Théorie de la dérive en fréquence origines & effets

Théorie de la dérive en fréquence origines & effets

Les contraintes liées aux déploiements actuels et futurs des réseaux d’accès optiques et des réseaux métropolitains conduisent à la conception de sources optiques compatibles à l’augmentation du débit de transmission des données ainsi qu’à la réduction du coût et de la consommation. Les lasers à semi-conducteurs directement modulés à 10 Gb/s représentent une solution potentielle car l’association dans un même composant monolithique des fonctions de production de lumière et de modulation apporte la compacité, le faible coût et la consommation réduite. En complément, dans le cas des lasers à contre-réaction distribuée (DFB : Distributed FeedBack), le fonctionnement monomode spectral peut être obtenu et la bande passante de modulation peut atteindre des valeurs raisonnables pour les applications prévues à court et moyen termes (supérieure à 10 GHz). Cependant, les lasers modulés directement, souffrent d’une dérive en fréquence induite pendant l’opération de modulation [1]. Ce phénomène, dénommé « chirp », dont l’origine première est un couplage des modulations de la partie réelle et de la partie imaginaire de la susceptibilité diélectrique du matériau, sera l’objet d’étude de ce chapitre. Pour les applications à haut débit, la dérive en fréquence induit, le plus souvent, une limitation des performances des systèmes de transmission par fibre optique en termes de débit et de portée. En effet, la conjonction avec la dispersion chromatique de la fibre entraîne un élargissement temporel du signal transmis après détection en bande de base induisant ainsi une interférence Inter-Symbole (ISI : InterSymbol Interference) pour des modulations numériques. Dans le but de dépasser la limite de portée de transmission imposée par la dispersion pour un débit binaire donné, plusieurs méthodes ont été proposées. L’utilisation d’un modulateur externe permet de séparer les fonctions de génération et de modulation aux dépens de l’adjonction d’un nouveau composant qui engendre un coût supplémentaire, des pertes optiques et une consommation accrue. Les modulateurs les plus courants dans les systèmes de communications optiques sont les interféromètres de Mach-Zehnder intégrés en Niobate de Lithium (LiNbO3) [2]. Ils ne répondent pas à la problématique de notre étude du fait de leur coût et de leur encombrement. Les modulateurs à électro-absorption (EAM : ElectroAbsorption Modulator) représentent une réponse nettement plus adéquate à condition qu’ils soient intégrés de façon monolithique avec le laser DFB, réduisant ainsi l’encombrement et les pertes optiques. Ce composant connu sous son acronyme anglo-saxon EML (Electroabsorption Modulated Laser) est extrêmement compact (quelques centaines de microns de Chapitre 1. Théorie de la dérive en fréquence 12 long), peut atteindre des fréquences de modulation très élevées et des débits binaires qui peuvent aller jusqu’à 80 Gb/s [3]. Il est aussi sensible au phénomène de couplage phaseamplitude du matériau mais dans une moindre mesure et permet d’obtenir des transmissions typiques de l’ordre de 80 km à des débits de 10 Gb/s pour des dispositifs commerciaux. Afin d’atteindre des portées plus étendues ou des débits plus élevés, d’autres concepts ont été étudiés, par exemple le CML (Chirp Managed Laser) [4] ou l’intégration supplémentaire d’un SOA (Semiconductor Optical Amplifier) [5]. Le travail présenté dans cette thèse se concentre sur une solution originale proposée en 2006 par Kim [6] et reprise dès 2009 par J. Petit et al [7]. Le concept de modulation duale des EML, donnant naissance à un nouveau composant que nous avons baptisé D-EML (Dual Electro-absorption Modulated Laser) repose sur l’ajustement du chirp après la juxtaposition de la modulation appliquée conjointement sur le laser et sur le modulateur. [Les solutions liées au format de modulation ne feront pas l’objet d’une comparaison à ce niveau de l’étude car elles peuvent être utilisées avec les différents types de source. L’association de la solution retenue et d’un format de modulation avancé, l’OFDM (Orthogonal Frequency Division Multiplexing) sera analysé en fin de thèse]. Ce chapitre a pour but d’introduire théoriquement le phénomène de dérive en fréquence, notamment dans le cas des lasers DFB et des modulateurs EAM. Il permettra d’expliquer sa contribution à l’augmentation ou à la limitation de la portée de transmission. Après avoir décrit le principe de fonctionnement des lasers DFB et des modulateurs EAM, nous procédons à la présentation de l’état de l’art des EML afin de déterminer leurs performances en termes de débit, portée et bande passante. Par la suite, nous définissons et étudions le phénomène de dérive en fréquence, ses origines physiques et son comportement pour le cas des lasers DFB et des modulateurs EAM. Enfin, nous montrons les effets négatifs de la dérive en fréquence sur la transmission en présence de la dispersion chromatique de la fibre ainsi que les effets positifs pouvant être obtenus grâce à son ajustement en situation de modulation duale. 

