Validation d’une pratique avancée en ergothérapie pour la thérapie de la main

Depuis le début de ma pratique d’ergothérapie, j’ai développé une passion pour l’utilisation de la main dans le contexte de la vie quotidienne. La main est sollicitée dans la majorité de nos occupations, que ce soit pour s’exprimer, pour travailler ou simplement pour s’habiller. Étant clinicienne depuis bientôt 7 ans, j’ai développé une expertise dans un domaine précis : la thérapie de la main. Mais qu’est-ce que la thérapie de la main? Il est important de définir ce terme avant toute chose afin de bien comprendre la suite de ce mémoire. La Hand Therapy Certification Commission (HTCC) propose la définition suivante de la thérapie de la main: L’art et la science de la réadaptation du membre supérieur du corps humain. La thérapie de la main a émergé de la théorie en ergothérapie et en physiothérapie et des pratiques qui combinent des connaissances du membre supérieur, de la fonction du corps et de l’activité. La thérapie de la main utilise des compétences spécialisées d’évaluation et d’ interventions qui promeut la prévention, la restauration et/ou l’arrêt de la progression d’une maladie pour améliorer la participation dans la vie quotidienne pour les personnes avec des maladies ou blessures au membre supérieur (Muenzen et al., 2002, p. 223, traduction libre).

Un résumé des fondements de la thérapie de la main ainsi qu’une liste des diagnostics couramment rencontrés sont présentés à l’annexe I. Les ergothérapeutes sont impliqués dans la thérapie de la main puisqu’ils interviennent auprès des personnes avec des problématiques à la main en considérant leur fonctionnement dans leurs activités quotidiennes tout en évaluant la fonction de la main (Dickson et Bain, 2008). En tant qu’ergothérapeute pratiquant en thérapie de la main, il est possible de participer à différentes formations et congrès pour parfaire ses connaissances dans ce domaine. En ce qui me concerne, j’ai aussi eu la chance, dès le début de ma pratique, de créer une étroite collaboration avec le chirurgien plasticien de l’hôpital où je pratique, ce qui a donné lieu à d’autres opportunités d’échanges et d’apprentissages sur les problématiques que pouvaient rencontrer les patients ayant des atteintes à la main. Parallèlement à cela, le contexte organisationnel dans lequel s’ exerçait ma pratique clinique posait également des défis et justifiait la recherche de solutions pour mieux répondre aux besoins des patients. En effet, d’importants enjeux d’ accessibilité aux services étaient vécus dans mon milieu clinique, dont le nombre important de patients sur des listes d’attentes que le chirurgien n’arrivait pas à voir rapidement. Pour mieux comprendre l’ ampleur du problème, voici quelques statistiques éloquentes sur l’accès aux services pour les personnes ayant des atteintes à la main pour la région Mauricie-et-Centre-du-Québec. Au mois de septembre 2016, au Centre hospitalier affilié universitaire régional (CHAUR) du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec (CIUSSS-MCQ), il y avait 1432 demandes en attente en chirurgie plastique, dont 454 avec une attente de plus de 365 jours. Parmi ces demandes, les lésions musculo-squelettiques, dont les problèmes à la main et au poignet, font partie des priorités semi-urgentes et électives avec 1083 demandes en attente. Aussi, dans le CIUSSSMCQ, il n’y a qu’ au CHAUR où les consultations en chirurgie plastique sont offertes, et ce, par deux chirurgiens. Bref, ces quelques chiffres font clairement ressortir que la prise en charge des problèmes à la main et au poignet pose des défis et des enjeux importants pour l’organisation des services de santé, que ce soit à l’échelle nationale ou régionale. Au fil des discussions entre le chirurgien plasticien de mon milieu clinique et moi même, un autre constat est également ressorti: il apparaissait que le chirurgien plasticien n’était pas toujours le professionnelle mieux placé pour répondre précocement aux besoins du patient. En ce sens, l’ergothérapeute pouvait potentiellement occuper un rôle majeur pour contribuer à solutionner les problématiques rencontrées. C’est ainsi que nos discussions ont convergé vers le développement de pratiques innovantes de collaboration interprofessionnelle dans une perspective de contribuer à l’efficience des services et d’augmenter l’accessibilité, c’est-à-dire de répondre aux besoins du patient au bon moment, avec le professionnel habilité à le faire . Ces pratiques innovantes se doivent d’être aussi validées par la recherche, ce qui a conduit aux études faisant l’objet de ce mémoire.

Les problèmes à la main et au poignet: état de la situation 

Les lésions musculo-squelettiques à la main et au poignet représentent un enjeu important de santé du fait de leur fréquence et de leurs conséquences pour la personne touchée et la société. L’incidence des problèmes d’ordre traumatique, comme les fractures et les ruptures de tendon, et d’ordre pathologique, comme la maladie de Dupuytren, est importante dans la population. Entre 2009 et 2010, selon Statistique Canada, 17,3 % des blessures au Canada se situaient au niveau des mains ou des poignets pour la population âgée de 12 ans et plus (Billette et Janz, 2011). Pour les lésions associées à une pathologie, l’arthrite et les troubles musculosquelettiques sont parmi les maladies chroniques les plus communes au Canada, affectant 4,6 millions de personnes (Bombardier, Hawker, et Mosher, 20 Il). Dans cette proportion, plusieurs personnes souffrent d’arthrose de la base du pouce, de syndrome du tunnel carpien, de tendinite de De Quervain et de doigts gâchette pour en nommer que quelques-unes. Les lésions à la main représentent aussi un phénomène social important. En 2009-2010, 4,27 millions de Canadiens étaient limités dans leurs activités quotidiennes en raison de leurs blessures (Billette et Janz, 20 Il). Les occupations quotidiennes généralement affectées sont le travail et les tâches ménagères. Par exemple, un ébéniste qui se coupe un tendon de l’index de la main droite avec une scie devra arrêter le travail et la plupart de ses tâches à la maison afin de s’investir dans la réadaptation et de permettre la récupération optimale de sa main.

