Les grandes solutions prévues sont-elles durables

Les grandes solutions prévues sont-elles durables

Principales solutions envisagées

Trois grandes solutions sont actuellement envisagées face à la crise du service public d’eau parisien : des innovations technologiques curatives, une politique tarifaire plus sociale et un changement du mode de gestion. Comme nous allons le discuter, ces politiques n’empêcheront vraisemblablement pas la poursuite de la crise actuelle du service public d’eau à Paris, du moins tant que les dynamiques sous-jacentes de cette crise resteront inchangées. Nous ne reviendrons pas ici sur la durabilité passée de ces solutions (cf. supra : C4), mais analyserons plutôt leur impact sur la durabilité à venir du service public d’eau parisien. 

L’innovation technologique pour être durable ?

Face aux enjeux actuels, l’innovation technologique est l’un des principaux « axes de progrès pour les solutions de demain » envisagé (PWC, 2012: 65). Divers acteurs recommandent de renforcer les capacités techniques en place, afin de pouvoir continuer de fournir de l’eau potable à Paris à l’avenir (cf. infra : C8). Toutefois, dans les chapitres précédents nous avons montré pourquoi l’accroissement constant des moyens techniques est insuffisant pour sortir de la crise actuelle. En effet, tant que les innovations techniques continueront de viser la seule durabilité particulière au service d’eau parisien (locale, à court terme, sectorielle), faute de s’attaquer aux causes profondes des problèmes rencontrés ces solutions seront vouées à redevenir inefficaces à moyen terme : elles participeront donc à aggraver la crise actuelle. Une première illustration des limites de ces solutions est le projet de construire de nouvelles usines ou d’utiliser des nouvelles technologies pour traiter la pollution croissante des eaux captées pour alimenter Paris en eau potable. Certes, des usines et des techniques toujours plus puissantes permettront d’améliorer significativement la qualité de l’eau fournie à Paris et de continuer de respecter des critères de potabilité de plus en plus stricts. Mais cela n’empêchera pas la dégradation croissante de la ressource naturelle en eau : par conséquent, ces solutions alourdiront le coût de production du service, donc le prix de l’eau facturé… Si rien d’autre n’est changé, ces innovations techniques ne seront donc pas durables. Une seconde illustration des limites d’une approche uniquement techniciste est le projet déjà ancien –mais régulièrement évoqué– de construire un 3 ème réseau d’eau à Paris. Dès 1965, face à la dégradation de la qualité de la ressource en eau et à la hausse des coûts de dépollution, la Ville de Paris avait engagé un bureau d’étude pour étudier notamment l’idée d’un 3ème réseau d’eau (SEURECA, 1965).

Ce nouveau réseau aurait utilisé les meilleurs eaux de source captées par Paris, pour assurer les usages de l’eau obligatoirement potables (ex : eaux pour la boisson). Les autres usages de l’eau (i.e. 90% de la consommation d’eau des ménages) auraient continués d’être assurés par le réseau de distribution actuel, avec une eau seulement sub potable. Enfin, le réseau d’eau non potable (ENP) –le plus ancien– aurait continué de fournir de l’ENP. Ce projet, très innovant, ne proposait toutefois qu’une n-ième solution paliative, qui aurait été peu durable. En effet, faute de traiter les causes profondes du problème rencontré (i.e. la dégradation croissante des ressources naturelles en eau et la hausse des coûts de production), la ressource en eau utilisée pour ce 3ème réseau aurait été rattrapée à court ou moyen terme par la pollution diffuse croissante ; le coût total de ce projet (600 millions de FF, soit 150 M FF pour le nouveau réseau et 450 M FF pour modifier les équipements existants, cofinancés par Paris et des communes proches) aurait donc alourdi le coût des infrastructures (investissement, entretien et renouvellement), tandis que le coût de protection et de dépollution des ressources en eau aurait continué d’augmenter, faute d’avoir proposé une solution à ce problème… La dégradation historique déjà discutée (cf. supra : C4) aurait donc vraisemblablement continué.

Une réforme tarifaire pour être durable ?

La seconde grande solution envisagée face à la crise actuelle est la mise en place d’une nouvelle politique tarifaire, pour rendre le prix du service d’eau à Paris plus acceptable/abordable et permettre une gestion plus environnementale de la ressource et de l’infrastructure technique. Nous ne referons pas ici la liste des projets tarifaires en cours (CGDD, 2011), mais analyserons 3 de ces projets, pour évaluer dans quelle mesure ils conduisent –ou pas– à la durabilité du développement du service public d’eau à Paris à l’avenir. 

Trois politiques tarifaires pour l’eau à Paris

La structure et le niveau tarifaire forment un dispositif qui permet de cibler divers objectifs, donc d’orienter la durabilité et le développement du service public d’eau (KALLIS et COCOSSIS, 2001 : 23). C’est pourquoi « les objectifs de protection de l’environnement, de développement économique, et de politique sociale liés à la consommation d’eau peuvent, dans une certaine mesure, être atteints simultanément par l’application d’un système de tarification ‘adéquat' » (OCDE, 1999: 31). Certes, une 267 politique tarifaire seule ne suffit pas pour assurer un développement durable, mais elle peut y contribuer de façon significative, ou à l’inverse rendre cela difficile, voir impossible. Nous avons vu que différentes structures tarifaires ont pu être utilisées par le passé pour développer un service public d’eau à Paris (cf. supra : C3). Par exemple, dès 1860 les traités signés entre la CGE et la VDP prévoyaient une tarification « dégressive » pour les abonnés consommant plus de 100 m3 /jour (Traité de 1880, art. 8), ou une tarification « sociale » d’une part pour les immeubles de logement social –au forfait– et d’autre part pour les maisons dont la valeur locative matricielle était inférieure à 400 FF –subventionnée à 50%– (Traité de 1894, art.1 / Traité de 1922). De même, le contrat-type d’affermage de 1951 prévoyait déjà dans ses articles 24 à 26 que « des tarifs différents et variables peuvent être prévus suivant le volume souscrit ou consommé, l’utilisation, l’usage de l’eau, les saisons, les sujétions spéciales acceptées par certains abonnés, […] un tarif spécial pour les usagers dits « industriels' » (BOISTARD, 1993 : 63). Plus récemment, les articles 57-I de la LEMA et L2224-12-1 du CGCT autorisent une tarification spécifique pour les usagers domestiques. Enfin, la Loi 2013-312 du 15/4/2013 – dite Loi Brottes – autorise les services d’eau à expérimenter des tarifications sociales, pendant les cinq prochaines années. 

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