MINERALOGIE ET COMPORTEMENT DES REE LORS DE L’ALTERATION SUPERGENE

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Contexte économique et exploitation

Une utilisation omniprésente et indispensable

Les propriétés électroniques, magnétiques, optiques et catalytiques des REE en font des ressources minérales de première importance dans les secteurs industriels et technologiques, et par conséquent dans notre quotidien (Figure 2.4). Une des premières utilisations des REE, à l’échelle industrielle, fut celle des pierres à briquet. Elles sont composées d’un alliage de fer (30%) et de mischmetal (mélange de LREE, majoritairement Ce et La). Aujourd’hui, l’utilisation des REE permet d’améliorer considérablement l’efficacité des processus industriels et mécaniques comme dans certaines étapes du raffinement pétrolier, dans les conversions catalytiques automobiles ou dans les polissages de haute qualité des verres (Ce pour l’oxydation du Fe, et Nd, Pr, Ho, Er pour la coloration), des écrans de télévision ou d’ordinateur. Elles sont également nécessaires dans nombre d’applications pour laser et fibre optique, particulièrement dans les secteurs médicaux et militaires. Les REE sont indispensables pour la production d’aimants permanents (Nd majoritairement : moteur automobile électrique, turbines d’éolienne), de batterie, de matériel phosphorescent (Eu, Y, Tb, Ce : écrans LCD, LED, lunettes à vision nocturne), ou d’alliage métallique plus résistant (Nd, Pr, Y : blindage, protection thermique des jets). Avec l’essor croissant de nos sociétés industrielles et technologiques, la demande en REE est donc forte et en constante augmentation, particulièrement pour son utilisation dans les technologies dites « vertes » (moteur hybride, électro-aimants des turbines éoliennes).
Figure 2.4. Aperçu de la diversité des utilisations des REE. La répartition de leur consommation en tonnage est indiquée par les valeurs au-dessus de chaque catégorie. Les aimants permanents représentent plus de 50% de la valeur totale du marché (en 2014). Illustration BRGM©.
Il est important de noter que l’utilisation de REE se fait de manière individuelle. Chaque oxyde de REE n’a pas la même fonction ni les mêmes propriétés industrielles. Du fait de la grande cohérence des REE, il n’existe pas de gisement d’une seule REE. Du site d’exploitation à son utilisation en ingénierie, il est nécessaire de séparer les REE de leur hôte et de les discriminer individuellement (Goodenough et al., 2017).
Dans le langage minier, les LREE ne comprennent que les LREE les plus abondantes (La-Ce-Pr-Nd). Les autres REE (HREE) sont beaucoup moins abondantes et les procédés de traitement et d’extraction sont plus coûteux. Les HREE ont donc une valeur économique beaucoup plus importante que les LREE. Par exemple, en juin 2012, 1 kilo de Dy valait environ 1500$ à l’export, contre seulement 150$ pour le Nd (Hatch, 2012).

