L’état de la plantation d’Eucalyptus

LA FILIERE EUCALYPTUS

Comme le souligne MADAS (1976) [21], « en tant que matière première, le bois est, après le minerai de fer, le charbon et le pétrole, un des principales ressources naturelles du monde ; c’est la seule qui soit renouvelable et même dont la production peut être accrue grâce à la technique moderne ». Outre le palissandre et le pin, l’Eucalyptus est parmi les essences évoquées par les vendeurs comme matières premières les plus utilisées dans le monde (RAMANANTOANDRO et RAJEMISON, 2013) [37]. En effet, Eucalyptus et Pinus constituent les principales essences de reboisement à Madagascar. Ce sont des espèces à croissance rapide et à forte productivité en biomasse (RANDRIANJAFY et RAZAFINDRIANILANA, 2011) [38]. Actuellement, ils font l’objet d’une gestion durable pour assurer l’approvisionnement en bois, et un apport financier soutenu aux producteurs, tout en satisfaisant les besoins du consommateur.

LA PRODUCTION

La filière Eucalyptus à Vohimana fait entièrement partie du secteur informel. Et même, elle est sujette à une exploitation illicite, car l’Etat n’a plus octroyé de permis de son exploitation depuis 2009. Or, dans la région, elle est inséparable de la vie quotidienne de la population, le bois étant plus ou moins utilisé dans chaque domaine de la vie (MADAS, 1976) [21]. Et dans le milieu rural, il est parmi les Produits de Premier Nécessité, car jusqu’à présent le bois est encore la seule source d’énergie dans les ménages. A Vohimana, les activités principales ou secondaires sont rattachées à cette essence.

L’analyse de la production porte sur l’état de la ressource, ainsi que sur les acteurs de la filière et l’état de l’offre à Vohimana.

L’état de la plantation d’Eucalyptus

L’état actuel de la ressource

En général, les parcelles d’Eucalyptus à Vohimana datent du début du 20ème siècle et se trouvent sur la bordure du chemin de fer, pour protéger la voie ferrée Tananarive Ŕ Côte Est (TCE, 369 km réalisés entre 1901 et 1913) et pour fournir le combustible aux locomotives. Au début de la construction de cette voie, le Ministère des Colonies a cédé à la Compagnie coloniale et à la Société La Grande île, à titre de compensation pour des dépenses en énergie, d’énormes concessions forestières de part et d’autre de la TCE. Et en moins de trente ans, on a estimé que les deux tiers des forêts de Moramanga ont disparu (FREMIGACCI, 2006) [16]. Pour les remplacer, la plantation d’Eucalyptus robusta est jugée comme une bonne alternative pour alimenter les locomotives en énergie (VERHAEGEN, 2011) [46].

En 2009, les résultats cartographiques réalisés par l’équipe de MATE ont évalué à 120 Ha la superficie totale de cette plantation, répartie dans 3 Fokontany : Fanovana, Ambavaniasy et Morafeno. Actuellement, il est estimé à 194,32 Ha la superficie totale des parcelles d’Eucalyptus dans la région de Vohimana. Cet accroissement est du au reboisement d’espèce Eucalyptus initié par le projet Ambatovy. En effet, ce dernier a distribué des pépinières d’espèce Eucalyptus dans la région.

Selon le PAGS, les parcelles d’Eucalyptus font office de plusieurs types d’occupation et de statuts fonciers :
– Les parcelles 10 et12 sont d’anciennes concessions coloniales rétrocédées à l’Etat ;
– La zone de réserve de MADARAIL sur 50 m de part et d’autre de la ligne ferroviaire ;
– La propriété privée.

La potentialité de la ressource

L’exploitation étant contrôlée, la durabilité des peuplements devrait être assurée. Selon une étude de RANDRIANJAFY (2013) [40], « le taillis d’Eucalyptus robusta rejette de souche durablement ». En effet, en Inde les taillis d’Eucalyptus sont exploités depuis des siècles, prouvant qu’avec une bonne gestion, Eucalyptus est une source de bois durable. L’ONG en collaboration avec la population locale a présenté un plan d’aménagement et de gestion des taillis d’Eucalyptus. Son principal objectif est de « promouvoir la valorisation rationnelle et durable des plantations d’Eucalyptus de Vohimana pour les services et avantages de la population locale » (PAGS, 2012) .

La forte baisse du peuplement d’Eucalyptus dans la réserve de Vohimana prouve l’inefficacité de la gestion durable de l’Eucalyptus à Vohimana. En effet à ce rythme, au bout de 100 ans, il va complètement disparaitre de la réserve car à 50 ans, le volume sur pied des Eucalyptus est déjà presque épuisé. Alors, elle prouve qu’il ne suffit pas d’appliquer une rotation de coupe à 5 ans pour assurer la pérennisation du peuplement d’Eucalyptus. Il faut aussi assurer le suivi d’une exploitation durable avec la maitrise de la technique de coupe pour la durabilité des taillis.

Les acteurs de la filière Eucalyptus

La population à Vohimana est avant tout dépendante de l’agriculture à petite échelle pour sa subsistance. Elle se partage 392,89 ha de surface agricole. Toutes activités liées à la filière Eucalyptus sont classifiées para-agricoles (GOURDON et DEMULDER, 2005) [18]. Dans la région, la majorité des chefs de ménages exercent deux ou plusieurs activités afin de subvenir à leurs besoins, dont des activités liées à l’Eucalyptus, qui tiennent une place importante comme source de revenu supplémentaire et classées parmi les activités permanentes à Vohimana. L’exploitation d’Eucalyptus est la plus forte pendant les fêtes, par nécessité de liquidités. Ici, les exploitants désignent les individus impliqués dans l’exploitation et le commerce des produits forestiers (CARRET et CLEMENT, 1993) [9]. Une enquête auprès d’eux a dégagé 3 catégories d’acteurs de la filière : revendeurs, exploitants simples, exploitantsrevendeurs.

Les revendeurs

Ce sont les premiers maillons des intermédiaires de la vente des produits ligneux et des charbons de bois, qui sont fournis régulièrement par les exploitants simples pour être revendus sur la RN2. Ils approvisionnent à leur tour les camionneurs sur cette route. Ils représentent la clientèle fixe des exploitants simples et disposent de petits stands au bord de cette route, où d’ailleurs vivent la plupart d’entre eux (Ambavaniasy, Ambatosenegaly, Vohibe, Morafeno, Anevoka). Les revendeurs ne représentent qu’une minorité dans la filière Eucalyptus à Vohimana, mais ce sont ainsi les décideurs.

Les exploitants simples

Ils produisent des charbons de bois et des bois de construction, d’œuvre et de service qu’ils écoulent auprès des revendeurs ou des collecteurs. Ils habitent aux alentours des parcelles d’Eucalyptus et représentent le plus grand effectif des exploitants. Ils ont l’habitude de travailler en famille.

Les exploitants-revendeurs 

Ils produisent et vendent directement leurs produits sur la RN2. En général, ils n’ont pas de clients fixes. Ils essaient juste de profiter de l’opportunité de vivre au bord de l’axe routier.

Avec le développement de la filière et l’initiative de l’ONG, un nouvel acteur, qui pourrait avoir une grande influence dans l’exploitation, a été mis en place : l’Association ARINA. Le PAGS établi par la CIREF de Moramanga a indiqué que cette Association est l’organisme délégué pour la gestion et l’exploitation des peuplements d’Eucalyptus de Vohimana.

L’Association ARINA est créée en 2008 et regroupe toutes les personnes physiques ou morales concernées de près ou de loin par l’Eucalyptus. Son principal objectif est de gérer les peuplements de Vohimana de façon rationnelle et durable. Elle compte à peu près une cinquantaine de membres dont la majeure partie pratique le charbonnage. Elle est surtout composée d’exploitants simples. Notre enquête a remarqué que les membres sont en général des personnes âgées. Les jeunes de moins de 30 ans ne sont pas encore intégrés dans l’association, alors qu’ils sont les plus attirés et pratiquent l’exploitation d’Eucalyptus.

