La Relation Finance-Croissance Une Revue de la Littérature

 La Relation Finance-Croissance Une Revue de la Littérature

Depuis le début des années 1990, l’effet stimulateur du développement financier sur la croissance économique est devenu le centre d’intérêt pour un grand nombre de chercheurs. Le développement des Théories de Croissance Endogène et de techniques statistiques de plus en plus sophistiquées a permis d’exploiter de nouvelles faces du sujet, et avec beaucoup plus de précision. Cependant, l’étude de cette relation n’est pas tout à fait récente, elle remonte au moins à la fin du Dix-neuvième Siècle1 . En plus, les résultats obtenus ne vont pas tous dans la même direction. Bagehot (1873) et Hicks (1969) jugent que le système financier a joué un rôle important pour la révolution industrielle en Angleterre, et ceci en facilitant la mobilisation des capitaux pour les gros projets. Schumpeter (1911) trouve que l’importance du système financier réside dans ses capacités à stimuler l’innovation technologique en allouant les fonds aux projets les plus pertinents. Par contre, Robinson (1952) préfère dire que “là où l’entreprise va, la finance la suit”, cela dit que le développement du système financier n’est qu’une simple réponse à la demande croissante sur ses services par l’économie réelle déjà en phase de croissance accélérée. D’un autre coté, Lucas (1988) juge que la relation entre le développement du système financier et la croissance économique est surestimée, il s’agirait probablement d’un troisième facteur qui les influencent tous deux en même temps. A travers cette section, nous allons essayer de mettre la lumière sur les deux principaux courants qui ont marqué l’étude de la relation entre la finance et la croissance : le premier courant stipule que l’effet est positif et unidirectionnel du développement financier à la croissance économique alors que le deuxième regroupe les autres alternatives. La dernière sous-section sera consacrée à des études qui concernent des économies riches en ressources naturelles.

L’Effet Positif Unidirectionnel de la Finance sur la Croissance

Le phénomène de “l’Offre Première” (supply-leading) fait référence à la création d’institutions financières qui offrent leurs actifs, leurs passifs et leurs services financiers avant même que les entrepreneurs n’en demandent. Un système financier du genre Offre Première a deux fonctions majeures : transférer les ressources des secteurs traditionnels (non-productifs) à ceux plus modernes, ainsi que promouvoir et stimuler l’efficacité entrepreneuriale au sein de ces secteurs modernes. Cette idée s’apparente au concept Schumpeterien du financement des innovations.1 Par sa nature, un système financier à offre première n’est pas initialement capable d’opérer profitablement en prêtant aux secteurs modernes nouvellement créés ; il y a toutefois plusieurs façons pour garantir sa survie dans de telles conditions. Premièrement, il peut s’agir d’institutions gouvernementales qui utilisent des fonds étatiques, et qui peuvent en plus recevoir des subventions du gouvernement. Les expériences de la Russie ainsi que de plusieurs pays sous-développés peuvent être citées comme exemples. Deuxièmement, les institutions financières privées peuvent recevoir directement ou indirectement des subventions du gouvernement, et c’est le deuxième type qui est le plus répandu. Ces subventions indirectes peuvent avoir plusieurs formes ; entre autres, les banques commerciales peuvent être autorisées à émettre des notes de banques sous condition de tenir des garanties adéquates.Troisièmement, les institutions financières nouvelles peuvent initialement prêter profitablement une large fraction de leurs fonds à des secteurs traditionnels (agriculture et commerce), et ensuite se tourner graduellement vers les secteurs industriels modernes, qui seraient entrain d’émerger. On s’approche dans ce cas de l’idée du système “Suivant la Demande”, mais on peut qualifier un système d’offre première suivant ses intentions de rechercher et de stimuler les nouveaux secteurs.3 Le courant qui prône le rôle important du développement financier dans la croissance économique a toujours été favorisé. D’ailleurs il est le premier à avoir émergé. Bagehot (1873) suggérait qu’une meilleure mobilisation de l’épargne non seulement affecte l’accumulation du capital, mais affecte aussi l’allocation des ressources ce qui peut aboutir à plus d’innovations technologiques. McKinnon (1973) reprend ces idées et insiste sur la nécessité du financement externe pour promouvoir les technologies indispensables pour la croissance.4 En plus de ces travaux, ceux de Goldsmith (1969), Shaw (1973) et autres chercheurs qui ont fourni assez de preuves sur la corrélation entre les deux phénomènes, manquent de fondations analytiques. Dans la Théorie Néoclassique de Croissance, l’effet de l’intermédiation financière peut être observé sur le niveau du stock du capital par travailleur mais pas sur son taux de croissance, ce dernier étant relié à un progrès technologique exogène.