Offre et demande en REE

La consommation en REE augmente significativement chaque année depuis le milieu des années 1990, parallèlement à l’essor industriel et technologique des sociétés modernes. En 2019, la demande était en augmentation de 5%, principalement due à l’utilisation croissante des aimants permanents (Roskill, 2019). La forte demande en REE pour une offre contrôlée par un fournisseur quasi exclusif contribue à classer l’ensemble des REE comme métaux critiques (Figure 2.1).
La Chine domine depuis 30 ans la production mondiale de REE, en détenant plus de 90% du marché mondial (Kynicky et al., 2012). Ce monopole repose sur des ressources en REE plus importantes, des coûts d’exploitation plus faibles et des normes environnementales moins contraignantes, en comparaison aux autres producteurs mondiaux. Le complexe géant Bayan Obo en Mongolie intérieure (Figure 2.5), de par sa taille et sa teneur en REE (REE2O3 > 6%), détient plus de 60% des réserves mondiales, et fournissait en 2012 40 à 50% de la production mondiale (Kynicky et al., 2012). D’autres complexes de type carbonatites (Mianning-Dechang, Quingling), ainsi que les dépôts supergènes enrichis en HREE dans le sud de la Chine (provinces de Jiangxi, Hunan, Fujian, Guangdong et Guangxi), contribuent également à maintenir le marché chinois à la première place mondiale. Cette situation de monopole a donné lieu à de nombreuses complications socio-politico-économiques. Par exemple, la mise en place de quotas d’exportation, couplée à une forte demande mondiale en REE, ont abouti à une flambée exceptionnelle du prix des REE en 2011, amenant beaucoup de tensions politiques internationales (Hatch, 2012). Le prix du dysprosium, de 32.1 US$ le kg en 2003, est alors monté à 3410 US$/kg (Bru et al., 2015). Toutefois, le durcissement des législations de protection de l’environnement a entraîné une baisse du monopole chinois, qui se maintient à 77% (toutes REE confondues) en 2019 (Roskill, 2019). Par conséquent, la recherche de ressources alternatives et d’amélioration techniques d’extraction et de purification des REE mobilise activement la communauté scientifique.
Les projets d’exploitation fleurissent en Australie, au Canada, aux USA et en Afrique, tant sur de nouveaux sites (exemple européen du Groënland, Goodenough et al., 2016), que sur d’anciennes mines potentiellement rentables. De nouveaux modèles de gisements sont également investis (Goodenough et al., 2017), comme des vases marines profondes riches en REE (5000 ppm) au large du Japon (Takaya et al., 2018), des saumures hydrothermales (Smith et al., 2017), et même des matériaux lunaires (sans succès, McLeod and Krekeler, 2017). Est également remise en question l’exploitation de ressources minéralogiques déjà connues, principalement des silicates de REE (allanite, eudialyte, steenstupine) pouvant être plus enrichis en HREE. Les contraintes majeures à ces développements demeurent l’impact environnemental de leur exploitation et les difficultés à estimer les réserves (Goodenough et al., 2017; Tuduri et al., 2020).

