La radiolyse de l’eau adsorbée

La radiolyse de l’eau adsorbée

Le terme d’eau « confinée » ne décrit pas simplement des phénomènes de gêne stérique ou de contraintes et interactions associées à la localisation de l’eau dans les cages α et β de dimensions réduites. Il traduit davantage un état physique, parfois même présenté comme un cinquième état de l’eau . D’autres auteurs décrivent l’eau confinée comme étant extrêmement organisée, représentant alors un intermédiaire entre l’eau liquide et l’eau sous forme de glace. Mizota et al. se sont intéressés à l’entropie de l’eau confinée [38]. Ils ont obtenu, à 298 K, une entropie molaire de l’eau confinée dans une zéolithe A saturée, de 3 J.K-1.mol-1. Cette valeur est particulièrement révélatrice de l’organisation de l’eau à l’intérieur des volumes microporeux des zéolithes A, puisqu’elle est inférieure à 42 J.K-1.mol-1, entropie molaire de la glace à 273 K. Elle avoisine en revanche l’entropie molaire résiduelle de la glace au voisinage de 0 K, de 3,37 J.K-1.mol-1 . Deux principaux effets semblent donc susceptibles d’affecter la radiolyse de l’eau. Lorsqu’elle est confinée dans des cavités de dimension nanométrique, elle se trouve d’abord dans un état physique extrêmement figé. L’organisation des molécules d’eau peut affecter la cinétique des réactions définies pour la radiolyse de l’eau libre. Par ailleurs, les interactions de surface entre un matériau adsorbant et l’eau peuvent également modifier le comportement de celle-ci vis-à-vis des irradiations. Si les références bibliographiques sont peu nombreuses concernant précisément la radiolyse de l’eau adsorbée dans les zéolithes A et en particulier dans les zéolithes 4A, l’élargissement des résultats aux solides microporeux permet d’enrichir la compréhension qualitative des phénomènes impliqués lors de la radiolyse de l’eau adsorbée et confinée.

Influence des interactions de surface 

L’eau adsorbée dans les zéolithes 4A solvate les cations compensateurs de charge et subit des interactions de surface avec les atomes de la charpente zéolithique. Les principales interactions avec la charpente sont des liaisons hydrogène avec les atomes d’oxygène de la structure. Aussi, pour comprendre l’influence de ces interactions, nous discuterons d’abord les résultats disponibles sans effet de confinement. Nous nous sommes, en particulier, intéressés à des résultats obtenus au cours de la radiolyse de l’eau contenant une poudre d’alumine . Des solutions, contenant 0,5 mg de poudre en suspension dans 2 mL d’eau pure, ont été irradiées avec une source de 60Co, à l’origine d’un débit de dose dans les solutions compris entre 9 et 14 kGy.h-1 . Plusieurs poudres d’alumine, de surfaces spécifiques et de structures cristallines différentes ont été utilisées. Les résultats obtenus confirment une augmentation de la production de dihydrogène dans le cas de l’eau adsorbée, plusieurs fois mise en évidence . Un mécanisme est proposé pour expliquer ce phénomène. Ce mécanisme est basé sur la désignation récente de l’électron aqueux comme principal précurseur à la formation de dihydrogène . L’électron aqueux est à l’origine de la production de dihydrogène. L’alumine favorise le dégagement de dihydrogène en adsorbant les radicaux hydroxyles, susceptibles de réagir avec les électrons aqueux, ou les radicaux hydrogène Les concentrations locales en électrons aqueux et radicaux hydrogène sont alors plus importantes et engendrent un dégagement de dihydrogène en excès lors de la radiolyse de l’eau adsorbée, par rapport à l’eau libre. L’alumine, en adsorbant les radicaux hydroxyles, retarde également la recombinaison du dihydrogène avec ces derniers, favorisant la migration du dihydrogène, qui reste disponible en phase gazeuse . Cette interprétation est appuyée par une production de dihydrogène d’autant plus importante que la surface spécifique de l’alumine est grande. 

