Calibration du chromatographe dans le cadre de notre expérimentation

 INFLUENCE DE LA TENEUR EN EAU

Nous avons déjà évoqué l’influence du taux de saturation du milieu sur l’advection des gaz. Il agit également sur les phénomènes de sorption. Généralement, l’eau a davantage tendance à recouvrir la surface des solides que les gaz (Doyle, 2001). Ce qui signifie que la capacité des roches à adsorber les gaz est d’autant plus réduite que la teneur en eau est importante. Ceci reste vrai même dans le cas du charbon dont la surface est plus ou moins hydrophobe (Joubert et al., 1973 ; Laxminarayana et Crosdale, 1999 ; Doyle, 2001 ; Busch et al., 2006 ; Crosdale et al., 2008 ; Charrière, 2009). La teneur en eau du charbon exerce une influence différente selon le gaz considéré. Joubert et al. (1973) ont démontré que, jusqu’à une certaine teneur en eau du charbon (teneur spécifique à chaque type de charbon), la capacité du méthane à s’adsorber diminue. Au-delà de ce seuil, la teneur en eau n’a plus d’effet. Les résultats de Charrière (2009) montrent qu’à une température donnée, la quantité de dioxyde de carbone adsorbé diminue de 33% d’un charbon séché à un charbon dont le taux d’humidité est de 3,3%. Pour le méthane, la diminution est de 48% (Figure 5). Ce qui dénote une plus forte affinité du dioxyde de carbone pour le charbon par rapport au méthane, ce qui a déjà été souligné par des résultats précédents (e.g. Majewska et Ziętek, 2008 ; Gruszkiewicz et al., 2009).

Par contre, d’après Busch et al. (2006), la teneur en eau favorise l’adsorption du méthane au détriment du dioxyde de carbone, dans le cas d’un charbon en présence d’un mélange binaire CH4/CO2 à des pressions inférieures à 6 MPa, étant donné une plus compétition plus significative entre molécules de dioxyde de carbone et molécules d’eau sur les sites hydroxyles. Busch et al. (2006) précisent cependant que si l’adsorption du dioxyde de carbone sur le charbon n’excède pas nécessairement celle du méthane, la quantité de dioxyde de carbone dissous dans l’eau des pores du charbon (absorption) a pour effet de le rendre dominant dans le minerai par rapport au méthane, avec l’augmentation de la pression. La solubilité du gaz contrôle en partie, à l’instar de l’affinité du gaz avec l’adsorbant, sa répartition dans le solide partiellement saturé en eau (entre sites de surface et espace poreux). Outre la nature du gaz, l’effet de la teneur en eau se rapporte à la pression du milieu. La figure 6 souligne l’augmentation de son influence sur la teneur en gaz adsorbé avec l’augmentation de la pression. Nous retrouvons ici l’idée de seuil évoquée plus haut : à toute pression, une teneur en eau supérieure à 15% environ a moins d’effet. Par exemple, pour une pression de 8 MPa, la teneur en gaz passe d’environ 22 à 8 cm3.g-1 lorsque le taux d’humidité passe de 5 à 15%, et de 8 à 5 cm3.g-1 environ lorsque le taux d’humidité passe de 15 à 25%.

INFLUENCE DE LA COMPOSITION ET DE LA MATURITE DU CHARBON

L’effet des différents macéraux sur la sorption préférentielle de gaz n’est pas aisé à déterminer. La diversité des travaux présents dans la bibliographie ne permet pas de dégager de tendance générale. Par exemple, dans l’expérience de Busch et al. (2006), la teneur en inertinite semble être un facteur d’adsorption préférentielle du dioxyde de carbone (Figure 7) pour seulement une partie des échantillons (charbon du Bassin Silésien, Pologne). Pour d’autres échantillons, aucune tendance de ce type n’a été démontrée (charbons des Pays-Bas et des Etats-Unis). L’une des conclusions des travaux de Dutta et al. (2011) sur des charbons de l’est de l’Inde est l’augmentation de la capacité d’adsorption du méthane et du dioxyde de carbone avec celle de la teneur en vitrinite. D’autres travaux suggèrent que l’influence de la composition macérale dépend de la teneur en matières volatiles, i.e. de la maturité (e.g. Laxminarayana et Crosdale, 1999). La composition du charbon influence en effet de façon variable la sorption ou la désorption des gaz, en fonction du rang du charbon. La capacité d’adsorption du méthane sur le charbon décrit, des charbons les moins matures aux anthracites, une courbe en forme de « u ». La capacité d’adsorption est en effet minime pour les bitumineux hautement à moyennement volatils (Laxminarayana et Crosdale, 1999 ; Pokryszka et Jodart, 1999). Laxminarayana et Crosdale (1999), en comparant des charbons australiens, ont déduit que la composition n’exerce qu’une faible influence sur le volume de gaz adsorbable pour des rangs élevés, c’est-à-dire avec un indice de réflexion supérieur ou égal à 2 (Tableau 1). Inversement, pour un indice de réflexion faible (bitumineux hautement volatils), l’influence de la composition est significative. L’étude de charbons nord-américains par Chalmers et Bustin (2007) donne des résultats sensiblement différents.

