Analyse de l’influence du transport maritime

Le transport des organismes aquatiques par les navires commerciaux transocéaniques et domestiques est devenu un vecteur dominant pour l’introduction d’espèces exogènes envahissantes (EEE) au Canada depuis le début des années ’60 (Duggan et al. 2005). Chaque année, des milliers de navires en provenance de l’extérieur circulent dans les eaux portuaires canadiennes, offrant de nombreuses opportunités à ces espèces de s’installer. Ainsi, depuis l’ouverture de la voie maritime du Saint-Laurent, environ 170 espèces non indigènes se sont établies dans la région des Grands Lacs (Duggan et al. 2005).

Ces organismes sont, pour la majeure partie, transportés dans les eaux et les sédiments des réservoirs de lest ou ballast (‘ballast tanks’) des navires. La présence d’ espèces exogènes dans ces réservoirs ne signifie toutefois pas qu’il y aura automatiquement un établissement de celles-ci dans le nouvel environnement. En ce qui concerne les kystes de dinoflagellés, huit étapes sont nécessaires afin que l’introduction soit un succès (Hallegraeff 1998). Ces étapes peuvent être résumées en quatre grands points, dont le premier consiste en la prise d’eau et potentiellement de sédiments dans les réservoirs de ballast lors d’un bloom saisonnier de plancton dans le port d’origine. Toutefois, la probabilité que des dinoflagellés toxiques soient pris lors de la prise d’eau dans les réservoirs de ballasts est fortement dépendante : Cl) des habitudes de navigation (i.e. des routes fréquemment empruntées), (2) de la saisonnalité des blooms de phytoplancton dans les ports où la prise d’eau de ballast s’effectue et, (3) de la présence locale d’un lit de kystes dans les sédiments (Hallegraeff 1998). Les organismes doivent par la suite survivre aux processus de ballastage, aux longs voyages à l’obscurité et à des conditions de transport généralement difficiles (Lavoie et al. 1999). La troisième étape comprend le transfert du navire au milieu côtier du port d’arrivée, suivi de la germination des kystes, la croissance et la reproduction du dinoflagellé dans le nouvel environnement (Hallegraeff 1998). Finalement, suite à l’établissement les organismes peuvent se propager régionalement via les courants côtiers ou le transport domestique, causant potentiellement de sérieux problèmes écologiques, économiques et même de santé publique (Carlton and Geller 1993, Hallegraeff 1998).

Il ne faut toutefois pas se fier au nombre d’ espèces introduites pour évaluer la gravité du problème. En effet, une seule espèce peut causer des dommages importants et souvent irréversibles à l’environnement (Bourgeois et al. 2001). L’introduction d’une espèce phytoplanctonique capable de produire des floraisons nuisibles (( harmful algal blooms », HAB) dans un nouvel environnement en constitue un bon exemple. Ce type de floraison est devenu un fléau à l’échelle mondiale suite à l’accroissement de leur dispersion géographique dû, notamment, au transport des microorganismes dans les eaux de ballast (Hallegraeff et al. 1997, Vila et al. 2001).

Les espèces d’algues toxiques sont nuisibles pour l’environnement, soit par la production de toxines ou à travers d’autres effets nocifs comme l’obstruction des branchies de poisson ou la réduction d’oxygène liée aux accroissements de biomasse algale. La plupart des espèces impliquées dans les HAB sont des algues photo synthétiques ainsi que quelques espèces de protozoaires hétérotrophes (Anderson et al. 2002). Les dinoflagellés comptent environ 100 taxons capables d’engendrer des proliférations d’algues nuisibles (Soumia 1995, Smayda 1997). Parmi ceux-ci, seulement un petit nombre sont capables de produire des kystes de résistance, les plus connus étant Gymnodinium catenatum et Alexandrium spp. La plupart de ces espèces peuvent produire des substances toxiques pour l’Humain et les animaux (Doblin and Dobbs 2006).

Un intérêt particulier doit donc être porté aux dinoflagellés potentiellement toxiques qui forment des kystes de résistance pouvant être transportés dans les sédiments de ballast. En effet, ces kystes peuvent demeurer viables dans le sédiment pendant de nombreuses années (Doblin and Dobbs 2006). Ils sont extrêmement résistants aux conditions difficiles (obscurité prolongée, faibles concentrations d’ 0 2) des réservoirs de ballast dans lesquels ils peuvent se retrouver (Hallegraeff 1998). En effet, des kystes de dinoflagellés ont été observés dans les sédiments des réservoirs de ballasts de navires arrivant dans les ports d’Australie, de la Nouvelle-Zélande, des États-Unis, du Canada, de l’Écosse et de l’Angleterre (Hamer et al. 2000 et références citées). Lors de la vidange des réservoirs avant le chargement de marchandises au port, les kystes peuvent être relâchés et potentiellement s’établir dans un nouvel environnement. De nombreuses espèces ont pu être ainsi introduites dans plusieurs ports (Carlton and Geller 1993).

