Propriétés de fluorescence de nanocristaux de semiconducteurs II-VI

Agrégation des particules

Une autre condition pour obtenir une suspension colloïdale est d’empêcher l’agrégation des particules sous l’effet de l’interaction de Van Der Waals. En effet, les particules inorganiques n’ayant pas d’affinité pour le solvant organique, elles ont tendance à se regrouper. Le rayon moyen des composants élémentaires du système augmente alors, jusqu’à une valeur proche de ac, où ces agrégats sédimentent.
Plusieurs moyens existent pour empêcher l’agrégation des particules inorganiques dans leur solvant. La référence décrit diverses méthodes de « protection » des particules contre l’agrégation : protection électrostatique, protection par des polymères ou des tensioactifs… Il s’agit, non seulement d’augmenter l’affinité avec le solvant, mais aussi de créer une répulsion entre les particules. Dans le cas des nanocristaux de CdSe, une protection par des ligands organiques est utilisée. Ces ligands sont constitués de deux parties : la première leur permettant de se lier au nanocristal et la deuxième présentant une affinité avec le solvant. Tout d’abord, la liaison entre l’atome métallique Cd et le ligand organique est une liaison de coordination, qui a lieu par l’intermédiaire d’un atome donneur d’électrons, comme l’oxygène, l’azote ou le soufre. Cette liaison conditionne la stabilité de la dispersion colloïdale. La deuxième partie du ligand joue le rôle d’interface entre la particule inorganique et le solvant. Sa nature diffère donc selon le solvant choisi pour la dispersion. Dans un solvant apolaire, comme le toluène, des ligands comportant des chaînes carbonées sont par exemple utilisés. L’affinité du ligand avec le solvant est un paramètre clé dans l’obtention d’une dispersion homogène.

Propriétés structurales des nanocristaux

La diffraction X aux grands angles (WAXS3) et la microscopie électronique à trans mission haute résolution (HRTEM4) sont deux outils adaptés à l’étude d’objets à l’échelle nanométrique. Ils fournissent des informations sur la forme, la taille et la structure cristalline des particules. Nanocristaux de CdSe : Le matériau CdSe massif existe sous deux formes cristallines. La plus répandue est la structure wurtzite, dans laquelle les deux sous-réseaux de Cd et Se composant le cristal sont hexagonaux compacts. L’autre forme est la structure sphalérite (du type blende de zinc), dans laquelle les deux sous-réseaux sont cubiques faces centrées, décalés l’un par rapport à l’autre, d’un quart du paramètre de maille. il est possible de distinguer les plans.
Les nanocristaux se trouvent principalement sous la forme wurtzite, avec un paramètre de maille proche de celui du matériau massif, ce que confirment des études plus précises par WAXS. La forme des nanocristaux est sphérique, légèrement allongés suivant l’axe de symétrie hexagonale de leur structure cristalline. Sur ces images de HRTEM, on mesure une ellipticité d’environ 1,1 ce qui constitue une valeur standard pour ce type de particules. L’ellipticité dépendant des conditions de synthèse, il est possible de l’accentuer jusqu’à Enfin, la dispersion en taille est aussi accessible par les images de HRTEM.
Interface cœur/coquille : Les matériaux coquilles sont constitués de semiconducteurs de plus grand gap que celui du matériau cœur pour confiner les porteurs de charge dans le cœur. Parmi les matériaux coquilles utilisés pour recouvrir le cœur de CdSe, on trouve CdS, ZnS et ZnSe. Grâce à la différence de contraste en HRTEM entre CdSe et CdS, Peng et al. ont montré que la croissance de CdS se fait de façon épitaxiale cohérente5 sur le cœur de CdSe . L’épaisseur de la coquille est mesurable directement sur ce type d’images.
Pour les deux autres matériaux coquilles (ZnSe et ZnS), le contraste n’étant pas assez important en HRTEM, il n’est pas possible de distinguer l’interface entre le CdSe et la coquilleLes épaisseurs déposées de ZnSe ou de ZnS peuvent être cependant déduites de ces images en comparant les nanocristaux avant et après croissance de la coquille. on observe les plans cristallins des objets CdSe(ZnSe) de façon continue sur l’ensemble de la structure, est un indice d’une croissance épitaxiale. Des résultats similaires ont été obtenus pour la croissance de ZnS sur CdSe. En revanche, il est plus difficile d’obtenir des informations sur la cohérence de ce type de coquille. Des études par WAXS sur des échantillons de CdSe(ZnS) indiquent que pour des épaisseurs faibles de ZnS (∼ une monocouche), la croissance semble être cohérante, c’est-à-dire sans défaut. En revanche, pour des épaisseurs plus élevées, la couche de ZnS retrouve le paramètre de maille du ZnS massif et la croissance est épitaxiale mais incohérante. Il apparaît donc que la croissance d’une coquille de ZnS, dont l’épaisseur est généralement de plusieurs monocouches, s’accompagne de la création de dislocations et d’autres défauts par relaxation de cette couche.

