Atelier collaboratif pour faire évoluer les imaginaires des adolescents sur les CDI

Atelier collaboratif pour faire évoluer les imaginaires des adolescents sur les CDI 

Penser la transformation du lieu par la prise en compte de l’expérience usager 

 La pédagogie de projet et la démarche participative

 Le CDI de l’établissement dans lequel j’ai effectué mon stage sera rénové en 2020. Le réaménagement des espaces peut être l’occasion de résoudre certaines des difficultés observées, notamment la non-fréquentation du CDI par une très grande majorité des élèves. Il a paru intéressant de profiter de cette occasion pour aller à la rencontre de ces étudiants et d’essayer de comprendre pourquoi ils ne fréquentent pas ou peu ce lieu. J’ai choisi donc d’intégrer les usagers dans ces réflexions autour du réaménagement des espaces. Plusieurs méthodes étaient envisageables : questionnaires, boîte à idées, sondages… Il semblait pertinent d’impliquer encore d’avantage les élèves et de leur proposer une réalisation concrète. Un atelier répondant à une démarche de projet paraissait être une manière adéquate d’initier la réflexion puisque, d’après Isabelle Bordalo et Jean-Paul Ginestet, La démarche de projet telle qu’elle est mise en œuvre dans le monde de la production, peut être définie comme la conjugaison de compétence individuelles et d’une réalisation collective destinée à satisfaire un besoin. 7 Le CDIremix, répondant parfaitement à la définition de réalisation collective, pouvait donc permettre de répondre simultanément à la rénovation du lieu et au problème de sa fréquentation. Philippe Meirieu définit le groupe, en pédagogie scolaire, comme constitué de relations plurielles d’échanges […] articulées sur un contact avec ce qui est donné comme le réel […] évacuant tout ou partie de l’autorité du maître8 . Cette conception de travail de groupe considère ainsi que l’éducation doit se faire à travers un ensemble d’individus en interaction, à partir de situations concrètes, et au sein duquel l’enseignant se met au service de la démarche collective. La réalisation d’un projet concret était, non seulement un moyen d’entendre les suggestions des usagers à propos du CDI, mais également de développer chez les élèves certaines compétences grâce à l’apprentissage collaboratif. D’après Alain Baudrit 9 l’apprentissage collaboratif implique : − La négociation au sein du groupe pour faire valoir son point de vue, − Un va-et-vient constant entre la pensée individuelle et collective, − Une symétrie entre les membres du groupe : les membres du groupe ont un même niveau cognitif et se considèrent égaux entre eux dans leur statut. Contrairement à l’apprentissage coopératif, il n’y a pas de répartition des tâches ou d’interdépendance entre les élèves. Perrine Mignot, dans son mémoire consacré aux apprentissages collaboratifs et coopératifs, montre également que l’apprentissage collaboratif vise moins les progrès scolaires que le rapprochement et la responsabilisation des élèves. L’intérêt de ce type de travail réside dans les bénéfices sociaux que les élèves peuvent en tirer, à savoir l’habileté à communiquer, à partager ses idées et à exercer son esprit critique, tout en développant son autonomie dans un fonctionnement de groupe plus libre.10 Cet atelier autour de la rénovation du CDI, permet alors aux élèves d’exercer leur esprit critique et de mieux comprendre les raisons pour lesquelles ils ne sont pas des utilisateurs du CDI. 

