Sécurisation du circuit du médicament

Sécurisation du circuit du médicament

 Les fondements de la Qualité au sein d’un établissement de santé

Dans le domaine de la Santé, une erreur ou un évènement indésirable n’est pas une chose humainement acceptable. D’autre part, la non­qualité a un coût : une étude monocentrique de 2001 a estimé à 4150 € le coût moyen d’un événement indésirable médicamenteux en France (27). La Qualité apparaît donc comme une évidence, un but à atteindre. Le terme de « but à atteindre » n’est d’ailleurs pas le plus approprié. En effet, il ne s’agit pas d’un objectif unique et immuable. Il s’agit plutôt d’un état perpétuellement recherché tout au long du processus qui mènera au seul « but » en Santé : la satisfaction du patient à travers une prise en charge optimisée. Dans le monde du soin, l’objectif est l’amélioration de la qualité de vie des patients. La Qualité est le moyen d’y parvenir. 30 1. Historique, contexte actuel et réglementation La notion de Qualité apparaît au cours de la 2nde Guerre mondiale dans les usines d’armement américaines. Un statisticien, W. Edwards Deming donne alors les premiers cours de management destiné à améliorer la qualité et la productivité dans l’industrie. Cette démarche se répand par la suite dans tous les domaines d’activité : l’économie, l’environnement, les services et bien entendu, dans le domaine médical. C’est en 1987 que l’OMS définit la « qualité des soins » comme une « démarche qui doit permettre de garantir à chaque patient, la combinaison d’actes diagnostiques et thérapeutiques qui lui assurera le meilleur résultat en termes de santé, conformément à l’état actuel de la science médicale, au meilleur coût pour un même résultat, au moindre risque iatrogène et pour sa plus grande satisfaction en termes de procédures, de résultats et de contacts humains à l’intérieur du système de soins. » (15) En France, l’Agence Nationale pour le Développement de l’Evaluation Médicale (ANDEM) est créée en septembre 1989 par décision ministérielle. Il s’agit d’un organisme scientifique et technique indépendant chargé de l’évaluation de la qualité dans le système de soins. (28) Deux ans plus tard, la loi n°91-748 du 31 juillet 1991 rend obligatoire l’exigence de la Qualité. La notion d’évaluation périodique pour les établissements de soins est introduite. 31 L’ANAES (Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation de la Santé) remplace l’ANDEM en 1996 (ordonnance du 24 avril 1996). Avec elle, la procédure d’accréditation (29) est entérinée. Procédure au cours de laquelle l’ANAES est assistée par les ARS. (28) « La procédure d’accréditation est engagée à l’initiative de l’établissement de santé, notamment dans le cadre du contrat qui le lie à l’agence régionale de l’hospitalisation ». En décembre 1998 et 1999, l’Etat s’attarde sur l’évaluation des pratiques professionnelles comme outil de la Qualité. En 2004, l’ANAES est dissoute au profit de la HAS (Haute Autorité de Santé) créée par la loi 2004-810 du 13/08/04. A cette occasion, un changement sémantique est opéré : « accréditation » est remplacée par « certification ». Définis de manière similaire dans les textes législatifs, la différence entre ces deux termes réside dans le fait que, l’accréditation véhicule un caractère volontaire quand la certification, elle, est obligatoire. Cependant, dans les faits, la démarche d’accréditation portait déjà implicitement une valeur obligatoire car : « En cas de carence, il est prévu que le directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation se substitue au directeur de l’établissement de santé pour faire la demande. » (29). La loi HPST (Hôpital­Patients­Santé­Territoires) du 21 juillet 2009 prévoit une modification de l’organisation interne des hôpitaux ainsi qu’un remodelage de la coopération entre les établissements d’un même territoire dans une optique d’amélioration continue de la qualité 32 et de la sécurité des soins. Elle renforce notamment le rôle des CME (Commission Médicale