L’évolution des missions et des effectifs des trois ministères étudiés

L’évolution des missions et des effectifs des trois ministères étudiés

Cette partie vise donc à restituer certains jalons importants de l’histoire des trois ministères antérieure à l’élection présidentielle de mai 2007. Il s’agit de puiser dans cette perspective historique quelques caractéristiques importantes susceptibles d’éclairer les modalités de transformation de ces organisations à partir de cette date. de l’équipement169 sont très nombreux. Il a abondamment nourri les recherches visant à analyser les transformations des administrations au regard des stratégies à l’œuvre au sein des corps de fonctionnaires qu’elles emploient. Jean-Claude Thoenig développe son choix d’investigation de l’administration des travaux publics dans son ouvrage L’ère des technocrates. Il expose comment les ingénieurs des ponts et chaussées « disposent d’une machine administrative et technique comprenant environ 100.000 agents, exerçant la tutelle de l’État sur les infrastructures de transport et quadrillant les provinces de façon serrée. Les Ponts et Chaussées pèsent d’un poids très lourd dans la France des années 1900- 1950. Chaque parcelle du territoire porte l’empreinte de leurs réalisations.

Chaque Français dépend d’eux dans sa vie quotidienne. Les Ponts et Chaussées, par leur réussite au plan technique, par leur prestige social, par leur influence politique, par leur implantation directe dans la vie locale, Un autre jalon fondamental de son histoire est la fusion, en 1966, de cette administration originelle des travaux publics, très liée au monde rural (employant près de 80.000 agents) avec l’administration de la construction qui avait été créée en 1944 et qui était beaucoup plus centralisée et de plus petite taille (7.000 agents). C’est de cette fusion que naissent les directions départementales de l’équipement. Et cette transformation en particulier a été au centre de nombreuses recherches sur le rôle des corps de fonctionnaires dans les processus de réforme de l’État. Ce fut le cas dans la thèse de Catherine Gremion172. L’auteur a mis en exergue comment la réorganisation administrative de 1966 répondait au souci d’améliorer la performance de la politique d’aménagement du territoire. Elle a décrit la volonté politique d’homogénéiser la présence territoriale de l’État incarnée par le renforcement du rôle des préfets. Selon elle, cette vision modernisatrice s’inscrivait « dans une logique qui était d’inspiration centrale. Il s’agissait bien d’un recentrage, au service d’une politique de développement local, sous la houlette d’un unique représentant de l’État, le préfet »173. Jean- Claude Thoenig et Erhard Friedberg ont consacré une série de travaux à cette période. Dans L’ère des technocrates, J-C. Thoenig analyse comment la stratégie de positionnement des ingénieurs des ponts et chaussées sur le champ de l’aménagement urbain renforce alors le pouvoir qu’il qualifie de « technocratique » de ce corps.

En retraçant les origines de la création du ministère de l’équipement, au travers du recensement de ce courant d’analyse sociologique des années 60 à 80, Alain Billon fait aussi émerger ce qu’il considère comme les trois valeurs fondatrices du ministère : « Trois grandes valeurs fondatrices semblent dominer toutes les autres : le sens du service public (l’intérêt général, fondé sur la neutralité), la compétence technique (la technique l’aménagement du territoire en France depuis le XVIIème siècle, lorsque Colbert donna Instruction aux Intendants de visiter « en chacune paroisse les chemins, ponts et ouvrages qui ont esté entièrement abandonnés ; qu’ils en fassent faire des procès-verbaux par des gens intelligents et économes, afin qu’elle [Sa Majesté] en puisse ordonner les réparations et pourvoir aux fonds nécessaires à cet effet, suivant le besoin et la nécessité du public ; mesme, si les commissaires estiment que, pour la facilité du commerce et du transport des marchandises, il soit nécessaire de faire quelques nouveaux ouvrages, elle trouve bon qu’ils en fassent faire des procès-verbaux et estimation. » La création de l’administration des ponts et chaussées est datée de 1716. L’auteur s’interroge ensuite sur la continuité et les mutations de ces valeurs au fil d’une histoire où s’altère peu à peu la toute puissance de ce ministère. A partir des années quatre-vingt, son action est en effet progressivement remise en cause notamment avec l’émergence du souci de protection de l’environnement, la montée en puissance du rôle des collectivités locales au cours de différentes étapes de la politique de décentralisation. Le ministère se trouve ainsi, à la fin du vingtième siècle, à nouveau au centre de plusieurs travaux de recherche, sur lesquels nous reviendrons, et qui visent à décortiquer la manière dont il a su s’adapter dans cette trajectoire d’affaiblissement de la reconnaissance de son action.

 

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