Caractéristiques générales de la radiochimie avec des émetteurs de positons pour le développement de radiotraceurs

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La Tomographie par Emission de Positons (TEP)

La tomographie par émission de positons (TEP) est une technique d’imagerie fonctionnelle non invasive. Elle est utilisée à la fois chez l’homme dans les services de médecine nucléaire pour des investigations cliniques, et chez l’animal (du rongeur au primate non humain) pour des explorations précliniques1. Elle est basée sur la détection d’un composé radioactif (radiopharmaceutique ou radiotraceur), spécifique d’une cible moléculaire caractéristique d’un processus physiologique ou physiopathologique, administré le plus souvent par injection intraveineuse. Ainsi, la visualisation, la quantification et le suivi du devenir in vivo du radiotraceur permettent de rendre compte du phénomène biochimique qui lui est associé, et de mettre en évidence son éventuel dysfonctionnement. La TEP s’est imposée ces dernières années dans les domaines des neurosciences, de l’oncologie et de la cardiologie, comme un outil clef pour l’étude et la compréhension du vivant, le diagnostic, l’évaluation de stratégies thérapeutiques, le suivi de traitements ainsi que pour le développement de candidats médicaments2–4.
Les radiotraceurs utilisés en TEP sont marqués avec des radioisotopes émetteurs de positons β+, principalement le carbone-11, le fluor-18, le cuivre-64 ou le gallium-68. Ces radioisotopes sont des atomes qui possèdent un excès de protons par rapport à leur isotope stable. Ils se désintègrent par conversion d’un proton en neutron pour conduire à l’isotope stable de numéro atomique Z inférieur d’une unité en émettant un positon (e+) et un neutrino ().
→ −1 +01 +ν
X,Y : symbole de l’élément chimique
A : nombre de masse (nombre de protons et de neutrons)
Z : numéro atomique (nombre de protons)
Dans la matière, le positon émis est capable de parcourir une distance de l’ordre de quelques millimètres (nommée parcours libre, dépendant de la nature du radioisotope et directement proportionnelle à l’énergie cinétique du positon émis) avant de s’annihiler avec son antiparticule, l’électron. Cette annihilation s’accompagne de l’émission simultanée de deux photons gamma de haute énergie (511 keV), détectables à l’extérieur de la matière, et émis à 180° l’un de l’autre (Figure 3). En imagerie TEP, les rayonnements gamma diamétralement opposés sont détectés en coïncidence par des photodétecteurs disposés en couronne autour du patient. Le traitement informatique de l’ensemble des données reçues au cours de l’examen donne accès à des images en deux ou trois dimensions de la répartition de la radioactivité au sein de l’organisme, qui peut alors être facilement quantifiée. L’examen TEP peut être complété par une analyse scanner X ou
TDM (tomodensitométrie) permettant la fusion des images scintigraphiques et scanographiques et ainsi atteindre la précision anatomique. La qualité des images peut aussi être améliorée par le couplage de la TEP à l’imagerie par résonance magnétique (IRM).

