L’ESPRIT COMME DETERMINANT DE L’HISTOIRE UNIVERSELLE CHEZ HEGEL

L’ESPRIT COMME DETERMINANT DE L’HISTOIRE UNIVERSELLE CHEZ HEGEL

L’ESPRIT COMME ALTERITE DU DIVIN CHEZ HEGEL

 En y regardant de près, on constate que dans le monde, aucun élément ou aucun évènement n’ est resté inchangé. La vie est dans un processus, un mouvement. Tout dans le monde a toujours évolué et est en pleine évolution. Les êtres vivants, dans leurs différentes espèces, suivent un processus évolutif comme le dirait Jean de la Bruyère : «Il n ‘y a que pour l ‘homme trois événements : naître, vivre et mourir». Ainsi, dans la philosophie hégélienne tout est dans un processus d’évolution et nous le voyons avec sa notion de l’Esprit qui nous en fait le témoignage. Il n’ est pas quelque chose de figé qui resterait dans un état bien déterminé d’une époque à une autre, mais il est constamment en mouvement, en activité et Hegel le souligne en ces termes : «Son être n ‘est pas existence en repos, mais activité pure(. . .) »• Autrement dit, l’ essence de l’Esprit est d’ être dans un processus de connaissance de soi. En réalité, l’Esprit est en train de se chercher dans le monde et il ne parviendra à la connaissance de soi que quand il arrivera à la création du monde et de tout ce qui l’environne. Cette recherche de lui-même entraîne tout simplement le changement de tout ce qui est ; le changement étant la négation de ce qui est, comme le dit Bernard Bourgeois dans Le vocabulaire de Hegel : « (. . .) Hegel souligne l ‘équation entre activité et négation (agir, c ‘est changer, donc nier ce qui est), et entre activité absolue, non limitée par un Autre sur quoi elle porterait, et négation de soi )}9. Nous comprenons que l’ activité de l’Esprit englobe sa propre négation qui n’est que le changement de ce qui était en place pendant un temps bien déterminé. Mais ce changement, loin d’ être l’anéantissement de l’Esprit comme souligné cidessus, entraîne tout simplement sa découverte ; car l’Esprit demeure visible dans toutes les sphères du monde. Autrement dit, tous les domaines de la vie humaine contiennent en eux la marque de l’Esprit ; d’où la notion de l’ altérité de l’Esprit ou de la Raison dans le monde. L’ altérité c’ est la distinction ou la présence d’une entité sous une autre facette dans une autre chose ou dans un domaine bien défini. Ainsi, quand on parle de l’ altérité de l’Esprit dans le monde, on comprend que c’ est la manifestation de l’Esprit comme autre chose dans le monde. L’Esprit se fait connaître dans le monde en s’incarnant dans les objets et cela traduit en réalité sa détermination. Il affirme davantage son existence en se mettant en mouvement. dans les événements du monde. En effet, l’Esprit hégélien n’est que le reflet de façon volontaire de la Raison. Hegel considère que l’Esprit est une substance absolue, c’est-à-dire que c’est en lui que tout est déterminé. La consistance et l’existence des choses se trouvent dans cette substance spirituelle. C’est pourquoi Hegel, ayant été influencé par ses études au séminaire protestant de Tübingen, l’assimile à l’idée de la Providence. D’après lui en effet, la Raison n’est rien d’autre que le prolongement du divin dans le monde. Dans le monde, on note selon Hegel l’interférence du divin et nous pouvons même le lire à travers les écrits du psalmiste dans la Bible: « A l’Eternel la terre et ce qu ‘elle renferme, le monde et ceux qui l’habitent»   . Donc, si tout ce qui se trouve dans le monde trouve son origine dans la Providence, il est alors évidemment clair que tous les événements du monde se font et se comprennent par l’inspiration de la Providence divine. C’est ainsi que, s’appuyant sur l’idée d’une harmonie préétablie et d’une cohésion entre tous les faits dans le monde, Hegel déclare : «A ce principe correspond la vérité qu ‘une Providence, la Providence divine, préside aux événements du monde»  • La connaissance de la Providence en effet, reste primordiale dans la philosophie hégélienne. Elle se fait par la connaissance de l’Esprit qui est nécessairement la connaissance de soi. 

