Observation empirique et modélisation des discontinuités du réseau autoroutier

La congestion routière résulte d’un excès de la demande sur l’offre. En particulier, sur le réseau autoroutier la congestion apparaît soit en section courante soit au niveau des bretelles d’accès, des bretelles de sortie ou des zones d’entrecroisement qui sont généralement appelées les discontinuités ou nœuds du réseau routier. Les causes de l’apparition de la congestion sont multiples. Évidemment, la congestion se formera en un point du réseau si la demande y est supérieure à la capacité théorique qui correspond au débit maximum qui peut s’écouler sur l’infrastructure. Des études récentes ont montré que l’utilisation hétérogène des voies de circulation en section courante pouvait dégrader les conditions de trafic alors même que la demande totale est inférieure à la capacité théorique de l’infrastructure. D’autres travaux ont montré que les changements de voie sur les discontinuités du réseau autoroutier participent également à la dégradation des conditions de trafic.

La congestion est responsable de nombreuses externalités négatives. Sur le plan environnemental, le trafic routier est un des principaux contributeurs aux émissions de gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone ou les oxydes d’azote. Sur le plan économique, les coûts liés à la congestion s’élèvent chaque année à 1% du PIB en France. Des actions ont été entreprises à l’échelle nationale pour réduire les externalités liées à la congestion et répondre à la demande en mobilité sans cesse croissante.

La France a ainsi publié en 2011 un Schéma National des Infrastructures de Transports (SNIT), refondu en 2013 par la commission Mobilité 21, pour définir la politique d’investissement et d’optimisation des réseaux de transports. Concrètement, à l’échelle locale, ces actions se traduisent notamment par le déploiement par les gestionnaires du réseau routier de mesures de régulation dynamique du trafic. La régulation des vitesses ou l’interdiction de dépassement pour les poids lourds permettent d’optimiser l’écoulement du flux de véhicules en section courante. La régulation d’accès qui consiste à retenir une partie de la demande sur les bretelles d’insertion permet d’optimiser le fonctionnement des convergents autoroutiers. Par ailleurs, la Direction Technique Territoires et Ville du CEREMA pilote actuellement une réforme de l’Instruction sur les Conditions Techniques d’Aménagement des Voies Rapides Urbaines (ICTAVRU). L’objectif de ce projet est d’intégrer notamment les outils d’exploitation et de gestion du trafic pour proposer de nouvelles méthodes pertinentes pour dimensionner les échangeurs du réseau routier. Une connaissance précise des phénomènes du trafic et des modèles simples de prévision et d’évaluation a priori des mesures de régulation ou des stratégies d’aménagement sont donc nécessaires pour favoriser le déploiement opérationnel de mesures palliatives permettant de réduire les externalités négatives liées à la congestion.

A l’échelle macroscopique, le trafic routier est considéré comme un flux de véhicules. Bien que les véhicules possèdent des caractéristiques qui leur sont propres, les hétérogénéités peuvent être moyennées en étudiant des variables globales dont les définitions sont données ci après :

• Le débit q correspond au nombre de véhicules qui passent en un point du réseau pendant une période de temps donnée. Il est par conséquent exprimé en nombre de véhicules par unité de temps ;
• La concentration k correspond au nombre de véhicules présents sur une portion de l’infrastructure à un instant donné. k s’exprime donc en nombre de véhicules par unité de longueur ;
• La mécanique des fluides nous enseigne que la vitesse du flux u est le rapport du débit sur la concentration (u = q/k ). u correspond à la vitesse moyenne spatiale, c’est-à-dire à la vitesse moyenne des véhicule présents sur une portion de l’infrastructure à un instant donné.

Comme nous venons de le voir, le débit, la concentration et la vitesse moyenne du flux sont reliés par la relation de la mécanique des fluides q = k.u qui est représentée sous la forme du diagramme fondamental. Le débit et la concentration étant reliés par la vitesse du flux, le diagramme fondamental peut être représenté de trois manières différentes. Il peut être représenté comme l’expression du débit en fonction de la concentration (q = f1(k)), comme la relation entre la vitesse du flux et le débit (u = f2(q)) ou encore comme une fonction qui relie la vitesse du flux à la concentration (u = f3(k)). Dans le cadre de cette thèse, nous choisirons préférentiellement la relation qui lie le débit à la concentration.