d’Etablissement) qui doivent élaborer, en concertation avec la direction, un programme de suivi des indicateurs « qualité » et de la gestion des risques. Le programme devra tenir compte des recommandations du rapport de certification de la HAS mais également les objectifs et les engagements fixés dans le CPOM (Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens). Dans le domaine de la formation, la loi HPST a rendu obligatoire le DPC. En 2010, est promulgué l’article de loi L.6113­3 (CSP). La HAS est désormais en charge de la certification des établissements de santé. Celle­ci est accordée pour 4 ans. Un manuel est mis à disposition des hôpitaux afin qu’ils rentrent dans la démarche de certification, elle aussi, revue. On parle de la certification « v2010 ». L’année suivante, c’est au tour de la prise en charge médicamenteuse de faire l’objet d’un texte de loi à la suite d’accidents graves médiatisés. L’arrêté du 6 avril 2011 autrement appelé « arrêté RETEX » définit le « système de management de la Qualité » et le transpose à la prise en charge médicamenteuse du patient. Là encore, l’accent est mis sur la création d’un programme d’actions assorties d’indicateurs de suivi. Un calendrier des objectifs doit être proposé et validé en CME, sous tutelle de la direction de l’établissement. La gestion des risques est également exigée et doit couvrir l’intégralité du circuit du médicament. La question de la formation du personnel est abordée. L’article 7 dit : « La direction de l’établissement définit un plan de formation pluriannuel afin d’assurer la qualité et la sécurité de la prise en charge médicamenteuse du patient. 33 Une formation s’impose pour tous les nouveaux arrivants ou lors de la mise en place d’une nouvelle procédure ou d’un nouveau mode opératoire. La formation spécifique à la mise en œuvre des procédures et modes opératoires est intégrée au développement professionnel continu. » Notons bien que des formations informelles ont toujours eu lieu dans un domaine aussi sensible que celui de la Santé. La transmission entre professionnels est d’ailleurs la clé de voûte de notre système de santé. Néanmoins, le fait qu’elle devienne une obligation réglementaire impose sa formalisation. La circulaire DGOS/PF2 n°2012-72 du 14 février 2012 viendra aider à la mise en œuvre de l’arrêté RETEX, qui reste, encore aujourd’hui, un texte­clé dans l’exercice de la pharmacie hospitalière. L’année 2014 voit la réactualisation du manuel de certification (30,31) désormais place à la « V2014 ». Sont définis, entre autres, 19 Pratiques Exigibles Prioritaires (PEP) dont :  le processus de prise en charge médicamenteuse (critère 20.a) ;  la politique et l’organisation de l’évaluation des pratiques professionnelles (1.f) ;  la mise en œuvre des démarches d’évaluation des pratiques professionnelles (28.a)  l’organisation des autres secteurs d’activité à risque majeur (26.b) dont la médecine nucléaire et 11 indicateurs de suivi (IPAQSS, ICATB2…). 34 La v2014 introduit la mise en place d’un compte Qualité pour chaque établissement et se veut promotrice de nouvelles méthodes de visite. Une approche davantage tournée vers « l’équipe » est encouragée. En effet, la majorité des événements indésirables recensés sont imputables à un défaut de communication au sein des équipes (8,32). Nous venons de voir qu’en à peine 80 ans, la Qualité s’est développée de manière exponentielle. A tel point qu’aujourd’hui, elle tient une place prédominante dans l’exercice de la Santé où chaque professionnel est concerné. Avant de détailler les principes et outils du système Qualité, il parait important de rappeler que les enjeux de la Qualité sont : o La satisfaction des usagers (externes et internes) o L’optimisation des ressources humaines o Le respect des règles éthiques et déontologiques o Le respect du référentiel réglementaire o L’amélioration des organisations, des pratiques et de la sécurité des soins o L’image de l’établissement o La maîtrise accrue des coûts de non­qualité

