Les situations cliniques des urgences psychiatriques pures

L’état de stupeur

Manifestations cliniques

L’état stuporeux est défini par un ralentissement extrême ou une suspension des mouvements volontaires et plus particulièrementdes activités motrices de l’expression : mimique, geste, langage, attitude.
En pratique, il s’agit d’un patient immobile, d’aspect statufié, sans expression de la mimique, il ne répond pas aux questions et refuse de s’alimenter. Un certain degré de catalepsie est présent.
L’état de stupeur constitue une urgence vitale à cause du retentissement somatique des troubles psychiques.

Etiologies

Les étiologies psychiatriques sont variées.
– L’état de stupeur peut se voir au cours d’un état de stress posttraumatique.
– La stupeur mélancolique est responsable d’un refus complet d’alimentation et d’hydratation. Il y a absence de coopération aux soins.
Ce qui pose l’indication d’une urgence thérapeutique.
– La schizophrénie dans sa forme catatonique s’accompagne d’un état de stupeur. Le refus d’alimentation est absolu. La gravité est liée au risque de passage à l’acte auto ou hétéroagressif souvent imprévisible.
– La stupeur dans les syndromes confusionnels calmes est une forme clinique où le malade est spontanément silencieux, apathique et inerte.

La tentative de suicide

Définitions

– Le suicide désigne l’étiologie du décès d’une personne. Il s’agit d’un acte de se tuer en prenant la mort comme moyen ou comme une fin.
– La tentative de suicide représente la conduite ayant pour but de se donner la mort sans y aboutir.
– La crise suicidaire consiste en une crise psychique dont le risque majeur est le suicide. La tentative de suicide est une des manifestations possibles de cette crise.
– Certaines conduites à risque excessives (conduites d’alcoolisation massives et brutales, overdoses toxicomaniaques, conduite automobile à grande vitesse…) sont qualifiées d’équivalents suicidaires.

Etiologies

– Les dépressions ne représentent pas uniquement le contexte auquel survient le suicide. Il existe d’autres contextes psychiatriques tels que : la schizophrénie, les troubles de la personnalité, les psychoses délirantes aigues, les conduites addictives.
– Le risque suicidaire est grand chez les alcooliques et les toxicomanes délirants ou déprimés ou abandonnés.
– La levée d’inhibition lors de l’instauration d’un traitement antidépresseur peut conduire à un raptus suicidaire.
– Parmi les contextes non psychiatriques, les maladies chroniques fatales, les douleurs intolérables favorisent le passage à l’acte.

Les situations cliniques des urgences psychiatriques pures

La bouffée délirante aigue

Décrite pour la première fois par MAGNAN à la fin du XIXe siècle, la bouffée délirante aiguë (BDA) est un épisode psychotique de survenue brutale, comprenant des manifestations délirantes polymorphes dans ses thèmes et ses mécanismes et de durée brève.
Cette affection est identifiée par l’OMS dans la CIM 10 sous le terme de « Troubles psychotiques aigus et transitoires » (10).
Le diagnostic d’une bouffée délirante aiguë dans un contexte d’urgence est clinique. L’intensité des troubles du comportement et de la pensée, à type de désorganisation ou d’agitation, les propos délirants polymorphes chez un sujet jeune sont évocateurs. Le risque de passage à l’acte auto et/ou hétéro agressif est majeur et le malade doit recevoir une prise en charge immédiate. (11)

Le syndrome dissociatif aigu 

Le syndrome dissociatif correspond à la rupture de l’unité psychique provoquant le relâchement du fonctionnement mental. Il comprend lui-même trois axes sémiologiques:

La dissociation psychique

Elle est caractérisée par une pensée digressive, diffluente et désorganisée.
Les phénomènes de barrages ou brèves suspensions immotivées du discours sont caractéristiques. Il y a un appauvrissement intellectuel progressif, des troubles du discours avec utilisation de néologismes ou de paralogismes, réponses « à côté » et, dans les cas les plus sévères, il existe un mutisme ou un langage totalement incompréhensible appelé schizophasie.

La dissociation affective

Elle est faite d’une grande ambivalence, émoussement des affects, froideur, indifférence mais avec possibilité de brusques manifestations émotives souvent inappropriées ou paradoxales. Cette discordance affective se manifeste par des rires immotivés ou une colère violente lors d’une frustration minime.
Les symptômes de dissociation affective sont à l’origine d’une perturbation de la vie sociale, familiale et sentimentale du sujet, d’où son isolement social.

La dissociation comportementale

La dissociation comportementale est caractérisée par une bizarrerie, un maniérisme, des sourires immotivés, des réactions d’opposition inadaptées, des stéréotypies motrices. Des actes dangereux ou insolites ou des épisodes d’excitation sont possibles. La forme extrême de laperturbation psychomotrice se manifeste par une perte d’initiative motrice, un apragmatisme voire une catalepsie et parfois une catatonie.
L’urgence face à un syndrome dissociatif s’observe succinctement selon quatre modalités comportementales :
– Un changement brusque et alarmant du caractère.
– Un passage à l’acte hétéro ou auto agressif violent, curieux.
– Un syndrome délirant aigu.
– Un syndrome catatonique.

Le syndrome dépressif mélancolique

Le terme de mélancolie renvoie aux épisodes dépressifs de la psychose maniaco-dépressive (PMD) dans sa forme bipolaire. Classiquement, ce trouble n’est ni secondaire à une pathologie organique, ni un trouble purement psychologique.
Les caractéristiques cliniques sont bien connues. L’intensité de la tristesse pathologique ou « douleur morale » et du ralentissement psychomoteur est marquée. Les symptômes somatiques sont importants. Il existe habituellement des idées délirantes avec des thèmes de culpabilitémajeure.
Les troubles du sommeil sont surtout faits de réveil matinal précoce.
Le risque suicidaire est majeur dans cette maladie.15% des décès sont dus au suicide et le taux de réussite est important en utilisant des moyens radicaux.
Les moments les plus aigus de risque suicidaire sont surtout au petit matin. Ce risque est favorisé par un raptus anxieux. Ensuite,la levée d’inhibition en début de traitement par un antidépresseur est à craindre car peut conduire à un raptus suicidaire. De même, ce risque est à redouter lors d’une inversion rapide de l’humeur ou lorsque le patient se dit guéri et se trouve très souriant. (13)

Le syndrome maniaque

Le syndrome maniaque est un trouble de l’humeur faisant partie de la maladie maniaco-dépressive dans la plupart du temps.
Dans la forme typique, les troubles de l’humeur consistent en une exaltation thymique, le sujet présente une euphorie expansive avec une hypersyntonie à l’ambiance. Cette exaltation de l’humeur est facilement changeante à l’occasion d’un moindre incident ou une moindre frustration et peut aboutir à une agressivité extrême. L’accélération des activités psychiques et motrices est toujours présente. A celle-ci s’associe une insomnie rebelle et constante.
La gravité de ce syndrome est liée au retentissement somatique de l’état d’agitation. Les risques médico-légaux sont aussi permanents à la phase aigue.
C’est ainsi que l’hospitalisation est indiquée en urgence lors des accès.

La maladie hystérique aigue

Il s’agit d’un épisode névrotique aigu souvent assimilé à un épisode dissociatif aigu ou une bouffée hallucinatoire aigue. Les autres appellations sont la bouffée oniroïde hystérique ou l’hystérie crépusculaire aigue ou encore le délirium hystérique (15). Dans le passé, ces troubles ont été classés sous divers types « d’hystérie de conversion ». L’OMS décrit ce trouble sous le terme de troubles dissociatifs de conversion dans la CIM 10.
Ces troubles sont psychogènes. Les symptômes se développent en relation temporelle étroite avec un facteur de stress psychologique. Il peut s’agir d’un événement traumatique, de problème insoluble et insupportable, ou des relations interpersonnelles difficiles. Cette nature interactionnelle et contextuelle permet l’orientation diagnostique.
L’installation et la résolution des états dissociatifs sont souvent brusques.
Le sujet développe des expériences imaginaires intenses avec des cauchemars plus ou moins éveillés dans lesquels le sujet est à la fois acteur et spectateur. Des fabulations se produisent et apparaissent comme des pensées qui s’expriment dans une ambiance de crépuscule ou de rêve. Les thèmes decette fabulation sont compréhensibles et la communication avec le soignant reste possible à cause d’une suggestibilité du patient.
Les manifestations motrices et des organes des sens sont très fréquentes.
L’examen physique et les examens complémentaires nemettent pas en évidence une origine organique, en particulier neurologique connu.

Les troubles névrotiques aigus

Les troubles névrotiques aigus surviennent en relation temporelle étroite avec une réaction à un facteur de stress. L’existence d’un évènement particulièrement stressant ou une circonstance pénible constitue le facteur causal primaire et essentiel. Ce sont des troubles mentaux ne comportant aucune étiologie organique démontrable et ressentis par le sujet comme des phénomènes indésirables et inacceptables.
La symptomatologie est typiquement mixte et variable. Elle comporte initialement un état « d’hébétude » caractérisé par un certain rétrécissement du champ de la conscience et de l’attention, une impossibilité à intégrer des stimuli et une désorientation. Cet état peut être suivi d’un retrait croissant vis-à-vis de l’environnement pouvant aller jusqu’à une stupeur dissociative ou d’une agitation avec hyperactivité sous forme d’une réaction de fuite ou fugue. Les symptômes neurovégétatifs de l’anxiété sont fréquents avec une tachycardie, transpiration ou bouffées de chaleur.
Les comportements autoagressifs, habituellement les tentatives de suicide par intoxication médicamenteuse volontaire sont possibles.

Principes de la prise en charge 

Quel que soit le cas, le but de la prise en charge consiste en l’atténuation rapide des symptômes et de l’anxiété à l’origine dela souffrance psychique du patient. La relation médecin – malade et soignant – malade doit s’instaurer dans les meilleures conditions dès le début de la prise en charge. L’explication du but de l’hospitalisation est capitale pour avoir le consentement du patient aux soins.
De même, il faut essayer d’instaurer une atmosphère calme, rassurante et sécurisante. Si besoin, un isolement dans une chambre calme peut être indiqué tout en réalisant une surveillance étroite sur le plan somatique et comportemental.
L’interrogatoire du patient et de l’entourage est primordial. Il permet de recueillir les éléments évènementiels et anamnestiques, les antécédents du patient et les thérapeutiques entreprises. La notion de prise de substance toxique doit toujours être recherchée.
Un examen physique complet doit se faire avant toute décision thérapeutique afin d’éliminer une pathologie organique coïncidente ou responsable du syndrome. La prescription d’examens paracliniques est nécessaire pour dépister une anomalie organique et pour un bilan préthérapeutique adapté à chaque molécule. Un examen tomodensitométrique cérébral est licite au moindre doute.
Les moyens médicamenteux visent à induire une sédation ou une anxiolyse.
Mais plus la sédation est importante, plus l’examen physique initial doit être complet et plus la surveillance somatique ultérieure doit être répétée.
Les moyens physiques à type de contention peuvent être prescrits si nécessaire. A la phase aigue, la chimiothérapie sédative ou anxiolytique doit toujours passer en première intention avant la psychothérapie de soutien.
Indications de la chimiothérapie dans les situations d’urgence.
Le choix de psychotropes au cours des situations d’urgence en Psychiatrie dépend de l’intensité des troubles et de la pathologie psychiatrique associée.
– Dans les troubles névrotiques aigus, la crise d’angoisse aigue, les réactions aigues à un facteur de stress et la maladie hystérique aigue, une chimiothérapie tranquillisante ou anxiolytique de type benzodiazépinique ou non benzodiazépinique est indiquée.
– Dans les troubles avec symptômes psychotiques délirants et/ou hallucinatoires, ce sont les neuroleptiques sédatifs qui sont utilisés.
– Dans les troubles de l’humeur, la sédation ou l’anxiolyse doivent être rapides et instituées comme traitement symptomatique et ne doivent pas retarder la mise en route d’un antidépresseur ou d’un thymorégulateurqui ne sont pas des traitements d’urgence.
Réalités règlementaires à Madagascar
Il n’existe pas encore de textes règlementaires relatifs à l’hospitalisation en Psychiatrie et à la protection des malades mentaux à Madagascar.
Ainsi, les malades mentaux hospitalisés à l’Unité de Psychiatrie de Befelatanana sont tous en service libre.
Les modalités d’hospitalisation sous contrainte n’existent pas encore, à savoir l’hospitalisation à la demande d’un tiers (HDT) et l’hospitalisation d’office (HO). Ces régimes d’hospitalisation sont régis par la loi du 27 juin 1990 en France.

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPEL THEORIQUE
1. Définition
2. Symptômes d’appel au cours des urgences psychiatriques
2.1 L’agitation psychomotrice
2.1.1 Manifestations cliniques
2.1.2 Etiologies
– L’agitation maniaque
– L’agitation psychotique
– Les agitations toxiques
– Les agitations caractérielles et névrotiques
– Les agitations anxieuses
– Autres causes
2.2 La menace hétéroagressive
2.3 La crise anxieuse paroxystique
2.3.1 Manifestations cliniques
2.3.2 Etiologies
– Causes organiques
– Causes psychiatriques
2.4 L’état de stupeur
2.4.1 Manifestations cliniques
2.4.2 Etiologies
2.5 La tentative de suicide
2.5.1 Définitions
2.5.2 Etiologies
3. Les situations cliniques des urgences psychiatriques pures
3.1 La bouffée délirante aigue
3.2 Le syndrome dissociatif aigu
– La dissociation psychique
– La dissociation affective
– La dissociation comportementale
3.3 Le syndrome dépressif mélancolique
3.4 Le syndrome maniaque
3.5 La maladie hystérique aigue
3.6 Les troubles névrotiques aigus
4. Principes de la prise en charge
Indications de la chimiothérapie dans les situations d’urgence
Réalités règlementaires à Madagascar
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
1. Matériels et méthode
2. Critères d’inclusion et d’exclusion
3. Les paramètres étudiés
4. Résultats
Répartition selon le sexe
Répartition selon la tranche d’âge
Résultats selon le mode d’entrée
Résultats selon le motif d’entrée
Résultat selon les antécédents
Résultats selon le diagnostic évoqué
Récapitulation des motifs d’entrée et des diagnostics retrouvés
TROISIEME PARTIE : COMMENTAIRES
1. Résultats selon le sexe
2. L’âge des patients
3. Les modes d’entrée
4. Les motifs d’entrée
L’agitation psychomotrice
La menace hétéro agressive
L’état de stupeur
Les crises anxieuses paroxystiques
La tentative de suicide
5. Les antécédents
6. Les diagnostics retrouvés
La bouffée délirante aigue
Le syndrome dissociatif aigu
La dépression mélancolique
L’accès maniaque
Les psychoses chroniques décompensées
La maladie hystérique aigue
Les troubles névrotiques aigus
7. La prise en charge
L’évaluation clinique initiale
Place de la sédation
L’examen psychiatrique
CONCLUSION

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