Les différents types de dépôt

Les gisements de REE exploités aujourd’hui se divisent en deux grandes catégories : les enrichissements dits primaires, résultants de processus magmatiques et/ou hydrothermaux (remobilisation et précipitation) considérés à haute température (typiquement T > 200°C), et les enrichissements secondaires, ou aussi exogènes, liés à des processus supergènes de plus basse température (Goodenough et al., 2017).
Dans les gisements primaires se trouvent principalement les dépôts de type carbonatites et les complexes alcalins. Ces roches intracontinentales sont souvent affectées par des évènements métasomatiques et/ou hydrothermaux, modifiant l’enrichissement et la (re-)distribution des REE. Les carbonatites constituent la première ressource mondiale en REE, particulièrement en LREE (Verplanck et al., 2014; Wall, 2014). Les gisements les plus connus par leur importance sont le Bayan Obo (Chine), Mountain Pass (USA) et Mont Weld (Australie) (Figure 2.5). Les carbonatites présentent généralement des tonnages moyens à larges, mais des taux élevés en REE2O3 (3 à 17 wt%). Ils sont généralement enrichis en LREE (Figure 2.6). Les gisements de type alcalin sont constitués de roches sous-saturées en silice et riches en Na et K (syénite néphélinique, aussi roches peralcalines ou agpaïtiques). A l’inverse des carbonatites, les gisements alcalins présentent de fort tonnages pour des teneurs en REE généralement moins élevées (< 1.5 wt% REE2O3), mais aux proportions de HREE plus élevées (Wall, 2014). Ces roches ont des teneurs élevées en HFSE (High Field Strengh Elements), aux minéralogies complexes de silicates sodiques de Ti, Zr, Nb et Ta, auxquels sont associés les REE, Hf, Th et U. Cette diversité métallique présente un intérêt économique, mais aussi d’importantes difficultés d’extraction et de purification. Parmis les plus grands gisements de roches alcalines, on trouve le complexe du Lovozero dans la péninsule de Kola (Russie), Nechalacho (Thor Lake, Canada), Strange Lake (Canada) et le complexe géant Ilimaussaq au Groënland (Figure 2.5). Il existe également d’autres enrichissements strictement hydrothermaux, apparaissant comme des complexes de veines et de dykes. Leur tonnage et leur teneur en REE sont très variables, mais comparables aux précédentes descriptions.
Les gisements secondaires comprennent notamment les placers et paléo-placers ainsi que les gisements de type ion-adsorption. Les placers sont des accumulations sédimentaires de minéraux denses dans les rivières, les estuaires ou les eaux marines peu profondes. Ces minéraux, particulièrement résistants à l’altération (monazite, xénotime, zircon), sont transportés et déposés dans des sables et des graviers. Sous l’effet de la diagenèse, ces dépôts se consolident et forment des agglomérats (paléo-placers) riches en REE, ainsi qu’en Th et U (Elliot Lake, Ontario, Canada, Figure 2.5). C’est historiquement ce type de gisements qui était la principale source de REE avant les années 1970, précédant l’exploitation des gisements géants primaires. Les sols à adsorption ionique, ou ion-adsorption deposit (IAD) et les latérites résultent de l’altération (weathering) d’une roche mère par des mécanismes superficiels (fracturation et interaction fluide-roche avec les eaux superficielles). Dans des climats tropicaux et subtropicaux (Figure 2.5), le lessivage des éléments solubles (Mg, Ca, Na, K) est important et peut mener à l’enrichissement relatif des éléments moins solubles (Fe, Al, et REE). C’est le cas spectaculaire des régolithes développés sur la carbonatite du Mont Weld où les teneurs peuvent dépasser > 10 wt% de REE, mais de nombreux sites à latérites et bauxites ont également un potentiel minier dans le sud-est de l’Europe (Goodenough et al., 2016). Sous certaines conditions, les REE sont retenues de manière électrostatique, i.e. adsorbées, à la surface des argiles néoformées. L’extraction minière des REE peut se faire alors par simple échange ionique et diminue drastiquement les coûts financiers et logistiques des extractions minérales, bien que les gisements IAD présentent de faible taux de REE, typiquement entre 0.05 et 0.2 wt% REE2O3. Une des forces de certains de ces types de gisements est un enrichissement spectaculaire en HREE, économiquement plus recherchées, à l’opposé des gisements cristallins (Figure 2.6). L’origine et la formation de tels dépôts enrichis sont encore soumises au débat dans la communauté scientifique. L’étude de la distribution des REE en contexte supergène constitue un des sujets de cette thèse.
Figure 2.6. Spectres de REE normalisés aux chondrites de quelques carbonatites et gisements associés (A), ainsi que des gisements à adsorption ionique (B) exploités en Chine. Illustration issue de Kynicky et al. (2012).

