Analyse conceptuelle sur la présomption d’innocence

En Droit positif congolais, l’article 17 in fine de la Constitution du 18 février 2006 consacre à toute personne accusée d’une infraction le droit d’être présumée innocente jusqu’à l’établissement de sa culpabilité par un jugement définitif. En combinaison avec cette disposition constitutionnelle, l’article 27 du code de procédure pénale congolais insiste sur le fait que la liberté doit être prise comme la règle et non l’exception. Il en est de même à l’article 15 du code de procédure civile .

Hormis la valeur constitutionnelle de ce principe, la présomption d’innocence est aussi un droit fondamental reconnu et garanti par des instruments juridiques internationaux, à l’occurrence de l’article 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Cet article précise que : « tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne, doit être sévèrement réprimée par la loi ». Cette même présomption est aussi reprise à l’article 11 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de l’ONU de 1948 ; à l’article 7,§1 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ; à l’article 48 §1 de la Charte des Droits fondamentaux de l’Union Européenne ; à l’article 6,§2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et de libertés fondamentales ; ainsi qu’à l’article 14,§2 du Pacte International des Droits Civils et Politiques, etc.

Partant de toutes ces dispositions pertinentes des normes (internes ; régionales et internationales) précitées, nous pouvons affirmer que la présomption d’innocence est une règle essentielle dans la recherche de la preuve, car elle couvre toute la procédure pénale, allant de la phase juridictionnelle jusqu’au jugement. La présomption étant présumée, c’est au poursuivant qu’il revient de renverser cette présomption . Jusqu’à la preuve de culpabilité, la personne mise en cause bénéficie d’une protection, et n’a pas à prouver qu’elle est innocente. Compte tenu de la présomption d’innocence, « une personne non définitivement condamnée doit être protégée contre toute constatation formelle de sa culpabilité, sous quelle que forme que ce soit, » et tout soupçon doit être levé contre elle.

Néanmoins, en droit procédural congolais, ce principe est heurté à des majeurs problèmes tant à la phase pré-juridictionnelle qu’à la phase juridictionnelle. D’une part, l’on observe la durée prolongée de la détention préventive au-delà des délais légaux, les arrestations réputées arbitraires, les emprisonnements illégaux, des aveux obtenus sur base de tortures, l’interruption du droit de garder silence, pour ne citer que ceux-là. D’autre part, l’impartialité dans le chef du juge s’apprécie par la façon pour lui de conduire le débat, de motivé, d’apprécier et de prendre en compte l’état des doutes qui doivent être pris à la faveur du mis en cause, etc. Le cas le plus fréquent demeure le défaut dans le chef du juge congolais de veiller au respect de toutes ces obligations durant la phase juridictionnelle, et qui renvoie ab ovo à une violation grave à la présomption d’innocence .

Ensuite, l’existence en RDC d’une justice sélective fondée sur des inégalités « la loi du plus fort » s’explique par le non-respect des textes de lois et de la procédure. Aussi, le fait pour les autorités judiciaires d’aller outre la mission qui est la leur, viole le principe de la présomption d’innocence, qui constitue un des fondements du droit moderne de la procédure pénale. On sait en effet que ce principe peut se traduire, d’une part, dans la mesure où la partie poursuivante est tenue d’invoquer sur l’ensemble des éléments et indices démontrant que l’inculpé ou le prévenu était effectivement impliqué dans les faits dont il est incriminé et d’autre part, dans le fait que cette même partie poursuivante doit admettre qu’à défaut de certitude ou de valeur probante suffisante ou en raison du caractère insuffisamment convaincant des éléments de preuve qui lui sont soumis, le juge ne prononcera pas de condamnation, dès lors que le doute, aussi minime soit-il, profite au prévenu .

Ainsi, tels qu’indiquent Roger MERLE et André VITU dans l’ouvrage intitule : Traité de droit criminel, tome I : Problèmes généraux de la science criminelle. Droit pénal général, « lorsque l’accusation ne peut pas établir l’existence de l’infraction en ses divers éléments et prouver la culpabilité, l’accusé ou le prévenu doit être acquitté. Dans cette  perspective, le doute que l’accusation n’a pu éliminer équivaut à une preuve positive de nonculpabilité . Tel est le sens de l’adage « in dubio proreo », présentée comme la traduction procédurale de la présomption d’innocence.

De ce qui précède, nous pouvons affirmer qu’un État qui se dit de droit comme la RDC, doit aussi veiller au respect du principe de la présomption d’innocence qui d’ailleurs affiche un caractère cardinal de la procédure pénale. Dans cette optique, la Constitution de la RDC du 18 février 2006 telle que révisée à ce jour dispose à l’alinéa 7 de l’article 17 que : « Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie par un jugement définitif ». Ainsi donc, la présomption d’innocence fait appel au respect d’autres principes directeurs et indispensables des procès notamment :

• Le respect du droit de la défense ainsi que le principe du contradictoire
• La garantie d’un procès équitable ainsi que le délai raisonnable de la procédure
• La nécessité de prévenir et de limiter les atteintes à la présomption d’innocence, ainsi qu’à l’homme de la personne mise en accusation.
• L’inviolabilité du droit de garder silence.

