ROLE DES TEP DANS LA SURCONSOMMATION DE CARBONE INORGANIQUE DISSOUS PAR LE PHYTOPLANCTON

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Filtration et coloration

Cette étape est commune aux deux méthodes.
Le protocole est schématisé dans la partie supérieure de la Figure I-5. Une série d’échantillons d’eau de mer de volumes croissants (3, 5, 10 et 20 ml) est filtrée à travers un filtre polycarbonate de porosité de 0,2 µm. Afin d’assurer l’adhésion de ce filtre, un sous-filtre de nitrocellulose de 0,45 µm de porosité est utilisé. La pression de filtration est maintenue basse et constante (< 100 mbar). Une fois la filtration terminée, 500 µl d’une solution aqueuse de 0,06% d’acide acétique (pH = 2,5) et 0,02% de bleu Alcian 8GX™ (Hopkin & William, Chadwell Health, England) sont versés dans la colonne de filtration.
Le bleu Alcian est un colorant spécifique des polysaccharides chargés négativement (Parker & Diboll 1966) dont la sélectivité est contrôlée en faisant varier le pH ou la salinité de la solution (Horobin 1988). Seuls les polysaccharides carboxylés et sulfatés sont marqués ; les sucres neutres ne le sont pas. Ainsi, les TEP retenues sur le filtre, constituées majoritairement de sucres, sont colorées en bleu. Le bleu Alcian peut précipiter en présence de sels, c’est pourquoi la colonne de filtration et la base sont rincées à l’eau distillée entre chaque filtration consécutive. Pour chaque volume filtré, une série de trois réplicats est effectuée. Au total 65 échantillons ont été analysés.

Préparation des lames

Méthode du Filter-Transfer-Freeze (FTF)

Après coloration, les TEP sont transférées sur des lames en verre, transparentes (Figure I-5 gauche). Le filtre humide sur lequel se trouvent les TEP est retourné sur la lame à l’aide d’une pince millipore. La face opposée de la lame est immédiatement gelée au moyen d’un givrant au fréon (-60°C-1371-KF™). Le filtre ainsi gelé est pelé. Celui-ci doit offrir une certaine résistance. Cent micro-litres d’une préparation de gélatine (1%) et de glycérol (20%) préalablement chauffée à 30-35°C, sont déposés sur les particules encore gelées. La lame doit rester en position horizontale durant 20 à 25 minutes afin que la gélatine se solidifie. Lorsque la lame se réchauffe, la gélatine se répartit uniformément. On dépose enfin 100 µl de glycérol (fixateur) dilué à 20% dans de l’eau de mer filtrée, le tout étant recouvert d’une lamelle. Selon Hewes & Holme-Hansen (1983), cette technique offre un taux de transfert du matériel particulaire de 92 % et la morphologie reste préservée. Cependant, ces auteurs étudiaient le nanoplancton, constituant un matériel moins fragile que les TEP. Nous avons donc estimé, à trois reprises, le nombre de particules présentes sur le filtre après le transfert.

Méthode dite « des lames blanches dépolies» (LBD)

Après coloration, le filtre (de couleur blanche) est déposé entre deux gouttes d’huile à immersion (Zeiss 518 N) sur une lame blanche dépolie (Cyto-clear slide™ ; Poretics, Corp.). Une lamelle est posée sur la préparation en vue de l’observation au microscope (Figure I-5 droite). L’utilisation de lames blanches dépolies a été développée afin d’éliminer les problèmes d’interférence lumineuse avec les pores des filtres polycarbonates (Logan et al. 1994). Cependant, comme les particules sont observées sous champ clair et lumineux, certaines possèdent un contraste faible après coloration. C’est pourquoi nous avons remplacé les filtres noirs utilisés par Logan et al. (1994) par des filtres blancs. Ainsi, les TEP colorées au bleu Alcian possèdent un contraste satisfaisant pour être visualisées.

