Les motifs pittoresques dans le paysage naturel de Félix Vallotton

Les motifs pittoresques dans le paysage naturel de Félix Vallotton

Le paysage et Félix Vallotton

 Bien que la peinture de paysage existe depuis le début des arts plastiques, elle n’a acquis sa pleine indépendance qu’au 19 siècle29. Bien sûr, avant cette période, de nombreux phénomènes existaient qui sont devenus une contribution importante à l’histoire du paysage. Il convient de rappeler le nom d’A. Altdorfer (1480-1538), l’un des fondateurs de l’École du Danube, son tableau La Bataille d’Alexandre en 1529 montre clairement que le paysage est l’élément dominant du tableau historique. Sa peinture Paysage du Danube (après 1520), selon le chercheur N. Büttner, peut être qualifiée de premier paysage indépendant de l’histoire de l’art30 . À l’ère du Сlassicisme, le peintre français C. Lorrain (1600-1682) était engagé dans les paysages, bien qu’à son époque, le paysage occupait le créneau le plus bas de la liste des genres. L’artiste français a consacré de nombreuses heures à dessiner des arbres, des arbustes, afin de transformer tout cela en un paysage idéal. La peinture hollandaise du 17 siècle a donné à l’histoire son paysage national avec un horizon bas, un ciel immense et une surface terrestre sans fin, sur laquelle se dressaient des moulins – héritage de l’homme. Sur la base de ce qui précède, le paysage existe depuis de nombreux siècles. Cependant, à partir du 19 siècle, le genre naturel a commencé à être pris au sérieux et partout. Pourquoi le paysage s’est-il développé si rapidement au cours de ce siècle? On examinera plusieurs raisons qui semblent expliquer la question. La première chose à dire est la raison historique. En 1789, la Révolution française a commencé, elle affectera de nombreux aspects de la vie humaine: politique, sociale, culturel31. N’oublie pas de mentionner qu’avant la Révolution française, il y a eu une Guerre d’indépendance des ÉtatsUnis (1775-1783), mais le monde européen a quand même été grandement impressionné et influencé par la révolution de 1789-1799. Malgré le fait que cet événement historique et national se soit terminé, en fait, avec le règne impérial de Napoléon I (1769-1821), la révolution a réussi à lancer les processus de libération de l’art de la subordination de l’Académie des Beaux-Arts, qui prêchait des traditions de longue date et se méfiait des phénomènes novateurs32 . La deuxième raison généralisée est en partie liée à la première. Depuis la seconde moitié du 18 siècle, l’Europe a été balayée par une autre révolution, celle de l’industrie. Les usines facilitent le travail physique humain et augmentent la productivité du travail; les machines accélèrent à la fois le rythme de développement économique et le rythme de vie33. Par conséquent, ce n’est probablement pas un hasard si depuis la fin du 18 siècle, la mode a commencé à changer rapidement – presque chaque décennie (sinon moins) la mode est mise à jour34. La révolution industrielle accélère non seulement la vie quotidienne, mais amène également une nouvelle classe dans l’arène – la bourgeoisie. Les entrepreneurs et les hommes d’affaires deviennent des personnes influentes et riches, puisque le bien-être économique du pays est désormais entre leurs mains. La nouvelle classe a écarté l’aristocratie35 . Ces deux points, conditionnels et généraux, peuvent contribuer à une réévaluation du genre du paysage au 19 siècle. Il est nécessaire de procéder à des raisons plus spécifiques, mais conservant un caractère général, dans la formation du paysage comme genre indépendant. Le premier aspect découle des faits ci-dessus. Les bourgeois deviennent de nouveaux clients et en constituent un grand nombre, tandis que leurs goûts diffèrents de ceux de l’aristocratie. Ainsi, étant majoritaires, les nouveaux consommateurs de peintures, sculptures et objets d’intérieur ont en partie déterminé le développement de l’art36. Le nouveau public a préféré voir des portraits, des