Rendre l’élève acteur de la bibliothèque

 Lors de l’atelier, j’ai constaté que les élèves ne se sentaient pas concernés par le CDI. Des élèves de la section professionnelle se sont demandés pourquoi je les avais conviés à cet événement. Certains ont même confié au départ ne pas avoir d’avis sur la question. Plusieurs d’entre eux, n’étaient même jamais venus au CDI. Il est important que l’élève soit acteur du CDI et non pas seulement simple utilisateur pour se sentir impliqué et avoir envie d’investir ce lieu. L’ouvrage collectif Bibliothèque, enfance et jeunesse, écrit sous la direction de Françoise Legendre explique à ce sujet qu’ il est important que l’enfant soit acteur, et il faut lui donner envie d’aller plus loin, de revenir ou de continuer l’aventure dans d’autres lieux. […] L’enfant est par nature acteur à la bibliothèque. Permettre à l’élève d’avoir un véritable rôle au sein du CDI lui donnerait ainsi envie d’y revenir. Dans l’ouvrage Rendre les élèves acteurs de leurs apprentissages, Yves Béal et Frédérique Maïaux rappellent que trop souvent les apprentissages scolaires apparaissent aux élèves comme des non-sens, parce que le savoir est coupé de son élaboration, qu’il est non relié à un usage opérationnel.Dans notre cas, c’est la fréquentation du CDI qui apparaît pour certains élèves comme un « nonsens ». Les auteurs continuent en expliquant que chacun apprend s’il trouve le sens dans la situation qu’il vit13. Cet atelier collaboratif est donc un moyen pour redonner aux élèves un sens au CDI, les rendre acteurs de la bibliothèque. Travailler par projet nécessite et permet l’engagement personnel, l’implication de chacun14. Chaque prise de décision lors du projet collectif est un moyen d’appropriation par tous, c’est-à-dire par chacun des membres du groupe.

La transformation du lieu favorise-t-elle une meilleure perception des enjeux de l’espace du CDI ?

Imaginaire des adolescents sur le CDI 

Lors de l’atelier, j’ai constaté que les élèves avaient certains a priori vis à vis du CDI. Pour eux, c’est un lieu où l’on ne parle pas, où l’on ne doit pas faire de bruit. Il y a un énorme décalage entre les interdictions qu’il y a, ou qu’il y aurait, au CDI et les aspirations des adolescents. En effet, un des élèves de seconde professionnelle a expliqué qu’il n’était jamais venu, car il n’avait pas de travail scolaire en section professionnelle, pas ou peu de devoirs à la maison, donc aucun intérêt à venir ici dans un lieu « où l’on ne parle pas et où l’on doit travailler ». De plus, certains ont ajouté « ne pas être intéressés par les vieux livres ». Il existe donc une représentation du CDI comme une sorte de temple dédié au travail, rempli de livres appartenant à un autre siècle, peut-être à l’époque révolue de « l’avant internet ». Une étude sur les représentations des bibliothèques montre la manière dont elles sont représentées dans les jeux vidéo : la bibliothèque est aussi le lieu des connaissances oubliées, du passé, c’est pourquoi elle est souvent représentée en ruine.15 Ainsi, l’adolescent possède sur le CDI une image fantasmée tirée de certains topoi et lieux communs, illustrés ici dans les jeux vidéo. Christine Plécard et Catherine Ejarque, s’interrogent dans un article intitulé Les adolescents sont-ils solubles dans la bibliothèque ?, sur le grand écart qu’il existe entre les pratiques adolescentes et les attitudes que chaque utilisateur d’un lieu tel que la bibliothèque doit adopter. Et que peut-on faire en médiathèque ? Des règles se retrouvent presque partout : ne pas manger, ne pas boire, ne pas parler fort, interdiction du portable […] Ces interdits sont ressentis d’autant plus négativement qu’ils sont antinomiques avec leurs pratiques quotidiennes. Il y a donc un véritable hiatus entre les pratiques adolescentes et le comportement traditionnellement attendu en médiathèque. 16 Pour Claude Poissenot, le défi consiste à créer les conditions d’une appropriation personnelle, pour soi, non en tant qu’élève mais en tant qu’individu. Mais aussi d’une appropriation collective, avec un groupe de pairs. 17 Le CDI-remix tente justement de permettre aux élèves de s’approprier individuellement et collectivement ce lieu. 