Effet Auger dans les nanocristaux

L’effet Auger consiste simplement à transférer l’énergie d’un porteur de charge à un autre par interaction coulombienne. Ce processus joue un rôle majeur dans les nanocristaux, d’une part dans la relaxation intrabande des électrons et d’autre part dans la recombinaison interbandes des nanocristaux multi-excités (comportant au moins une paire électron-trou plus un porteur).
Relaxation intrabande : Dans un semiconducteur massif, la relaxation intrabande a lieu par l’intermédiaire de phonons. Dans une boîte quantique, les niveaux d’énergie étant discrets, cette
relaxation est plus difficile car plusieurs phonons sont souvent nécessaires pour faire passer le porteur d’un niveau d’énergie à l’autre : c’est l’effet de bottleneck. La relaxation intrabande devrait donc être plus lente dans les nanocristaux CdSe que dans le massif, en contradiction avec ce qui est observé expérimentalement . En fait, il a été montré récemment que la relaxation du trou s’effectue en deux phases, l’une très rapide, similaire à ce qui est observé dans les semiconducteurs massifs (1,4eVps−1) et l’autre plus lente. Il semble donc que la majorité des niveaux d’énergie de la bande de valence forme un quasi-continuum, où le trou relaxe rapidement. L’effet de bottleneck n’intervient que pour la relaxation sur les quelques états de plus basse énergie (états s du haut de la bande de valence), à cause de leur espacement plus important .
Contrairement à la bande de valence dont la densité d’états p est importante, les niveaux d’énergie de la bande de conduction sont moins nombreux. La relaxation rapide de l’électron (≈ 10eVps−1) ne peut donc s’expliquer par la présence d’un quasi-continuum d’états. Afin d’interpréter ce phénomène, un processus de transfert d’énergie de type Auger entre l’électron et le trou peut être invoqué : pour relaxer vers le niveau de plus basse énergie, l’électron transfère son énergie au trou, qui relaxe à son tour par un processus classique assisté par des phonons. L’intervention du trou dans la relaxation de l’électron a été démontrée expérimentalement  et des études théoriques vont dans le sens d’une relaxation de type Auger.
Nanocristaux multi-excités : Lorsque plusieurs paires électron-trou sont présentes dans un semiconducteur, on parle de multi-excitons : bi-excitons (2 paires), tri-excitons (3 paires)…L’énergie de liaison d’un multi-exciton EmX correspond, comme pour l’exciton, à l’interaction coulombienne entre les porteurs. Par exemple, l’énergie de liaison E2X d’un bi-exciton doit prendre en compte les interactions électron-trou mais aussi les interactions électron-électron et trou trou.

Techniques de caractérisations optiques

Afin de comprendre quels sont les différents paramètres de synthèse qui influencent les propriétés des nanocristaux, nous réalisons des caractérisations optiques d’ensembles de na nocristaux en solution. Les trois techniques utilisées sont la spectrométrie d’absorption, la spectroscopie de photoluminescence (PL) et la mesure du rendement quantique de fluores cence (RQF).
La spectrométrie d’absorption : La spectrométrie d’absorption sonde les niveaux d’énergie excités des objets présents dans la solution. Cette technique permet, tout d’abord, de vérifier la formation de nano cristaux dans le mélange réactionnel puisque ces objets possèdent des niveaux d’énergie discrets , ce qui se traduit par la présence de pics d’absorption sur le spectre. La position des pics d’absorption donne ensuite l’énergie des niveaux excités. La forme et la largeur à mi-hauteur de ces pics nous renseignent essentiellement sur la dispersion en taille des particules. Le premier pic d’absorption qui correspond au premier niveau excité pos sède généralement un caractère excitonique. La position de son maximum donne la valeur moyenne du gap sur l’ensemble des nanocristaux présents dans la solution, ce qui permet de calculer, grâce à une courbe expérimentale liant les deux paramètres, la valeur moyenne de la taille des particules.
Afin de contrôler directement l’évolution de la croissance, des mesures d’absorption in situ sont réalisées. Pour cela, une fibre optique plongeant dans le milieu réactionnel est reliée à un spectromètre (I.D.I.L. AVS-2000). Pendant la croissance, des prélèvements d’échantillons sont effectués à intervalles de temps réguliers, pour des mesures d’absorption à température ambiante. Le spectromètre (Hewlett Packard, modèle 8452A) utilisé pour ces mesures fonctionne sur une gamme de longueurs d’onde allant de 190nm à 820nm.