En exprimant le débit en fonction de la concentration, deux modes de fonctionnement du trafic peuvent être distingués sur le diagramme fondamental :

• La partie gauche du diagramme correspond aux états de trafic fluides. Le débit augmente linéairement avec la concentration. Autrement dit, plus le nombre de véhicules sur le réseau est élevé, plus le débit au droit du point de mesure est élevé. Le coefficient de proportionnalité entre le débit et la concentration est égal à la vitesse maximale autorisée. Le débit augmente linéairement avec la concentration jusqu’à atteindre un point critique associé à une concentration critique kc et un débit maximum qx correspondant à la capacité théorique de l’infrastructure ;
• La partie droite correspond aux états de trafic congestionnés. L’offre de l’infrastructure, correspondant au débit maximum qui pourra s’écouler vers l’aval, ne permet pas de satisfaire la demande qui correspond au débit maximum réel souhaitant s’écouler depuis l’amont [Lebacque 96]. Dans ce cas, le débit diminue avec la concentration. Le diagramme fondamental étant concave, la vitesse moyenne diminue également avec la concentration. Plus le nombre de véhicules est élevé, plus les conditions de trafic sont dégradées. Théoriquement, il existe un point de fonctionnement particulier associé à un débit nul et une concentration maximale κ. Ce point de fonctionnement correspond à la situation pour laquelle les véhicules sont à l’arrêt pare-choc contre pare-choc sur l’infrastructure. La pente de la partie congestionnée du diagramme fondamental notée w correspond à la vitesse maximale de remontée de la congestion.

Plusieurs types de capteurs permettent de mesurer les variables macroscopiques du trafic. Nous utiliserons dans cette thèse, des données mesurées à partir de boucles électromagnétiques et de magnétomètres. La boucle électromagnétique est un capteur ponctuel très répandu qui est constitué d’un simple câble électrique enrobé dans la chaussée et parcouru d’un courant électrique. Les parties métalliques d’un véhicule qui circule sur la boucle créent un champ magnétique qui, s’il est supérieur à un seuil, permet d’identifier la boucle comme occupée. Il est ainsi possible de compter le nombre de véhicules qui vont passer sur la boucle pendant une période de temps donnée. En outre, les boucles électromagnétiques permettent de mesurer la vitesse des véhicules et le taux d’occupation qui permet d’estimer la concentration. Les données issues de boucles électromagnétiques utilisées dans le cadre de cette thèse ont été mesurées en 2003 sur l’autoroute GA 400 en périphérie d’Atlanta (États-Unis). Elles nous ont été fournies par Haizhong Wang, Professeur Assistant à l’Université d’État d’Oregon (Oregon State University).

Table des matières

Introduction
1 Outils théoriques et méthodes expérimentales employés
1.1 Caractérisation du trafic à l’échelle macroscopique
1.1.1 Caractérisation du trafic dans une approche empirique : présentation des variables macroscopiques du trafic
1.1.1.1 Définition du débit, de la concentration et de la vitesse moyenne du flux
1.1.1.2 Dispositifs expérimentaux permettant de mesurer les variables macroscopiques du trafic
1.1.1.3 Illustration des outils d’analyse du trafic dans une approche empirique
1.1.2 Caractérisation du trafic dans une approche en simulation : présentation du modèle de Lighthill et Whitham et Richards
1.2 Caractérisation du trafic à l’échelle microscopique
1.2.1 Caractérisation du trafic à l’échelle microscopique dans une approche empirique
1.2.1.1 Présentation des sites d’étude
1.2.1.2 Dispositif expérimental
1.2.1.3 Lien entre échelles microscopique et macroscopique : caractérisation du trafic à l’échelle macroscopique à partir de trajectoires individuelles
1.2.2 Caractérisation du trafic à l’échelle microscopique dans une approche en simulation
1.2.2.1 Modèles de poursuite
1.2.2.2 Modèles de changement de voie
1.2.2.3 Formulation théorique des créneaux d’insertion critiques dans les modèles de changement de voie
1.3 Conclusion du chapitre
2 Analyse phénoménologique du processus de changement de voie basée sur l’observation empirique
2.1 Étude du comportement d’insertion sur deux convergents autoroutiers
2.1.1 Revue de la littérature sur l’analyse empirique des changements de voie d’insertion sur les convergents autoroutiers
2.1.2 Définitions des variables analysées et cadre de l’étude
2.1.3 Statistiques descriptives, premières comparaisons des jeux de données
2.1.4 Statistiques explicatives : construction d’une régression logistique
2.2 Étude du comportement de changement de voie sur une zone d’entrecroisement
2.2.1 Revue de la littérature sur l’analyse empirique des changements de voie sur les zones d’entrecroisement
2.2.2 Définitions des variables analysées et cadre de l’étude
2.2.3 Étude des positions des changements de voie
2.2.4 Ajustement théorique des distributions des positions de changements de voie
2.2.5 Créneaux et écarts temporels acceptés
2.3 Conclusion du chapitre
Conclusion

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