Changer le regard sur le CDI

 Lors de l’atelier, j’ai permis aux élèves de discuter librement entre eux, je n’ai mis aucune limite à leur créativité. Ils avaient à leur disposition des jus de fruits et des gâteaux pas seulement pour l’aspect convivial, mais aussi pour « casser les codes » et les images sur les interdits qui règnent au CDI. Cette autorisation exceptionnelle leur a donné un sentiment de plus grande liberté et de distance face à l’institution scolaire. Le CDI n’était plus simplement un « temple du savoir » mais un lieu qu’ils pourraient envisager comme un lieu de vie. Dans son article Apprendre à participer, participer pour apprendre publié dans le numéro 274-275 de la revue professionnelle Inter-CDI, Joëlle Zask explique que les partisans d’une éducation centrée sur l’expérience ont souhaité décloisonner la salle de classe, les approches, l’école même, afin d’ouvrir les diverses phases de la vie sociale à l’enfance, à la jeunesse et à l’éducation continue. Plus loin, elle ajoute au sujet de la participation qu’elle a lieu dans et par l’expérience, qu’elle ne peut pas être vécue par procuration. En effet, elle engage l’individu et la connexion qu’il établit entre sa pensée et son action. Grâce à cette connexion il transforme le monde, et, se faisant, réalise certaines de ses virtualités dont l’ensemble façonne progressivement sa personnalité . Ainsi, un atelier participatif et collaboratif comme un CDIremix, peut permettre grâce à ce « décloisonnement », de changer sa vision, de transformer sa pensée et son imaginaire sur un lieu que finalement on ne connait que très peu. Face aux images de CDI et bibliothèques que j’avais disposées dans la pièce, certains élèves étaient étonnés de voir les activités ou même le mobilier mis à disposition des usagers. En découvrant le fonds du CDI, des élèves ont fait part de leur étonnement, mais aussi de leur joie, à la vue du fonds de mangas. La pratique collaborative permet non seulement de devenir acteur de ses apprentissages mais aussi modifier ses représentations.

Table des matières

Remerciements
Résumé
Sommaire
Introduction
1. La démarche collaborative comme dispositif pédagogique pour faire évoluer les représentations des adolescents sur les CDI 
1.1. Penser la transformation du lieu par la prise en compte de l’expérience usager
1.1.1. La pédagogie de projet et la démarche participative
1.1.2. Rendre l’élève acteur de la bibliothèque
1.2. La transformation du lieu favorise-t-elle une meilleure perception des enjeux de l’espace du CDI ?
1.2.1. Imaginaire des adolescents sur le CDI
1.2.2. Changer le regard sur le CDI
1.3. Le rôle du professeur-documentaliste dans l’accompagnement des élèves sur leur représentation des bibliothèques
1.3.1. Le professeur documentaliste dans l’imaginaire adolescent
1.3.2. Le professeur documentaliste, professionnel du collaboratif et médiateur
2. La mise en place d’un CDI-remix dans un lycée polyvalent
2.1. Le contexte de l’établissement et du CDI
2.1.1. Lycée polyvalent, profils multiples
2.1.2. Le CDI
2.2. Le problème de la non fréquentation par certains élèves du CDI
2.2.1. Statistiques de fréquentation
2.2.2. Un CDI bibliothèque
2.2.3. Public et non-public
2.3. La difficulté de mettre en place un tel atelier
2.3.1. CDI-remix du 5 Février 2019
2.3.2. CDI-remix du 22 mars
2.3.3. CDI-remix du 5 avril 2019
3. Le CDI-remix
3.1. Repenser un espace grâce aux principes du design thinking
3.1.1. Du Museomix au CDI-remix
3.1.2. Le design thinking en bibliothèque
3.2. Les besoins et les attentes des élèves
3.2.1. Les espaces
3.2.2. Le fonds
3.2.3. Les activités du CDI
3.3. Le CDI idéal
3.3.1. Réaménagement du CDI
3.3.2. Vers un CDI Tiers-lieu ?
3.3.3. Propositions et pistes pour le réaménagement
Conclusion
Bibliographie
Annexes
1. Document de synthèse
2. Post-it jaunes « ce que je n’aime pas »
3. Post-it oranges « ce que j’aime »
4. Post-it roses « ce que j’aimerais »
5. Prototypes
6. Diagrammes synthétiques
6.1.1. Espace
6.1.2. Fonds
6.1.3. Activités
7. Photos de l’atelier

projet fin d'etude

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