Généralités sur les lasers à contre-réaction distribuée (DFB) 

Les lasers à semi-conducteurs

Grâce à leur compacité, à leur faible consommation électrique et à la possibilité de modulation de la lumière par le courant, les lasers à semi-conducteurs se sont rapidement imposés dans les communications par fibre optique. Ils sont caractérisés par un petit volume, un faible coût de fabrication avec une très bonne fiabilité et un excellent rendement énergétique. Ils peuvent être modulés directement par le courant d’injection aussi bien en intensité qu’en fréquence ou en phase optique. Leur intégration avec d’autres composants optoélectroniques est également possible. La manifestation de l’effet laser requiert le concours de deux éléments : un milieu actif capable de générer et d’amplifier la lumière et un résonateur optique assurant la contre-réaction nécessaire à l’entretien de l’oscillation laser. 

L’amplification optique

Pour faire apparaître le phénomène laser, il faut disposer d’un matériau amplificateur (couche active). La génération de la lumière dans un semi-conducteur ne peut être obtenue efficacement que dans les matériaux à structure de bande directe (figure 1.1). Le diagramme E(k) des bandes d’énergie électroniques des électrons et des trous présente un extremum pour une même valeur de vecteur d’onde k (c’est à dire un minimum d’énergie pour la bande de conduction et un maximum d’énergie pour la bande de valence). Une transition directe entre un électron de la bande de conduction d’énergie Ec et un trou de la bande de valence d’énergie Ev permet l’émission d’un photon d’énergie hν = Ec – Ev, ce qui correspond sensiblement à la valeur de la bande interdite (largeur de gap) Eg. Les matériaux à transition optique directe les plus utilisés dans le domaine des télécommunications (1,3 μm -1,5 μm) sont les composés binaires, ternaires ou quaternaires obtenus à partir des éléments III et V de la table périodique. En particulier les composés quaternaires InGaAsP sont utilisés pour les lasers à puits quantiques (QW : Quantum Well) [8]. L’amplification optique n’est obtenue que lorsqu’une inversion de la population est produite par injection de porteurs excités favorisant l’émission stimulée par rapport à E Bande de conduction Bande de valence Efc Efv ® k Bande interdite :Figure 1.1: schéma de la structure de bande et niveaux de Fermi du semi-conducteur 1.1. Généralités sur les lasers à semi-conducteurs 14 l’absorption. Pour que le matériau puisse alors amplifier, les photons doivent satisfaire la condition de Bernard-Durrafourg [9]: Eg < hn < Efc + Efv (1.1) où Eg, Efc et Efv sont respectivement l’énergie de la bande interdite, l’énergie des quasiniveaux de Fermi relatifs à la bande de conduction et la bande de valence (figure 1.1). L’oscillation amplifiée doit, ensuite, être entretenue grâce à une rétroaction. Pour les lasers à cavité Fabry-Perot (FP), celle-ci est réalisée par deux facettes clivées placées de part et d’autre du matériau. Ce type de sources présente un fonctionnement multimode spectral qui conduit à un élargissement temporel des signaux transitant dans les fibres optiques du fait de la dispersion chromatique présente dans celle-ci. Les lasers DFB associent un effet de filtrage à celui de la rétroaction afin d’obtenir un comportement monomode que nous allons étudier par la suite. 

L’hétérojonction

Pour pouvoir amplifier la lumière par émission stimulée, la condition de BernardDurrafourg doit être respectée en injectant suffisamment de paires électron-trous (porteurs) dans la couche active. L’excitation du milieu actif est donc produite par pompage électrique au sein d’une diode à jonction PN et non pas à l’aide d’un dispositif de pompage optique extérieur (lampes, laser,…). Celle-ci permet l’injection des porteurs dans la couche active et un guide diélectrique plan assurant le guidage optique de la lumière générée. Dans le but de favoriser les interactions entre les porteurs et les photons au sein de la région active, une hétérojonction PN confine simultanément les électrons et les photons. En effet, la couche active est entourée de deux couches de confinement optiques, de bandes interdites plus élevées ayant des dopages opposés. L’interface entre la couche active et une couche de confinement représente donc une hétérojonction électrique. Pour le cas des lasers à semi-conducteurs émettant à 1,5 μm, la couche active est formée de puits quantiques InGaAsP tandis que les couches de confinement sont en InGaAsP de gap plus élevé. Sous polarisation directe de la jonction, les électrons (respectivement les trous), injectés du côté de l’InGaAsP dopé n (respectivement l’InGaAsP dopé p) pénètrent dans la couche active où se produira l’amplification et restent confinés à des densités élevées (figure 1.2). Ceci est dû à la différence de largeur de bande interdite entre la couche active et les couches de confinement donnant lieu à la formation des barrières de potentiel. En conséquence, l’inversion de population nécessaire à l’amplification de la lumière peut être obtenue à un faible courant  d’injection. Simultanément, l’indice de réfraction du matériau actif, supérieur à celui des couches adjacentes assure quant à lui le confinement de la lumière dans la couche active.

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