Le paradoxe des énergies vertes

L’impact des REE sur l’environnement est double : une contamination liée aux métaux en eux-mêmes et un impact environnemental dû à leur exploitation. Les REE sont considérées comme des contaminants émergents faisant l’objet d’un nombre croissant d’études scientifiques à cause de leur utilisation industrielle (Gwenzi et al., 2018).
Leurs effets sur la santé animale et leur écotoxicité sont encore peu connus. Des études récentes montrent leurs impacts sur les organismes terrestres et aquatiques avec des conséquences létales (Perrat et al., 2017), des retards de développement (Cui et al., 2012) et des dommages cellulaires importants (Huang et al., 2011). Les études sur la santé humaine se focalisent beaucoup sur le Gd, à cause de son utilisation comme agent de contraste pour l’imagerie à résonance magnétique (IRM) en médecine (Gwenzi et al., 2018). D’après ces recherches, les REE présentent des risques de dommages des systèmes néphrologique, neurologique, pulmonaire, osseux et testiculaire. Une description schématique des transferts de REE dans l’environnement et de leurs conséquences finales en termes de santé et d’écologie est donnée par la Figure 2.7.
Figure 2.7. Schéma conceptuel des transferts, des réservoirs et des impacts écologiques et sanitaires des REE dans l’environnement. Illustration issue de Gwenzi et al. (2018).
Alors que l’industrie des énergies renouvelables se base sur les capacités électromagnétiques des REE, l’impact environnemental de leur exploitation est cependant plus important (Chakhmouradian and Wall, 2012), principalement à cause des actinides, fréquemment associés aux lanthanides au sein des minéraux porteurs. Leur minage produit une certaine quantité de déchets radioactifs (Th, U), jusqu’à aujourd’hui très peu valorisés. Les eaux de drainages des sites miniers présentent des contaminations, mais n’excédant que rarement les normes environnementales (Verplanck et al., 2014). Dans le cas des gisements de type ion-adsorption, les solvants utilisés pour extraire les REE sont des sources importantes de pollution en sulfates et ammonium sur tous les bassins versants concernés, principalement sur les sites d’exploitation clandestins (Moldoveanu and Papangelakis, 2016).
Cet aspect important de l’exploitation des REE remet considérablement en cause la pertinence environnementale des technologies dites « vertes ». En effet, si leur application diminue l’utilisation d’énergie fossile, leur fonctionnement nécessite des quantités parfois importantes en REE. Une seule turbine d’éolienne contient 150 à 200 kg/mégawatt de Nd (Hatch, 2012). Quant aux voitures hybrides, ce sont 1 à 4.5 kg de REE par véhicule (Alonso et al., 2012). Le durcissement des normes environnementales conduit à des suspensions de production et à la baisse des exploitations illégales, principalement chinoises (Hatch, 2012). Aujourd’hui, autant les producteurs que les consommateurs de REE doivent être informés du coût écologique de l’utilisation des REE. Les choix responsables des citoyens et des compagnies minières, appuyés par les avancées de la science (cycle biogéochimique, prospection, traitement, recyclage, …) ne pourraient que ralentir la dégradation de l’environnement.
A noter que les pollutions en REE d’origine anthropique affectant les cycles naturels créent des anomalies artificielles dans les eaux, qui complexifient l’exploitation des proxys de REE à des fins de recherche. C’est typiquement le cas de tous les grands fleuves pollués en Gd anthropique (IRM), faussant les signatures naturelles et compromettant les traçages des eaux (Bau and Dulski, 1996; Louis et al., 2020).

Distribution des REE dans les minéraux

Aperçu général

Les REE se distribuent comme constituants principaux des minéraux de REE ou en substitution et adsorption en concentrations de traces dans les minéraux majeurs de la croûte continentale (Figure 2.8). Les phases de REE sensu stricto comprennent plus de 250 espèces minérales, mais les plus abondamment représentées dans la croûte appartiennent aux groupes des phosphates (monazite, xénotime et apatite), des silicates (allanite, titanite, zircon) et des fluorocarbonates (bastnäsite, parisite, synchysite). Ces minéraux se retrouvent dans les gisements primaires (roches alcalines ou carbonatites) et secondaires formés par sédimentations des minéraux lourds (placers). Plus généralement, ce sont les hôtes principaux des REE dans la croûte continentale (Bea, 1996). Dans les gisements générés par l’altération supergène, la minéralogie est plus complexe et plus difficile à déterminer. En cause, la taille des grains et les mécanismes complexes de sorption des phases secondaires qui précipitent dans les sols.
Figure 2.8. Spectres des REE normalisées aux chondrites pour quelques minéraux majeurs. Les roches magmatiques où elles sont respectivement les plus abondantes sont indiquées entre parenthèses. Illustration issue de McLennan and Ross Taylor (2012).
Les minéraux de REE peuvent présenter soit des enrichissements relatifs en LREE ou en HREE (Figure 2.10). La nomenclature des minéraux de REE consiste à compléter le nom du minéral par un suffixe qui précise la nature de la REE en concentration la plus élevée. Par exemple, la monazite-(Ce) correspond à un phosphate de LREE dont le pôle pur en Ce est le plus abondant, et le xenotime-(Y) correspond au phosphate de HREE dont le pôle pur à Y est le plus abondant. En pratique, le Ce et l’Y sont en général les LREE et HREE les plus abondantes dans les minéraux de REE, mais il est possible de trouver d’autres pôles purs (e.g. La, Nd).

Les minéraux de REE à travers les grands types de gisements

Le premier paramètre contrôlant la répartition primaire (en système magmatique) des REE est leurs larges rayons ioniques (Figure 2.2) qui conduisent à une accumulation préférentielle des REE dans les magmas. Ils sont dits incompatibles et se retrouvent enrichis dans les magmas avec de faibles taux de fusion et un fort taux de cristallisation fractionnée.
Ainsi, comme indiqué précédemment, les dépôts miniers les plus riches en REE sont les gisements magmatiques de types peralcalins et carbonatites, les dépôts hydrothermaux, et plus accessoirement les pegmatites associées avec des granites peralumineux (Chakhmouradian and Wall, 2012). Les minéraux parmi les plus exploités de ces gisements sont incontestablement la bastnäsite, ou bastnaesite, REECO3(F, OH), et la monazite (REE, Th) PO4. Ces deux minéraux sont souvent associés et contribuent par exemple à la superpuissance des gisements du Bayan Obo en Mongolie intérieure (Figure 2.9). Toutefois, les gisements présentent souvent un cortège minéralogique complexe.
Figure 2.9. Carte géologique simplifiée de la Chine et images (microphotographies et image BSE) illustrant quelques microstructures caractéristiques du complexe de Huanglongpu (a et b) et du Bayan Obo (c et d). (a) Association de minéraux de Mo-REE. (b) Images BSE de minéralisation de molybdénite-HREE. (c) Minerai rubané le plus exploité du le complexe du Bayan Obo. (d) Détail des assemblages sous polariseurs croisés. All = allanite ; Ap = apatite ; Bst = batsnäsite ; Cc = calcite ; Do = dolomite ; Fl = fluorite ; Mgt = magnétite ; Mo; molybdénite ; Mnz = monazite ; Y-Mg : silicate de Y-Mg ; Xnt = xénotime. D’après Kynicky et al. (2012).
Les phosphates sont représentés par la monazite, le xenotime, l’apatite et la churchite. La monazite est observée dans de nombreux gisements magmatiques peralcalins, carbonatites (Mountain Pass) et hydrothermaux (carbonatite de Kola). Les accumulations secondaires (placer) de monazite et/ou xénotime (placer de Piedmont, plages des côtes atlantiques et de Floride), soulignent leur plus forte résistance à l’altération, en comparaison aux fluorocarbonates. La monazite est souvent enrichie en Th, ce qui génère des déchets radioactifs lors de son exploitation (Wall, 2014). Fluorocarbonates et monazite constituent la réserve mondiale en LREE, tandis que le seul minéral significativement exploité pour les HREE est le xénotime (HREE,Th)PO4 (Figure 2.10). L’apatite Ca5(PO4)3(F,Cl,OH) est un minéral quasi systématique des carbonatites (Bayan Obo) qui peut également contenir jusqu’à 5 wt% de REE et souvent enrichi en LREE (Pan and Fleet, 2002). Par exemple, le fameux complexe du Lovozero dans la péninsule de Kola (Figure 2.5) est également exploité pour les apatites contenant jusqu’à 0.66 wt.% de REE (Wall, 2014). Cependant, bien souvent l’extraction des REE est un produit secondaire de l’exploitation du phosphore à partir d’apatite (Mariano and Mariano, 2012). Moins exploités, des phosphates authigéniques se rencontrent fréquemment dans les sols lessivés comme la churchite REEPO4.2H2O (Mont Weld), des membres du groupe rhabdophane (REE)PO4.nH2O et de la florencite (LREE)Al3(PO4)2(OH)6 (McLennan and Ross Taylor, 2012).
Figure 2.10. Spectres de REE normalisées aux chondrites de quelques minéraux typiques des gisements. D’après Wall, (2014).