L’Esprit comme objet de lui-même 

D’abord, il faut comprendre que la philosophie de Hegel est un système à trois entités qui en réalité ne sont différentes que par les moments dialectiques qu’elles incarnent. Ce sont l’Esprit subjectif, l’Esprit objectif et l’Esprit absolu. À un certain moment, le processus évolutif de l’Esprit arrive à une certaine étape qui est le couronnement de son cheminement. À ce niveau, Hegel va le considérer comme étant l’Idée. Autrement dit, l’Idée est la forme supérieure et la plus haute de l’Esprit qui se développe de différentes manières et par différentes étapes. Ce progrès dialectique entre ces moments spirituels se manifeste comme suit: l’Esprit objectif et l’Esprit absolu d’une part et d’autre part de l’Esprit subjectif. L’Esprit subjectif est défini comme Pensée et correspond à ce que Hegel appelle la perception. C’est la première manifestation immédiate de l’absolu, c’est-à-dire c’est l’esprit qui n’est pas encore devenu objet de lui-même. Il est le premier moment de la recherche de soi de 1’Esprit, il ne connaît que les choses dans leur sensibilité première. Après l’Esprit subjectif, on remarque alors le passage à l’Esprit objectif.« L’esprit objectif est l’Idée absolue, mais qui est seulement en soi () >> . L’Esprit objectif est l’esprit qui s’extériorise et cette extériorisation se fait par la négation de ce qu’il est en soi. Cette négation comme nous l’avons remarqué n’est pas l’anéantissement de l’Esprit, mais c’est sa détermination. C’est ce que nous pouvons comprendre avec Hegel comme étant la détermination par la négation. Cependant, comment cette négation peut-elle se faire sans porter atteinte à la vie spirituelle? Hegel répond : «L’Idée, c ‘est la notion en tant que se réalisant. Pour se réaliser, elle doit se déterminer elle-même, détermination qui n ‘est autre chose qu ‘elle-même. Son contenu est donc elle-même; son rapport infini à elle-même, c ‘est qu ‘elle ne se détermine que par ellemême». Nous comprenons par ces propos que l’Idée ou l’Esprit c’est d’abord la notion, c’est-à-dire la pensée qui se donne un contenu. Ensuite, pour qu’elle se réalise, il lui faut se déterminer et cette détermination n’est autre chose que l’affirmation de son existence, c’est la manifestation de l’Esprit par lui-même. En effet, la détermination de l’Esprit est sa révélation et cette révélation n’est rien d’autre que l’objectivation de l’Idée logique qui se manifeste comme nature34. Hegel dit : (. . .) la détermination de l ‘esprit est la manifestation ». Nous pouvons remarquer aussi que la détermination spirituelle est une nécessité car le rôle de l’Esprit n’ est que de se manifester et il ne peut pas ne pas se manifester. En effet, l’Esprit n’ est que lui-même, il est son propre contenu. La détermination spirituelle se fait par luimême et elle ne se fait qu’ à l’intérieur de soi-même ; c’est