Analyser la durabilité de cette nouvelle politique

Analyser la durabilité de cette nouvelle politique

Afin d’évaluer si le développement actuel est durable ou pas, nous dépasserons à nouveau la question de son impact contemporain sur l’environnement social et naturel, pour analyser de façon plus large quelles orientations la politique de développement durable actuelle permet de donner à la durPour l’analyser, nous nous sommes intéressés aux divers dispositifs et instruments par lesquels une politique de développement durable est opérationnalisée, ici pour Eau de Paris. Nous allons voir que (i) d’une part ces dispositifs et instruments sont peu adaptés pour évaluer si ce développement est capable de durer ou pas ; (ii) d’autre part ils modifient peu le régime de développement passé, voir ils contribuent à ce que les acteurs reproduisent –de façon plus ou moins consciente– des dynamiques et des trajectoires de développement qui sont in(sou)tenables à terme. Nous allons analyser cette durabilité sous trois angles : Dans une première section, nous allons préciser pourquoi la politique de développement durable actuelle tend par défaut à se confondre avec une politique de RSE, et pourquoi cela ne permet pas un développement durable (Section 1). Dans une seconde section, nous illustrerons notre propos par une étude des indicateurs qui sont utilisés pour piloter la politique de développement durable d’Eau de Paris, afin d’en étudier les avantages et les limites (Section 2). Enfin, dans une troisième section nous proposerons un contrepoint au cas de Paris afin de mieux l’éclairer : nous étudierons le cas du service public d’eau de Madrid, pour montrer comment même un service d’eau dont la gestion et la politique RSE sont exemplaires peut se diriger vers un développement de plus en plus in(sou)tenable (Section 3).

La politique de développement durable qui est menée tend souvent à devenir une politique de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE). Or cela a plusieurs implications majeures pour évaluer ou pour viser la durabilité, ici pour le cas du service public d’eau à Paris. Premièrement toute organisation qui mène une politique de RSO s’engage par définition à respecter le cadre légal et règlementaire (cf. supra) : si cet objectif permet à EDP de bénéficier d’une meilleure acceptation par les autorités publiques (ex: l’Etat, le Préfet, les élus municipaux) ou des parties prenantes concernées (ex: usagers, concurrents, sous-traitants, employés), en revanche rien ne démontre que respecter ces règles suffit pour être durable. Comme discuté dans notre partie rétrospective, les lois en vigueur n’ont pas toujours favorisé les autres territoires, les générations futures, le reste de la société, ni l’avenir du service d’eau parisien lui-même (cf. supra : C3 et C4). Le simple fait que la règlementation évolue avec le temps démontre que jusque là elle ne prenait pas en compte certains des aspects et des problématiques du développement durable. Par conséquent, respecter le droit constitue une base insuffisante pour définir / évaluer si un développement est objectivement durable ou pas. Deuxièmement, toute organisation qui mène une politique de RSO s’engage à « aller au delà du cadre obligatoire » : elle va donc devoir déterminer quel sera son degré d’engagement volontaire au delà du cadre réglementaire. Or ce choix constitue un dilemme majeur, résumé en anglais par la formule « meet or exceed » (LAURIOL, 2004: 142).

En faire trop ? « Aller au delà » de la réglementation et s’engager pour les autres ou pour l’environnement (des finalités externes), cela représente un coût pour l’organisation. S’il est trop élevé ou trop prolongé, il risque de causer son affaiblissement, or « il ne faut pas non plus sacrifier le présent à l’avenir, mais trouver un juste équilibre » (SACHS, 1980 : 66). Face à cette incertitude majeure, l’organisation qui mène une politique de RSO va donc devoir décider de son degré d’engagement en faveur du développement durable total (cf. C2) sur d’autres bases que la réglementation obligatoire ou que la recherche de sa seule performance individuelle (PERSAIS, 2007 ; GABRIEL et GABRIEL, 2004). En pratique, il sera tentant pour un service d’eau de décider d’agir « pour » le développement durable, mais sans se mettre en position de faiblesse pour autant : il laissera alors le soin à d’autres (ex : aux autorités publiques, au Marché, aux ONG) de gérer les problèmes d’intérêt général : « un peu de social, beaucoup d’économie, une pincée d’environnement et n’importe [qui] peut se targuer de faire du développement durable, tout en laissant à l’Etat le soin de se débrouiller avec les questions lourdes : effet de serre, érosion des sols, pollutions chimiques, etc. » (SMOUTS et al., 2005 : 11). Voilà pourquoi les politiques de RSE, qui sont des actions individuelles, restent peu adaptées pour résoudre le dilemme d’action collective que pose le développement durable.

 

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