La bastnäsite, ainsi que la parisite CaREE2(CO3)3(F,OH)2, la synchysite CaREE2(CO3)2(F,OH) et autres Ca-Ba fluorocarbonates sont fréquemment associés aux gisements de carbonatites et roches peralcalines. Bastnäsite, synchysite et parisite présentent des structures en fines couches ou en cristaux fins et allongés et forment régulièrement des inter-croissances syntaxiales. Ces fluorocarbonates peuvent avoir une origine primaire, i.e. magmatique, attestée notamment par leur présence dans les carbonatites du Mountain Pass (Mariano and Mariano, 2012). Toutefois, ces minéraux résultent majoritairement de processus hydrothermaux secondaires (Verplanck et al., 2014). La bastnäsite est fréquemment observée en remplacement de différents minéraux parents de REE (silicates, phosphates) et même d’autres carbonates de REE (Figure 2.9). Les relations de phases entre bastnäsite et autres minéraux accessoires sont complexes selon la nature des fluides (pH, activités des ions et pCO2 principalement).
Les silicates de REE se retrouvent, à l’instar des fluorocarbonates et des phosphates, dans les différents contextes miniers, mais ils sont beaucoup plus fréquents dans les complexes magmatiques de roches peralcalines et pegmatites. Bien que leur diversité soit grande, peu de silicates sont exploités aujourd’hui (en raison de contraintes d’extractions et de purification complexe et coûteuse), mais l’ont historiquement été ou sont en étude pour une ré-exploitation (Tuduri et al., 2020). Un des silicates de REE le plus abondant est probablement l’allanite CaREEAl2Fe(SiO4)(Si2O7)O(OH), présent comme minéral primaire dans nombre de gisements peralcalins, syénitiques, pegmatites (Timmins, Ontario) et plus rarement dans les carbonatites (Huanglongpu, Figure 2.9). Au vu de son importance dans le cadre de cette thèse, une description plus précise de l’allanite est présentée dans le Chapitre 4. Les roches de type syénite néphélinique présentent des silicates primaires de REE de chimie complexe, pour ne citer que la steenstrupine et l’eudialyte (Illimaussaq, Groënland; Zeus, Canada). Toutefois, l’allanite se forme également secondairement lors de remaniements hydrothermaux (Strange Lake, Thors Lake) ou d’évènements métamorphiques en remplacement d’autres silicates, comme l’eudialyte ou le zircon ou de la monazite (Budzyń et al., 2017; Salvi and Williams-Jones, 1990).
Mis à part les minéraux de terres rares stricto sensus, le zircon ZrSiO4 se trouve communément dans les carbonatites, granites, syénites et roches métamorphiques. Les zircons peuvent être enrichis en HREE (par substitution du Zr), mais les teneurs dépassent rarement 1 wt% (Mariano and Mariano, 2012). Bien que présent dans de nombreux gisements (Thor Lake, Strange Lake, Bokan Mountain, Richard Bay), la très faible altérabilité de ce minéral rend son exploitation compliquée et explique son accumulation dans certaines plages estuariennes (Linnen et al., 2014).
La titanite, aussi sphène CaTiSiO5, est un minéral primaire et accessoire commun des granitoïdes. En l’absence de phase stable de HREE (e.g. zircon) lors de la cristallisation magmatique, les titanites peuvent être enrichies en HREE (Carcangiu et al., 1997). Le complexe alcalin de Kipawa (Canada) est un des rares gisements où la titanite-(Y) est exploitée, au côté de minerai d’eudialyte et de britholite (Wall, 2014).
La fluorite est un minéral témoin des processus hydrothermaux qui atteste de la présence d’ion F- dans les fluides minéralisateurs. C’est aussi un minéral compagnon des fluorocarbonates des complexes de carbonatite décrits précédemment (Figure 2.9). La fluorite contient usuellement des traces de REE, mais peut occasionnellement contenir suffisamment de HREE ou LREE pour définir de nouvelles espèces comme l’yttrofluorite ou la cerfluorite respectivement (Pekov et al., 2009).