le changement de posture de l’Esprit d’une étape à une autre. La commentatrice Claire Pagès le souligne en ces termes : « Il n ‘y a pas d ‘instance déterminante constituée qui procéderait à la détermination. Cela signifie que la détermination est auto-détermination ou que le contenu se détermine luimême ». La détermination de l’Esprit n’ est pas quelque chose d’ extérieur mais elle est faite par l’Esprit lui-même. En clair, c’ est l’Esprit qui se projette et affirme lui-même son existence sans une intervention extérieure. Dans le processus de production de savoir, l’Esprit est en phase avec lui-même parce qu’il doit extérioriser ce qui est en soi, c’est-à-dire qu’il doit amener à l’existence ce qui est en son sein. Pour ce faire, il se détermine, en d’autres termes il affirme son existence et cette détermination ne se fait que par lui-même. D’ailleurs, Bourgeois nous dit: « l’Esprit est bien la détermination vraie de l ‘absolu parce qu ‘il est lui-même, précisément, liberté ou autodétermination, c’est-à-dire auto/imitation ou, dit plus radicalement, auto-négation » La détermination peut être considérée comme une nécessité de l’Esprit ; sans elle on ne peut parler d’objet spirituel, car c’est par l’Esprit que tout se manifeste. Cette détermination spirituelle est assimilée à une auto-négation car elle se fait par la négation de l’Esprit par luimême. En effet, cette auto-détermination peut toujours s’expliquer avec l’exemple du germe qui, dans le processus de sa croissance, donne naissance aux feuilles et à la fleur qui, à son tour cède la place au fruit. À y regarder de près, nous comprenons Hegel qui, parlant de la contradiction dans la diversité des systèmes philosophiques dans la préface de la Phénoménologie de l ‘Esprit de l’ édition 1807, dit: «Le bourgeon disparaît dans l ‘éclosion de la floraison, et l’on pourrait dire qu ‘il est réfuté par celle-ci, de la même façon que le fruit dénonce la floraison comme fausse existence de la plante, et vient s’installer, au titre de la vérité de celle-ci, à la place de la fleur »38 . En réalité, nous voyons que tout le processus de la croissance du germe depuis le bourgeon jusqu’à la plante n’est que négation des différentes étapes l’une par l’autre jusqu’ à l’obtention du résultat final. Cependant, dans cet enchaînement de contradictions, la fleur et le fruit n’ont pas complètement disparu mais, ils se trouvent tous les deux dans la plante qui constitue leur détermination. Dans ce processus, nous remarquons que le germe dépasse, en se supprimant, le stade de germe pour arriver au stade de fruit. Ainsi, tenant compte de cela, nous pouvons considérer qu’avec Hegel, la négation, ou la suppression produit un travail de« créateur». Dans le processus d’évolution, la chose disparue donne naissance à une autre qui vient à 1’existence en représentant ce qu’elle vient de remplacer.

