Les animaux donneurs d’organes

Introduction : pourquoi la xénogreffe ?

La transplantation de cellules, tissus, organes d’une espèce à une autre, connaît un regain d’intérêt depuis une vingtaine d’années. Appelée xénogreffe, cette transplantation fait l’objet de nombreuses recherches depuis les progrès encourageant des années 1990 sur les greffes d’organes humains (allogreffe : transplantation d’un individu différent à l’autre au sein d’une même espèce). Même si la greffe est envisagée lorsqu’aucun traitement ne marche pour se substituer à l’organe déficient, le nombre de personnes sur liste d’attente aux États-Unis est passé de 21 914 à 72 110 entre 1990 et 1999 pour seulement 6000 greffes réalisées dans cet intervalle. Le nombre croissant d’opérations (exemple sur la période 2000-2008 en France : Fig.21) a donc conduit à une pénurie de greffes disponibles et une augmentation du nombre de personnes sur liste d’attente d’organe transplantable. En 2008, en France, pour 13 698 personnes ayant besoin d’une greffe, 4 620 greffes ont été réalisées, 218 malades sont morts faute de greffe [3].
De trop nombreux patients sont en concurrence pour un stock d’organes trop limité. (Fig.22). Pour pallier à cette pénurie d’organes, des campagnes de sensibilisation auprès du public tentent d’informer sur le don d’organe. Actuellemen t en France, 30% des prélèvements possibles sont refusés, dans près de 4 cas sur 10, le défunta déclaré son opposition, pour les 6 autres cas, l’opposition vient de la famille souvent par manque d’informations sur le désir du défunt [3]. Ces campagnes n’ont pas permis d’augmenter significativ ement le nombre d’organes disponibles.
La xénotransplantation serait une solution offrant une réserve virtuellement illimitée de tissus à transplanter. Elle pourrait également êtreutilisée pour subvenir à de nouveaux besoins médicaux concernant le diabète, la maladie deParkinson et d’ Alzheimer.

Historique

Après les essais du 17ème siècle de transfusion de sang animal à l’Homme, le 19ème siècle engagea les premiers essais de transplantation de tissus animaux à l’Homme : En 1894, un adolescent de 15 ans reçu des fragments de pancréas ovin, sont citées également les greffes de peau de grenouille particulièrement populaires. Le 20ème siècle est le début des premières transplantations d’organes vascularisés. Les essais et erreurs basiques du début du siècle étaient dus à l’ignorance de l’immunologie du rejet de greffe. De 1920 à 1930, Serge Voronoff, chirurg ien émigré russe travaillant à Paris, procéda à une centaine de tran splantations de testicules de chimpanzés chez des hommes âgés ayant perdu leur libido [43,172]. La xénotransplantation est étudiée de manière rationnelle dès 1950 et retrouve un peu de succès avec la découverte des immunosuppresseurs. Quelques cas cliniques de xénotransplantation des années 1960 à 1990 sont présentés dans le tableau suivant (Tabl.12).
Tableau 12 Histoire clinique de la xénotransplantation
Source : Conseil de l’Europe. Report on the state of the art in the field of xenotransplantation. CDBI/CDSP-XENO (2003) 1. D’après Office International des Epizooties (1998) Zoonoses transmissible from non-human primates. International Animal Health Code, 65-71 et d’après Taniguchi, S., Cooper, D. K. C. (1997) Clinical xenotransplantation – a brief review of the world experience. Xenotransplantation, Springer, 776-784
Dans la plupart des cas ce sont les chimpanzés et babouins qui sont utilisés comme animaux-source car des tentatives de xénogreffes d’autres mammifères (chèvre, mouton, porc) ont été l’objet de violents rejets. Les xénotransplantations échouentgénéralement dans les premières semaines. Un cas exceptionnel, rapporté par Reemstsma [228], présente une jeune femme qui a vécu neuf mois après transplantation d’un rein de chimpanzé ; elle décéda d’une maladie intercurrente non-identifiée, avec une fonction rénale normale. Une utrea performance connue est la transplantation en 1984 d’un cœur de babouin qui est resté fonction nel 20 jours chez un nouveau-né. Les attentes de la transplantation soulevèrent de nombreuses discussions éthiques et scientifiques. Dès les années 1990, la xénotransplantation pris un nouvel essor : des essais concernant les xénotransplantations de cellules (ilôts pancréatiques porcines, neurones porcins) sont réalisés, des perfusions extracorporelles pour pallier à une défaillance organique fulminante sont également étudiées (foie artificiel avec des hépatocytes porcins).

Le porc, donneur d’organe

Pourquoi le porc a-t-il été choisi ?

Compte tenu de leur proximité phylogénétique avec’Homme,l les primates non humains (chimpanzés) devraient être théoriquement les plusàmême de faire office de donneur d’organe. La proximité d’espèce entre l’homme et le chimpanzé est de 99% d’homologie génomique. Cependant les grands singes appartiennent aux espèces en voie de disparition (annexe 1 de la convention de Washington) et les rares individus disponibles sont pour la recherche sur le SIDA ou l’ hépatite. D’autres espèces de singes comme les babouins ou les macaques sont utilisées par défaut.
D’autres raisons font que les singes ne sont pas utilisés comme donneurs de xénogreffes. Les singes sont petits en comparaison avec un humain adulte, donc ne fournissent pas d’organes de taille valable pour l’Homme. Toutes les espèces se reproduisent très mal en captivité, ont de longues périodes de gestation avec peu de jeunes par portée. Du fait de leur proximité génétique avec l’Homme, les singes représentent un risque infectieux (annexe 2) trop important pour le malade, son entourage, voire même la société. De nombreuses bactéries pathogènes, virus (notamment les rétrovirus comme le SIDA), parasites et champignons décris chez ces singes peuvent être transmissibles à l’Homme et parfois induire une maladie (annexe 3). De plus, l’utilisation de singes soulève de nombreuses objections d’un point de vue éthique. Son intérêt est donc limité au modèle préclinique s’il n’y a pas d’autre modèle alternatif.
Des investigations ont montré que le porc était unesource d’organe plus adaptée. Son élevage est relativement aisé. Avec une croissance rapide, une gestation courte, des portées de grande taille, un coût peu élevé, le porc est un candidat intéressant. Sa taille et son anatomie sont proches de celles de l’homme, ses organes sont donc compatibles et adaptables à l’homme. Une lignée de porcs miniatures a été sélectionnée (120à140kg versus 450kg pour le porc domestique) pour obtenir des organes de taille appropriée [173]. Des animaux sans pathogène spécifique (environnement contrôlé, air filtré, nourriture stérilisée…) et des animaux transgéniques peuvent être produits. Le débat éthique concernant son utilisation a réuni le plus grand consensus.
Note : On parle de xénozoonose lorsqu’une maladie animale est transmise par l’intermédiaire de la greffe et d’une zoonose pour une transmission d’un pathogène animal dans des circonstances naturelles.

Risque infectieux lié au porc

Par rapport au singe, le porc représente un risque bien moins important, mais le risque infectieux spécifique à l’usage du porc ne doit pas être négligé. Là encore, le porc peut être porteur de bactéries, virus, parasites (trichinellose, toxoplasmose), potentiellement transmissibles à l’Homme lors d’une xénotransplantation (annexe 3). La production de porcs sans pathogène spécifique est possible et une attention particulière est requise concernant certains virus.
En effet, des rétrovirus endogènes porcins (PorcineEndogenous Retrovirus : PERV), ne peuvent pas être éliminés des tissus et il est dicileff de créer des porcs indemnes de ce virus intégré dans le génome [99]. Les rétrovirus endogènes porcins ne sont pas pathogènes pour leur hôte, mais il n’est pas exclu qu’ils ne le soient pas pour l’H omme, d’autant plus que l’infection de cellules humaines a été démontréein vitro [211,177]. Le PERV a été recherché dans 160 échantillons de sang de personnes ayant été exposées à des tissus ivants de porc, tous les prélèvements étaient négatifs [210]. Aucune transmission de PERV ou de recombinaison de PERV avec un rétrovirus endogène humain n’a été mise en évidence par les udesét rétrospectives [64,210,292,323] ou les premières expérimentations cliniques, malgré une mise en évidence expérimentalein vitro [250]. Des études ont montré que l’inhibition de l’expression des PERV serait possible [65] et une lignée de mini-porcs indemne de certains PERV [204,223] existe déjà (lignée David Sachs’ dd, obtenue par sélection). De la même façon que pour les E.S.T., on pourrait également créer une lignée où les séquences de PERV seraient délétées mais la tâcheste énorme en regard du nombre élevé de copies intégrées dans la plupart des génomes de porc.
Deux autres virus, le cytomégalovirus porcinet le parvovirus porcin, théoriquement non transmissible à l’Homme, font l’objet de surveillan ce particulière et des lignées indemnes sont créées [43,172].
Le risque de transmission de l’agent des EST par xénotransplantation est limité car les porcs sont considérés comme résistants à l’infection [43].De plus, les techniques de gestion des risques concernant l’élevage des porc destinés aux xénogreffes, prennent le maximum de précautions pour réduire tout risque potentiel.
Les risques infectieux potentiels des xénotransplantations comprennent :
la transmission d’organismes pathogènes pour l’homme mais non pathogènes pour l’animal donneur.
la transmission d’organismes non-pathogènes chez l’homme, mais qui le deviendraient chez un patient immunosupprimé ou immunodéprimé.
La recombinaison ou réarrangement d’agents infectieux menant à de nouvelles souches infectieuses
Les risques de zoonoses peuvent être minimisés parun règlement strict d’élevage des animaux, des contrôles de procédures chirurgicales, un dépistage des animaux et des receveurs pour les infections connues.
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), consciente des risques de zoonoses, a adopté en 2004 la résolution WHA57.18. Elle propose aux États membres de n’autoriser les xénogreffes que s’il existe un système de contrôle efficace par des autorités nationales de santé [291].
Le porc, en comparaison au singe (Tabl.13), paraît être l’animal « idéal » comme donneur d’organe. Cependant, ces nombreux avantages sont co ntrebalancés par quelques obstacles. Des incompatibilités physiologiques existent entre l’Homme et le Porc, nous en parlerons dans le paragraphe concernant la greffe d’organes (§ B.5.1) . Une deuxième barrière se dresse : la barrière immunologique, les différents écueils et solutionsseront abordés dans le paragraphe « les animaux transgéniques contre les barrières immunologiques de la xénotransplantation » (§ B.4.). Enfin l’attitude du malade et de la société vis-à-vis de cette technique n’est pas un obstacle à négliger, nous en discuterons en toute fin de partie.
Tableau 13 Avantages et inconvénients des différents animaux source pour la xénotransplantation chez les humains

Les animaux transgéniques contre les barrières immunologiques de la xénotransplantation

Les mécanismes immunitaires en jeu lors de xénotransplantation sont différents selon la proximité entre les espèces. Cette différence mèneàun classement des xénotransplantation.
Lors de transplantation du singe à l’homme ou du ha mster au rat, la greffe sera rejetée de manière aiguë en plusieurs jours étant donné la faible présence dans le sérum du receveur d’anticorps naturels (préformés) contre les antigènes du donneur : on parle de xénotransplantation concordante.
Lorsque des anticorps naturels contre les antigènes du donneur sont présents dans le sérum du receveur, on parle de xénotransplantation discordante. C’est le cas de transplantation du porc à l’homme ou du porc au singe, le rejet survient généralement dans les minutes suivant la revascularisation de la greffe (rejet suraigu).
Il y a deux types de réponses immunitaires mises enjeu dans ces réactions de rejet :
-une réponse humorale innée, des anticorps préformés existent sans que l’individu aie été en contact avec l’antigène auparavant.
-une réponse humorale acquise, résultant d’une exposition préalable à l’antigène (lors de greffe concordante).
La xénotransplantation discordante doit faire faceaux deux réponses humorales : acquise et innée. Ces réponses immunitaires engendrent des réactions de rejet (Fig.23) qui sont autant d’étapes
à franchir pour la réussite de la xénotransplantation. La phase initiale, nommée rejet suraigu, a lieu dans les minutes ou heures suivant la transplantation. Si cette réaction est évitée, unrejet vasculaire aigu est observé dans les jours suivants. Viennent ensuite le rejet cellulaire aigu dû à une composante immunitaire cellulaire, puis le rejet chronique plus tardivement. La résolution des problèmes engendrés par ces barrières immunologiques est une priorité pour pouvoir mettre en place une xénogreffe.
Figure 23 Obstacles immunologiques de la xénotransplantation

 Le rejet suraigu

Obstacles

Le rejet suraigu a lieu dans les minutes et heures suivant la transplantation, trois acteurs sont impliqués [43,172,173,234] : les anticorps naturels, l’ endothélium porcin (paroi des vaisseaux sanguins), le complément.
Les anticorps impliqués sont essentiellement des immunoglobulines de type M (IgM), les IgM se lient à des substances étrangères (par exemple une bactérie) et aident à leur destruction. Ces anticorps préformés se sont développés dans les premières semaines de vie d’un individu. En réponse à la colonisation bactérienne du tractus digestif, l’enfant et le jeune singe, développent des anticorps naturels contre l’épitope galactosyl galactose  (1-3) galactose (Gal) présents sur des nombreux virus, parasites et bactéries. 1% des anticorps circulants humains [212] sont dirigés contre les épitopes Gal. Malheureusement, ces anticorps naturels anti-Gal réagissent avec les épitopes Gal présents sur les cellules de l’endothélium porcin. En effet, l’épitope Gal est exprimé à la surface des cellules de tous les mammifères à l’ exception des humains, primates et singes de l’ancien monde (Tabl.14). Cet épitope, synthétisé arp l’ 1,3-galactosyl transférase (1,3GT) est donc reconnu comme étranger par le receveur humainet est ainsi responsable de la fixation de près de 90% de tous les anticorps anti-porcins.
Tableau 14 Distribution de l’épitope galactosyl dans le règne animal
La fixation anticorps/antigène (anti Gal/Gal) active la voie classique du complément. Un complexe d’attaque membranaire (CAM) se forme, les cellules endothéliales porcines se rétractent entrainant l’adhésion et l’activation des plaquettes (Fig.24). Ce rejet suraigu se concrétise macroscopiquement par des thromboses vasculaires, de la congestion, des ruptures de l’endothélium vasculaire, des hémorragies interstitielles et de l’œdème (Photos 17 et 18). La fuite de sang et de liquide est suivie par la nécrose des cellules endothéliales.

Prévention

Aucun médicament immunosuppresseur, seul ou combiné, utilisé avec efficacité lors des allotransplantation humaines, ne peut prévenir l’apparition du rejet suraigu. Des solutions ont été mises en place et peuvent se classer en deux groupes distincts :
Modifications chez le receveur :
-Elimination des anticorps préformés anti-porcins arp plasmaphérèse [324], par colonne d’immunoabsorption, par utilisation d’anticorps mon oclonaux ou par mise en contact avec des résidus saccharidiques.
-Inhibition de l’activité du complément par injection d’inhibiteurs solubles comme le facteur du venin du cobra [164], le récepteur soluble du complément (CR1) [261] ou le sulfate de dextran.
Modifications chez le donneur grâce aux techniques de transgenès e :
-Porc transgénique exprimant des protéines régulatrices du complément
-Porc transgénique exprimant le transgène de l’-1,3fucosyl transférase humaines (H-transférase)
-Porc transgénique avec invalidation de l’expression du gène de l’1,3GT
La possibilité de modifier génétiquement les animaux donneurs d’organe grâce à la transgenèse a tout d’abord permis d’obtenir des porcs transgéniques dont les organes expriment des protéines régulatrices du complément humain. A la surface dela plupart des cellules de l’organisme, des protéines comme le CD35 (CR1), CD46 (MCP pour membrane cofactor protein), CD55 (DAF pour decay accelerating factor), CD59 (protectin), HFR (homologous restriction factor) inhibent de façon spécifique d’espèce le complémentautologue [56,212]. Des porcs transgéniques exprimant les protéines humaines (Fig.25) CD55 (hDAF) [32], hCD46 [1] ou hCD59 [30,202] ont été créés et testés. L’expression des hCD55 et hCD46 avec ou sans hCD59, abroge complètement le rejet suraigu des organes vascularisés dans le modèle porc-primate malgré la présence de titres élevés en anticorps anti-Gal. Cet effet thérapeutique est effectif lorsque le porc exprime ces inhibiteurs à des concentrations supra physiologiques. Il reste à déterminer quelle combinaison d’inhibiteurs est plus efficace, à quels niveaux d’expression. Cependant d es inconvénients de cette technique sont à envisager. Les porcs transgéniques ainsi créés possèdent les récepteurs à certains virus humains dont la rougeole [26,261]; les porcs pourraient donc théoriquement être susceptibles à ces agents. On pourrait alors préférer utiliser la surexpression des CD55 et CD46 de porc qui se sont avérés également actifs contre le complément humain [191].
Une autre approche pour éviter le rejet suraigu, est ciblée sur l’épitope Gal.
Des porcs transgéniques surexpriment la H-transférase, enzyme qui entre en compétition avec la 1,3GT pour un même substrat. Ainsi, les niveaux d’expression des épitopes Gal décroissent significativement. Malheureusement, les niveaux résiduels d’épitopes Gal restent suffisants pour déclencher une réponse immunitaire [212]. Une autre solution a alors été imaginée : cibler directement le gène de l’1,3GT. Des porcs transgéniques (par clonage somatique) où l’ 1,3GT est inactivée (porcs Gal-KO, Fig.25), présentent tout ed même un pourcentage résiduel d’épitopes Gal de 1 à 2% [263]. La présence d’antigènes Gal chez les porcs Gal-KO a démontré qu’une autre enzyme était impliquée dans la production de cet épitope : l’isoglobotrihexosylcéramide synthéase (iGb3S) ou 1,3 galactosyltransférase 2 (A3galt2) a été découvert chez la souris mais il n’est pas certain qu’elle soit active chez le porc [212]. L’élimination complète de l’antigène Gal n’est donc pas simple.
Figure 25 Schéma de l’endothélium porcin lors de la réponse primaire de rejet
En dépit du taux résiduel d’expression de l’antigène Gal, la xénotransplantation chez le babouin, de reins et cœurs provenant de porcs Gal-KO donne des résultats encourageants avec une augmentation de la survie de l’organe transplanté, sans signe de rejet suraigu (jusqu’à 179 jours pour le cœur et 83 jours pour le rein [155,325]). L ’exploration des barrières immunologiques de la xénotransplantation peut désormais aller au-delà de rejet suraigu. Des cœurs de porcs Gal-KO transplantés à des babouins ont pu ainsi fonctionner 2 à 6 mois pour finalement succomber à une microangiopathie thrombotique [155,299].
Une microangiopathie thrombotique a également étébservéeo sur des cœurs transplantés issus de porcs transgéniques pour le hCD55 [212] en combinaison avec un régime immunosuppresseur et une perfusion intraveineuse continue de Gal conjugué pour absorber les anticorps anti-Gal. Cette réaction évoque l’induction d’anticorps dirigés contre d’autres antigènes que Gal et met en jeu les réactions de rejet vasculaire aigu.
Photo 17 Photographie d’un cœur de porc transplanté au niveau du cou d’un babouin non traité
juste avant que les anastomoses artérielles et veineuses soit ouvertes.
© Source : Joren C. Madsen and Readier Hoerbelt. Xen otransplantation. Book Chapter; Contemporary Cardiology, Surgical Management of Congestive Heart Failure
Photo 18 Photographie du même cœur de porc,
prise 10 min après le rétablissement de la circulation sanguine, montrant l’apparence œdémateuse et cyanosée typique du rejet suraigu.
© Source : Joren C. Madsen and Readier Hoerbelt. Xen otransplantation. Book Chapter; Contemporary Cardiology, Surgical Management of Congestive Heart Failure

Rejet vasculaire aigu

Si le rejet suraigu est évité, la greffe subit un ejetr retardé : le rejet vasculaire aigu, au bout de quelques jours à quelques semaines. On parle de rejet vasculaire parce que les premiers anticorps formés par le receveur sont dirigés contre les cellules endothéliales (Fig.26). Les mécanismes immunitaires concernés dans ce type de rejet ne sont pas entièrement élucidés (action des Natural Killers, des macrophages, neutrophiles, lymphocytes). Des antigènes xénogéniques nouvellement formés au contact du xénogreffon (Immunoglobulinesde type G IgG) reconnaissent les antigènes porcins, notamment l’antigène Gal. On observe une forte augmentation d’IgG [60] xénoréactives. La fixation de ces anticorps acquis sur l’endothélium porcin, entraine des phénomènes de cytotoxicité cellulaire médiée par ces anticorps (ADCC). Le complément et les Natural Killers (NK) sont activés, menant à une destruction de l’endothélium [248]. La fixation des anticorps active également les cellules endothéliales. Les cellulesendothéliales vont alors synthétiser des cytokines pro-inflammatoires (interleukines 1 et 8), des molécules d’adhérence comme VCAM-1 (vascular cell adhesion molecule-1), la sélectine E, qui attirent les cellules immunitaires. Enfin, la perte de thrombomoduline crée un environnement procoagulant. En effet, durant la transplantation, l’inévitable ischémie de reperfusion génère des molécules qui endommagent l’environnement vasculaire. Ces dommages s’installent une fois le r ejet suraigu évité, entrainant de nombreux changement dans le système de coagulation [212].
Le rejet vasculaire aigu mène à des thromboses vasculaires avec extravasation sanguine, œdème interstitiel et nécrose.
Actuellement, ce processus représente le principal obstacle à la xénotransplantation clinique d’un organe vascularisé de porc. Même lorsque des porcsGal-KO sont utilisés, les xénogreffes se soldent par une microangiopathie thrombotique sans qu’il n’ y ait nécessairement d’autres signes de rejet vasculaire aigu [299]. La médiation de la thrombose par les anticorps est évidente mais des incompatibilités moléculaires spécifiques peuvent ermettrep l’amplification du processus et son extension au-delà du site de la xénogreffe. Voici deux exemples de ces incompatibilités :
-le facteur de von Willerbrand (vWF) porcin, qui contrairement à son équivalent humain, se lie aux plaquettes humaines et les active en absence de stress déclencheur [180,255]
– la capacité réduite du complexe thrombomoduline orcinep-thrombine humaine à activer la protéine C humaine (anticoagulante par inactivationdes facteurs Va et VIIIa) [236].
Figure 267 Diagramme des changements de procoagulation des cellules endothéliales (EC) porcines et l’activation des plaquettes lors de la xénotransplantation d’un organe de porc à un primate
Les cellules endothéliales porcines sont actives par les anticorps xénoréactifs (avec ou sans implication du complément) pour exprimer le Facteur Tissulaire et déclencher la formation de thrombine qui est un puissant activateur des plaquettes. Fgl-2 clive la prothrombine pour parvenir à la formation de thrombine.
Des ligands (vWF et d’autres désignés par ?) ses cellules endothéliales porcines activent les récepteurs des plaquettes probablement indépendamment de la réponse immunitaire humorale.
Les cellules endothéliales activées n’expriment plus CD39 et CD73 et sont incapables de catalyser l’ADP en adénosine ce qui active donc les plaquettes. Ag: antigène, Ab: anticorps
De nombreux anticoagulants ont été testés sur les odèlesm porc-primate (antithrombine humaines recombinantes, héparine, aspirine, warfarine) sans réussir à obtenir des nivaux d’anticoagulants nécessaires à la surface de l’endothélium [212]. Le risque d’hémorragie associé à un traitement systémique d’anticoagulants étant non-négligeable,l’appel à la transgenèse est une fois de plus envisagé. L’expression supraphysiologique des régulateurs de la thrombose chez le donneur paraît théoriquement plus sûre. Les facteurs humains exprimés jusqu’à présent par transgenèse sont [56] :
– CD39 (ecto-ADPase) : cible les plaquettes et possède une activité anti-inflammatoire
– la thrombomoduline : exprimée sur les cellules endothéliales, nécessaire à la génération de la protéine C qui est anticoagulante.
– le récepteur endothélial de la protéine C (EPCR)nécessaire: à la génération de la protéine C qui est anticoagulante.
– L’inhibiteur de la voie du facteur tissulaire (TFPI) : cible le facteur tissulaire qui est initiateur de la voie de coagulation extrinsèque.
– L’hirudine (antithrombine originaire de la sangsue) : inhibiteur direct de la thrombine qui est une molécule procoagulante.
Les tests sur les rongeurs n’ont pas encore donné outes les réponses pour pouvoir passer à la transgenèse de ces facteurs chez le porc.
Les aspects variés du rejet vasculaire aigu peuvent être retardés par une application continue et agressive de déplétion des anticorps xénoréactifspar( plasmaphérèse ou injection de polymères Gal, Photo 19) en association avec plusieurs immunosuppresseurs (ciclosporine A, corticostéroïdes, cyclophosphamide, mycophénolate, mofétil). A ce jour, les différents traitements visant à surmonter le rejet vasculaire aigu lors de xénotransplantation, ont eu un effet limité. En 2005, la durée de vie n’était pas supérieure à 3 mois, les animaux subissaient le rejet ou mouraient de complications infectieuses dues à l’immunosuppression [259].
Photo 19 Photographie de la méthode d’adsorption des anticorps naturels par colonne immunoaffine chez les primates.
Le sang entre dans la colonne via une cannules connectée à l’aorte. La colonne d’ologisaccharides Gal, fixe les anticorps anti-Gal circulants. Le sang retourne à l’animal par la cannule connectée à la veine cave inférieure.
© Source : Joren C. Madsen and Readier Hoerbelt. Xen otransplantation. Book Chapter; Contemporary Cardiology, Surgical Management of Congestive Heart Failure

Le rejet cellulaire

Alors que la composante cellulaire du rejet vasculaire aigu concernait plutôt la réponse cellulaire innée, le rejet cellulaire implique uneréponse acquise dont les principaux acteurs sont les lymphocytes T. Le rejet cellulaire est le type de rejet observé le plus fréquemment dans les modèles expérimentaux d’allotransplantation. Les lymphocytes T reconnaissent directement ou indirectement les antigènes. La reconnaissance directe se fait par l’apprêtement des antigènes étrangers par les cellules présentatrices de l’antigène (CPA) du donneur aux lymphocytes T du receveur. La reconnaissance indirecte se fait quant à elle par l’apprêtement et la présentation de l’antigène par les CPA du receveur. Il existe une compatibilité moléculaire suffisante entre les CPA porcines et les lymphocytes T humains pour créer une synapse immunologique efficace permettant au rejet de survenir par la voie directe[259]. De nombreuses études ont mis en évidence que la réponse cellulaire lymphocytaire xénogénique semble être plus importante que la réponse allogénique [61]. Plusieurs raisons y concourent : le nombre d’antigènes présentés pourrait être plus important en xénotransplantation, la présentation indirecte semble favorisée, les mécanismes régulateurs via les cytokines pourraient être moins efficaces.
Macrophages, NK et neutrophiles jouent aussi un rôle actif dans le rejet cellulaire xénogénique [43,173,212,259].
La question est de savoir si la prévention du rejet xénogénique cellulaire exigera des stratégies thérapeutiques autres que celles utilisées avec succès en allotransplantation (agents immunosuppresseurs non spécifiques). La combinaison de la cyclosporine A à d’autres molécules immunosuppressives a récemment conduit à la prolongation de la survie de reins de porcs après transplantation à des primates [46]. Des groupes de chercheurs travaillent sur des porcs transgéniques exprimant des gènes modulateurs des lymphocytes T comme le HLA-E (human leukocyte antigen E)et le PDL1-L (Programmed Death Ligand ou CD274 ou B7-H1) dans l’objectif de diminuer les doses d’immunosuppresseurs. Une autre solution serait apportée par l’expression du TRAIL humain (human tumor necrosis factor-alpha-related apoptosisinducing ligand) par des porcs transgéniques pour induire l’apoptose des lymphocytes T [148].
Beaucoup de scientifiques et médecins pensent que le succès des xénotransplantations dépendra du développement des moyens d’induction de tolérance au greffon. Nous verrons plus loin trois approches expérimentales pour induire une tolérance des lymphocytes T envers la xénogreffe.

Rejet chronique

Le rejet chronique de la greffe est très mal connu en allotransplantation et les données sont quasi non-existantes en xénotransplantation vu les durées de survie des xénogreffes [43,173]. Le rejet chronique survient dans les mois voire années suivant la greffe. Les réactions inflammatoires persistantes et les proliférations concentriques de l’intima des vaisseaux artériels, conduisent finalement à l’ athérosclérosede la greffe.

Induction de la tolérance au greffon

En allotransplantation, des protocoles d’induction de tolérance sont mis au point pour réduire les risques infectieux et l’incidence des cancers dus à l’immunosuppression réalisée. Pour les xénotransplantations, les traitements immunitaires requis actuellement sont incompatibles avec la clinique humaine. Cette approche a donc un grand intérêt. Deux approches ont eu une certaine réussite chez les modèles grands animaux en induisant une tolérance.

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