Distribution et lixiviation des REE

Comprendre la distribution des REE est une étape fondamentale d’évaluation des potentiels miniers d’un gisement car elle contraint les méthodes de lixiviation et de transformation (i.e. extraction et purification des oxydes). Les coûts financiers et environnementaux seront directement impactés par la distribution minéralogique (voir section 2.2.4). Ces méthodes ont été récemment récapitulées dans un rapport sur l’évaluation des gisements de REE et reportées dans le Tableau 2.1 (Hellman and Duncan, 2018).

Table des matières

CHAPITRE 1
1.1 MOTIVATION DU PROJET
1.2 PROBLEMATIQUES ET METHODOLOGIE
1.3 STRUCTURE DE LA THESE
CHAPITRE 2
2.1 CARACTERISTIQUES GEOCHIMIQUES
2.1.1 Nomenclature
2.1.2 Géochimie des REE
2.1.3 Distribution et abondance
2.2 CONTEXTE ECONOMIQUE ET EXPLOITATION
2.2.1 Une utilisation omniprésente et indispensable
2.2.2 Offre et demande en REE
2.2.3 Les différents types de dépôt
2.2.4 Le paradoxe des énergies vertes
2.3 DISTRIBUTION DES REE DANS LES MINERAUX
2.3.1 Aperçu général
2.3.2 Les minéraux de REE à travers les grands types de gisements
2.3.3 Distribution et lixiviation des REE
2.4 L’ADSORPTION : PRINCIPE ET APPLICATION AUX REE
2.4.1 Définition et mécanismes
2.4.2 L’adsorption des REE: hôtes, fractionnement et oxydation
2.4.2.1 Adsorption sur les argiles
2.4.2.2 Adsorption des REE sur les oxydes et oxydation du Ce
2.4.2.3 Rôle de la matière organique
CHAPITRE 3
3.1 INTRODUCTION DE CHAPITRE
3.2 CONTEXTE ET ETAT DE L’ART : MINERALOGIE ET COMPORTEMENT DES REE LORS DE L’ALTERATION SUPERGENE
3.2.1 Généralités sur les latérites et profil latéritique typique
3.2.2 Mobilité et spéciations des REE dans les latérites
3.2.2.1 Paramètres physico-chimiques du sol et mobilité des REE
3.2.2.2 Spéciation des REE
3.2.3 Influence de la roche mère et résistivité des minéraux
3.2.4 La méthode des extractions séquentielles
3.2.4.1 Principe de la procédure
3.2.4.2 Principaux écueils à l’utilisation des SEP
3.3 ARTICLE : EVALUATION DE LA SELECTIVITE D’UNE PROCEDURE D’EXTRACTION SEQUENTIELLE APPLIQUEE A LA SPECIATION DES REE DANS UN PROFIL LATERITIQUE
CHAPITRE 4
4.1 INTRODUCTION DE CHAPITRE
4.2 CONTEXTE ET ETAT DE L’ART : ALTERATION HYDROTHERMALE ET MOBILITE DES REE
4.2.1 L’allanite : description et occurrences
4.2.1.1 Le “bazar” qu’est l’allanite (Ercit, 2002)
4.2.1.2 L’allanite, source majeure en REE dans la croûte continentale
4.2.1.3 L’allanite et son cortège minéralogique d’altération
4.2.2 Transport et déposition des REE : apports de la modélisation
4.2.2.1 Température et composition des fluides hydrothermaux
4.2.2.2 Transport et fractionnement des complexes aqueux
4.2.2.3 Modèles de déposition hydrothermale
4.2.3 Méthodes expérimentales
4.3 ARTICLE – REACTIONS DE L’ALLANITE ET DISTRIBUTION DES REE AU COURS D’EXPERIENCES D’ALTERATION A 200°C : ROLE DU PH ET DES LIGANDS AQUEUX