La composition des charbons sub-bitumineux qu’ils ont analysés ne joue pas un rôle dominant sur leur capacité d’adsorption du méthane. La différence de capacité d’adsorption entre échantillons riches en vitrinite (teneur volumique ≥ 80%) et pauvres en vitrinite (< 60%) s’accroît avec la maturité des charbons utilisés. Weniger et al. (2012) n’ont pas non plus observé de relation claire entre la capacité d’adsorption du méthane et la composition de charbons tchèques du Bassin Silésien. En revanche, ils ont noté une corrélation entre la quantité de méthane adsorbé et la maturité des charbons étudiés. Les études s’accordent sur l’influence des micropores à favoriser l’adsorption et sur la plus grande capacité d’adsorption du méthane des anthracites. La pression de Langmuir, à laquelle la moitié du gaz adsorbable est fixé à la surface des pores du charbon, décroît lorsque la maturité du charbon augmente. Laxminarayana et Crosdale (1999) expliquent ce phénomène par une diminution de l’hétérogénéité de la surface réactive du charbon, ce qui permet un recouvrement plus complet par les molécules de gaz. La teneur en cendres (matière minérale) a également son importance (Tableau 1) ; il existe une corrélation inverse entre la teneur en cendres et la capacité à adsorber le méthane (e.g. Laxminarayana et Crosdale, 1999 ; Clarkson et Bustin, 2000 ; Weniger et al., 2012), comme le montre la figure 7.

D’autres études précisent que les cendres affectent la capacité de sorption des gaz en fonction de leur propre composition. Par exemple, l’adsorption du dioxyde de carbone est possible dans le cas d’argiles ou d’oxydes de fer (Charrière, 2009). Au regard des différents résultats, il n’est pas envisageable de considérer ces différents paramètres (P, T, teneur en eau, nature du charbon) indépendamment les uns des autres pour décrire l’adsorption des gaz sur le charbon. Les relations entre ces paramètres sont largement démontrées par les différentes études citées dans les derniers paragraphes. La compétition entre molécules pour l’occupation des pores et de la surface accentue la complexité du phénomène de sorption des gaz dans le charbon. La variabilité des résultats des études précédentes rend difficile la détermination de tendances générales. Nous savons notamment que dans le cadre de mesures de laboratoire, le choix de l’échantillon est déterminant, compte tenu des effets de son rang et de sa composition (Clayton, 1998 ; Flores, 1998 ; Laxminarayana et Crosdale, 1999 ; Busch et al., 2006 ; Chalmers et Bustin, 2007). Selon les mêmes études, la composition du charbon agit en fonction des conditions du milieu.

ECOULEMENT SOUS FORME DE BULLES

Le modèle de transport de gaz par migration de bulles ou de microbulles a été proposé pour expliquer l’occurrence d’anomalies inexplicables par l’advection ou la diffusion. Ce type de transport permet aux gaz de parcourir jusqu’à quelques centaines de mètres en quelques jours (Xue et al., 2008), si des structures poreuses suffisamment larges le permettent, comme les fractures ou bien des vides miniers partiellement ou non remblayés. Ainsi, un gaz radioactif en trace à courte demi-vie comme le radon peut être détecté à de longues distances de sa source, signe d’un transport que la diffusion et l’écoulement de l’eau ne suffisent pas à expliquer (Várhegyi et al., 1986 ; Etiope et Martinelli, 2002). La nucléation de bulles de méthane ou autre gaz dans l’eau nécessite que cette dernière soit sursaturée ; les bulles de gaz se forment dans un liquide lorsque l’équilibre thermodynamique du système est perturbé, lors du passage d’un état stable à un état métastable (hors équilibre mais cinétiquement bloqué). C’est le cas lors d’une chute de pression et/ou d’une augmentation de température ambiante. Les conditions d’équilibre étant modifiées, le seuil de saturation (c’est-à-dire la solubilité des molécules dissoutes) change. Une autre façon de créer un environnement propice à l’apparition de bulles est d’enrichir le système en gaz par apport extérieur (désorption depuis une surface solide, arrivée de fluide enrichi).