LE PROCESSUS DE LA REALISATION DE L’ESPRIT DANS L’HISTOIRE 

Quand on parle de processus on fait référence à la trajectoire d’une chose, aux étapes par lesquelles elle est passée pour arriver à son terme. Ainsi, parler de processus historique de la réalisation de l’Esprit revient à considérer le chemin par lequel l’Esprit est passé pour pouvoir aboutir à sa manifestation dans le monde. Dans le processus de la réalisation de l’Histoire, nous saisissons le rôle principal de l’Esprit qui est de faire l’Histoire. Cette Histoire est ainsi le lieu d’ accomplissement de l’Esprit. Alors aborder le cheminement historique de l’Esprit serait équivalent à traiter de la relation entre l’Esprit et l’Histoire. C’est d’ailleurs ce qui constitue l’objet même de la philosophie de l’Histoire de Hegel. Le philosophe de Stuttgart, dans sa philosophie de l’Histoire, dit que celle-ci n’est pas une manière de raconter les événements historiques comme le font les historiens de formation ; « (. . .) mais elle est le développement du contenu de la philosophie même tel qu ‘il apparaît dans le champ de l ‘histoire »73• En ces termes nous pouvons comprendre que la philosophie de l’Histoire de Hegel consiste dans le fait de dévoiler le principe caché qui, naturellement, s’aperçoit dans l’Histoire car étant le lieu le plus propice. Ce contenu qui est l’Esprit, Hegel l’identifie à la pensée. Donc, la philosophie de l’Histoire revient à chercher l’évolution de la pensée dans le temps. Cela se fait par une explication rationnelle des faits historiques dans le but de mieux comprendre les motivations humaines. La philosophie de l’Histoire est le développement de l’Esprit dans un point de vue historique. Autrement dit, elle est le dévoilement de l’Esprit dans le processus de manifestation de L’Histoire. Elle relate toutes les œuvres des hommes historiques dans la recherche de leur humanité, leur liberté. Dans les Leçons sur l’histoire de la philosophie, le berlinois ajoute ceci : Ce développement de l’esprit, considéré historiquement, c’est l’histoire de la philosophie. C’est une histoire de tous les développements de l’esprit par lui-même, un exposé de ces moments, de ces degrés, comme ils se sont succédés dans le temps. La philosophie expose 1′ évolution de la pensée, ( . ) ; l’histoire de la philosophie est cette évolution dans le temps La découverte de l’Esprit, et cela par lui-même, signifie la philosophie de l’Histoire. Cette philosophie de l’Histoire en effet, est le processus par lequel l’Esprit se laisse connaître et ce processus de dévoilement est l’évolution de l’Esprit dans le temps. Ainsi, ce développement ne se fait pas de manière spontanée. Il suit son cours et il représente une extériorisation de l’Esprit qui se fait en différents degrés dans leur succession dans le temps, selon la succession des événements. Et c’ est cela que Hegel appelle l’histoire de la philosophie. Donc, on note nécessairement une identité entre la philosophie de l’Histoire et l’histoire de la philosophie. La philosophie de l’Histoire montre le processus évolutif de l’Esprit et elle engage les individus dans leur particularité. Le processus historique de l’Esprit représente la progression de l’Esprit. En effet, la philosophie hégélienne renvoie aux exploits de l’Esprit par l’intermédiaire des actions des hommes et nous pouvons remarquer que faire l’histoire de la philosophie revient à tenir compte des faits historiques, c’est-à-dire des aspects temporels, la succession des choses telles qu’elles sont apparues. L’histoire de la philosophie est une explication de l’œuvre de l’Esprit et elle englobe toutes les actions des hommes par lesquelles il est passé pour arriver à sa réalisation. Elle présente le tableau des hommes qui ont été, grâce à leur raison, capable de cerner les besoins de l’Esprit. Voici ce qu’en dit Hegel: L’histoire de la philosophie nous présente la galerie des nobles esprits qui, grâce à l’audace de leur raison, ont pénétré dans la nature des choses, dans celle de l’homme et dans celle de Dieu, qui nous en ont révélé la profondeur et ont élaboré pour nous le trésor de la connaissance ~ 75 supreme. Donc, l’histoire de la philosophie témoigne de la noblesse de l’œuvre des hommes qui ont su discerner la présence du principe régisseur du monde. Ces hommes ont défini la raison d’ être des choses, ils en ont révélé la profondeur. Au final, ils ont révélé 1′ origine de toute richesse infinie. Mais Hegel confirme que cette œuvre s’est faite par le courage de ces hommes et cela se manifeste par des moyens que nous allons aborder. 