Il n’ est cependant pas facile de démontrer qu’ une population de dinoflagellés a récemment été introduite dans une nouvelle zone. Pour ce faire, il faut d’abord prouver que cette population est effectivement nouvelle dans cette zone (Lilly et al. 2002), tâche qui peut s’avérer très ardue. Ceci se fait généralement au moyen de carottes de sédiment, par l’examen des populations de dinoflagellés présentes dans le passé (Hallegraeff et al. 1997) afin d’établir si une nouvelle espèce a pu s’ installer à cet endroit. Toutefois, des quelques 2000 espèces de dinoflagellés marins, seulement 15 % des espèces produisent des kystes au cours de leur cycle vital (Head 1996). II sera donc possible de prouver l’introduction d’ une nouvelle espèce seulement si cette dernière produit un kyste qui se conservera quelques dizaines ou centaines d’ années.

Très peu d’ études ont été effectuées sur la diversité des espèces de kystes et de formes végétatives de dinoflagellés retrouvées dans les zones portuaires canadiennes (Bérard-Therriault et al. 1999, Carver and Mallet 2001). Il y a donc peu d’information concernant la composition des espèces retrouvées à ce jour. L’ obtention de ce type d’information devient essentielle pour contrôler l’arrivée de nouvelles espèces dans les eaux canadiennes et ainsi déterminer si les mesures prises pour enrayer ce problème sont efficaces.

Cette étude vise à déterminer les assemblages de kystes de dinoflagellés présents dans les sédiments de surface des ports de la côte est canadienne et d’examiner l’ influence du trafic maritime (i.e. navires marchands) sur ces assemblages. Pour ce faire, la distribution des assemblages de kystes de dinoflagellés a premièrement été observée à l’intérieur des huit ports sélectionnés selon un gradient croissant du nombre de navires et du volume d’eau déchargée pour ces ports. Par la suite, la distribution à l’intérieur des ports a été établie afin de déterminer si elle est homogène à l’intérieur d’un même port. Finalement, l’influence du trafic maritime sur la composition des assemblages de kystes a été déterminée en analysant le nombre de navires visitant chaque port ainsi que la quantité d’eau de ballast déversée sur l’abondance moyenne ainsi que le nombre d’espèces de kystes de dinoflagellés retrouvées dans cette étude. Ce projet fait partie du réseau canadien sur les espèces marines envahissantes (Canadian Aquatic Invasive Species Network ou CAISN). Le texte qui suit est présenté sous la forme de deux publications scientifiques (un article et une note) qui seront soumis au journal Marine Ecology Progress Series.

Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE 1 LES ASSEMBLAGES DE KYSTES DE DINOFLAGELLÉS DANS LES SÉDIMENTS DE SURFACE DES PORTS DE LA NOUVELLE-ÉCOSSE, CANADA: EXISTE-T -IL UNE INFLUENCE PROVENANT DU TRAFIC MARITIME?
1.1 RÉSUMÉ EN FRANÇAIS DU PREMIER ARTICLE
1.2 DINOFLAGELLATE CYST ASSEMBLAGES IN SURFACE SEDIMENTS FROM
PORTS OF NOVA SCOTIA, CANADA: Is THERE AN INFLUENCE OF SHlPPING
TRAFFIC?
CHAPITRE 2 CONCENTRATION ÉLEVÉE DE KYSTES DU DINOFLAGELLÉ POTENTIELLEMENT TOXIQUE ALEXANDRIUM TAMARENSE DANS LE BASSIN DE BEDFORD, HALIFAX, NOUVELLE-ÉCOSSE, CANADA
2.1 RÉSUMÉ EN FRANÇAIS DU DEUXIÈME ARTICLE
2.2 HIGH CYST CONCENTRATIONS OF THE POTENTIALLY TOXIC
DINOFLAGELLATEALEXANDRJUM TAMARENSE SPECIES COMPLEX IN
BEDFORD BASIN, HALIFAX, NOVA SCOTIA, CANADA
CHAPITRE 3 CONCLUSION GÉNÉRALE

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *