseignement-apprentissage » (Biagioli, 2014, p. 48). Si l’on considère cette dimension, cela permettrait, à la manière de la psychologie et la sociologie, « l’émergence d’une conscience didacticienne commune et La nécessité d’une approche didactique assumée, qui nous rassemble » (Chevallard, 2014, p. 41). C’est pourquoi Chevallard propose l’idée d’un « gyrovague » (ibid., p. 40) c’est-à-dire d’un didacticien sans affiliation disciplinaire, qui pourrait s’intéresser et s’associer à différents champs disciplinaires en fonction de ses recherches. En actant des conditions « spécifiques » et « plus génériques » (ibid., p. 42) de la transmission des connaissances, Ligozat et al. (2014) proposent une « articulation dialectique » entre des didactiques spécifiques « qui traitent de l’épistémologie des contenus scolaires » et une didactique, entendue comme « une « méta-discipline » qui se nourrit des apports des didactiques spécifiques » pour permettre de faire évoluer le « projet d’éducation/instruction d’une société » (ibid., p. 113). Dans notre cas précis, la population interrogée enseigne dans le premier degré. Elle est en charge de tous les champs disciplinaires. Lorsque nous étudions leurs déclarations, les enseignants parlent d’une façon générique de leurs gestes professionnels. Ils n’associent pas un comportement, ou une façon de faire à un savoir disciplinaire. Nous utiliserons donc le terme de didactique au singulier, au sens de Chevallard (2014), comme ensemble de faits didactiques non rattachés obligatoirement à une didactique disciplinaire, voire de la notion d’inter didactique au sens de Biagoli (2014) si les professionnels généralisent certains comportements à l’ensemble des situations enseignement-apprentissage.

Les différents concepts empruntés

Lorsque les enseignants mentionnent les situations d’enseignement-apprentissage où ils mettent en jeu un savoir particulier auprès de leurs élèves, nous pouvons étudier leurs descriptions à travers le prisme de la didactique. Nous allons donc ici décrire plusieurs concepts didactiques que nous étudierons, dans la partie méthodologie, à la suite de l’analyse des données. Tout d’abord, nous étudierons le système didactique, considéré par les didacticiens comme « l’unité de base » (Mercier, Schubauer-Leoni, & Sensevy, 2002, p. 9) de leurs études. Il est définit par Chevallard (1985) comme un jeu qui se mène entre trois sous-systèmes : « Système enseignant, Système étudiant/ apprenant, Système des savoirs enseignés et étudiés/appris » (Mercier et al., 2002, p. 10). Chacun des sous-systèmes, également appelés « pôles » entretiennent des relations entre eux, qui font l’objet des recherches en didactique. Le système  didactique est donc l’ensemble des trois pôles représentés dans le schéma ci-dessous (Duplessis, 2007, p. 6) et des relations entre ces trois pôles. Duplessis (2007, p. 8) caractérise les relations entre chacun des pôles, représentés sur le schéma par des axes, en approches disciplinaires : – approche épistémologique : sur l’axe Savoir – Enseignant ; – approche psychologique : axe Enseignant – Elève ; – approche pédagogique : axe Elève – Savoir. La situation didactique est un concept amené par Brousseau (1990) pour définir la « modélisation de l’environnement » (ibid., p. 322) dans lequel ont lieu les différentes relations entre les trois pôles du système didactique. Mais toutes les situations d’apprentissage ne sont pas des situations didactiques. On peut avoir des situations non-didactiques où l’intention d’enseigner un objet particulier est absent et des situations a-didactique où l’intention d’enseigner n’est pas proclamée mais sous-entendue (Ravestein, 2007). L’objectif de l’enseignant est de « permettre à l’élève d’entrer dans toutes les situations et pratiques sociales non didactiques » (Brousseau, 1990, p. 323). Il choisit des situations adidactiques à la portée de l’élève, et s’éloigne progressivement pour permettre à ce dernier de les dépasser sans lui. Ainsi, l’élève sera capable de faire face à « des situations de la vie courante où toutes les conditions didactiques auront été abolies » (Brousseau, 2012, p. 117). Lorsqu’il rencontre des situations, l’élève se retrouve « en interaction avec un milieu » (Margolinas, 1998, p. 1). Ce milieu est défini par Brousseau (1990, p. 322) comme « le système antagoniste du joueur dans une situation [qui est] une modélisation de la partie de l’univers à laquelle se réfère la connaissance en jeu et les interactions qu’elle détermine ». Il fait partie du jeu, détermine « les pratiques de l’étude des savoirs » (Mercier et al., 2002, p. 11) et est indispensable pour toute « construction et analyse de situations d’enseignement » (Margolinas, Professeur Élève Figure 18 : Le système didactique Savoir DEUXIEME PARTIE : Cadre théorique 85 1998, p. 2) que peuvent être les situations didactiques et adidactiques que l’on a précédemment décrites. Pour comprendre l’influence du milieu dans les situations adidactiques, comme objectif de tout enseignement, Margolinas (1998) schématise différentes étapes dans la relation entre les trois pôles du triangle didactique que sont l’enseignant, l’élève et le savoir. Dans un premier temps, l’élève est en interaction avec le milieu « qui aura été le plus possible épuré des intentions didactiques du professeur » (ibid., pp. 1-2).

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