Influence du confinement

 L’adsorption spontanée d’eau dans les zéolithes 4A est associée à des interactions fortes entre l’eau et la zéolithe, que ce soit avec les cations compensateurs de charge ou avec les atomes d’oxygène constituant sa charpente. La radiolyse de l’eau est affectée par ces interactions et la présence de sites potentiels d’adsorption ou sites réactionnels pour les espèces radiolytiques, au sein de la zéolithe. Un effet supplémentaire est attendu, du fait du confinement, c’est-à-dire de l’importante structuration et organisation de l’eau. Cet effet est dû non seulement aux interactions eau/zéolithe 4A, mais également à la dimension nanométrique des sites d’adsorption de l’eau, qu’il convient de prendre en compte. Le suivi de la production des radicaux hydroxyles, intermédiaire susceptible d’engendrer la formation de produits stables tels que le dihydrogène, illustre très bien l’influence du confinement sur les phénomènes radiolytiques. Leur détection est néanmoins délicate en raison de leur forte réactivité et donc de leur durée de vie réduite (de l’ordre d’une nanoseconde en milieu aqueux [39]). Elle est encore plus complexe, dans le cas des solides microporeux, puisqu’ils doivent être détectés en milieu confiné. Les radicaux hydroxyles peuvent être quantifiés malgré ces contraintes, grâce à l’utilisation d’un Chapitre 1 : Adsorption d’eau tritiée dans les zéolithes 4A : état de l’art 36 « scavenger » : la coumarine . Il s’agit d’une espèce qui réagit spécifiquement avec les radicaux hydroxyles, pour produire la 7-hydroxycoumarine, espèce fluorescente relativement stable. L’intensité de fluorescence de la 7-hydroxycoumarine renseigne sur la concentration en radicaux hydroxyles. L’utilisation de ce « scavenger » a permis de déterminer les rendements de radiolyse, dans des verres à porosité contrôlée (CPG, Controlled Pore Glasses), en fonction du diamètre des pores des verres irradiés (Figure III-1) . Ceux-ci ont été saturés en eau puis exposés à une source gamma de 137Cs (débit de dose de 2 Gy.min-1). L’effet du confinement est attendu d’autant plus marqué dans les cas des zéolithes 4A, dont les diamètres sont près de 10 à 100 fois plus petits que ceux des verres à porosité contrôlée, qui engendrent des différences sur la radiolyse de l’eau par rapport à l’eau libre. L’hypothèse d’une adsorption des radicaux hydroxyles à la surface interne des verres, proposée pour expliquer l’augmentation de la production de dihydrogène en présence de poudre d’alumine [39], n’explique pas l’influence des CPG (Controlled Pore Glasses = Verres à Porosité Contrôlée) sur la production des radicaux hydroxyles. Des résultats complémentaires, obtenus pour des verres partiellement hydratés, montrent une augmentation de la quantité de radicaux hydroxyles générés lorsque la quantité d’eau adsorbée diminue. Pourtant, l’accessibilité aux surfaces internes des verres, plus grande lorsque le taux de chargement diminue, devrait favoriser le piégeage des radicaux hydroxyles, dont le rendement radiolytique devrait diminuer L’importante diminution du rendement radiolytique des radicaux hydroxyles, lorsque le diamètre de pore diminue, est interprétée en termes de transferts d’énergie. Plus le diamètre des pores est petit, plus la surface spécifique augmente, favorisant les transferts d’énergie du solide à l’eau et expliquant des effets de confinement davantage marqués. Au contraire, au fur et à mesure que le diamètre des pores augmente, les transferts d’énergie diminuent et le rendement radiolytique en radicaux hydroxyles tend vers le rendement obtenu dans l’eau libre (Figure III-1). Par ailleurs la réduction du diamètre des pores limite également la migration des produits de radiolyse et pourrait favoriser la recombinaison entre radicaux hydroxyles, au détriment de la formation de 7-hydroxycoumarine  . Ces résultats présentent globalement une diminution de la production de radicaux hydroxyles avec l’importance du confinement. Ceux-ci sont non seulement capables de recombiner le dihydrogène, mais pourraient également réagir avec l’électron aqueux, précurseur à la formation de dihydrogène  . La diminution marquée du rendement radiolytique en radicaux hydroxyles, lorsque le diamètre des pores des CPG diminue, est en accord avec l’augmentation du dégagement de dihydrogène observée par ailleurs, en particulier lors de la radiolyse de l’eau adsorbée dans les zéolithes  . 

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *