Le diocèse d’Annecy de la Séparation à Vatican II (1905-1962)

Le diocèse d’Annecy de la Séparation à Vatican II
(1905-1962)

Un diocèse de la Séparation aux années Vingt

Le XXe siècle s’ouvre sous des auspices difficiles pour le diocèse d’Annecy. En effet, en 1901, il perd son évêque, Mgr Isoard, qui n’a eu de cesse de s’attacher à la défense de la religion, à la formation de son clergé et au maintien de la pratique dans le diocèse. Ce décès ouvre la vacance du siège épiscopal, en même temps qu’elle donne l’occasion au président du Conseil de relancer la querelle du Nobis Nominavit. Ce n’est donc qu’en 1904 qu’un nouvel évêque arrive à Annecy mais à peine est-il installé qu’il doit faire face aux questions nées de la loi de Séparation des Églises et de l’État. Cette dernière est concomitante des tensions qui sont encore perceptibles autour de la question des congrégations. La première décennie du XXe siècle est donc placée sous le signe d’une lutte pour la défense religieuse. Le nouvel évêque, Mgr Campistron, doit réorganiser son diocèse, tout en invitant les laïcs à participer à cette réorganisation. L’action catholique connaît des débuts prometteurs même si une certaine concurrence a pu apparaître avec le Sillon, le mouvement de Marc Sangnier, qui est condamné par Mgr Campistron en 1909. Des tensions apparaissent donc au sein du catholicisme savoyard avec l’Action française, alors que la crise moderniste n’épargne pas le diocèse, même si son impact semble plus limité que dans d’autres régions. C’est donc un diocèse encore largement encore imprégné d’une ferveur religieuse qui célèbre la translation des reliques de saint François de Sales et de sainte Jeanne de Chantal à la veille de la Première Guerre mondiale. Cette dernière marque d’ailleurs pour un temps, la fin des oppositions et des luttes religieuses et l’apparition de nouveaux rapports avec le clergé. Ces deux décennies posent les bases sur lesquelles le diocèse n’aura de cesse d’évoluer tout au long de la période. L’étude de cette période allant de la Séparation au début des années Vingt se fera en trois temps. Cependant, afin de mieux comprendre les schémas qui se retrouvent tout au long de la période étudiée nous débuterons par un bref rappel de ses aspects géographique, historique, religieux ou encore économique. D’abord, il convient de s’intéresser à la situation du diocèse au cours de la première décennie de l’épiscopat de Mgr Campistron qui se partage entre la Séparation des Églises et de l’État, la réorganisation qui suit et les conflits qui demeurent autour de la question congréganiste, notamment. C’est en partie pour répondre à ce contexte mouvementé et à cette réorganisation que des mouvements de défense religieuse se mettent en place, et les laïcs sont nombreux à y prendre une part active dans ces organisations. C’est ce que nous étudierons dans un second temps en nous arrêtant sur la mobilisation de la jeunesse, des hommes et des femmes, avant d’évoquer la translation des reliques des saints fondateurs de la Visitation. Pour clore cette première décennie de l’épiscopat de Mgr Campistron, nous nous arrêterons sur les affrontements qui apparaissent au sein du catholicisme, autour du modernisme et de l’intégrisme ainsi qu’avec la question de l’Action française. La Première Guerre mondiale sera le troisième et dernier temps de notre étude, nous évoquerons les moyens mis en œuvre pour faire face à la situation, qui laisse d’ailleurs entrevoir un possible retour aux autels. Puis, la rencontre avec le front et les solidarités qui y sont nées seront évoquées avant de dresser un bilan du conflit pour le diocèse. 

Un diocèse à l’heure de la Séparation

En 1905, le diocèse d’Annecy est récent. Sa naissance remonte à la restauration sarde. Le XIXe siècle est riche en événements pour la Savoie. En effet, c’est au cours de cette période que se posent les questions de l’avenir de la Province. Avec la montée des nationalismes, la Savoie ne reste pas en dehors des idées de son temps, et en 1860 a lieu son entrée dans la France de Napoléon III. Le clergé prend part aux débats. Si les premières années en France ont pu paraître une période faste pour lui, l’avènement de la République marque le début des luttes incessantes, qui perdurent pendant plusieurs décennies. Les premières mesures touchent les congrégations avant que le président du Conseil ne s’intéresse à la question de la nomination des évêques et qu’il ne retarde la nomination de celui d’Annecy. L’arrivée d’un nouveau chef pour le diocèse marque également les dernières tensions concordataires, qui annoncent la rupture du Concordat. Jusqu’à cette date, les nominations épiscopales sont faites par le gouvernement65. Les catholiques ne savent pas encore comment se passera cette Séparation qui met fin à plus d’un siècle d’entente, parfois malaisée, entre le temporel et le spirituel. L’application de la loi du 9 décembre 1905 donne lieu à quelques résistances dans le diocèse, mais rien de comparable à certaines régions françaises. La Séparation n’est pas sans poser un certain nombre de problème pour les catholiques qui s’inquiètent à la fois pour leur patrimoine (églises et presbytères) mais également pour la célébration même du culte ou le 65 Les évêques sont nommés par le gouvernement. Comme l’ensemble du clergé, ils sont salariés de l’État. recrutement des séminaristes. Jusqu’à la veille du conflit, les questions des congrégations et de l’école sont d’actualité. A. Les héritages Il s’agit ici de présenter rapidement l’histoire du diocèse jusqu’à la veille de notre étude. Nous étudierons d’abord l’aspect historique, en insistant sur le XIXe siècle et surtout sur l’épiscopat précédent notre période, au cours duquel de nombreux prêtres ont été formés. Nous nous intéresserons ensuite à l’aspect géographique et économique afin de présenter le type de territoire sur lequel se déroule notre étude. Nous terminerons par une présentation du recrutement et de la pratique des diocésains, ce qui nous permettra de montrer quel type de diocèse est celui d’Annecy. a. Rappel historique (1525-1901) 1. Avant la création du diocèse d’Annecy Avant de posséder un siège épiscopal, Annecy fut le lieu de résidence des évêques de Genève contraints à l’exil par la Réforme implantée dans leur cité. C’est en 1526 que le chapitre cathédral quitte la cité genevoise pour se réfugier à Annecy, et ce n’est qu’en 1568 que l’évêque s’y installe définitivement66, « sans renoncer au titre de Genève »67. Pour ramener à l’orthodoxie les parties acquises aux idées de Calvin, une lente reconquête est faite par François de Sales, avant qu’il ne soit promu évêque de Genève-Annecy en 1602. S’il réussit à faire revenir le Chablais au catholicisme, il échoue à reprendre Genève, qui reste aux mains des calvinistes. La Révolution et l’entrée des troupes révolutionnaires en Savoie, le 22 septembre 1792, bouleversent « un équilibre séculaire, à peine corrigé dans les dernières années de l’Ancien Régime »68. Le 8 février 1793, les réformes religieuses françaises suppriment les cinq diocèses69 existant sur les terres savoyardes. Alors que Chambéry reçoit le pouvoir politique en devenant le chef-lieu du département du Mont-Blanc, Annecy obtient, à titre 66 Il avait quitté Genève en 1533, mais c’est avec Mgr Justiniani, nommé en 1568, que la résidence des évêques de Genève est définitivement fixée à Annecy. Ils ne peuvent plus retourner dans la cité de Calvin, alors sous la garde des Confédérés. 67 C. SORREL, « À qui appartiennent les cathédrales ? »…, op. cit., p. 1. 68 C. SORREL, dir., Dictionnaire du monde religieux…, La Savoie, op. cit., p. 11. 69 Ibid. : « Les commissaires de la Convention nationale, en application de la Constitution civile du clergé, suppriment les cinq diocèses qui se partagent les terres savoyardes (Genève, Tarentaise, Maurienne, Belley et Chambéry) ». compensatoire70, le siège épiscopal. L’abbé Panisset, élu évêque constitutionnel71 le 6 mars 1793, prend possession de sa cathédrale le 14 avril ; il ne reste que peu de temps en fonction, le culte étant interdit peu après72. Le serment civique est massivement refusé dans le diocèse de Genève, comme dans celui de Maurienne, alors qu’il est plutôt bien accueilli dans ceux de Chambéry ou de Tarentaise. Genève ne compte que 15 % de curés jureurs. Ceux-ci se trouvent dans l’avant-pays « méridional, sur les marges rhodaniennes et lémaniques en contact avec la France et Genève et dans la vallée de l’Arve »73, alors que les prêtres réfractaires reçoivent souvent un bon accueil dans les villages de montagnes74. Le 8 janvier 1794, Albitte, député de la Seine-Inférieure, est envoyé en mission dans le département75, où il se fait remarquer par une politique « religieuse radicale »76, notamment par l’abjuration forcée des prêtres ou les destructions de clochers. Le 18 novembre 180177, suite à la disparition du diocèse de Genève, Annecy perd le siège épiscopal78 au profit de Chambéry qui se voit annexer le titre de Genève ; deux ans plus tard, le diocèse de Chambéry et Genève compte six cent vingt-sept paroisses. En 1819, Genève, à nouveau indépendante, réclame et obtient son « autonomie ecclésiastique face à la Savoie »79 ; le bref Inter multiplices du 20 novembre80 la rattache au diocèse de Lausanne. 2. Érection du diocèse d’Annecy La question de l’établissement d’un siège épiscopal à Annecy avait déjà été évoquée lors des tourments révolutionnaires, mais rien n’avait pu être réalisé, Chambéry ayant obtenu le siège81. Ce n’est qu’en mars 1820 que l’affaire, portée à la Cour par deux notables influents – le comte Paul-François de Sales et le baron Falquet –, eut des chances d’aboutir. L’archevêque de Chambéry, Mgr Desolle, craignant de perdre trop de paroisses, voit la restauration du diocèse de Genève avec bien peu d’enthousiasme. Il est également prévu de recréer les anciens diocèses de Tarentaise (Moûtiers) et de Maurienne (Saint-Jean-deMaurienne)82. Mgr Dessolle, finalement d’accord pour qu’Annecy devienne un diocèse, émet deux conditions : que « le personnel des deux diocèses [soit] conservé dans l’état actuel »83 et – pour des raisons de vocations – que Rumilly84 et les paroisses de la rive gauche du Chéran85 restent au diocèse de Chambéry. C’est la bulle Sollicita catholici gregis, du 15 février 1822 qui érige le diocèse d’Annecy86. Le 27 avril 1823, le premier évêque, Mgr de Thiollaz87, est sacré en la cathédrale de Turin. Il doit attendre 1824 avant de pouvoir prendre possession de sa cathédrale88, transformée en église paroissiale aux temps concordataires. Le diocèse compte deux cent soixante dix-sept89 paroisses et il est le plus peuplé des quatre diocèses savoyards : il compte 235 768 habitants, alors que ceux de Chambéry, Moûtiers, Saint-Jean-de-Maurienne n’en comptent respectivement que 147 330 ; 59 536 et 57 33190.

Table des matières

 

projet fin d'etudeTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *