Les déterminants de la tarification dynamique

ans cette thèse, nous nous intéressons aux déterminants de la tarification dynamique. Tarifer consiste à fixer un prix pour un bien ou un service. Le caractère dynamique ou intertemporel fait référence à la prise en compte du temps dans l’analyse. La tarification dynamique concerne donc la fixation du prix d’un produit au cours du temps. Ainsi, nous étudions les facteurs fondamentaux qui influent sur la fixation du prix d’un produit au cours du temps. La question des déterminants de la tarification dynamique est importante dans la théorie économique. En effet, le prix d’un bien est l’un des principaux facteurs qui participent aux recettes de la firme (Ravindran, 2007). Par ailleurs, la prise en compte d’une évolution temporelle est de nature à modifier sensiblement la tarification d’un produit et à augmenter le profit de la firme de manière significative.

A priori, selon les caractéristiques des biens et des marchés étudiés, différents éléments sont susceptibles de participer à la détermination de la tarification intertemporelle. Au niveau de la demande, il peut s’agir des effets de diffusion, des externalités de réseau ou de l’ensemble des prix des biens comparables. Au niveau de l’offre, la dynamique de la tarification peut dépendre de celle des coûts, et donc du niveau d’innovation, de l’organisation interne de la firme, du type de bien produit ou du niveau de marge réalisé. Les caractéristiques des biens et les conditions productives sont susceptibles d’être influencées par les stratégies de la firme, notamment par les politiques d’innovation ou de compatibilité des produits, ou par les choix sur l’organisation interne (Chatterjee, 2009). Par ailleurs, audelà des conditions objectives, il existe aussi des déterminants psychologiques qui affectent le comportement des agents sur un marché. Il s’agit en particulier du contexte de la transaction, de la familiarité d’un agent avec le marché ou du sentiment de réaliser une  » bonne  » affaire (Giraud et Gironde, 2008). L’importance de ces différents facteurs a priori dépend des spécificités de chaque produit et de chaque marché.

La tarification dynamique introduit l’élément temporel dans la question de la tarification. La prise en compte de la dynamique constitue un enjeu de taille pour le développement de la théorie économique. Une compréhension globale de la tarification dynamique requiert une approche d’ouverture pour faire appel, au-delà de la théorie économique standard, à certains concepts développés en marketing et en psychologie (Mazumdar et al., 2005). L’introduction explicite de la dynamique dans l’analyse de la question de la tarification est susceptible de conduire à des changements significatifs dans les résultats. En effet, si l’attention des économistes continue à se porter sur l’équilibre, les propriétés de celui-ci sont affectées par les effets dynamiques. Le niveau des prix est modifié. Par ailleurs, les caractéristiques des dynamiques hors équilibre sont sources de nouvelles interrogations. La question de l’évolution des prix et donc la forme de la politique de tarification optimale dans un cadre dynamique se pose (Jorgensen et Zaccour, 2004). Pour traiter de ces points, l’économiste recourt aux outils d’optimisation. En général, ces outils s’appliquent à des problèmes statiques. L’analyse statique est très utile ; elle dégage les équilibres potentiels d’un modèle et permet l’étude de ses propriétés. La statique comparative permet de savoir comment la modification d’un paramètre affecte l’équilibre d’un modèle (Chiang et Wainwright, 2005). Il est nécessaire de réaliser que, par sa nature, la statique comparative ignore le processus d’ajustement d’un ancien équilibre à un nouveau. Elle néglige aussi le temps nécessaire à ce processus d’ajustement. En conséquence, en raison de l’instabilité inhérente potentielle d’un modèle, l’analyse statique ne permet pas d’étudier la question simple mais essentielle de la stabilité d’un équilibre. Cette question est capitale car si l’analyse statique insiste sur l’existence d’un équilibre particulier mais que ce dernier n’est pas stable, alors il perd beaucoup de son intérêt.

L’économie dynamique permet de poser la question du niveau d’une variable de décision tout au long d’un intervalle de temps. Cet intervalle peut s’interpréter comme la durée d’un cycle de vie. La solution au problème prend la forme d’un sentier temporel optimal à tout instant pour chacune des variables de choix. L’analyse dynamique permet aussi d’étudier la stabilité des équilibres ainsi que la vitesse de convergence vers ces équilibres. Il est essentiel de pouvoir traiter ces questions. En effet, même si la stabilité de l’équilibre est assurée, est-il pertinent de chercher à l’atteindre si la durée de convergence est très longue ; de l’ordre de plusieurs dizaines d’années ? L’économie dynamique est fondamentale car elle apporte des réponses à ces questions tant au niveau théorique que pratique (Dockner et al., 2000).

La plupart des modèles statiques conduisent à une règle de tarification basée sur l’égalisation du coût marginal courant au revenu marginal courant. Cette règle ne prend pas en compte certains éléments dynamiques majeurs. Il peut s’agir de la courbe d’apprentissage au niveau de l’offre, des effets de diffusion au niveau de la demande, des effets de saturation pour les biens durables, de l’incertitude sur les technologies futures ou des réactions concurrentielles (Kalish, 1983). L’analyse dynamique permet quant à elle de modéliser explicitement ces facteurs. Leur prise en compte nuance les règles issues d’une analyse strictement statique et offre des explications et des prescriptions robustes dans un cadre intertemporel (Robinson et Lakhani, 1975).

Dans un cadre statique, le décideur maximise sa fonction objectif (le profit ou l’utilité) pour la seule période courante. Dans un cadre dynamique, le décideur maximise son objectif intertemporel. Il est donc contraint, dans sa prise de décision, de réaliser un arbitrage entre ses objectifs courants et ses objectifs futurs. C’est la prise en compte des objectifs futurs qui modifie la règle de décision. Fudenberg et Tirole (2001) identifient deux autres raisons d’utiliser des modèles dynamiques plutôt que des modèles statiques. Tout d’abord, les industries non-stationnaires, qu’elles soient en croissance ou en déclin, requièrent des modèles explicitement dynamiques. Par ailleurs, même si l’environnement est stationnaire, le comportement et la performance d’une industrie mature dépendent directement de son histoire. Or, la dépendance à l’histoire est mieux prise en compte par une modélisation explicitement dynamique.

Le management science applique les méthodes de recherche opérationnelle aux problématiques de la firme (Ravindran, 2007). Cette approche est apparue pendant la Seconde Guerre Mondiale lorsque les problèmes d’ingénierie militaire furent trop complexes pour qu’une personne ou une discipline puisse y répondre seule. Pour traiter les problèmes liés par exemple à la trajectoire des fusées, au déploiement des forces ou au ravitaillement des troupes, des groupes de scientifiques de différentes disciplines travaillèrent ensemble. Après la guerre, ces scientifiques appliquèrent ces méthodes aux questions rencontrées par les firmes. Dès ses débuts, le management science est ainsi une approche pluridisciplinaire et pragmatique. Il utilise les méthodes pertinentes pour répondre aux questions de la firme. Cela explique l’ouverture du management science à différents champs théoriques pour aborder une question (Eliashberg et Lilien, 1993). A l’origine, le management science a surtout fait appel aux sciences de l’ingénieur en utilisant en particulier l’optimisation et la simulation numérique. Il a aussi contribué au développement de méthodes plus qualitatives comme les méthodes expérimentales, qui permettent de mesurer l’importance des effets psychologiques (Hopp, 2004). L’application de chacune de ces méthodes dépend de la nature du problème rencontré et donc du type de modèle posé .

Bell et al. (1988) suggèrent une taxonomie épistémologique des différents types de modèles. Ils distinguent les modèles de type normatif, descriptif et prescriptif. Dans l’approche normative, l’intérêt porte sur le choix rationnel et les modèles sont construits sur des axiomes, des hypothèses, considérés comme souhaitables. Un modèle normatif se base donc sur une cohérence logique des décisions et en déduit la manière dont un individu devrait les prendre. Un modèle descriptif montre comment les agents décident effectivement et quelles décisions ils prennent. Le modèle descriptif est jugé selon sa capacité à prédire les comportements réels. Un modèle prescriptif aide à la décision d’un individu dans un contexte particulier. Il est évalué de manière pragmatique : le modèle prescriptif est validé si le décideur le trouve utile et s’il lui permet de prendre de meilleures décisions (Smith et Von Winterfeldt, 2004). Si les trois types de modèles sont développés dans des travaux différents, ils coexistent (Bell et al., 1988). En effet, les modèles prescriptifs, qui aident à la décision, s’appuient sur des principes normatifs préalables. Ils tiennent aussi compte de résultats descriptifs de nature à remettre en cause la validité empirique de ces principes. Par ailleurs, les fondements d’un modèle sont d’autant plus forts que le modèle repose sur des principes normatifs, qu’il est descriptif des décisions réelles et qu’il peut servir de support à l’aide à la décision.

Table des matières

Introduction générale
Question de recherche
Démarche
Apports
Tarification dynamique sur un marché biface
Tarification dynamique et innovation
Dynamique du prix de référence
Plan de thèse
1 Revue de littérature
1.1 Introduction
1.1.1 Les modèles de tarification dynamique
1.1.2 Les politiques de tarification
1.1.3 Caractéristiques des modèles de tarification dynamique
1.2 Les fondements de la tarification dynamique
1.2.1 Le monopole et l’oligopole dynamiques
1.2.2 La conjecture de Coase .
1.2.3 Outils analytiques et questions traitées
1.3 Les modèles de diffusion
1.3.1 Préliminaires
1.3.2 Le modèle de Bass de base
1.3.3 Le modèle de Bass généralisé
1.3.4 La diffusion multiproduits
1.3.5 Estimation des modèles
1.4 Le monopole dynamique
1.4.1 Prix de réservation et taille du marché
1.4.2 Les règles numériques de tarification
1.4.3 Les règles formelles de tarification
1.4.4 Extensions
1.5 Les modèles d’innovation
1.5.1 Innovation de produit et de procédé
1.5.2 Innovation et tarification
1.6 Les modèles de concurrence
1.6.1 Préliminaires
1.6.2 L’oligopole dynamique
1.6.3 La compatibilité
1.7 Conclusion
2 Tarification dynamique sur un marché biface
2.1 Introduction
2.2 Revue de littérature
2.2.1 La tarification de nouveau produit
2.2.2 Les marchés bifaces
2.3 Le modèle général
2.3.1 Construction des fonctions de demande
2.3.2 Intégration des effets dynamiques
2.3.3 Le problème
2.4 Sous-classe de fonctionnelle de demande
2.4.1 Externalités de réseau intramarché et intermarché
2.4.2 Externalité intermarché
2.4.3 Résumé des résultats analytiques
Conclusion

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