Comprendre les enjeux que revêt l’égalité professionnelle par l’analyse contextuelle

Comprendre les enjeux que revêt l’égalité  professionnelle par l’analyse contextuelle

La domination masculine : quelle place pour les femmes dans la société ? Définissons à présent les concepts mis en évidence par la littérature sociologique et anthropologique qui entourent la question des inégalités professionnelles handicapant les femmes.

Des rapports sociaux de sexe asymétriques

Pour qualifier les rapports sociaux, nous retiendrons la définition de Roland Pfefferkorn : « Le rapport social est en somme une tension qui traverse le champ social et qui érige certains phénomènes sociaux en enjeux autour desquels se constituent des groupes sociaux aux intérêts antagoniques. » (Pfefferkorn, 2007, p.2). Cette définition, amène à s’interroger sur les intérêts divergents qui causent la confrontation entre le groupe social des femmes et celui des hommes. Pour Danièle Kergoat : « Le travail est (…) l’enjeu des rapports sociaux de sexe. » (Kergoat, 2010, p.63). Mais de quel travail parle-t-on ? Est-ce le travail rémunéré, celui de la sphère publique qui confère une autonomie et un statut social ou bien le travail domestique, non rémunéré, celui de la sphère privée qui ne confère ni l’un ni l’autre ? (Puech, 2005 ; Fouquet, 2001). En l’occurrence, il s’agit des deux. Finalement, l’enjeu de ces tensions n’est pas le travail en tant que tâche, mais plutôt son allocation et les enjeux que cette dernière revêt.

Genre et division sexuelle du travail

Dans un contexte de domination masculine « transhistorique et universelle » (Bidet-Mordrel, Bidet, 2010, p.16), les rapports sociaux de sexe sont de fait asymétriques. Cette asymétrie impacte la division sexuelle du travail qui repose sur une double logique de spécialisation des tâches en fonction du sexe mais aussi en fonction de la valeur octroyée à l’appartenance au groupe dominant ou au groupe dominé (Kergoat, 2010). Cette spécialisation des tâches est définie par la société à laquelle nous appartenons. En effet, pour Godelier: « Ce que l’on appelle le genre, masculin ou féminin, est l’ensemble des attributs qu’une société attache aux individus selon qu’ils sont un homme ou une femme à la naissance. » (Godelier, 2016, p.12) Les travaux de Bodiou (2013) montrent, à l’analyse des textes médicaux signés par des médecins hippocratiques, que ce sont ces derniers dans la Grèce Antique qui vont concrétiser les rôles sexués en basant les attributs les constituant sur les différences anatomiques qui existent entre hommes et femmes. Donnant ainsi crédit aux représentations de leurs concitoyens. Ces médecins en définissant de la sorte les genres sur le fondement déjà 12 androcentrique de leur système de pensée, vont par la suite les hiérarchiser. Ainsi, les attributs conférés à la femme, justifiés scientifiquement, ont assis son rôle, inférieur, dans la société : « Car le projet du médecin est double : s’il est bien d’assurer la santé de la patiente, c’est par l’accomplissement de sa vocation naturelle : celle de mère. Seul rôle qui lui soit reconnu dans la cité. Celle des hommes. » (Bodiou, 2013, p.35). Autrement dit, la place de la femme est définie par sa fonction de reproduction. Le genre devient alors un instrument de la domination masculine. Cette mécanique de justification biologique de la séparation des sphères est selon Bourdieu (1998) à l’origine de la permanence des inégalités entre les hommes et les femmes: « Les apparences biologiques et les effets bien réels qu’a produits, dans les corps et les cerveaux, un long travail collectif de socialisation du biologique et de biologisation du social se conjuguent pour renverser la relation entre les causes et les effets et faire apparaître une construction sociale naturalisée (les « genres » en tant qu’habitus sexués) comme le fondement en nature de la division arbitraire qui est au principe de la réalité et de la représentation de la réalité et qui s’impose parfois à la recherche elle-même. » (p.13) En outre dans sa théorie des représentations sociales, Moscovici (1961) montre que c’est par les interactions sociales que les individus d’un même groupe créent leurs représentations de la réalité. La pensée scientifique communiquée par « des experts » sur l’objet de la représentation est alors récupérée et utilisée pour alimenter la pensée profane, le sens commun. Une représentation sociale est une structure évolutive qui cependant jouit d’une stabilité et d’une adaptabilité lui permettant de perdurer dans le temps. Ces dernières se sont construites, en France tout du moins, autour d’un système androcentrique qui les nourrit et qu’elles aident à faire perdurer. Pour Laufer (2001), cette mécanique de justification scientifique se retrouve dans les fondements du courant sociologique majoritaire, développé dans les années 50, le fonctionnalisme. En effet, pour ses adeptes, c’est respecter l’ordre naturel des choses que d’astreindre les femmes à ce qu’elles ont été créées pour. La clé du problème ici n’étant pas la fonction reproductive elle-même mais bien l’obligation des femmes à s’y réduire. Si les femmes sont affectées à la sphère domestique en raison de leur fonction naturelle de reproduction, cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’a jamais existé d’activité féminine rémunérée.Une activité féminine évolutive mais entravée par les représentations sociales de la place de la femme dans la société Toujours dans cette optique de compréhension du contexte socio-historique entourant la question des inégalités handicapant les femmes dans leurs évolutions professionnelles, analysons à présent l’évolution de l’activité professionnelle féminine et le rôle joué par les représentations sociales, liées à la femme et à sa place dans la société, dans cette évolution.

Féminisation du marché du travail

En effet, en France, malgré l’élévation au statut de modèle familial dominant du modèle voulant la femme au foyer et l’homme seul pourvoyeur des moyens d’existence, pour les foyers les plus aisés tout du moins (Pfau-Effinger, 2004), l’activité féminine a toujours existé. En effet, selon Schweitzer, « les femmes ont toujours travaillé » (Schweitzer, 2002, p.21). En s’appuyant sur des données de recensement cette dernière montre qu’en France, entre 1868 (6.2 millions de femmes actives) et 1966 (7 millions de femmes actives), les femmes représentaient environ 30% des actifs. Cette estimation précise-t-elle ne reflète pas totalement la réalité puisque les épouses de professionnels (paysans, artisans et commerçants) n’ont pas été comptabilisées dans les données de recensement qu’elle analyse. Cependant, à partir de 1965 (Vallet, 2001), les françaises, désormais autorisées à occuper une activité rémunérée sans le consentement de leurs époux ou de leurs pères et de disposer de leur salaire, arrivent massivement sur le marché du travail. En effet, Olivier Marchand (INSEE, 2010), en se basant lui aussi sur des données de recensement, montre que le taux de féminisation de l’emploi n’a cessé d’augmenter depuis 1968, où il était inférieur à 35%, pour atteindre en 2007 environ 47% de la main d’œuvre. D’après l’INSEE 4 , en 2015 le taux de féminisation de l’emploi était de 48.3%.

Formation et coursTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *