Rencontrer les salariés : l’approche de la « boule de neige »

Rencontrer les salariés : l’approche de la « boule de neige »

La nécessaire interaction avec les enquêtés pousse le chercheur à repenser ses méthodes d’accès au terrain afin de multiplier les possibilités de rencontre. Je dois concéder ici que ma façon d’accéder au terrain, ainsi que mes formes d’approche ne sont pas toujours très orthodoxes. Ainsi, dans l’objectif de multiplier mes rencontres, j’ai recours à la technique de la « boule de neige », qui consiste à demander aux personnes rencontrées de m’indiquer ou de me mettre en contact avec d’autres personnes présentant des caractéristiques similaires (Combessie, 2007). Je cherche donc à contacter les gens sur leur lieu de travail, car je sais qu’au Sénégal il est possible de se présenter dans des administrations publiques et privées et de solliciter un rendez-vous (dans le pire des cas) et de réaliser des entretiens avec des personnes dont je sais que de toute façon, elles reviendront travailler le lendemain. J’ignore qui je vais interroger quand je pars. Je cherche à questionner les salariés simplement parce qu’ils travaillent là. Je demande alors, soit à la direction (si cela m’est imposé), soit aux gens eux-mêmes, selon leur disponibilité, s’il est possible de m’entretenir avec eux. À chaque fois que je rencontre un enquêté, je termine toujours l’entretien en lui demandant s’il connaît d’autres personnes salariées, dans cette administration ou dans une autre, susceptibles de me fournir des informations sur leurs vacances et leurs congés à l’intérieur du Sénégal. Postures de recherche et pratiques de terrain stratégies utilisées pour accéder et se maintenir au terrain 64 Souvent, la réponse est la même : « Attendez monsieur, je vais voir avec la (ou les) personnes du (ou des) bureaux (x) d’à côté ». En multipliant ainsi mes contacts, je développe mon panel et collecte davantage de données. Ainsi, une personne peut m’en faire rencontrer une ou deux supplémentaires, qui, elles-mêmes, me font rencontrer d’autres salariés. Lors de la confrontation avec le terrain, je m’adresse à des salariés rencontrés au hasard (hasard contrôlé) en espérant qu’un jour ou l’autre certains accepteront. Même si cette démarche peut sembler surprenante dans la mesure où j’utilise des subterfuges pour faciliter mon accès au terrain, elle favorise davantage des interrogations notamment sur la collaboration avec les enquêtés, les praticiens avec qui je construis des relations réciproques (Desgagné, 1997) qui sont à l’origine d’enjeux stratégiques, politiques et institutionnels. Le chercheur se trouve alors confronté au jeu des interactions qui peuvent impacter sa propre démarche et la manière dont il gère son intervention et ses relations avec les enquêtés et les institutions qu’il observe. De la même manière, mes immersions dans les administrations sénégalaises me permettent aussi de rencontrer des salariés indépendants qui travaillent dans le privé et sont à leur compte venus démarcher de nouveaux contrats avec les administrations. Je profite de l’occasion pour leur demander, avec l’aide des salariés rencontrés sur place, la possibilité de mener un entretien avec eux. Cela contribue à élargir mon réseau et me permet d’obtenir des interviews supplémentaires.

Quand la recherche qualitative favorise « un malentendu productif » : l’émergence d’une double posture chercheur/expert

En sciences sociales, la recherche qualitative semble sujette à des interactions, des collaborations réciproques et mutuelles entre chercheurs et praticiens institutionnels. De cette coopération, des enjeux politiques, peuvent résulter des échanges de savoir et de savoir-faire, mais aussi une quête de reconnaissance au niveau institutionnel notamment dans les deux camps. Mes investigations au sein des administrations sur la pratique du tourisme des sénégalais dans leur contrée n’échappent pas à ces préoccupations. Il apparait clairement que chacune des rencontres spontanées avec des salariés ou avec des praticiens dans les institutions, au sein de plusieurs services, donne une nouvelle dimension à 65 ma trajectoire de recherche, à la façon de construire ce récit et de concevoir mon itinéraire empirique. L’expérience de terrain me conduit également à la rencontre des fonctionnaires de l’Ecole Nationale de Formation Hôtelière et Touristique (ENFHT) du Sénégal. Ma rencontre avec le directeur de cette école occasionne un « malentendu productif » (Painot, 2017) à propos de la posture d’expert qui m’est conférée, qui a favorise l’émergence d’une double posture de chercheur/expert au sein de l’ENTFH. J’entends ici par « malentendu productif » un « décalage involontaire » qui finalement s’avère productif dans la mesure où il me permet de réévaluer et de découvrir ce qui est important. En effet, je suis reçu par ce praticien en tant que chercheur menant une enquête sur le tourisme, mais aussi en tant qu’expert apportant à l’institution son regard sur cette activité. Il prend dès lors conscience de l’importance de la recherche et comprend l’impact que peut avoir un tel travail au niveau institutionnel. Ainsi, j’apparais comme un « autrui significatif » (Mead, 1934) c’est-à-dire il s’appuie sur moi (le chercheur) pour prendre des décisions ou entreprendre des actions. Parallèlement, j’incarne ce double rôle de chercheur expert et prends ainsi une place au sein de cette institution, instaurant de ce fait une collaboration réciproque Ce directeur se révèle donc être une interface efficace entre les enquêtés et moi. Il contribue à valoriser mon image au sein de la structure écolière. Je me sens accepté et apprécié par les salariés qui travaillent dans l’établissement. On pourrait dire qu’il est une sorte d’ « informateur privilégié » ( Sardan, 1995) dans la mesure où il est tout à la fois un « passeur » et un « médiateur » qui ouvre la voie vers d’autres salariés dans l’établissement ou vers d’autres acteurs clés du tourisme. Cette relation reposant sur une certaine confiance va favoriser le transfert de celle-ci sur les enquêtés. Par son entremise, je m’immisce partout avec lui, au self, dans les bureaux, les salles, etc. Je ne me contente pas de déambuler dans les couloirs et les bureaux, j’ai un accès à la salle des professeurs, je me familiarise avec les salariés, je relate des discours sur l’actualité, je dialogue avec tous sur des sujets divers. Ainsi s’instaure une situation de confiance globale (Hämmer, 2010). Au fond, ce « malentendu productif » va favoriser l’instauration sur le terrain d’une confiance entre acteurs de différents statuts. Les salariés se confient à moi, ils me consultent pour des conseils notamment en ce qui concerne leurs doléances à l’encontre de la direction.  

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