Exemples de radiopharmaceutiques

Les examens TEP cliniques réalisés en routine dans les services de médecine nucléaire utilisent le [18F]FDG (fluorodesoxyglucose), marqueur de la consommation de glucose. Ces examens servent principalement pour le diagnostic et le suivi thérapeutique des cancers. Les autres applications majeures sont l’étude de l’activité cérébrale, en particulier dans le cadre de troubles cognitifs, ou encore la détection de maladies inflammatoires, notamment cardiaques. Néanmoins, le [18F]FDG est caractérisé par un manque de spécificité, pouvant générer des difficultés ou des erreurs d’interprétation des images (faux positifs).
Des radiopharmaceutiques ciblant des biomarqueurs pertinents des cancers tels que la [11C]méthionine et la [18F]fluoroéthyl-L-tyrosine ([18F]FET) (marqueurs métaboliques visualisant la synthèse protéique), la [18F]fluorothymidine ([18F]FLT) (prolifération cellulaire), la [18F]fluorocholine (marqueur de la phosphatidylcholine, composant des membranes cellulaires) les [18F]fluoromisonidazole ([18F]FMISO) et [18F]fluoroazomycine arabinoside ([18F]FAZA) (hypoxie), ou encore des radiotraceurs marqués au gallium-68 ([68Ga]DOTATOC et [68Ga]DOTANOC) ont été développés. En neurosciences, des radiotraceurs spécifiques des récepteurs dopaminergiques ([18F]FDOPA), ou marqueurs des plaques amyloïdes ([11C]-PIB et [18F]AV-45) sont utilisés pour les maladies de Parkinson, d’Alzheimer… Les principaux radiotraceurs développés en imagerie TEP sont présentés dans le Tableau 1 et illustrés sur Caractéristiques des radionucléides Les radioisotopes les plus couramment utilisés pour l’imagerie TEP sont décrits dans le Tableau 2. Ils sont soumis comme tout radioisotope à la loi de décroissance radioactive. Cette loi exponentielle indépendante des conditions physicochimiques ou biologiques s’exprime comme suit :
( ) = (− )
0
Où A0 = Activité initiale (à t = 0)
λ = constante radioactive de l’élément Chacun des radioéléments émetteurs β+ sont caractérisés par des propriétés physiques qui leur sont propres :
• Le temps de demi-vie (ou période radioactive t1/2), qui correspond au temps nécessaire pour la désintégration de la moitié des atomes radioactifs. Cette valeur est inversement proportionnelle à la constante de désintégration λ, caractéristique du noyau radioactif : t1/2 = ln(2)/λ.
La période radioactive doit être suffisamment courte, inférieure à quelques heures, pour permettre l’injection du radiotraceur chez le patient sans conservation de la radioactivité sur une longue période, de restreindre l’exposition aux radiations et d’autoriser des injections répétées. Cependant, des périodes trop courtes, de l’ordre de quelques minutes, rendent plus difficile l’exploitation des radioisotopes en imagerie et en radiochimie.
• La pureté de l’émission β+, celle-ci pouvant être concurrencée par la capture électronique exprimée par :
+−01 → −1 +ν
La décroissance par capture électronique ne conduisant pas à l’émission de rayonnement détectable, elle induit une perte en signal et par conséquent en sensibilité.
• L’énergie du rayonnement β+, qui détermine la distance parcourue dans la matière avant l’annihilation avec un électron et qui, par conséquent, impacte la résolution
de l’image TEP. Plus l’énergie du rayonnement β+ est faible, plus la distance parcourue par le positon est courte, et meilleure est la résolution.
• La radioactivité spécifique (RAS), qui correspond à la quantité de radioactivité par mole ou par unité de masse de l’élément. La RAS est exprimée en Ci/mol ou GBq/mol et traduit, pour un composé chimiquement pur, la contamination de l’élément radioactif par l’isotope stable. Sa valeur théorique est inversement proportionnelle à la période :
RASth = λNA = ln2 x 6,02. 1023
t1/2 x 60
NA = nombre d’Avogadro : 6,02 × 1023 mol−1.
