Utilisation de la micro-fluidique pour l’étude des biofilms

Techniques utilisées : Microfluidique

Utilisation de la micro-fluidique pour l’étude des biofilms

La micro-fluidique est de plus en plus utilisée dans la littérature pour étudier et contrôler les biofilms [55]. Puisque les biofilms sont des systèmes hautement complexes et hétérogènes dans l’espace et dans le temps, il est utile de bien pouvoir contrôler leur environnement physique et chimique. Cela permet de mieux définir le système étudié et de diminuer le nombre de variables à considérer lors de l’étude. La micro-fluidique offre l’avantage fondamental de permettre un contrôle précis de l’écoulement [56]. La présence d’un écoulement laminaire en conjonction avec le débit stable offert par les pompes rend le système prédictible. Les petites dimensions du microcanal permettent d’avoir un biofilm couvrant toute la surface plus rapidement et la phase de latence des bactéries est plus courte. De plus, le temps nécessaire pour qu’une bactérie planctonique atteigne une surface est fortement réduit. Finalement, un plus faible volume implique que la quantité de solution de nutriments à fournir est réduite. On peut alors faire une expérience plus longue sans avoir à changer la source de nutriments, ce qui évite une possibilité de contamination. Dans la littérature, le temps requis pour qu’une bactérie se retrouve dans des états d’attachement réversible et irréversible a été déterminé par microscopie à fluorescence à l’aide de dispositifs microfluidiques [57]. Les auteurs ont comparé l’adhésion d’une bactérie sauvage avec celle d’une souche mutante ne produisant pas de pilus. Ces appendices sur la paroi cellulaire ont un impact sur la formation des biofilms [58]. Les deux souches ont été modifiées afin de produire la protéine fluorescente verte (GFP). Cela a permis de confirmer que les pili sont importants pour l’adhésion irréversible. Cependant, les pili ne semblent pas jouer de rôle important dans l’adhésion réversible puisque ce phénotype est observé de manière comparable pour les deux souches. Il a aussi été observé que le débit dans le dispositif microfluidique modifie le comportement des bactéries. Ainsi, il a été observé que le débit a un impact sur l’expression de différents gènes reliés à la détection du quorum, le principal mécanisme de communication entre les bactéries [34].
La possibilité de moduler aisément la force de cisaillement à partir des dimensions du microcanal ou avec le débit permet de voir son effet sur le biofilm. Il a par ailleurs été démontré que la force de cisaillement a un effet sur la quantité de bactéries éjectées d’un biofilm ainsi que sur sa structure [8]. À un nombre de Reynolds faible, les débits élevés favorisent la croissance des biofilms alors qu’à des nombres de Reynolds élevés, les plus hauts débits nuisent à leur développement [59]. Il a aussi été montré que le ratio d’aspect (hauteur par rapport à la largeur) a une influence sur la croissance d’un biofilm de Pseudomonas aeruginosa. Pour un dispositif avec une section transversale carrée, le biofilm est plus épais et plus uniforme que pour une section transversale rectangulaire (ratio d’aspect 5 : 1). De plus, pour le dispositif rectangulaire le biofilm au centre du microcanal est mince et forme seulement une couche de bactéries alors qu’il est plus épais dans les coins [54].
La microfluidique est aussi utilisée pour évaluer l’efficacité de différents agents antimicrobiens sur des biofilms. La facilité de fabriquer différentes géométries de microcanaux a permis d’étudier la formation de streamers [60]. Ces structures sont constituées d’une partie de biofilm qui est seulement attachée partiellement à la surface. Ils se forment généralement dans des canaux en forme de serpentins, mais il a aussi été démontré qu’ils peuvent se former dans des canaux rectangulaires [61, 62]. Lors de leur détachement de la surface ils contribuent à la prolifération des biofilms.

