Propriétés de structuration
Quatre niveaux sont utilisés pour décrire la structuration des polypeptides. On parle de structures primaire à quaternaire selon l’échelle à laquelle est regardée l’organisation : depuis la séquence de monomères, en passant par la conformation locale ou globale d’un polypeptide, jusqu’à la construction d’édifice complexes comprenant plusieurs chaînes.[2] Ces quatre « niveaux hiérarchiques » sont schématisés Figure 1-2. Les interactions hydrophobes, électrostatiques, de Van der Waals ou encore les liaisons hydrogènes sont les principales forces stabilisatrices mises en jeu dans l’agencement des polypeptides.
La structure primaire fait référence à l’enchaînement des acides aminés au sein d’une chaîne. La convention est de prendre comme premier acide α-aminé de la structure primaire celui qui est situé à l’extrémité N-terminale, et comme dernier celui situé à l’extrémité Cterminale. Cette structure primaire va définir complètement le comportement de la chaîne polypeptidique et influer sur les structurations d’ordre supérieur.
On parle de structure secondaire pour la conformation ou le repliement local de la chaîne principale d’un peptide. Cette conformation peut être désordonnée (pelote) ou organisée. Le squelette possède des fonctions CO et NH qui peuvent créer des liaisons hydrogènes entre elles et ainsi stabiliser certaines conformations énergétiquement favorables.Suivant la nature intra- ou inter chaînes de ces liaisons hydrogènes et la périodicité des arrangements, les conformations peuvent être de type hélice-α ou séquence-β (feuillet-β, coudes-β). Les particularités de ces différentes structures secondaires sont décrites en détails dans la sous-partie suivante, étant donné qu’elles sont au centre de notre étude.
La structure tertiaire est l’arrangement tridimensionnel d’une chaîne. Pour une chaîne consistant en un type d’assemblage unique (ex : hélice-α seulement), les structures secondaires et tertiaires sont identiques. Pour une chaîne unique, la structure tertiaire est le plus haut niveau de structuration qui peut être atteint
La structure quaternaire, enfin, est l’arrangement tridimensionnel de plusieurs chaînes peptidiques en un édifice commun.
La structure secondaire
Dans ce travail de thèse, nous focalisons sur des copolymères contenant des blocs de type homopolypeptides, c’est-à-dire constitués de la répétition d’un seul acide α-aminé. Un intérêt particulier est porté sur les structures secondaires qu’adoptent ces homopolypeptides, notamment les poly(γ-benzyl-L-glutamate) (PBLG), poly(ε-trifluoroacetyl-L-Lysine) (PTFALL) et poly(L-Lysine) (PLL) utilisés dans ce travail. La formation de liaisons hydrogènes constitue la principale force stabilisatrice de la conformation locale des polypeptides, et ce par la formation de structure secondaire de type hélice-α ou séquence-β.
Différentes structures secondaires
Hélice-α
Le squelette peptidique peut créer des liaisons hydrogènes avec lui-même, par l’intermédiaire de ses fonctions amides. L’hélice-α constitue un arrangement intramoléculaire très fréquent des chaînes polypeptidiques.[2][3] Dans le cas le plus courant, le groupement CO d’une fonction amide n engage une liaison hydrogène avec le groupement NH d’une fonction amide n+4. Un tour d’hélice-α compte 3.6 monomères pour une translation selon l’axe z de 0.15 nm par monomère.[2] Elle est appelée hélice-α 18/5, car il faut 18 acides α-aminés et 5 tours complets pour revenir à la même position sur l’hélice, en projection dans le plan (x,y). Une schématisation de cette structure est donnée Figure 1-3. Les chaînes latérales englobent l’hélice et sont contenus dans le plan (x, y).
Séquence-β
Les liaisons hydrogènes peuvent s’établir entre des fonctions amides distantes sur une chaîne donnée ou entre chaînes différentes. Plusieurs structures énergétiquement stables sont observées. La plus courante est la structure en feuillet-β [2][3], dont une schématisation est donnée Figure 1-4. Les feuillets-β peuvent être parallèles (schéma en bas à droite Figure 1-4) ou antiparallèles (schéma en haut à gauche Figure 1-4) selon que les portions de polypeptides sont orientées dans le même sens ou non. Les brins sont espacés entre eux de 0.5 nm en moyenne. La translation moyenne par acide α-aminé vaut y = 0.34 nm pour les feuillets-β antiparallèles et y = 0.32 nm dans le cas des feuillets-β parallèles.[2]
Conformation désordonnée
Selon la nature des chaînes latérales, le solvant ou encore les conditions expérimentales, tout ou partie d’une chaîne peptidique peut avoir une conformation désordonnée. Dans ce cas, on parlera de structure en « pelote », sans périodicité ou agencement définit. Cette conformation en pelote concerne les bouts de chaînes, les segments reliés à d’autres peptides ou polymères classiques et les irrégularités ou défauts d’arrangements lors de la jonction entre deux portions de chaînes engagées dans des structures de type hélice-α ou séquence-β.
Structure secondaire d’homopolypeptide
Le cas simple des homopolypeptides est fort intéressant et riche en comportement. Selon la nature ou l’état de la chaîne latérale de l’acide α-aminé, la plupart des homopolypeptides se structurent, soit en hélice-α, soit en séquence-β. Ils peuvent également présenter plusieurs conformations possibles, selon la nature du solvant, ou des conditions expérimentales (pH, température ou traitement thermique, force ionique…) Quelques exemples de structures d’homopolypeptides sont donnés dans le Tableau 1-1 et discutés dans la suite de cette partie.
La structure secondaire dépend de la chaîne latérale
Dans le cas de figure le plus simple, certains homopolypeptides se structurent préférentiellement sous une seule forme de structure secondaire. C’est le cas, entre autres, des homopolypeptides d’acides α-aminés naturels possédant une chaîne latérale carbonée : les poly(L-Alanine) et poly(L-Leucine) se structurent en hélice-α ; les poly(L-Valine) et poly(LIsoleucine) se structurent en feuillet β. C’est le cas également de certains homopolypeptides d’acides α-aminés non-naturels : les PBLG et PTFALL, par exemple, se structurent préférentiellement en hélice-α.
Modification de structure secondaire par stimulus
Certains homopolypeptides présentent plusieurs conformations possibles, selon la nature du solvant, ou des conditions expérimentales (pH, température ou traitement thermique, force ionique…) C’est le cas en particuliers lorsque la chaîne latérale de l’acide αaminé correspondant contient une fonction chimique qui présente plusieurs états, sensible à un ou plusieurs paramètres extérieurs. L’exemple le plus simple concerne les homopolypeptides présentant un groupement ionisable sur leurs chaînes latérales (acide, amine…). S’ils peuvent se structurer en hélices-α ou s’associer en séquence-β quand les groupements sont neutres (COOH, NH2…), ces structures ne sont plus énergétiquement favorables quand les chaînes latérales sont ionisées. Dans ce cas, le comportement global de l’homopolypeptide est de type polyéléctrolyte, conduisant à une conformation désordonnée (pelote), la chaîne cherchant à minimiser les interactions électrostatiques défavorables en s’étirant. Ces homopolypeptides présentent généralement une transition de structuration secondaire sensible au pH, à la force ionique ou encore à la présence de complexants.
C’est le cas en particuliers du poly(acide-L-glutamique) (PALG). La fonction acide portée par les chaînes latérales le rend sensible au pH et à la force ionique.[17][18] Dans l’eau, il subit une transition réversible hélice-α / pelote, selon l’état de la fonction acide carboxylique des chaînes latérales. Cette transition se situe autour de pH = 4.8 dans l’eau, elle est modulable par la force ionique de la solution.
La poly(L-lysine) (PLL), est sensible au pH et à la température. La PLL se structure en pelote, hélice-α ou feuillet-β comme schématisé Figure 1-5. La PLL présente une transition pelote / hélice-α en fonction du pH, qui correspond au passage d’une forme chargée à neutre des amines primaires portées par les chaînes latérales. Cette transition est située autour de pH = 10.4.[10][19] A pH > 10.4, la PLL présente également une transition hélice-α / feuillet-β en fonction de la température.[10][11][12][13] En réalité, la conformation en hélice-α de la PLL est métastable, la conformation en feuillet-β est préférable énergétiquement. Cette transition est donc irréversible et semble dépendre de la longueur de la PLL.[12] La cinétique dépend, elle, de la température. Il faut 1 minute à 60°C mais 30 minutes à 45°C pour observer cette transition pour une PLL de degré de polymérisation de l’ordre de 80.[11] A température ambiante, la formation de feuillet-β s’observe après une dizaine d’heures. La transition héliceα / feuillet-β passe par un état localement désordonné qui permet aux chaînes de changer de conformation.[20]
Elargir la gamme des stimuli en fonctionnalisant les polypeptides
La gamme des stimuli engendrant des modifications de structures secondaires d’homopolypeptides peut être élargie. Certains homopolypeptides possèdent des groupements chimiques modifiables chimiquement, ce qui permet de les fonctionnaliser dans le but de rendre leur structure secondaire sensible à d’autres stimuli. Des unités photochromiques, telles que des azobenzènes ou des spiropyranes ont été greffés sur des fonctions amine de PLL ou sur des fonctions acides de PAG, modifiant la formation de structure secondaire. Ces polypeptides photochromiques présentent des transitions de structures secondaires avec la lumière, telles que hélice-α / pelote ou inversion du sens d’enroulement de l’hélice-α, en vue d’applications comme photorécepteurs.[21][22][23]
Des groupements phenylboroniques, capables de complexer certains sucres, ont été greffés sur des fonctions amines primaires de chaînes latérales de PLL.[24][25] Les PLL ainsi modifiées subissent des transitions de type pelote / hélice-α avec l’ajout de D-fructose ou encore pelote / coudes-β avec l’ajout de D,L-Glucose.
Copolymères hybrides
Structuration à l’état solide de copolymères hybrides
Les copolymères (à blocs, greffés…) sont capables de s’auto-structurer à l’échelle de la dizaine de nanomètres.[1][26][27] La répulsion entre blocs incompatibles conduit à une microséparation de phase, qui se matérialise par la formation d’interfaces séparant des domaines de monomères incompatibles. Dans le cas le plus simple de copolymère amorphe, le gain enthalpique dû à la minimisation de la surface de ces interfaces est en compétition avec le coût entropique de la localisation et de l’étirement des macromolécules à ces mêmes interfaces. L’équilibre entre ces deux contributions conduit à toute une gamme de morphologies selon l’architecture, la taille des blocs, la nature des copolymères considérés ou le degré d’incompatibilité entre les différents blocs. [1][28] En solution ou en fondu, des morphologies lamellaires, hexagonales, cubiques faces centrées, co-continue, avec des tailles caractéristiques de quelques nanomètres, à quelques centaines de nanomètres, sont décrites.[1 [27] La Figure 1-7 donne un diagramme de phase idéal obtenu pour un copolymère dibloc en fondu