En pratique la radioactivité spécifique d’un radiotraceur est toujours inférieure à la RAS théorique du radioisotope concerné. Elle peut être variable selon la méthode de marquage mise en œuvre et doit rester élevée pour permettre la détection, par le radiotraceur, de la cible moléculaire d’intérêt à des concentrations nano ou picomolaires.
De par leur période particulièrement courte (environ 2 et 10 min), l’oxygène-15 et de l’azote-13 sont d’utilisation anecdotique pour la synthèse de radiotraceurs de structure complexe. L’oxygène-15, par exemple, est utilisé principalement sous forme d’eau marquée (H215O), administrée par injections successives.
Le carbone étant l’élément constitutif principal des composés organiques, le carbone-11 peut être considéré comme un radioisotope universel pour le marquage de molécules bioactives. Il permet en effet des marquages isotopiques qui ne modifient pas la structure ni les propriétés biologiques de la biomolécule. Cependant, en raison de son temps de demi-vie de seulement 20,4 min, il ne peut être dédié qu’à des radiotraceurs caractérisés par des pharmacocinétiques relativement rapides.
Le fluor-18 possède les propriétés physiques les plus favorables pour l’imagerie TEP en termes de résolution et de sensibilité. De plus, de par sa période de 110 min, il permet d’une part des examens d’imagerie confortables, et d’autre part la distribution hors site de production des radiotraceurs fluorés. Si l’atome de fluor est très peu présent dans les molécules naturelles, un grand nombre de molécules pharmaceutiques possèdent cependant un ou plusieurs atomes de fluor23–26. Avec un rayon de Van der Waals pour le fluor compris entre celui de l’hydrogène et celui de l’oxygène (F : 1,35 Å, H : 1,20 Å, O : 1,52 Å) et des longueurs de liaisons C-F (1,40 Å) et C-O (1,43 Å) similaires, la substitution d’un hydrogène ou d’un groupement hydroxy par un atome de fluor engendre peu de perturbation stérique au sein de la molécule initiale. Il constitue un des remplacements isostériques les plus utilisés pour rendre une molécule exploitable en imagerie TEP.27 En revanche, la forte électronégativité du fluor entraîne une forte polarisation de la liaison C-F modifiant les propriétés électroniques et physicochimiques (par exemple pKa) de la molécule hydrogénée initiale. Par ailleurs, l’introduction d’un atome de fluor peut affecter la lipophilie de la molécule. De façon générale, le remplacement d’un atome d’hydrogène par un fluor dans une molécule conduit à une augmentation de sa lipophilie. Les cas contraires concernent en partie des structures comportant l’atome de fluor à proximité d’un atome d’oxygène. Cette proximité spatiale induirait une augmentation de la polarité globale de la molécule et/ou de la polarisation de l’atome d’oxygène favorisant la formation de liaisons hydrogène avec l’eau. Enfin, le fluor présente de très fortes énergies de liaison avec le carbone, qu’il soit aliphatique ou aromatique. La stabilité des liaisons C-18F est primordiale pour limiter les phénomènes de radiométabolisation in vivo.
Les radioisotopes métalliques, cuivre-64 et gallium-68 possèdent des propriétés physiques moins bien adaptées pour l’imagerie. Ils sont introduits par complexation dans une structure chélatante (DOTA, NOTA etc…)28,29. L’introduction d’un chélatant, via ou non un espaceur, sur une biomolécule peut avoir des conséquences néfastes sur ses caractéristiques biologiques (affinité, biodisponibilité, stabilité …), en particulier si celle-ci est de petite taille. Les radioisotopes métalliques sont alors majoritairement dédiés au radiomarquage de « macromolécules » (peptides, protéines, anticorps…).
Outre les propriétés physiques, les atomes émetteurs de positons présentent des caractéristiques chimiques particulières, liées d’une part à la radioactivité, et d’autre part à leur nature même et à leur mode de production par réaction nucléaire à partir d’un cyclotron ou d’un générateur. Le carbone-11 et le fluor-18 étant les deux radioisotopes d’intérêt dans les travaux réalisés, seule leur radiochimie sera discutée dans ce mémoire.