Dans le cadre des mines ennoyées, nous aborderons plutôt la sursaturation en conditions isothermales, supposant une température de l’eau souterraine relativement stable. La sursaturation σ (sans dimension) d’une solution se définit comme suit pour une espèce donnée : Avec X la fraction molaire de méthane dissous, Xsat la fraction molaire à saturation, et α le rapport de saturation (Lubetkin et Blackwell, 1988). Les fractions molaires peuvent être remplacées par les concentrations. Dans un milieu de structure et géométrie définies, la nucléation est la formation de germes constituant des centres de développement d’une structure physique ou chimique distincte. C’est un phénomène très localisé. Différents types de nucléation de bulles en liquide sursaturé ont été définis. La première forme de nucléation est appelée « homogène », en ce sens qu’elle ne nécessite pas la présence d’une phase solide, mais en revanche un haut niveau de sursaturation : σ ≥ 100 (Dean, 1944 ; Jones et al., 1999). La nucléation hétérogène a lieu dans un système contenant un liquide concentré en méthane ou en dioxyde de carbone dissous, par exemple, et une interface : surface minérale, colloïdes, surface libre d’un liquide. Pour peu que la surface possède des cavités de gaz préexistantes, la nucléation hétérogène peut se produire à de faibles niveaux de sursaturation, d’autant plus si la surface est irrégulière (Ryan et Hemmingsen, 1993, 1998 ; Jones et al., 1999).

Ce dernier type de nucléation nous paraît le plus intéressant à considérer dans le cadre des travaux de laboratoire étant donné la structure du charbon et son caractère hydrophobe. Nous y reviendrons dans la partie 4.2.1. Il existe plusieurs équations possibles pour décrire la migration des bulles dans l’eau. Une bulle se formant au sein d’une galerie, une fois détachée de son site de nucléation, peut migrer en suivant l’écoulement général au sein d’une galerie, mais a tendance à remonter vers la surface du fait de la poussée d’Archimède, comme cela peut être le cas dans une fracture suffisamment large, ou mieux encore un puits de mine non remblayé. La quantité de gaz libérée en surface dépend de la profondeur de libération des bulles, de leur taille, des teneurs en gaz dissous, de la température, de la présence d’agents tensio-actifs (à la surface des bulles) et des mouvements du fluide moyen, particulièrement les courants ascendants (Leifer et Patro, 2002), enfin des obstacles physiques que les bulles rencontrent lors de leur remontée. L’ascendance de bulles sphériques à travers une masse d’eau peut être décrite par la loi de Stokes (Várhegyi et al., 1986). Soit vS (m.s-1) la vitesse de Stokes, d le diamètre des bulles (m), ρw et ρg les masses volumiques respectives de l’eau et du gaz (kg.m-3), μw la viscosité de l’eau (kg.m-1.s-1) :