 Les passions et la ruse de la Raison

 La philosophie de l’Histoire de Hegel, nous l’avons souligné, a pour but de chercher la cause nécessaire qui se cache derrière les événements. Elle devient ainsi originale dans la mesure où elle diffère de l’histoire événementielle qui opte pour l’ explication des faits de manière empirique. Dans cette recherche de 1′ essence des événements, Hegel se rend compte que ceux-ci sont conduits par une entité supérieure et très élevée qu’il appelle la Raison. Autrement dit, Hegel soutient que c’est la Raison qui est le moteur de l’Histoire philosophique donc, qui se réalise dans l’Histoire. Cependant, cette réalisation ne se fait pas de manière anodine mais elle passe normalement par des moyens appelés les passions ou la ruse de la Raison. Qu’est-ce à dire? Étymologiquement, le mot passion vient du latin « passio » qm est 1ssu de « patior » et signifie souffrir, éprouver, endurer. Donc dans la passion, l’individu est considéré comme étant la chose qui subit au lieu d’être l’acteur. Ainsi, d’un point de vue définitionnel, nous pouvons considérer que la passion a un sens destructeur dans la mesure où elle fait endurer à l’homme quelque chose que 1′ on peut considérer comme insupportable. Dans le cadre de la religion, on parle de la passion du Christ ; c’est-à-dire la manière dont le Christ a vécu la souffrance en voulant sauver l’humanité. Mais, avec Hegel, nous pouvons comprendre que la passwn, bien qu’ayant un sens anéantissant, contribue à la construction d’un système. En d’autres termes, Hegel considère la passion comme destructrice certes mais, elle est aussi créatrice. C’est ainsi que dans les Leçons sur la philosophie de l’Histoire, il affirme : «Rien de grand nes ‘est accompli dans le monde sans passion )/6• En d’autres termes, tout ce qui a produit une grande admiration dans le monde a été produit par les passions. Selon lui, les héros dont l’Esprit s’est servi dans la réalisation de l’Histoire n’ont pas agi sous l’orientation de leur raison, mais ils ont été guidés par leurs émotions, leurs passions aussi fortes qu’elles puissent être. Les passions sont alors ce qui, inconsciemment, pousse l’homme à agir. Nous pouvons en outre signaler, que ces passions peuvent être assimilées à la notion de volonté qui est également ce qui fait que les hommes agissent suivant leurs passions car, quand on veut quelque chose, on est passionné par elle, on a la conviction de pouvoir atteindre notre objectif. La volonté permet à l’individu de ·se déterminer davantage dans ses choix, d’ être plus précis. La volonté est selon Hegel le fait de vouloir une chose bien précise et de se concentrer uniquement sur elle. Ce qui, en 76 Hegel, Leçons sur la philosophie de l’Histoire, trad. , J. Gibelin, Paris, Vrin, 1937, p.31. réalité, est une limitation et donc une négation. Emmanuel Carsin nous apprend que ce qui fait qu’un peuple ou un individu existe c’est quand il est déterminé dans ses choix, quand il sait exactement ce qu’il veut, ce dont il a besoin, on dit ainsi qu’il est résolu et qu’if est fermement décidé. La volonté est, selon lui, ce qui permet à l’individu de conquérir l’Histoire, de se faire une place et de jouer un rôle déterminant dans la sphère historique et c’est ainsi qu’elle est transformée en passion : « Or, quand le vouloir prend une forme déterminée, c’est-à-dire à la fois une forme particulière, limitée, et en même temps une forme résolue, il devient «passion »( . .)»77 . Il nous faut remarquer que le plus important chez Hegel, c’est le caractère déterminant de la volonté ou de la passion, c’est-à-dire la puissance d’affirmation de la passion car, cette détermination entraîne nécessairement l’idée de la négation. En termes plus précis, quand la passion se détermine ou se résout à quelque chose de bien ciblé, elle rejette tout autre chose qui se trouve autour d’elle et se focalise sur son objectif car, elle veut atteindre sa cible. Donc, la passion exige le sacrifice de tout ce qui reste au profit de ce qui est visé. Cependant, Carsin renforce la thèse hégélienne en disant que le fait que l’individu se concentre sur une chose lui donne une force extraordinaire qui va lui permettre de jouer un rôle important dans le cadre de l’Histoire : «De la grande passion seule peut naître ainsi le bouleversement de la configuration présente des choses »78• Le fait de privilégier une chose ciblée au détriment de tout autre chose produit en 1’homme une énergie considérable qui, pouvons-nous affirmer, le rendra beaucoup plus efficace. Ce qui, en réalité, intéresse Hegel, c’est surtout l’énergie et l’exclusivité que la passion procure à l’homme. En plus, dans La raison dans l’Histoire, nous voyons comment Hegel montre à quel point il tient à l’idée selon laquelle le cours historique est réalisé par les passions. Il montre que la passion est également considérée comme désir, inclination, opinion ou encore intérêt. Cette foule de désirs se trouve du côté subjectif, dit-il, et c’est ce qu’il appelle volonté naturelle. Selon lui, dans l’Histoire universelle, le besoin général se fait par l’intervention de fins particulières. C’est par les intérêts humains que se réalise la volonté de l’Idée. Quand on parle ici d’intérêt, c’est dans la mesure où c’ est de lui que naît la passion. Quand un homme est intéressé par une chose, il se donne corps et âme dans la réalisation de cette chose et c’est là qu’il trouve de la satisfaction dans son action. C’est tout le sens des propos hégéliens suivants : « Il n ‘arrive donc rien, rien ne s ‘accomplit, sans que les individus qui y collaborent 77 Carsin, Hegel pas à pas, Op.cit., p.148. 78 Carsin, ne se satisfassent aussi »• Il n’ est aucunement possible pour Hegel de penser à la réalisation de l’Histoire sans passer par la passion. Quand les individus ne trouvent aucun intérêt dans ce qu’ils font, quand ils jugent qu’ils ne vont y trouver aucun plaisir, ils ne voient aucune nécessité de s’ y investir. C’est pourquoi nous pouvons affirmer que les hommes manifestent dans le monde en mettant en avant leurs propres intérêts et désirs ; ils ne sont plus conduits par une autorité ou une confiance mas plutôt par un jugement personnel, par leur conviction et leurs opinions qu’ils jugent nécessaires pour participer à l’élaboration de la société. Au vu de tout ce que nous venons de dire, nous pouvons déduire l’idée selon laquelle la passion a également un caractère aliénant, car étant opposé à la raison, elle ne laisse pas à l’individu le choix de réfléchir dans le but de prendre une décision raisonnable, ce qui fait que l’homme peut penser qu’il fait les choses de son propre chef. De ce point de vue, nous pouvons dire que l’homme a une attitude égoïste car, cherchant 1′ accomplissement de sa propre satisfaction. Mais, cet égoïsme se manifeste dans le cas où l’individu ignore qu’en réalité rien n’ est de son ressort mais qu’il est guidé par une instance nécessaire et supérieure. D’où la notion de ruse de la Raison. Elle est définie par le fait que la Raison laisse agir les passions humaines à sa place sans qu’ elle ne s’affiche80. C’est du reste ce que soutient Christian Godin quand il dit: La ruse (List en allemand) est, chez Hegel, le processus grâce auquel l’idée laisse aller le moment dans le semblant de sa particularité. Tout se passe comme si, dans l’histoire universelle, la raison feignait de laisser libre champ à la passion, laquelle, en réalité, fait tout le travail pour elle. 

Table des matières

 DEDICACE
REMERCIEMENTS
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : L’ESPRIT SELON HEGEL
CHAPITRE PREMIER: L’ESPRIT COMME ALTERITE DU DIVIN CHEZ HEGEL
1 o L’Esprit comme objet de lui-même
2° Identité de l’Esprit et de l’Histoire universelle
CHAPITRE DEUXIEME : LE PROCESSUS DE LA REALISATION DE L’ESPRIT DANS L’HISTOIRE
1 ° Les passions et la ruse de la Raison
2° Évolution et historicité de l’Esprit
DEUXIEME PARTIE: L’HISTOIRE UNIVERSELLE COMME
AUTO-REALISATION DE L’EPRIT
CHAPITRE PREMIER : DELIMITATION SPA TIO-TEMPORELLE DE L’HISTOIRE,UNIVERSELLE
1 o Parcours spatial de l’Esprit du monde .
2° Parcours temporel de 1 ‘Esprit du monde
CHAPITRE DEUXIEME : LES FORMES ULTIMES DE LA REALISATION DE L’ESPRIT
1 o L’État comme forme ultime de la réalisation de l’Esprit du monde
2° L’ art, la religion et la philosophie comme formes ultimes de la réalisation de l’Esprit absolu
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

 

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