Table des matières

Remerciements
Liste des figures
Liste des schémas
Liste des tableaux
Liste des abréviations
Présentation générale
Chapitre 1 : Imagerie TEP et développement de radiotraceurs
I. La Tomographie par Emission de Positons (TEP)
II. Exemples de radiopharmaceutiques
III. Caractéristiques des radionucléides
IV. Caractéristiques générales de la radiochimie avec des émetteurs de positons pour le développement de radiotraceurs
V. Radiochimie du carbone-11
Production et principaux réactifs radiomarqués
Réaction de carboxylation avec le 11CO2
Carboxylation d’amines
Carboxylation d’organométalliques
VI. Radiochimie du fluor-18
Production du fluor-18 et précurseurs radiofluorés
Fluor-18 sous forme gazeuse électrophile
Fluor-18 sous forme fluorure nucléophile
Radiofluorations nucléophiles
En série aromatique
En série hétéroaromatique
En série aliphatique
a) Par substitution nucléophile d’un groupement partant
b) Par ouverture de cycle.
c) Optimisation des procédés
Chapitre 2 : Développement d’une méthode de marquage au fluor-18
fluoroaminoesters via un intermédiaire aziridinium
I. Les acides aminés pour l’imagerie TEP
Introduction.
Acides aminés radiomarqués pour l’imagerie TEP
Radiosynthèse des acides aminés β-[18F]fluorés
A. A partir de sulfamidates..
B. Par substitution d’un hydrogène
C. Par substitution d’un chlore
D. A partir d’aziridines
Synthèse d’acides aminés β-fluorés en chimie non radioactive
A. Accès aux β-fluoro-α-aminoacides
B. Accès aux α-fluoro-β-aminoacides
C. Obtention d’un mélange de β-fluoro-α-aminoacides et de α-fluoro-
aminoacides
Synthèse de β-fluoroamines via un aziridinium..
A. En chimie non radioactive
B. En chimie radioactive
II. Objectif des travaux
III. Résultats et discussion
1) Synthèse des précurseurs β-hydroxy-α-aminoesters
A. Synthèses des précurseurs 65, 66 et 67 dérivés de la sérine.
B. Synthèse des précurseurs 68, 69 et 70 dérivés de la méthylsérine
C. Synthèse des précurseurs 71 et 72 analogues de la phénylalanine
2) Fluoration non radioactive
Etude comparative avec le TBAF et le DAST
Caractérisation des fluoroaminoesters
3) Synthèse des β-fluoro-α-aminoesters utilisés comme références
Analogues fluorés des α-méthylsérines 98, 100 et 102
Fluoroalanines 92, 123 et 96
a) Voie sulfamidate
b) Voie par déoxyfluoration
c) Par N-alkylation de la fluoroalanine
d) Alkylation d’amines avec le bromofluoropropanoate de méthyle
Conclusion
4) Radiochimie
Etude préliminaire avec le précurseur 68
Optimisation des conditions de marquage
Généralisation à la radiofluoration des précurseurs β-hydroxy-α-aminoesters
a) Comparaison des rendements radiochimiques
b) Influence de la température
c) Régiosélectivité
d) Influence de l’entraîneur
Conclusion
IV. Conclusion
Chapitre 3 : Développement de la [11C]sulfasalazine comme traceur pour l’imagerie
des transporteurs Xc-
I. Rappels bibliographiques
Contexte biologique
Les transporteurs de la cystine
Radiotraceurs pour visualisation des transporteurs Xc- en TEP
La sulfasalazine
Objectifs des travaux
Synthèse d’analogues de la sulfasalazine
Radiosynthèses de l’acide salicylique marqué au carbone-11
Radiosynthèse à partir d’organolithien
Radiosynthèse à partir d’organomagnésien
Radiosynthèse à partir d’ester boronique
Travaux envisagés..
II. Résultats
Synthèse de la sulfasalazine
Radiosynthèse de l’acide [11C]salicylique
A partir du iodophénol protégé
a) Synthèse du précurseur
b) Formation du précurseur organomagnésien
c) [11C]Carboxylation à partir du précurseur
d) Formation du magnésien 169 par échange I/MgCl.
e) [11C]Carboxylation à partir du précurseur
A partir du iodophénol
a) Préparation de précurseur organomagnésien
b) [11C]Carboxylation à partir du précurseur
Comparaison des voies de radiosynthèse
Synthèse de la [11C]sulfasalazine à partir de l’acide [11C]salicylique
A partir des précurseurs protégés 157 et 169
A partir du précurseur
Conclusion
Radiosynthèse directe de la [11C]Sulfasalazine
Synthèse des précurseurs iodés 177 et 181
Synthèse des précurseurs organomagnésiens 178a et 178b
a) Formation de l’organomagnésien 178a.
b) Formation d’organomagnésien 178b par échange I/MgCl
Radiosynthèse à partir du précurseur 178b
Radiosynthèse automatisée de la [11C]sulfasalazine
Automate
Radiosynthèse.
III. Conclusion et perspectives
Conclusion générale
Experimental section
I. General points
II. Experimental data relative to chapter 2
1) Chemistry
2) Radiochemistry
III. Experimental part relative for chapter 3
1) Chemistry
2) Radiochemistry
Radiochemistry in weakly radioactive chemistry
Radiosynthesis in highly radioactive chemistry with AllinOne Trasis module
Bibliographie

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