Table des matières

Introduction 
1 Généralités sur les nanocristaux de CdSe 
1.1 Introduction
1.2 Présentation d’un système colloïdal 
1.2.1 Sédimentation
1.2.2 Agrégation
1.3 Propriétés structurales 
1.3.1 Nanocristaux de CdSe
1.3.2 Interface cœur/coquille
1.4 Structure électronique et propriétés optiques 
1.4.1 semi conducteurs CdSe massif
1.4.2 Nanocristaux
1.5 Structure fine de la transition fondamentale 
1.5.1 Origines
1.5.2 Niveaux excitoniques
1.5.3 Forces d’oscillateur des transitions
1.5.4 Conséquences sur les propriétés optiques
1.6 Effet Auger dans les nanocristaux
1.6.1 Relaxation intra bande
1.6.2 Nanocristaux multi-excités
1.7 Conclusion
2 Synthèse et fonctionnalisation 
2.1 Introduction
2.2 Techniques de caractérisations optiques
2.2.1 Spectrométrie d’absorption
2.2.2 Spectroscopie de photo luminescence
2.2.3 Mesure du rendement quantique
2.3 Synthèse du cœur 
2.3.1 Nucléation et croissance
2.3.2 Réactifs et solvants
2.3.3 Protocole expérimental
2.3.4 Maîtrise de la taille
2.3.5 Amélioration de la dispersion en taille
2.4 Synthèse de la coquille
2.4.1 La double coquille ZnSe/ZnS
2.4.2 Protocole expérimental
2.4.3 Rendements quantiques
2.5 Fonctionnalisation des nanocristaux
2.5.1 Marquage fluorescent
2.5.2 Matériaux hybrides
2.6 Conclusion
3 Rendement quantique de fluorescence 
3.1 Introduction
3.2 Etat de l’art
3.3 Mise au point expérimentale 
3.3.1 Principe de la mesure
3.3.2 Montage expérimental
3.4 Exploitation des mesures 
3.4.1 Calculs théoriques
3.4.2 Choix de la méthode
3.4.3 Contrôle de l’homogénéité de la solution
3.5 Validation du procédé de mesure
3.5.1 Homogénéité des solutions
3.5.2 Mesure « test »
3.6 Résultats expérimentaux
3.6.1 Nanocristaux commerciaux
3.6.2 Nanocristaux fabriqués au laboratoire
3.7 Conclusion
4 Étude du phénomène de clignotement 
4.1 Introduction
4.2 Origines du clignotement 
4.2.1 État neutre et état ionisé
4.2.2 Transition d’un état à l’autre
4.2.3 Nature et localisation des pièges
4.3 Statistique du phénomène de clignotement 
4.3.1 Obtention des données
4.3.2 Distribution cumulative
4.3.3 Propriétés des lois larges
4.4 Fonction d’auto corrélation d’intensité
4.4.1 Classique
4.4.2 Quantique
4.4.3 En régime impulsionnel
4.4.4 Signature de l’unicité
4.5 Mise au point expérimentale 
4.5.1 Élaboration de couches minces
4.5.2 Dispositif expérimental
4.5.3 Excitation d’un nanocristal unique
4.5.4 Efficacité de collection et de détection
4.5.5 Montage pour la corrélation de photons
4.6 Résultats préliminaires 
4.6.1 Clignotement de divers nanocristaux
4.6.2 Dégroupement de photons
4.6.3 Études statistiques
4.7 Conclusions et perspectives 
5 Modification de l’environnement diélectrique 
5.1 Introduction
5.2 Généralités sur les polymères conducteurs 
5.2.1 Structure chimique
5.2.2 Structure électronique
5.2.3 Dopage
5.2.4 Conduction et mobilité
5.2.5 Applications
5.3 Sélection d’un polymère conducteur adapté 
5.3.1 Mise en forme et solubilité
5.3.2 Positions des HOMO et LUMO
5.3.3 Valeur du gap
5.3.4 Conclusion
5.4 Lepoly(thiophène) 
5.4.1 Généralités
5.4.2 Mécanismes de transfert
5.4.3 Élaboration de couches minces
5.4.4 Caractérisations optiques
5.5 Lapoly(aniline) dopée 
5.5.1 Généralités
5.5.2 Percolation de lapoly(aniline)
5.5.3 Élaboration de couches minces
5.5.4 Caractérisations optiques
5.6 Conclusion
6 Modification de l’émission spontanée 
6.1 Introduction
6.2 Généralités sur les modes de galerie
6.2.1 Historique
6.2.2 Approche théorique
6.2.3 Facteur de qualité
6.3 Élaboration de microcavités fonctionnalisées 
6.3.1 Fabrication de micro disques de silice
6.3.2 Fonctionnalisation par des nanocristaux
6.4 Étude de l’émission de nanocristaux en microcavité 
6.4.1 Dispositif expérimental
6.4.2 Modification de l’émission spontanée
6.4.3 Caractérisation des modes de galerie
6.4.4 Avantages du procédé de fonctionnalisation
6.5 Conclusions et perspectives
Conclusions et perspectives

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