 Les Autres Alternatives à la Relation Finance-Croissance

Contrairement aux études que nous avons présentées dans la sous-section précédente, il y en a d’autres qui réfutent cette idée absolue sur l’effet positif unidirectionnel du développement financier sur la croissance économique. Ces études peuvent être réparties en deux courants majeurs : le premier courant confirme la relation positive entre les deux phénomènes mais réfute la causalité, l’effet peut être alors dans le sens croissance-finance ou dans les deux sens ; le deuxième courant suggère que la relation positive entre le développement financier et la croissance économique ne peut pas être généralisée à tous les pays, par fois la relation peut être inexistante ou même négative.

La Mise en Question de la Causalité

On utilise le terme “Suivant la demande” (Demand Following) pour le phénomène dans lequel la création d’institutions financières modernes est une réponse à la demande de leurs services par les investisseurs dans l’économie réelle.1 Dans ce cas, le développement évolutif du système financier est une conséquence continuelle du processus de la croissance économique. L’émergence de ce système est façonnée par des changements d’opportunités objectives (l’environnement économique, le cadre institutionnel) et des changements dans les réponses subjectives (les motivations individuelles, les attitudes, les goûts). Le plus haut est le taux de croissance du revenu national réel, la plus grande sera la demande des entreprises pour des fonds externes (l’épargne des autres), donc pour les services de l’intermédiation financière. Pour la même raison, avec un taux de croissance donné, plus large est la variance entre les taux de croissance des différents secteurs de l’économie, plus grand sera le besoin de l’intermédiation financière pour transférer les fonds des secteurs les moins performants (et des individus) à ceux les plus performants. Le système financier est donc supposé supporter les secteurs leaders dans le processus de la croissance. De son coté, Galetovic (1996) affirme que l’un des aspects les plus importants de la relation finance-croissance, est que les systèmes financiers émergent et se développent durant les premiers stades de l’industrialisation et de la croissance économique soutenue, et non pas avant le début du processus.2 D’après Patrick (1966), même si la relation entre la croissance  économique et le développement du secteur financier est confirmée, la hausse de l’offre des services financiers en réponse à une demande croissante n’est pas tout à fait automatique, flexible, ou à bas coûts pour les pays sous-développés.1 Du point de vue de Townsend (1978), l’investissement dans le capital organisationnel est onéreux, donc les économies à haut revenus sont mieux disposées à entreprendre ce genre de superstructures financières que celles à revenus modérés ou bas. Le développement de ces superstructures, vu qu’il permet un rendement supérieur du capital investi, stimule la croissance économique, et par la suite le niveau des revenus. L’effet est alors bidirectionnel.2 Patrick (1966) confirme cette idée lorsqu’il avance l’hypothèse d’une interaction entre les phénomènes “Offre Première” et “Suivant la Demande”. Au début du processus d’industrialisation, les systèmes financiers à Offre Première sont favorisés afin d’orienter les capitaux à leurs meilleurs utilisateurs ; ce rôle perd de son importance en fur et à mesure qu’une croissance soutenue est réalisée. A ce moment là, on favorise plutôt les systèmes “Suivant la Demande” pour leurs capacités à s’adapter aux besoins des agents économiques. De la même façon que ce processus est inter-temporel, il peut s’effectuer à travers les secteurs ; les nouveaux projets sont financés et accompagnés via un processus d’Offre Première, et dès leur maturité le système financier suit la demande en financement. Cette interaction peut être illustrée à travers l’exemple du Japon entre les années 1870 et le début de la Première Guerre Mondiale. Au début de cette période, la création d’un système bancaire moderne était bénéfique pour les secteurs de l’agriculture et du commerce intérieur, et nécessaire pour le financement d’activités industrielles telles que les chemins de fer et le textile encore dans un état fœtal. A partir des années 1890, ce rôle s’est transformé d’initiateur à accompagnateur pour ces deux secteurs ; en même temps, le système financier jouait son rôle d’initiateur avec d’autres nouveaux secteurs, particulièrement des industries lourdes, et ceci jusqu’à la Première Guerre Mondiale.3 Arestis et Demetriades (1996) estiment qu’il y a au moins trois raisons majeures pour les différences de causalité entre le développement financier et la croissance économique à travers les pays : 4 i) les différences en matière de structures financières, ii) les différences en matière de politiques financières et monétaires, et iii) les différences en matière de structures institutionnelles au sens large.

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