Témoins

Avant chaque série d’expériences, des témoins ont été préparés à partir d’échantillons de 5 et 10 ml d’eau de mer filtrée deux fois sur 0,22 µm afin de ne conserver que la matière organique dissoute et de retirer l’ensemble du matériel particulaire. Les résultats ont montré la présence de petites TEP inférieures à 2 µm colorées en bleue. Ces particules sont en effet capables de se déformer pour traverser les pores du filtre ou de se désagréger très rapidement (Passow & Alldredge 1995b). Cependant, leur concentration étant négligeable et ce pour les deux méthodes, les témoins ont été ignorés. D’autre part, le bleu Alcian a été testé régulièrement en utilisant de l’eau de mer artificielle créée à partir d’une préparation de sels de mer en poudre (« sea salts » SIGMA™), diluée à 38,2‰ dans de l’eau distillée. Cette manipulation a permis de vérifier la création éventuelle d’artefacts susceptibles de se former en présence de ce colorant.

Observation des TEP, énumération et mesure de la taille

Cette étape est commune aux deux méthodes, elle est schématisée à la Figure I-6.
Les TEP sont visualisées à l’aide d’un microscope Axiophiot-Zeiss™ connecté à un micro-ordinateur par l’intermédiaire d’une caméra CCD vidéo couleur (COHU 2252-1040, résolution de 752×582 pixels, sensibilité minimale : 0,08 lux). Un logiciel de traitement d’images (Image Pro+ version 4™) permet de visualiser les particules et de les compter de façon semi-automatique. Un filtre « High Gauss » est appliqué sur chaque image afin d’affiner leur qualité. Ce type de filtre permet de réduire le bruit sans perte de la définition, il accentue les formes en augmentant l’ intensité des contrastes entre les transitions de couleurs. Un minimum de 200 TEP est étudié à trois grossissements successifs : x100, x200 et x400 (soit 600 TEP par lame en moyenne). En effet Mari & Burd (1998) ont montré que l’étude de ces particules nécessitait une observation à différents grossissements afin de couvrir la totalité du spectre de taille et de minimiser la variabilité entre les mesures. L’étude des lames à un grossissement unique (x200) ne permet pas de visualiser les plus petites particules qui sont les plus nombreuses et entraîne une mauvaise estimation des plus grandes qui s’avèrent être plus rares.
Chaque champ d’étude est choisi de façon aléatoire dans la zone où les particules sont réparties de façon homogène, en parcourant des transects parallèles. Connaissant la surface S en µm2 de chaque particule, on en déduit leur diamètre de sphère équivalente (Dse) selon l’équation : Dse = 2 x √(S / π ) (1)
Les particules sont ensuite classées selon leur diamètre en 14 classes de taille logarithmique de 0,9 µm à 113 µm. L’abondance totale (nb ml-1) est calculée en fonction du nombre de champs observés pour une lame, du grossissement utilisé et du volume filtré.
La concentration volumique est calculée pour chaque classe de taille. Elle est exprimée en partie par million de volume d’eau (ppm). Sachant qu’une sphère de rayon R a comme volume : V=(4/3)πR3 (2) et connaissant le diamètre sphérique équivalent (Dse) des particules dans chaque classe de taille, alors Vi , le volume (µm3) d’une particule dans la classe de taille i est : Vi = (π x Dse 3 ) / 6
Connaissant, le nombre de TEP par ml (ni) dans la classe concentration volumique (Cv) en ppm dans chaque classe de taille est : Cv = Vi x ni x 10-6 de taille i, alors la

Distribution de taille des TEP

La distribution de taille des TEP obéit à une relation de puissance classique, couramment utilisée pour caractériser la distribution des particules dans les océans (Sheldon et al. 1972). Elle est décrite par l’équation (5) établie par Mc Cave (1984). dN/d(dp) = kdp∂ (5) où dN est le nombre de particules par unité de volume ayant un diamètre compris entre dp et [dp+d(dp)]. dp est le diamètre de sphère équivalente. La constante k dépend de la concentration des particules et ∂ décrit la distribution de taille : plus la pente ∂ (en valeur absolue) est grande, plus la fraction des petites particules comparativement aux grandes, est élevée. k et ∂ sont déterminés à partir des droites de régression de log[dN/d(dp)] versus log(dp) (Figure I-7).
Afin de mieux appréhender l’importance relative des différentes classes de particules selon la méthode utilisée (FTF et LBD), et compte tenu du grand nombre de classes de taille, nous avons établi 4 sous-groupes. La mise en place de ces 4 sous-groupes a été réalisée au moyen d’une classification hiérarchique à lien simple, basée sur la matrice des distances euclidiennes. Les descripteurs sont les classes de taille établies auparavant. Les objets représentant les 65 échantillons étudiés ont été standardisés en divisant les valeurs de concentration par la largeur de la classe de taille, et ont fait l’objet d’une transformation logarithmique (Legendre & Legendre 1984). Les analyses ont été effectuées au moyen du logiciel Spad version 3.5

Analyses statistiques

Les valeurs d’abondance (nb ml-1) et de concentration volumique (ppm) trouvées dans les échantillons sont soumises à l’action concomitante de plusieurs facteurs. Il s’agit de la méthode utilisée (facteur A) et du volume filtré (facteur B). Afin de mettre en évidence l’action isolée de chacun de ces facteurs et l’effet interactif de ces derniers, nous avons procédé en une analyse de variance (ANOVA) à mesures répétées. Les échantillons sont considérés comme appariés car chaque prélèvement d’eau (issus d’une même population) à fait l’objet de deux analyses (FTF et LBD), constituants les deux éléments de chaque paire. L’influence du facteur « site d’ étude » ne pourra être analysée car nous disposons d’un seul prélèvement d’eau par site. Le logiciel SYSTAT 5.2™ a été utilisé pour ce traitement. Dans un premier temps, les données correspondant à un volume filtré de 3 ml ont été omises de cette analyse car elles présentaient des valeurs manquantes.
La variable dépendante (Y) sera la concentration volumique ou l’abondance des TEP. Afin de normaliser les données nous avons procédé à une transformation logarithmique des variables selon Taylor (1961) : Y* = Y (1-b/2) (6) où Y* est la variable transformée et b est la pente de la droite de Taylor (liaison moyenne-variance ; b = 1,72 pour les valeurs d’abondance et b = 1,84 pour les valeurs de concentration volumique).
Un test de Lilliefors (1967) sur les résidus de l’ANOVA après transformation confirme la normalité de la distribution (p > 0,05). L’hypothèse d’égalité des variances (homoscédasticité) est vérifiée par le test de Levene (p > 0,05). Les conditions d’application de l’analyse de variance sont donc respectées.