 Le Contrat de Bon Usage (CBU) 

Objectifs généraux Depuis 2005, les établissements soumis à une tarification à l’activité doivent souscrire à un certain nombre d’engagements dans le but d’améliorer la qualité de la prise en charge thérapeutique des patients (décret n°2005­1023 du 24 août 2005 modifié par le décret n°2008­1121 du 31 octobre 2008). Ces engagements sont présentés sous la forme d’un contrat appelé Contrat de Bon Usage (CBU). Il est passé entre l’établissement, l’ARS et la Sécurité Sociale, pour une durée de trois à cinq ans (33,34). Un programme d’objectifs pluriannuels (35) est établi et porte a minima sur : ­ L’informatisation du circuit du médicament et celui des produits et prestations remboursables (PPR) ­ Le développement de la prescription et de la dispensation à délivrance nominative ­ La tenue du dossier patient ­ La tenue du dossier d’anesthésie ­ Le suivi des prescriptions post­infarctus du myocarde et des prescriptions d’antibiotiques ­ L’analyse pharmaceutique ­ L’existence de réunions de concertation pluridisciplinaires (en cancérologie++) ­ Le suivi qualitatif des indications des prescriptions des médicaments et des DM hors GHS 36 ­ La mise en œuvre de la classification CLADIMED pour les dispositifs médicaux ­ Le suivi des résultats de la certification ­ La centralisation de la préparation des traitements anticancéreux sous la responsabilité d’un pharmacien ­ L’habilitation du personnel En contrepartie du respect de ce programme d’actions d’amélioration, les établissements bénéficient du remboursement intégral de la part prise en charge par la Sécurité Sociale sur les produits (y compris les hors GHS) et les prestations mentionnés à l’article L.162­22­7 du Code de la Sécurité Sociale. En Normandie comme ailleurs, c’est l’Observatoire des Médicaments, des Dispositifs médicaux et des Innovations Thérapeutiques (OMEDIT) qui aide à la contractualisation de ce contrat auprès de l’ARS (36) à travers la mise à disposition d’outils et la rédaction du rapport d’étape annuel (REA). Le REA sert de base à l’évaluation du CBU. Son contenu est fixé par l’arrêté du 18 novembre 2013 et explicité dans l’instruction DGOS/PF2/DSS/2014/243 du 31 juillet 2014. 37 b) Objectifs en radiopharmacie Le CBU marque nettement une volonté d’amélioration de la traçabilité tout au long du parcours de soin ainsi que d’une augmentation de la sécurité des patients et du personnel. Selon la HAS, l’activité radiopharmaceutique est une activité à risque. Elle requiert la manipulation de médicaments radioactifs dans le but d’aboutir à la mise au point de préparations stériles injectables. Elle se trouve donc pleinement concernée par le plan d’action du Contrat de Bon Usage. Il se traduit par : ‐ La sécurisation du circuit des MRP ‐ Une traçabilité optimale de la réception à l’élimination en passant par l’administration au patient, grâce notamment à l’informatisation ‐ Le suivi qualitatif des indications des prescriptions des médicaments hors GHS ‐ La rationalisation des dépenses pour les DMIA et molécules hors GHS (Therasphère®, Alpharadin®, Lutathera®) ‐ L’identitovigilance ‐ La mise à jour des procédures ‐ Les contrôles qualité journaliers ‐ Le respect des règles d’asepsie et de radioprotection ‐ La formation et la professionnalisation des collaborateurs ‐ La mise en place d’une démarche d’EPP et de gestions des évènements indésirables 38 L’équipe radiopharmaceutique doit ainsi intégrer l’ensemble de ses activités dans un processus d’amélioration continue de la Qualité.

Table des matières

Introduction
I. Sécurisation du circuit des MRP
A. Circuit du médicament : définition
B. Base réglementaire
1. Médicament : règlementation
2. Cas particulier du médicament radiopharmaceutique
3. Pharmacotechnie : règlementation
4. Cas particulier de la préparation de médicaments stériles et à risques
C. Les fondements de la Qualité au sein d’un établissement de santé
1. Historique, contexte actuel et réglementation
2. Le Contrat de Bon Usage (CBU)
3. Principes généraux de la Qualité
4. Analyse et Gestion des risques
5. Gestion des événements indésirables
6. Gestion des non­conformités
7. Système de management de la Qualité
8. Objectifs en pharmacotechnie
II. Formation du personnel impliqué dans la préparation des MRP
A. Définitions
B. Cadre législatif de la formation initiale et continue
1. Référentiels opposables
2. Formation Continue et Développement Professionnel Continu
3. La formation initiale des MERM
C. La formation comme outil d’amélioration de la Qualité
1. Les modalités d’apprentissage
2. Les particularités chez l’adulte
3. La formation au cœur du management
D. L’équipe au CHU de Caen
1. L’équipe pharmaceutique
2. Les MERM
3. Les AS/ASH
III. Elaboration d’un programme de formation et d’habilitation
A. Mise en place des outils
1. Modules de formation
2. Grille d’habilitation et auto­questionnaire
3. Système documentaire
B. Mise en œuvre des outils et Résultats
1. Communication au sein du service
2. Formation initiale complémentaire spécifique au sein du service
3. Formation continue
4. Accueil par les équipes
C. Discussion
1. A propos de la communication interne
2. A propos des outils
3. A propos de la méthodologie
D. Perspectives
Conclusion

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