1 Introduction
2 Analytical methods and experimental procedure
2.1 Starting material
2.2 Experimental procedure
2.3 Solid characterization methods
2.4 Fluid characterization methods
3 Results
3.1 Allanite alterations reactions
3.2 Textures and morphologies of allanite products
3.3 Allanite and run products chemical composition
3.4 Experimental fluids chemistry and evolution
4 Discussion
4.1 Allanite alteration reaction and REE distribution
4.2 Alteration reaction progress
4.3 Elementary fractionation during allanite alteration reaction
4.4 Comparison to natural occurrence and ore formation
5 Conclusion
CHAPITRE 5
5.1 INTRODUCTION
5.1.1 Mobilité des REE lors de l’altération d’un granite
5.1.2 Objectifs et choix expérimentaux
5.2 MATERIEL ET METHODES
5.2.1 Le granite de la Lauzière, géologie et échantillonnage
5.2.2 Protocole expérimental
5.2.2.1 Fracturation induite de l’échantillon de granite
5.2.2.2 Expérience de percolation : paramètres et dispositif
5.2.3 Contrôle du système de percolation
5.2.3.1 Percolation à vide
5.2.3.2 Solution de percolation
5.2.4 Caractérisation
5.2.4.1 Préparation des lames minces post-expérimentales
5.2.4.2 Méthodes de caractérisation
5.3 RESULTATS : EVOLUTION DE LA MINERALOGIE ET DES FLUIDES
5.3.1 Caractérisation de l’échantillon initial
5.3.1.1 Pétrographie
5.3.1.2 Composition élémentaire
5.3.1.3 Développement du réseau de fracture induit
5.3.2 Evolution de la minéralogie après percolation sous contrainte
5.3.2.1 Altération des phases majeures (feldspaths)
5.3.2.2 Réactivité des phases accessoires
5.3.3 Composition et évolution des fluides de percolation
5.3.3.1 Comportement des éléments majeurs
5.3.3.2 Effets des évènements perturbateurs
5.3.4 Evolution des paramètres physiques
5.4 DISCUSSION PRELIMINAIRE
5.4.1 Réactions fluide-roche, distribution et mobilité des éléments majeurs et traces
5.4.2 Couplage dissolution-précipitation et fracturation
5.4.3 En résumé
5.5 PERSPECTIVES IMMEDIATES
5.5.1 Transferts de masse et stabilité des phases
5.5.2 Caractérisation fine des relations minéral-fracture dans l’expérience de percolation
CHAPITRE 6
6.1 CONCLUSIONS DE CHAPITRES
6.1.1 Chapitre 3 – Extraction séquentielle sur échantillons naturels et synthétiques (latérite de Madagascar)
6.1.2 Chapitre 4 – Altération expérimentale de l’allanite en condition hydrothermale
6.1.3 Chapitre 5 – Expérience de percolation hydrothermale sur granite (granite de la Lauzière)
6.2 PERSPECTIVES
6.2.1 Distribution des REE dans les latérites : argile versus oxydes ?
6.2.2 Application d’un protocole SEP sur les produits expérimentaux de l’allanite
6.2.3 Nouvelles expériences de percolation
6.2.4 Importance des phosphates pour les gisements de REE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE A
ANNEXE B
ANNEXE C
ANNEXE D
ANNEXE E
ANNEXE F

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