Les impacts des TIC dans la formation aux métiers de l’information

Le modèle de l’appropriation

Le troisième modèle qui est essentiel dans la sociologie des usages est le modèle d’appropriation des techniques (ou technologies). En il est déterminé par la compréhension des dispositifs et l’explication de l’évolution de « l’usage prescrit ou prévu » vers « l’usage réel ». C’est le constat d’un détournement d’usage, donc les écarts d’usage entre utilisateurs dans un même contexte, rapport de possession à l’objet, trajectoire appropriative (Proulx, 2002 ; Millerand, 2003). L’approche de l’appropriation concentre ses études ou analyses sur le plan de leur mise en œuvre ou « mise en usage » dans la vie sociale. (El Yahyaoui, 2006). Donc après une évaluation et un constat des limites des approches quantitatives de la sociologie de la diffusion, que des chercheurs ont proposé cette nouvelle approche de l’appropriation sociale des nouveaux outils de communication. D’après El Yahyaoui (2006)22 l’approche de l’appropriation met e L’usager est mis en avant dans tout processus et l’usage des NTIC. Les travaux de Jouët (1992) mettent en évidence cette primauté du social dans les modalités d’utilisation des objets techniques. Pour le choix méthodologique de recherches, ce sont souvent   les méthodes qualitatives et d’origines ethnographiques comme l’observation, ou l’entretien ou autres entrevues qui sont privilégiés par les tenants de ce courant. Parmi les résultats importants de ce courant de recherche fort fécond en France. On peut citer (Perriault, 1989) (Rieffel, 2001) (Jauréguiberry et Proulx 2011):  « Les usages des TIC s’insèrent toujours dans des pratiques familiales et professionnelles préexistantes  L’utilisation d’un nouvel instrument repose aussi sur la valeur de distinction sociale qu’il véhicule  Il existe une dimension identitaire de l’usage des TIC.  parmi les variables discriminantes dans l’étude des usages des TIC, on peut distinguer le genre, l’âge et la classe sociale)  Les TIC ont une Influence secondaire sur les différentes formes de sociabilité en perturbant les rapports d’autorité et de pouvoir entre les différents membres d’un groupe social.  Les TIC modifient notre rapport à l’espace et au temps.  Les TIC modifient les frontières traditionnelles entre vie privée et professionnelles.  Il est important de comprendre les logiques du non usage des TIC. »

Autres approches pour étudier les usages des TIC

Selon Jauréguiberry et Proulx (2011), il existe d’autres courants de pensée qui étudient les usages des TIC avec des approches plus expérimentales. Ainsi selon ces deux auteurs, depuis 1945 émergent au sein des sciences de l’ingénieur et de l’ergonomie des chercheurs qui commencent à analyser la place et le rôle des humains vis-à-vis des systèmes techniques. Entre 1970 et 1980, des chercheurs explorent les relations ou interactions humain-machine et se rendent compte du fait de la grande variation d’attitudes des personnes à l’égard des technologies. Les fonctionnalités des dispositifs doivent être mieux expliquées et les interfaces plus attrayantes et conviviales.  Pour Jauréguiberry et Proulx (2011)23, c’est l’époque des grands travaux sur l’ergonomie, qui est définie comme « l’étude des conditions d’obtention des meilleures performances humaines dans le contexte de l’organisation industrielle ». Cette approche ergonomique est enrichie dans les années 1990 par des travaux, issus du courant dit Computer Supported Cooperative Work (CSCW), qui prennent en compte la dimension coopérative des activités humaines. Pour ces chercheurs, la machine est considérée comme un appui technique et cognitif dans la réalisation des pratiques coopératives ou collaboratives. Désormais l’usager est placé non seulement au cœur de la conception de l’objet technique, mais même au-delà du processus d’innovation (Akrich, 2006) Pour étudier les usages, et comprendre leurs comportements par rapport à l’outil technique, il faut étudier leurs besoins. En effet « l’analyse de l’usage permet d’anticiper, d’ajuster et de suivre les conditions nécessaires à l’appropriation d’un système d’information ou de TIC par ses utilisateurs. » L’analyse d’usage, permet de savoir avant de se lancer dans un projet TIC d’intégrer la réalité du travail, d’anticiper les conditions d’usage à venir et ainsi mieux accompagner les changements. » L’usager est considéré comme un acteur en situation doté d’habiletés spécifiques, et non seulement il possède une maitrise relative du dispositif technique mais surtout, il agit de manière (à la fois) autonome et contrainte, compte tenu des dispositions et compétences acquises dans le contexte organisationnel de la situation » (ibid. p. 100). Au niveau des sciences de la gestion, on étudie l’impact des TIC à travers l’analyse et la compréhension des usages et ceci dans l’optique « d’identifier les transformations organisationnelles nécessaires à mettre en œuvre pour améliorer, conjointement, la performance de l’organisation et les conditions de travail des utilisateurs. » Cette étude des usages a aussi pour objectifs de manager et de suivre les usages et ceci afin de garantir les meilleures conditions de travail et des performances lors de la mise en place d’un nouveau système de TIC (Benedetto-Meyer et Chevallet, 2008). En plus elle permet d’estimer les écarts entre les usages prescrits et les usages réels et les risques de détournement des usages et les non usages. Ainsi ce travail aura pour finalité d’avoir la réalité des pratiques et les résultats sur les performances des usagers. Ainsi tous les aspects sont pris en compte qu’ils soient techniques, fonctionnels ou sociaux.

Comment étudier les usages: approches méthodologiques

Selon Alain Somat, pour étudier l’usage il y a trois dimensions à prendre en compte : l’utilité, l’utilisabilité et l’acceptabilité sociale. La première correspond à l’adaptation d’une technologie aux caractéristiques du but à atteindre, et ceci afin de répondre aux besoins de l’utilisateur. Pour mieux appréhender l’utilité d’une technologie, les auteurs suggèrent de mettre en œuvre des enquêtes auprès des concepteurs de la technologie et auprès des utilisateurs. La seconde dimension, consiste en l’adaptation d’une technologie aux caractéristiques physiques et psychologiques de l’utilisateur. Ici c’est la facilité d’utilisation des fonctionnalités de l’outil technique qui est en évidence. Pour tester l’utilisabilité d’une technologie on doit tenir en compte ces déterminants essentiels : l’efficacité, l’efficience, la satisfaction et l’apprenabilité et la mémorisation par l’usager. Enfin le dernier facteur concerne l’acceptabilité sociale pour prendre en compte les contraintes sociales et normatives conduisant les usagers à recourir effectivement à l’utilisation d’une technologie donnée. Conclusion : Une revue de la littérature sur les usages des technologies nous a permis de faire plusieurs constats. D’abord le terme usages, recouvre plusieurs notions et significations et donc difficile à cerner et que les recherches sur des usages des technologies se caractérisent par une grande variété et ceci tant sur les objets de recherche, que sur les problématiques et les fondements théoriques qui les sous-tendent. Les travaux sur les usages du e-learning utilisent d’une façon indifférenciée  l’utilisation, l’appropriation , les pratiques etc….Le second constat est relatif à l’émergence de trois pôles de réflexions ou modèles : le modèle de diffusion qui s’attache à constater puis expliquer les disparités en termes de taux d’équipement et de pratique, l’approche de l’innovation s’intéresse à la dimension sociale du processus d’innovation technique, et enfin le modèle de l’appropriation qui se propose d’étudier les processus de formation des usages et les pratiques. Enfin pour étudier les usages selon Alain Somat (2009)26 , il est nécessaire de prendre en compte trois dimensions: l’utilité, l’utilisabilité et l’acceptabilité sociale. Nous comptons utiliser cette dernière approche dans l’une de nos études empiriques. Nous allons aussi revenir sur les modèles prédictifs d’études des usages les plus connus : le modèle TAM (Davis, 1989) et celui de l’acceptabilité des systèmes (Nielsen, 1993). Dans notre prochain chapitre nous allons voir justement quels sont les changements induits par les usages de ces nouvelles technologies dans le domaine et les métiers des sciences l’information – documentation.