En plus d’avoir des conséquences majeures pour la personne dans ses occupations, les lésions à la main ont aussi des coûts énormes dans le système de santé. Par exemple, il en coûte entre 50$ et 160$ pour une première consultation avec un orthopédiste, un rhumatologue ou un chirurgien plasticien (Régie de l’assurance maladie du Québec, 2014). Or, une étude de DubéLinteau, Lecours, Lévesque, Pineault et Tremblay (2013) stipule qu’en 2010-2011 , 2028700 personnes ont consulté un médecin spécialiste. La revue systématique de Robinson et ses collaborateurs (2016) rapporte un fardeau économique important dû aux blessures aux mains et au poignet. Ils décrivent des coûts directs (chirurgie, médication, imagerie … ), indirects (productivité à la maison, absence au travail. .. ) et intangibles (qualité de vie, douleur, stress, fonction de la main, intégration sociale) (Robinson, Sarkies, Brown, et O’Brien, 2016).

De plus, le nombre élevé de personnes ayant une atteinte à la main, que celle-ci soit majeure ou mineure, crée une pression énorme sur l’organisation des services. Selon l’Enquête québécoise sur l’expérience de soins en 2010-2011 , plus du tiers des Québécois de 15 ans et plus ont été dirigés vers au moins un médecin spécialiste au cours d’une période de 12 mois, la plupart du temps par un médecin de famille (Dubé-Linteau et al., 2013). Le délai d’attente pour un premier rendez-vous s’avère long et a d’ailleurs augmenté au cours des dix dernières années. En effet, selon Statistique Canada (2014), 17 % des gens attendent actuellement plus de trois mois pour une première consultation avec un spécialiste comparativement à 13 % en 2005. L’Enquête québécoise sur l’expérience de soins 2010-2011 a aussi révélé que 6 % des gens déclarent ne pas avoir réussi à obtenir un rendez-vous avec un spécialiste alors qu’ ils avaient une référence. Dans la proportion de gens qui ont consulté un spécialiste à la suite d’une référence, 25 % disent avoir attendu trop longtemps avant d’obtenir un rendez-vous (DubéLinteau et al., 2013). Sans compter que, à la suite de ces consultations, des chirurgies dites électives seront parfois envisagées dans le cas d’un problème à la main ou au poignet (exemple: décompression du tunnel carpien). Entre 2005 et 2013, le nombre de personnes qui attendent plus de 3 mois pour une chirurgie considérée non urgente a augmenté respectivement de 19 % à 24 % (Statistique Canada, 2014). En réponse à ces chiffres, le plan stratégique du Ministère de la santé et des services sociaux 2015-2020 (2015) a mis l’accent sur l’accessibilité des soins spécialisés en demandant aux organisations d’atteindre des objectifs clairs pour préconiser l’amélioration de la situation.

Mais qu’en est-il de ces personnes qui attendent? Boulanger et Vaillancourt (2013) rapportent qu’ils subissent des répercussions sur la qualité de vie, l’absentéisme au travail, la productivité au travail et à la maison. Ces personnes vivent également des situations d’anxiété et de stress. Outre ces impacts, la perte de temps, le risque de diminution de l’état de santé et par le fait même une augmentation des coûts pour assurer les traitements est engendrée. À la lumière de toutes ces informations, il apparaît clairement que, pour les personnes ayant des atteintes à la main, l’accès aux services appropriés constitue un enjeu majeur auquel il est urgent de s’attarder.

Table des matières

CHAPITRE 1 Introduction
CHAPITRE 2 Problématique
Les problèmes à la main et au poignet: état de la situation
Des pratiques professionnelles visant à mieux répondre aux besoins des clients
Compétences avancées et ergothérapie
Impacts des pratiques avancées par les professionnels de la santé
Pratiques avancées en ergothérapie auprès d’une clientèle présentant des atteintes à la main
et au poignet
Objectifs de recherche
CHAPITRE 3 Méthodologie
Méthode pour la validation des compétences avancées
Devis
Participants
Développement du questionnaire
Déroulement de l’étude
Analyse des données
Considérations éthiques
Méthode pour la validation de la pratique avancée
Devis
Participants
Procédures
Collecte de données
Analyses statistiques
Considérations éthiques
CHAPITRE 4
Article de recherche 1
Contribution des auteurs
Validation des compétences avancées des ergothérapeutes en thérapie de la main
Résumé
Abstract
Introduction
Recension des écrits
Méthode
Devis
Participants
Développement du questionnaire
Analyse des données
Résultats
Participants
Perceptions des compétences requises pour la pratique avancée
Secteur public et privé
Formation nécessaire à la pratique avancée
Facilitateurs et obstacles
Prise en charge en ergothérapie avant le chirurgien
Discussion
Conclusion

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