Le longform multimédia l’illustration réinventée

Le longform multimédia l’illustration réinventée

Inventer un nouveau storytelling multimédia 

un équilibre précaire entre le texte et son illustration S’il s’agit pour lui uniquement d’histoires vraies, de non fiction, le journalisme se pose aussi cette même question: comment raconter de la meilleure manière possible une histoire, en accord avec le médium utilisé, tout en utilisant toutes les ressources techniques qu’il a à disposition? Il faut raconter d’une manière adaptée au support, et au public. À travers les différentes étapes de l’histoire du journalisme, tous les media ont su trouver leur place, et inventer une manière de créer leur propre récit journalistique, parfois même jusqu’à devenir média. En général, chaque média correspond à un medium, c’est à dire un canal par lequel exprimer son art de la meilleure manière possible: le dessin, la sculpture, le son, l’écrit, etc. C’est ainsi que chacun trouve le mode d’expression qui lui correspond le mieux. De nos jours, la donne a changé. Grâce au web et à la technologie, le récit journalistique peut devenir multimédia c’est à dire utiliser les ressources de chaque média sur un même support. Les expérimentations de cette multiplicité de médias, et donc de media, dans un seul et même récit fleurissent. Avec l’arrivée du web, il s’agit de réinventer la grammaire de l’article illustré. Et même de poser la question suivante: quel media peut revêtir le statut d’illustration? Des oeuvres hybrides Chaque longform que nous avons sélectionné semble faire appel à différents media, autres que l’écrit. Sur l’écran de l’ordinateur, l’oeuvre journalistique nous apparaît hybride, comme une chimère à la fois linguistique et plastique: les limites de chaque medium sont brouillées, et l’oeuvre finale emprunte des petits morceaux de la grammaire de chaque moyen d’expression. Pour commencer, sur l’écran, la lettre tout comme l’image sont composées de pixels. Le pixel, c’est « l’unité de base permettant de mesurer la définition d’une image numérique matricielle. Son nom provient de la locution anglaise picture element, qui signifie « élément d’image » . Pour la première fois, le texte, composé de lettres, et l’image sont soumis au même régime d’apparition, luminescent et dynamique: tous deux sont numérisés et recomposés au seul profit de l’oeil . Les 14 traditionnelles deux soeurs ennemies sont donc remises sur un pied d’égalité grâce à la technologie. Plus encore, c’est grâce à internet que tous les médiums semblent enfin être réconciliés. Son, image, texte, cinémagraphe, tous apparaissent grâce à une seule et même innovation technique: le signal électrique, qui fait tout apparaître ensemble sur l’écran et dans l’ordinateur, sans hiérarchiser les moyens d’expressions, comme pouvaient le faire les théories traditionnelles et les règles édictées au préalable. Il s’agit donc de construire une nouvelle donne pour l’illustration. La première chose que l’on peut constater en observant l’intermédialité de ces longforms, c’est qu’il n’y a pas de règle: chaque longform utilise les media qu’il souhaite sans contrainte de choix ou de préséance d’un médium sur l’autre. Le choix de chaque media et l’importance qui lui est accordée dépend donc de l’histoire racontée, des désirs des journalistes et des directeurs artistiques, ainsi que de la ligne éditoriale du média qui édite l’article. Ainsi, si l’on compare trois articles abordant le thème général de la musique que sont « Machines for life » de Pitchfork, « Women are making the best rock music, and here are the bands that prove it » du New York Times, et « Joey Badass, political MC » de Shoes Up, on peut observer trois choix complètements différents en termes de media. Le plus évident, pour parler de musique, serait de mettre le son, ou bien une vidéo avec du son, en avant. Or, seul l’article du New York Times met vraiment le son en avant.