Peu importe la procédure applicable, l’application de la présomption d’innocence suppose une instruction. Au cours de cette procédure, l’on examine les faits à charge et à décharge, mais aussi les preuves réunies par les deux parties. Signalons que cette instruction est susceptible d’achèvement d’une ordonnance de non-lieu .

Signalons ensuite que le droit de punir, mieux d’arrêter, de restreindre ou de priver la liberté reconnue aux autorités judiciaires ne peut être conçu sans limite car, lors de la commission de l’infraction, deux intérêts à concilier à tout prix rentrent dans la ligne de compte : la défense de la société dont le rétablissement de l’ordre troublée est recherché et la protection de l’individu auteur, co-auteur ou complice de l’infraction disposant de droit garantis par la loi au cours de toute la procédure judiciaire . L’auteur de l’infraction se trouve être protégé tant par les législations congolaises que par celles établies au niveau international.

Il convient de préciser que la présomption d’innocence est assurée dès l’instruction préparatoire. Autrement dit, dès la phase pré-juridictionnelle jusqu’à la phase juridictionnelle, le droit reconnu à la personne présumée innocente doit être respecté par l’autorité judiciaire suivant chaque phase et cela pour une administration bonne de la justice .

Table des matières

INTRODUCTION
I. Problématique
II. Hypothèses
III. Choix et intérêt du sujet
IV. Méthodologie
V. Délimitation du sujet
VI. Plan Sommaire
CHAPITRE Ier : THEORIE GENERALE SUR LA PRESOMPTION D’INNOCENCE
Section 1er : ANALYSE CONCEPTUELLE SUR LA PRÉSOMPTION D’INNOCENCE
Paragraphe 1er: La règle de fond et le caractère probant de la présomption d’innocence
A. Respect de la présomption d’innocence par le législateur
B. Le principe de la présomption d’innocence face aux médias
C. Respect de la présomption d’innocence par toute autorité publique
D. Respect de la présomption d’innocence par les autorités judiciaires
Paragraphe 2 : La légalité des délits et des peines
I : Enoncé du principe
II : Justification
A. Dans le domaine de droit procédural
B. Dans le domaine de droit pénal de fond
B.1. La limite au droit de punir
B.2. Le rempart contre l’arbitraire du juge
B.3. Exigence d’une meilleure politique criminelle
III. Le contenu du principe de légalité
1. La légalité des incriminations
1.a. Application par le législateur
1.b. Application par le juge
2. La légalité des peines
2. a. Au niveau du législateur
2. b. Au niveau du juge
Paragraphe 3 : L’application des lois de procédure pénale
III.1. L’application dans le temps
III. 1.1. La loi pénale de fond
III. 1.2. La loi pénale de forme
1. La survie de la norme ancienne
2. La rétroactivité de la loi nouvelle
3. L’application immédiate de la norme nouvelle
III.2. L’application dans l’espace
III.3. La territorialité de la loi pénale
Section II : CONTENU DU PRINCIPE DE LA PRESOMPTION D’INNOCENCE22
Paragraphe 1. Le principe de la présomption d’innocence, une garantie légale, constitutionnelle et conventionnelle
Paragraphe 2. La charge de la preuve en matière présomptueuse
Paragraphe 3 : La relativité de la présomption d’innocence
Section III : Les formes massives de violation des droits à la présomption d’innocence
Paragraphe 1 : La détention préventive
Paragraphe 2 : Le droit d’arrêter
Paragraphe 3 : La liberté de presse (le droit à l’information)
CHAPITRE IIème : LES PRINCIPES DIRECTEURS DE LA PROCÉDURE PENALE DANS UN ÉTAT DE DROIT
Section I : DE LA PRESOMPTION D’INNOCENCE EN DROIT PROCEDURAL
CONGOLAIS
Paragraphe 1. La présomption d’innocence à la phase pré juridictionnelle
Paragraphe 2. La présomption d’innocence à la phase juridictionnelle
Section II : LA PROTECTION DU DROIT AU SILENCE
Paragraphe 1. Fondements du principe du droit au silence
a. Nature
b. Valeurs
c. Justification
d. Exceptions
e. Effets
Paragraphe 2. L’étendue du droit au silence
Section III : LE DROIT A UN PROCES EQUITABLE
a. Notion
b. Composantes
Section IV : LE PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE
a. Notion
b. Avertissement
c. Prévention et Communication du dossier
Section V. PRINCIPE DE L’ÉGALITÉ DE TOUS LES CONGOLAIS DEVANT LALOI
Paragraphe 1. Des fautes disciplinaires
Paragraphe 2. Les sanctions prévues
CONLUSION 

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