La création de cette association relève de l’initiative de l’ONG MATE dans le cadre de la gestion durable de la forêt de Vohimana. L’ONG y joue un rôle très important, en lui fournissant un appui technique à la gestion :
– Structuration de l’Association et consolidation de la vie associative ;
– Mise en place des cahiers de charge de gestion et d’exploitation ;
– Appui en matériel pour l’exploitation ;
– Suivi technique de l’application des règles de gestion et la PAGS ;
– Appui à la structuration de la filière (commercialisation) ;
– Formation et renforcement de capacité des exploitants membres.

Le but de l’Association ARINA est l’obtention d’un permis de coupe pour rendre formelles ses activités. Mais malgré toutes les démarches déjà entamées par l’Association et l’ONG MATE, le permis n’est pas acquis. Ce qui explique l’exploitation illicite par les membres de l’Association.

Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE I : PRESENTATION GENERALE DE L’ETUDE
CHAPITRE 1 : CONTEXTE DE L’ETUDE
1.1. L’ONG MATE et ses missions
1.2. La description de la zone d’étude
1.2.1. La localisation
1.2.2. Le milieu physique
1.2.3. Le milieu biotique
1.2.4. Le milieu humain
CHAPITRE 2 : LA METHODOLOGIE D’ETUDE
2.1. Choix du site et de la plante
2.1.1. Le choix du site
2.1.2. La description de l’Eucalyptus robusta
2.2. Objectifs et méthodologie
2.2.1. Objectifs
2.2.2. Méthodologie
PARTIE II : LA FILIERE EUCALYPTUS
CHAPITRE 3 : LA PRODUCTION
3.1. L’état de la plantation d’Eucalyptus
3.1.1. L’état actuel de la ressource
3.2.2. La potentialité de la ressource
3.2. Les acteurs de la filière
3.2.1. Les revendeurs
3.2.2. Les exploitants simples
3.2.3. Les exploitants-revendeurs
3.3. L’état de l’offre
3.3.1. La fonction de production
3.3.2. Le rendement
CHAPITRE 4 : LE CIRCUIT COMMERCIAL
4.1. Le transport
4.2. La commercialisation
4.2.1. La commercialisation du charbon de bois
4.2.2. La commercialisation du bois COS
4.2.3. La commercialisation du bois de chauffe
PARTIE III : LES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DE LA FILIERE EUCALYPTUS A VOHIMANA
CHAPITRE 5 : LES IMPACTS DE LA PRODUCTION
5.1. Les impacts positifs de la production
5.2. Les impacts négatifs de la production
CHAPITRE 6 : LES IMPACTS DE LA COMMERCIALISATION
6.1. Les impacts positifs de la commercialisation
6.2. Les impacts négatifs de la commercialisation
CHAPITRE 7 : LES IMPACTS DE L’EXPLOITATION ILLICITE
PARTIE IV : PLAN DE GESTION ENVIRONNEMENTALE ET SOCIALE DE LA FILIERE
CHAPITRE 8 : MESURES ENVIRONNEMENTALES
8.1. Pour les impacts majeurs
8.1.1. De la production
8.1.2. De l’exploitation illicite
8.2. Pour les impacts moyens
8.2.1. De la production
8.2.2. De la commercialisation
8.2.3. De l’exploitation illicite
8.3. Pour les impacts mineurs
8.3.1. De la production
8.3.2. De l’exploitation illicite
CHAPITRE 9 : MESURES ECONOMIQUES ET SOCIALES
9.1. Mesures économiques
9.1.1. Pour la production
9.1.2. Pour la commercialisation
9.2. Mesures sociales
9.2.1. Pour la production
9.2.2. Pour la commercialisation
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

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