natures mortes, des scènes de vie et des paysages chez eux37. En général, ils ont préféré les genres qui suivaient le tableau historique dans la hiérarchie académique, contribuant ainsi à repenser la hiérarchie. Le choix de ces genres peut être dû au fait que les nouveaux clients, les entreprises et les gens occupés, voulaient envisager quelque chose de simple et agréable à regarder. Le genre historique nécessite certaines connaissances et certaines réflexions, et le format de ce genre prendrait beaucoup de place dans la maison bourgeoise. Le paysage a donc été un succès auprès des nouveaux clients. En plus de la demande sur le marché de l’art, l’aspect national aurait pu influencer la popularité croissante du genre naturel38. Après la guerre et la révolution aux États-Unis et en France, les   peuples ont commencé à se réaliser en tant que nation, à comprendre et à ressentir leur identité . Dans le cadre de ce processus, le paysage pourrait faire partie de cette prise de conscience, partie de la nation et du pays. Il était possible d’y capturer la terre natale. On peut rappeler le peintre paysagiste anglais J. Constable (1776-1837), qui a su trouver la beauté dans la nature simple de sa patrie. Deux paysagistes suisses renommés, F. Diday (1802-1877) et A.Calame (1810-1864), ont capturé les vues majestueuses de leur pays. Les peintures de l’artiste russe I. Levitan (1860-1900) représentent la nature modeste et morne de la terre russe. En outre, le paysage national pourrait avoir des racines dans les écoles nationales qui ont commencé à émerger en grand nombre40. Désormais, les petits villages ou villes pourraient devenir des centres d’art41 . Un autre phénomène important qui a influencé le développement du paysage est le changement du rôle de l’artiste. On a déjà abordé ce sujet ci-dessus. L’artiste est devenu plus libre de créativité, avec l’émergence d’alternatives à l’Académie des Beaux-Arts, souvent avec des tendances innovantes et la liberté d’expression. Bien sûr, l’artiste avait besoin de gagner sa vie et il restait dépendant des clients. Cependant, l’académie ne pouvait plus contrôler le sort de l’artiste. Le créateur est désormais plus intrigué par la recherche d’un nouveau langage artistique, expérimentant sans cesse dans ses œuvres. Le paysage et la nature morte occupent une place importante dans l’expérimentation, car dans ces genres, il est plus facile et plus naturel de travailler et de mener des expériences sur la couleur, la forme et la composition42. P.Cézanne (1839-1906) et P. Mondrian (1872-1944) ont pu arriver à un nouveau langage artistique à travers le travail avec les paysages et les natures mortes. Il semble que P. Picasso (1881-1973) trouve les origines du cubisme dans la nature morte. G. Seurat (1859-1891) a découvert sa propre méthode de peinture (pointillisme) et l’a développée dans le paysage. Le peintre anglais W. Turner (1775-1851) a contourné son temps et rapproche ses paysages de la peinture abstrait .Paysage précoce 1893-1900 Les premières années de la créativité Félix Vallotton est né le 28 décembre 1865 à Lausanne. Après avoir obtenu un baccalauréat en 1882, le jeune homme quitte la Suisse et s’installe à Paris. Dans la capitale, il entre à l’Académie Julian, une jeune école d’art privée72. Là, le talent et la créativité de F. Vallotton seront reconnus rapidement. A l’Académie Julian, il fait des connaissances, notamment avec les futurs membres du groupe Nabis — P. Bonnard (1867-1947), P. Sérusier (1864-1927), J.