Règles budgétaires et soutenabilité des finances publiques

Règles budgétaires et soutenabilité des finances publiques

Les règles budgétaires : Définition, justification et taxonomie

Définition d’une règle budgétaire

Une règle budgétaire est une contrainte légale (permanente ou ponctuelle) sur la politique budgétaire qui permet d’empêcher un déséquilibre durable entre les dépenses et les recettes de l’Etat. En évitant un déséquilibre structurel des finances publiques, elle permettrait ainsi de limiter le caractère procyclique des politiques publiques et d’empêcher une croissance insoutenable de la dette 6 publique. Ces règles, qui ont en général un caractère numérique, peuvent porter sur différents éléments des finances publiques : les dépenses ou les recettes de l’Etat, l’équilibre budgétaire, ou la dette publique. Il n’existe pas de formule unique pour tous les pays, mais en principe les règles budgétaires, de par la discipline qu’elles sont censées imposer, ont pour but de faciliter l’atteinte des objectifs budgétaires et, partant, les objectifs macroéconomiques. Les règles budgétaires sont parfois accompagnées d’une loi de responsabilité budgétaire, qui en général définit les procédures légales (par rapport au Parlement, notamment) et les exigences de transparence en matière de politique budgétaire, et dans certains cas également des objectifs numériques pour les règles (voir Corbacho et Schwartz (2007) et Fonds monétaire international (2009)). Au cours des années récentes ces lois se sont développées significativement dans les pays en développement comme la Colombie, la Jamaïque, le Pakistan, le Panama, le Pérou, et le Sri Lanka.

Pourquoi une règle budgétaire ?

Comme indiqué tantôt, les règles budgétaires ont pour but d’éviter des déséquilibres structurels persistant des finances publiques, de limiter le caractère procyclique des politiques publiques, et de maintenir les ratios de dette publique à des niveaux soutenables. Plus fondamentalement, elles ont pour but de corriger le biais inhérent en faveur des déficits publics associés aux distorsions d’incitations auxquelles les décideurs font face. De ce point de vue, deux explications principales ont été avancées : la myopie des gouvernements et le problème des ressources collectives (common pool problem) un phénomène qui caractérise le débat général entre règles et discrétion dans le domaine de la politique monétaire. La myopie est due au fait que les gouvernements, soucieux d’être réélus, accordent une attention insuffisance à l’évolution à moyen et long termes des finances publiques ; en conséquence, ils ont tendance à agir de manière opportuniste et à accroitre la dépense publique ou à réduire les impôts à court terme pour augmenter leurs probabilité d’être réélus—sans se soucier autant qu’il le faudrait des conséquences à plus long terme.Le problème des ressources collectives se pose parce que certains groupes d’intérêts spéciaux ou certains groupes constitutifs n’internalisent pas l’impact budgétaire global de leurs demandes concurrentes (voir Drazen (2004), Schuknecht (2004), et Debrun et Kumar (2007)). De ce point de vue, dans la mesure où elles permettent d’atténuer le biais vers des déficits soutenus et une accumulation excessive de la dette publique, l’utilité de règles légales—au-delà donc d’une simple annonce d’objectif—est qu’elles permettent de renforcer la réputation des décideurs en matière de discipline budgétaire. En pratique, cependant, ce gain de crédibilité n’est pas assuré, comme l’a montré l’expérience des années récentes.Une première explication potentielle de ce problème, comme l’a soutenu Wyplosz (2012), est que les règles budgétaires font face à un problème d’incohérence temporelle (time inconsistency) intrinsèque qui limite leur efficacité, car les décideurs (les politiciens) ont de fortes incitations à les ignorer lorsque ces règles entravent l’atteinte de leurs objectifs. Une seconde explication, comme l’ont montré Beetsma et Debrun (2004), est liée au conflit potentiel entre stabilité budgétaire et croissance, lorsque les considérations électorales influent sur les choix des décideurs. Leur argument est qu’un certain nombre de réformes structurelles souhaitables du point de vue de la croissance (comme par exemple une hausse des dépenses d’investissement public en infrastructure, ou une réforme du marché du travail) peut nécessiter une hausse temporaire des dépenses de l’Etat, ce qui peut entrer en conflit avec les exigences imposées par une règle budgétaire stricte. Si les perspectives de réélection du gouvernement sont incertaines, les gains futurs associés à ces réformes seront escomptées à un taux plus élevé que celui du public et le gouvernement aura tendance à dépenser de manière excessive en transferts et en provision de biens publics, au lieu d’investir plus—ce qui augmenterait dans le temps l’assiette imposable. En fait, une relaxation temporaire de la contrainte sur les dépenses ou le déficit, conditionnel à un effort de réforme—ou, partant, l’exclusion de certaines composantes des dépenses d’investissement en infrastructure, de la définition de la règle— pourrait permettre d’atténuer le conflit entre stabilité budgétaire et croissance économique. Par implication, les règles budgétaires trop strictes pourraient être caractérisées par un « biais anti réforme, » ou par un « biais anti investissement, » ce qui se traduirait par des effets ambigus en termes de croissance (et de bien-être).

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