Table des matières

LISTE DES SYMBOLES
1 INTRODUCTION
2 OBJETS DE L’ETUDE ET MECANISMES MIS EN JEU
2.1 Méthane
2.2 Charbon
2.2.1 Classification des charbons
2.2.2 Structure poreuse du charbon
2.2.3 Composition des charbons
2.3 Le mécanisme de sorption
2.3.1 Modèles de description de l’adsorption
2.3.1.1 Modèle de Langmuir
2.3.1.2 Equation BET
2.3.1.3 Equation de Dubinin-Astakhov
2.3.2 Sorption des gaz sur le charbon
2.3.2.1 Influence de la pression
2.3.2.2 Influence de la température
2.3.2.3 Influence de la teneur en eau
2.3.2.4 Influence de la composition et de la maturité du charbon
2.3.3 Sorption de l’eau sur le charbon
2.3.4 Système charbon/eau/méthane
2.4 Thermodynamique des gaz et solubilité
2.4.1 Thermodynamique et équations d’état
2.4.2 Dissolution des gaz
2.5 Ecoulement des fluides en milieu poreux
2.5.1 Propriétés du milieu poreux
2.5.1.1 Porosité et teneur en eau
2.5.1.2 Perméabilité
2.5.2 Ecoulement
2.5.3 Ecoulement diphasique
2.5.4 Transport en phase aqueuse
2.5.4.1 Advection
2.5.4.2 Diffusion moléculaire
2.5.4.3 Dispersion cinématique
2.5.4.4 Equation du transport aqueux
2.5.5 Transport en phase gazeuse
2.5.6 Ecoulement sous forme de bulles
2.6 Approche de l’influence de l’ennoyage sur la migration des gaz miniers
3 SORPTION DU METHANE SOUS HAUTE PRESSION D’EAU : PROTOCOLE EXPERIMENTAL
3.1 Rappel de la problématique
3.2 Dispositif CASPER
3.2.1 Dispositif avant développement : protocole et prise en main
3.2.2 Développements du dispositif
3.2.2.1 Dispositif de prélèvement
3.2.2.2 Dispositif d’analyse
3.2.2.3 Calibration du chromatographe dans le cadre de notre expérimentation
3.2.3 Protocole
3.2.3.1 Préparation du charbon
3.2.3.2 Mesure de volume libre et mise sous vide
3.2.3.3 Saturation en méthane : adsorption
3.2.3.4 Mise en eau
3.2.3.5 Système d’analyse et suivi de la concentration en méthane dissous
3.2.3.6 Phase de tests
3.2.4 Protocole établi
3.2.5 Caractéristiques du charbon utilisé
3.3 Résultats
3.3.1 Adsorption du méthane à la surface du charbon
3.3.2 Courbes de suivi de P et T
3.3.2.1 Expérience A : paliers à 3 et 3,5 MPa
3.3.2.2 Expérience B : paliers à 3,3 et 3,6 MPa
3.3.2.3 Expérience C : paliers de pression à 3,9, 4,2 et 4,3 MPa
3.3.3 Suivi de [CH4(aq
3.3.3.1 Expérience sans balayage à l’hélium (Figure 30)
3.3.3.2 Expériences incluant le balayage à l’He : paliers de 3,25 à 4,3 MPa
4ANALYSE ET INTERPRETATION
4.1 Saturation du charbon en méthane
4.1.1 Mesure à la balance à suspension magnétique
4.1.2 Relation entre la pression et le volume de gaz adsorbé
4.2 Variation de pression
4.2.1 Hypothèse de la dissolution d’une fraction gazeuse
4.2.2 Hypothèse de la pénétration de l’eau dans le charbon
4.2.2.1 Expérience sur la pénétration de l’eau dans le charbon
4.2.2.2 Equation d’état de l’eau
4.2.2.3 Equation de compressibilité
4.2.2.4 Implications sur le comportement de l’eau dans la cellule
4.3 Evolution de la teneur en CH4
4.3.1 Possibilité d’un équilibre eau/gaz
4.3.2 Origines du CH4 libéré
4.4 Détermination d’une constante de sorption/désorption
4.5 Discussion
4.5.1 Approche critique du protocole
4.5.2 Emission de méthane depuis le charbon sous pression hydrostatique
5TRAVAUX DE MODELISATION
5.1 Principes d’un code de transport réactif
5.2 Le transport réactif dans HYTEC
5.3 Définition du système H2O/CH4/charbon
5.3.1 Initialisation
5.3.2 Simulation du lessivage
5.4 Simulation de la migration du méthane dans des structures minières ennoyées
5.4.1 Contexte
5.4.2 Cas de base : configuration
5.4.2.1 Configuration et paramètres
5.4.2.2 Représentation du charbon
5.4.2.3 Migration du panache de méthane dissous
5.4.3 Etude de sensibilité : impact des propriétés hydrodynamiques
5.4.3.1 Comparaison des résultats
5.4.3.2 Synthèse des résultats
5.4.4 Impact d’un puits de dénoyage
5.4.4.1 Configuration
5.4.4.2 Profil de charge et validation
5.4.4.3 Résultats : émission depuis un filon de charbon
5.4.4.4 Résultats : émission depuis plusieurs filons de charbon
5.4.5 Discussion
5.4.5.1 Bilan sur les modèles développés
5.4.5.2 Application et pertinence de HYTEC
6CONCLUSIONS
6.1 Implication des travaux effectués dans l’évaluation du risque lié aux émissions de gaz des anciennes mines ennoyées
6.2 Perspectives
7RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
ANNEXES

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