-E. Vuillard (1868-1940). Cette association artistique commencera à se former vers 1888 et cessera d’exister en 190073. On ne sait pas exactement quand F. Vallotton a rejoint le groupe, mais on pense traditionnellement que cela s’est produit soit en 1891, soit en 189274. En 1893, l’artiste participe aux expositions des Nabis. Le phénomène de Nabi est étonnant, car la valeur principale de celui-ci était l’individualité de l’artiste75. Cependant, avec des points de vue différents, des manières d’écrire différentes, les artistes avaient en commun. Ce général consistait en un travail sur la couleur, sa simplification et sa fonction décorative. Malgré ce dernier, le contexte symbolique et philosophique était important pour les Nabis. Le principal mécène et figure influente de l’association est Paul Gauguin. Les Nabis est un phénomène purement français, bien que ce groupe comprenne des étrangers, parmi lesquels Félix Vallotton. Comme tous les membres de l’association, il a reçu un surnom – Nabi étranger. Cependant, F. Vallotton quittera le groupe après un certain temps afin de continuer à développer de manière indépendante sa créativité. Au cours de la même période, F. Vallotton s’est engagé dans le graphique, en particulier la xylographie. Cette étape temporaire de la créativité permet de gagner la renommée et la reconnaissance de l’artiste. Ses gravures ont reçu une place digne dans l’histoire du graphique. C’est peut-être alors que F. Vallotton rencontra des artistes japonais — U. Hiroshige (1797-1858) et K. Hokusai (1760-1849), maîtres de la xylographie. Dans les œuvres de l’artiste franco-suisse, le laconisme des formes et des couleurs, la capacité à travailler avec la ligne sont frappants (cela se remarque dans les portraits). En effet, la remarque de N. Brodskaïa est vraie que F. Vallotton n’a  pas eu de période d’apprentissage en graphique, il en est immédiatement venu au professionnalisme76. On peut peut-être dire la même chose de sa peinture. En peinture à cette époque, F. Vallotton développait un portrait. Une de ses œuvres, Portrait de Mr. Ursenbach, attire l’attention de la critique suisse77. L’artiste travaille déjà avec le paysage. Il capture généralement des vues suisses telles que Le port de Pully (1891), Périphérie de Lausanne (1893). Le tableau le plus célèbre de cette période est Le Bain au soir d’été 1892-1893. L’œuvre a un caractère plat, ce qui la fait ressembler à une tapisserie médiévale78. Pourtant, par les coiffures des femmes représentées, on peut comprendre qu’elles sont contemporaines. Les fleurs, les rayons rythmiques du soleil, les figures statiques de femmes en tenue blanche évoquent le parallélisme de F. Hodler. Peu à peu F. Vallotton commence à participer de plus en plus à des expositions, dont en 1900 il sera présent à l’exposition de la Sécession viennoise, consacrée à l’art japonais79. Des événements importants dans sa vie personnelle auront lieu dans les années 1899-1900. F. Vallotton épouse Gabrielle Rodrigues Henriques, une veuve avec trois enfants, ce qui surprendra le public. Le 3 février 1900 également, F. Vallotton recevra la nationalité française80. Il n’oublie pas sa première patrie, et en été aussi, lui et sa famille se rendent à Romanel. La première période montre déjà la capacité de l’artiste. Au début, sa vie à Paris était difficile, mais grâce à son talent, F. Vallotton s’est rapidement fait connaître. Déjà à un stade précoce, les principales orientations de son travail ont été définies (cependant, les graphiques ont été achevés en 1900). De plus, des événements importants de sa vie personnelle remontent à 1901. Cette période est importante comme étape dans l’émergence de processus dans l’œuvre et la personnalité de F. Vallotton. 1. Périphérie de Lausanne (1893) La Périphérie de Lausanne, le premier paysage qu’on analyse, le début de l’étape précoce du paysage de F. Vallotton. Cependant, avant cet œuvre l’artiste peignait déjà des certains paysages, et était également engagé dans ce genre dans un autre domaine de l’art, où il s’est révélé être un maître talentueux, – en graphique. Le nom même du paysage suggère que la région est choisie, calme. Pourtant, dans ce lieux modeste, F. Vallotton parvient à capturer une vue excellente de la nature. La composition du paysage. Cette œuvre est au format horizontal (il convient de noter que le format de la toile s’approche d’un carré). Une scène naturelle des environs de Lausanne surgit devant le spectateur. F. Vallotton prend un angle inhabituel: comme si le spectateur se tenait sur une colline et voyait une pente descendant vers des prairies et des forêts rares. Grâce au point de vue, la composition du paysage peut être divisée en deux parties conditionnellement: un premier plan(partie inférieure de la toile) et un arrière-plan (partie supérieure de la toile). Dans la partie inférieure de la toile se trouve un petit espace vide de la prairie, brillamment éclairé par le soleil. Cet espace vide invite à entrer dans l’œuvre. L’attention du spectateur est attirée par un arbre isolé des autres (arbres) qui se tiennent derrière. Il se trouve dans la partie centrale de la composition, mais est néanmoins plus proche du côté droit, déplaçant le regard du spectateur. Ensemble, les arbres ressemblent à un triangle, créant un autre mouvement dans le tableau. En raison de l’angle choisi par le peintre, les yeux du spectateur se déplacent rapidement du bord inférieur du tableau vers l’intérieur, vers des arbres qui n’ont que des couronnes (dans la partie gauche de la composition au premier plan). Cela indique que le spectateur est au sommet de la colline et qu’il est maintenant prêt à descendre. L’arrière-plan de l’œuvre est mis en évidence séparément. Contrairement au premier plan, qui montre un petit fragment du paysage, l’arrière-plan contient un vaste espace: sur le côté gauche il y a une surface d’eau (probablement un lac), des champs avec des arbres et des montagnes au loin, sur lesquelles figure le ciel avec une bande de nuages. La palette principale est exécutée dans les couleurs froides: verte et bleue. Cependant, en raison de l’éclairage lumineux, ce n’est pas une sensation de froideur qui est créée, au contraire, la scène du paysage se dispose le spectateur. Le bord inférieur de la toile est une bande d’herbe verte, agissant comme un cadre supplémentaire. Ensuite, derrière la bande verte, une prairie est représentée, qui sous l’éclairage acquiert une couleur jaune-vert vive. Le feuillage des arbres a une couleur verte plus foncée; par endroits, les arbres sont éclairés. Le premier plan du tableau a des 29 couleurs plus saturées et vibrantes que l’arrière-plan : il est exécuté dans des nuances plus vives de vert et de bleu. Les montagnes deviennent de plus en plus fantomatiques: il semble qu’elles disparaissent tranquillement. Au premier plan, F. Vallotton peint de l’herbe, de petits coups du pinceau indiquent le feuillage des arbres. Ici, l’artiste dénote le paysage plus en détails, car il est plus proche du spectateur. L’arrière-plan a des formes plus lisses et plus éphémères. Les arbres marqués sont flous, les montagnes et l’eau sont tout simplement désignées, comme leur spectateur les aurait vus de loin. Dans l’ensemble, le premier plan est plus lié à la tradition de la peinture, peut-être à l’école de peinture française, tandis que la partie arrière rappelle plus un paysage italien à distance idyllique avec une brume de brouillard.

Table des matières

Introduction
Partie 1. Le paysage et Félix Vallotton
Chapitre 1. Le paysage et Félix Vallotton
Partie 2. Paysage vallottonien
Chapitre 1. Paysage précoce 1893-1900
Les premières années de la créativité
1. Périphérie de Lausanne
2.Claire de lune
3. Automne Crocus
4. Paysage vaudois, soir
5. Environs de Lausanne
6. Cloud à Romanel.
Chapitre 2 Paysage mature 1901-1913
Les années matures de la créativité
1. Les galets, Villerville
2. Paysage normand, Arques-la-Bataille
3. Vue d’Honfleur, matin d’été.
4. Les Pommes
5. Derniers rayons ou Paysage avec des arbres
6. Coucher de soleil bronze-violet
7. Marée montante, Houlgate
Chapitre 3 Paysage tardif 1914-1925
Les dernières années de la créativité
1. La Seine près Les Andelys
2. Souvenir des Andelys
3. Pont sur le Béal
4. Effet de brume
5. Un soir sur la Loire
6. Paysage de neige au bois de Boulogne
Conclusion
Bibliographie.
Table des illustrations
Résumé.

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