Méthodes pour la caractérisation dans les systèmes microfluidique

La présence d’un milieu fermé et la petite taille des systèmes microfluidiques imposent une contrainte pour la caractérisation. Toutefois afin d’atteindre le plein potentiel que la microfluidique offre pour l’étude de systèmes chimiques et biochimiques complexes, l’utilisation d’une ou de plusieurs méthodes de caractérisation est cruciale. Cela peut être fait par l’intégration de capteurs dans le microdispositif ou en utilisant des instruments externes. Les mesures de pH, de température et de potentiel sont faites généralement en intégrant un capteur directement dans le dispositif microfluidique [63]. Dans le cas des mesures en spectroscopie infrarouge en réflexion totale atténuée (IR-ATR), le cristal ATR est intégré directement dans l’une des parois du microcanal [64]. Les mesures en microscopie en champ clair sont communément faites pour suivre des réactions chimiques et biochimiques ainsi que pour étudier des systèmes biologiques. La microscopie à fluorescence est aussi utilisée puisqu’elle a l’avantage d’être plus sensible et spécifique à une molécule ciblée que la microscopie en champ clair [65]. En effet, en ajustant les longueurs d’onde d’excitation et d’émission analysées de manière appropriée pour la molécule cible, il est possible d’observer uniquement cette dernière et de minimiser le bruit de fond relié à la matrice.
Pour l’utilisation des techniques en absorbance, la présence d’eau dans le milieu de culture ainsi que les matériaux utilisés pour la fabrication des dispositifs peuvent aussi représenter une difficulté. Cette contrainte peut être problématique pour les mesures en spectroscopie infrarouge. La microscopie optique s’adapte bien aux systèmes microfluidiques à condition que les matériaux utilisés pour la fabrication soient transparents dans le domaine du visible. Pour la microscopie à fluorescence, il faut aussi s’assurer que le matériau n’émette pas de fluorescence.

Microscopie

La microscopie optique est la méthode la plus fréquemment utilisée pour l’étude des biofilms. Cette technique se base sur l’absorption et la diffusion de la lumière par un échantillon dans le domaine visible. Elle permet de suivre en temps réel ou en intervalles de temps la croissance des biofilms. Différentes lentilles sont utilisées dans le parcours optique pour focaliser la lumière et magnifier de petits objets. Ceci permet de bien les résoudre sur l’image obtenue. La lumière émise par la lampe (généralement une lampe halogène) est collectée par un condenseur optique et elle est focalisée sur l’échantillon. La lumière est ensuite récoltée par un objectif qui permet de magnifier l’image. Elle est finalement redirigée vers les oculaires afin de voir l’image magnifiée ou vers une caméra afin d’enregistrer l’image. La résolution de l’image dépend de l’ouverture numérique du condenseur et de l’objectif utilisé. Afin d’atteindre une résolution optimale, le microscope doit bien être aligné. Pour les microscopes avec une illumination de Köhler, on obtient une image de la source et une image de l’échantillon. Ces deux images ont différents plans conjugués dans le parcours optique. L’image de la source forme un plan sur le diaphragme d’ouverture du condenseur. En défocalisant l’image de la source sur le plan de l’échantillon, chaque point de la source illumine l’objet entier, ce qui assure un éclairage uniforme.
Il est possible d’étudier les bactéries individuelles ou le biofilm de manière plus globale en utilisant des objectifs de différentes magnifications [66]. La microscopie permet d’observer la croissance globale du biofilm et la formation de microstructures. La microscopie en champ clair en transmission peut aussi servir pour des mesures quantitatives basées sur la densité optique puisqu’elle est proportionnelle à la biomasse [67]. Un autre avantage majeur est qu’il est souvent possible de la combiner avec une autre technique pour la caractérisation. Afin d’obtenir une image, il faut d’abord que l’échantillon permette un contraste suffisant. Il faut donc qu’il absorbe la lumière ou qu’il la diffuse. Afin de bien le discerner du milieu environnant et du dispositif microfluidique, il faut que le milieu de culture ainsi que les matériaux du dispositif microfluidique soient transparents et propres. Le 22 polydiméthylsiloxane (PDMS) et le verre qui sont utilisés pour la fabrication des dispositifs sont transparents. Il est nécessaire d’éviter la présence de poussière dans le PDMS lors de la préparation et de bien nettoyer les surfaces du dispositif afin d’optimiser la netteté des images.

Mesures de densité optique

La densité optique (O.D.), mesure couramment faite en spectroscopie d’absorption dans le visible, est reliée directement à la biomasse d’un biofilm [67, 68]. Pour un biofilm ne comportant pas de pigment produit par les bactéries, il y a en fait peu d’absorbance dans la région visible. Pour des mesures en transmission, le principal obstacle à la lumière est la diffusion. La densité optique se calcule à partir de l’équation 3-7. . . = − log ⁄ 0 Équation 2-7
où 0 est la valeur de pixel sur l’image de référence et est la valeur de pixel sur l’image à analyser. Les images obtenues en microscopie en champ clair donnent une mesure de l’intensité de la lumière se rendant au détecteur (la caméra CCD dans le cas présent) après avoir passé par l’échantillon. Dans le cas présent, la valeur de chaque pixel dans l’image est associée à l’intensité. L’image de référence est acquise avec le dispositif microfluidique dans des conditions d’acquisition et d’illumination identiques à celles utilisées pour les images pendant les expériences en plus d’être exactement à la même position. En plus de permettre d’avoir les mesures de densité optique, la soustraction de l’image de référence a l’avantage de retirer les effets reliés à l’inhomogénéité de la source d’illumination et des saletés résiduelles et imperfections dans le dispositif microfluidique. En effet, bien que l’alignement du microscope soit effectué avant chaque expérience, il y a généralement un gradient d’intensité du centre vers les bords de l’image avant traitement. De même, malgré le nettoyage du dispositif et les précautions prises pendant la fabrication, des poussières peuvent se retrouver sur le PDMS ou venir se déposer à sa surface. Si on ne corrige pas l’image pour leur présence, ces points plus foncés pourraient être associés à une présence de biofilm. Cette procédure permet donc de faire des mesures de densité optique pour différentes positions à l’intérieur du microcanal.

Utilisation de la microscopie pour l’étude des biofilms en microfluidique

Les dimensions et les méthodes de fabrication des dispositifs microfluidiques les rendent généralement simples à utiliser pour les expériences en microscopie. Cela présente des avantages considérables puisqu’il n’est pas nécessaire de faire de modifications particulières au dispositif et que la technique s’applique autant aux canaux simples que complexes.
La microfluidique et même certaines cellules d’écoulement où les conditions peuvent être précisément contrôlées sont utilisées dans la littérature. L’imagerie en vidéo accélérée couplée à des modèles numériques permettent de déterminer la viscosité d’un biofilm. Les biofilms se développant dans des microcanaux droits ont été étudiés de cette manière. Il a été observé qu’ils forment des streamers par détachement partiel soudain [62, 69]. Un modèle mathématique a aussi été développé afin de déterminer la viscosité du biofilm à partir de la vélocité du biofilm et sa hauteur, la viscosité et la vélocité du milieu de culture et les dimensions du microcanal [26]. Pour ce faire, il est nécessaire de connaître la vitesse nette et l’épaisseur du biofilm en tout temps. Si la densité du biofilm ne varie pas dans le temps, la densité optique est directement proportionnelle à l’épaisseur [26]. La vitesse est mesurée en suivant la position d’un streamer dans le temps. Ces mesures sont faites sur plusieurs parties du biofilm et la moyenne est calculée pour plusieurs points dans le temps.

 Microscopie à fluorescence

Lorsque l’échantillon étudié par microscopie est peu absorbant et qu’il diffuse peu la lumière, il est nécessaire de recourir à des stratégies pour rehausser le contraste. Il est entre autres possible de faire de la microscopie en contraste de phase, en biréfringence, en champ sombre ou en fluorescence. Dans le cadre des travaux présentés dans cette thèse la microscopie à fluorescence a été utilisée. Cette technique permet d’obtenir un contraste élevé spécifique à une cible déterminée. Elle s’applique bien pour le suivi dans le temps des biofilms.
La microscopie à fluorescence repose sur l’absorption d’un photon suivie par l’émission d’un autre photon de plus basse énergie. L’absorption du photon provoque la transition d’un électron du niveau fondamental de la molécule à son premier niveau d’excitation. Après relaxation non radiative dans l’état excité, un photon est émis. En fluorescence, la lumière est émise dans toutes les directions. L’intensité de la lumière réémise dépend de différents facteurs incluant l’efficacité du fluorophore à absorber et réémettre la lumière, sa concentration et le milieu environnant. Pour la majorité des instruments conventionnels, les mesures sont faites en épifluorescence. Dans ce cas, la lumière réémise par le fluorophore est détectée du même côté de l’échantillon que la source. La lumière partant de la source passe d’abord par un filtre laissant passer une plage de longueurs d’onde correspondant à la bande d’excitation du fluorophore. Elle est alors focalisée sur l’échantillon par l’objectif. La lumière réémise est récoltée par l’objectif et passe par un filtre laissant passer seulement les longueurs d’onde correspondant à la bande d’émission du fluorophore. Elle est alors réfléchie par un miroir dichroïque. Cette composante est conçue pour réfléchir la lumière correspondant à l’excitation du fluorophore et laisser passer les autres longueurs d’onde. Cela est important puisque la lumière provenant de la source doit aussi passer par le miroir dichroïque. Finalement, une caméra CCD permet de capter les photons. Cela permet d’avoir une image de l’échantillon où l’on voit seulement les parties contenant le fluorophore.

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