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
Chapitre I COMPARAISON DE DEUX METHODES DE MISE EN EVIDENCE DES PARTICULES EXOPOLYMERIQUES TRANSPARENTES (TEP)
A. INTRODUCTION
B. MATERIELS & METHODES
1. Échantillonnage
a) Sites de prélèvement
b) Méthode de prélèvement
2. Filtration et coloration
3. Préparation des lames
a) Méthode du Filter-Transfer-Freeze (FTF)
b) Méthode dite « des lames blanches dépolies» (LBD)
4. Témoins
5. Observation des TEP, énumération et mesure de la taille
6. Distribution de taille des TEP
7. Analyses statistiques
C. RESULTATS
1. Abondance
a) En fonction du volume filtré
b) En fonction de la méthode utilisée
2. Concentration volumique
a) En fonction du volume filtré
b) En fonction de la méthode utilisée
3. Distributions de taille
4. Observation des lames et morphologie des TEP
D. DISCUSSION
1. La coloration au bleu Alcian
2. Observation et comptage
3. Comparaison des deux méthodes utilisées lors de cette étude
4. Autres approches méthodologiques
5. Conclusion
Chapitre II DISTRIBUTION SAISONNIERE DES TEP EN MEDITERRANEE NORD-OCCIDENTALE RELATIONS AVEC LES CONDITIONS TROPHIQUES ET HYDROLOGIQUES
A. INTRODUCTION
B. MATERIELS & METHODES
1. Sites d’étude
2. Echantillonnages
3. Mise en évidence des TEP
4. Distribution de taille des TEP
C. RESULTATS
1. Caractéristiques hydrologiques de la colonne d’eau
a) Site DYFAMED
b) Point B
2. Distribution saisonnière des TEP
3. Distribution de taille des TEP
D. DISCUSSION
1. Comparaisons avec d’autres sites
2. Comparaisons entre le site côtier et le site océanique
3. Processus gouvernant la dynamique des TEP à DYFAMED
a) Origines du pool de TEP
b) Pourquoi y a-t-il accumulation de TEP durant la période estivale et quelles en sont les conséquences ?
c) Quel est le devenir du pool de TEP ?
4. Conclusion
Chapitre III ROLE DES TEP DANS LA SURCONSOMMATION DE CARBONE INORGANIQUE DISSOUS PAR LE PHYTOPLANCTON. IMPACT SUR LE FLUX DE CARBONE
A. INTRODUCTION
B. MATERIELS & METHODES
1. Estimation du rapport C/N des TEP
a) Principe
b) Protocole expérimental
c) Echantillonnage et filtration
d) Mesure du rapport C/N des TEP
2. Estimation des différents pools de carbone organique : TEP, COD, et COP
C. RESULTATS
1. Rapport C/N des TEP
2. Contribution des TEP au pool de carbone organique
D. DISCUSSION
1. Formation des TEP par la méthode de bullage
2. Contribution des TEP au stock de carbone organique
3. Rôle des TEP dans la surconsommation de carbone par le phytoplancton
4. Conclusion
Chapitre IV EFFET DES CONDITIONS TROPHIQUES ET DE LA TURBULENCE SUR LA DYNAMIQUE DES PARTICULES EXOPOLYMERIQUES TRANSPARENTES. ETUDE EN MESOCOSMES
A. INTRODUCTION
B. MATERIELS & METHODES
1. Protocole expérimental
2. Mise en évidence et comptages des TEP
3. Mesures du carbone et de l’azote organiques particulaires
4. Production de TEP
5. Bactéries agrégées aux TEP
a) Préparation des échantillons
b) Observation et énumération des bactéries liées aux TEP
c) Bactéries agrégées en fonction de la taille des TEP
6. Autres paramètres
C. RESULTATS
1. Nutriments et biomasse phytoplanctonique
a) Conditions initiales
b) Mésocosmes non enrichis en sels nutritifs (T0 à T4)
c) Mésocosmes enrichis (NT0 à NT4)
2. Dynamique des TEP
3. Dynamiques du carbone et de l’azote
4. Effet de la turbulence sur la dynamique des TEP
a) Effet de la turbulence sur la production et la sédimentation des TEP
b) Effet de la turbulence sur la distribution de taille des TEP
5. Impact de la turbulence sur les relations TEP/bactéries
D. DISCUSSION
1. Source des TEP
2. Facteurs influençant la formation des TEP
a) Influence des conditions trophiques
b) Influence de la turbulence
3. Dynamiques du carbone et de l’azote
4. Effet de la turbulence sur l’agrégation et la sédimentation des TEP
5. Colonisation bactérienne des TEP
a) Colonisation en fonction de la taille des TEP
b) Rôle des TEP en tant que micro-niche
c) Effet des conditions trophiques et de la turbulence sur la colonisation bactérienne
6. Conclusion
Chapitre V COMPOSITION ELEMENTAIRE DES PARTICULES EXOPOLYMERIQUESTRANSPARENTES EN FONCTION DES CONDITIONS TROPHIQUES
A. INTRODUCTION
B. MATERIELS & METHODES
1. Prélèvement et préparation des échantillons
2. Composition élémentaire des particules organiques non vivantes
a) Principe du MET-rayons X
b) Analyse de la matière organique particulaire non vivante
3. Rapports C/N, C/P et N/P
4. Estimation de la concentration en éléments liés aux TEP
a) Dans l’eau de mer naturelle (jour 0)
b) Le cas particulier du carbone
C. RESULTATS
1. Composition élémentaire des particules organiques
2. Rapports C/N, C/P et N/P des particules organiques
3. Contribution des TEP au cycle biogéochimique des éléments
a) Dans l’eau de mer naturelle
b) Cas particulier du carbone
D. DISCUSSION
1. La microscopie électronique à transmission couplée à une micro-analyse aux rayons X : une nouvelle approche pour l’étude des Particules Exopolymériques Transparentes
2. Contribution des TEP aux cycles du carbone, de l’azote et du phosphore
a) Rôle des TEP dans la surconsommation de CID
b) Régulation du rapport C/N des TEP
c) Origines de l’azote et du phosphore des TEP
3. Contribution des TEP dans le cycle des métaux-traces
4. Conclusion
CONCLUSION & PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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