Une utilisation des médias chaque fois différente:un espace d’expérimentation

Bien que chaque longform utilise des langages issus de médias différents, on peut même aller jusqu’à dire que l’utilisation et la valeur de chaque media varie selon l’article. « Machines for life » observe une construction plutôt classique, mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit du plus anciens de nos longforms, puisqu’il a été publié en 2013. Le texte est plus important, c’est lui qui raconte l’histoire et retranscrit le portrait et les interviews. L’image, bien que très travaillée, y est un support esthétique du texte, tout en éclairant un angle bien précis de l’article: la peinture d’une esthétique et d’un genre musicale robotique, analogique pour être vraiment précis, 24 par le groupe. C’est cet aspect, ainsi que l’esthétisme travaillé du duo dans leur musique comme dans leurs apparitions qui est mis en avant. Les photographies ainsi que les cinémographes sont issus d’un même photoshoot, par le photographe Nabil, ce qui témoigne d’une construction esthétique de l’article dès le départ, en accord avec le ton et la direction donnée aux entretiens et au portrait, et plus encore au titre, qui annonce déjà la couleur. L’image fait preuve, en montrant visuellement ce que le texte avance, et on peut observer que les exergues apparaissant en code binaire avant de se révéler au lecteur ont la même fonction. Le longform de Highline, bien que très audacieux dans son introduction, montre aussi une claire dichotomie entre le texte, qui raconte l’histoire, et l’illustration, rôle assumé par tous les autres médias présent en son sein. Le texte est le plus fort, et raconte l’histoire. Les images ont une autre fonction: montrer des réalités et des ambiances, de manière plus concrète, afin que le lecteur se rende compte de ce qu’il se passe en visualisant le récit au plus juste. Elles permettent de s’ancrer dans une réalité, de s’immerger, plus encore quand les images s’animent. On pourrait avancer que les vidéos, qui se différencient des images en mouvement du fait qu’elles sont beaucoup plus longues, ont encore un autre rôle, qui serait le même que celui de la data. Elles ne montrent pas seulement, elles donnent à comprendre car elles sont construites en mouvement. Il s’agit pour le lecteur d’aller au delà de voir, de mettre sa pensée en mouvement de la même manière que les images se sont animées. Mais il semblerait même que dans la narration, les images animées, contrairement aux images statiques qui peuvent apparaître comme assez froides, prennent un rôle dans cette narration conjointe qui traditionnellement aurait pu être considérée comme l’apanage du texte, qui est de procurer de l’émotion, de manière saisissante, comme les animations de sable du début, et donc d’aller au delà de la simple délivrance de l’information. Dans le longform du New York Times consacré au rock féministe aux Etats-Unis, ce n’est pas le texte qui raconte l’histoire, mais le son, illustré d’images, qui ont différents aspects. Elles peuvent tout d’abord servir à créer une ambiance, à ouvrir une porte vers un univers qui est celui de l’univers de la chanteuse où du groupe qui parle. Sous ce régime, les vidéos qui succèdent à la musique et aux images prennent des allures de citations non écrites, en son et images mêlées: il s’agit d’extraits de dialogues filmés particulièrement parlant ou révélateurs lors de l’interview. Ainsi, les frontières entre le texte, le son, l’image, la vidéo sont complètement brouillés. C’est quand les mots prononcés lors de cette table ronde résonnent ou bien se répondent les uns aux autres, termes qui pourraient présupposer l’utilisation du son pour les transmettre, les citations apparaissent pourtant écrites. S’agit-il d’un souci de clarté? Ou bien il pourrait peut être aussi s’agir de donner un statut au texte qui est autre que celui de légende, auquel il est relégué le long de l’article: c’est d’écrire ce qui est important de la manière la plus claire et efficace possible. Il s’agit donc dans ce longform du médium de la fidélité à la vérité, aux paroles dites, ainsi que du médium 25 de la clarté et de l’efficacité sans fioritures ni agréments, comme en témoigne l’écran noir sur lequel il apparaît. Enfin, les images peuvent revêtir un aspect assez subversif en délivrant un véritable discours sans paroles, l’air de rien, alors qu’il ne s’agit que d’images d’arrière plan. Les images d’ambiance deviennent alors manifestes subversifs, l’air de rien, et sont alors le medium de la revendication et du souterrain, propre aux mouvements féministes sont il est question dans le papier. 

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