Contribution du récepteur 5-HT2B dans la transmission sérotoninergique

Au milieu de XX siècle, une molécule capable d’induire des contractions des muscles lisses des vaisseaux sanguins a été identifiée dans le sérum humain (Rapport et al., 1948) . Il a ensuite été démontré que cette molécule vasoconstrictrice provenait des plaquettes puis, en 1949, Rapport et collaborateurs la caractérise comme sérotonine ou 5-hydroxytryptamine (5-HT) (Page et al., 1948; Rapport et al., 1948; Rapport, 1949) (pour revue Whitaker-Azmitia, 1999).

La 5-HT est synthétisée au niveau périphérique par les cellules entérochromaffines de la muqueuse du tractus gastro-intestinal puis stockée dans les plaquettes. Dans le cerveau, la 5-HT est synthétisée par les neurones du raphé où elle agira en tant que neurotransmetteur, et dans la glande pinéale où elle est utilisée comme précurseur de la mélatonine. Ainsi, le système sérotoninergique est composé d’une entité périphérique comprenant le système nerveux entérique et neuro-endocrine et d’une entité centrale dans le cerveau .

La 5-HT est issue de la conversion du L-tryptophane en 5-hydroxytryptophane (5 HTP) par l’enzyme tryptophane hydroxylase (TPH) . Il existe deux isoformes de la TPH, la TPH1 localisée en périphérie dans l’intestin principalement et la TPH2 au niveau du système nerveux central dans le tronc cérébral. Le 5-HTP subit ensuite une décarboxylation par l’action de la décarboxylase des acides aminés aromatiques (AADC) . Cette étape est commune à la synthèse des neuromédiateurs monoaminergiques, i.e. la 5-HT, la dopamine et la noradrénaline. La 5-HT est ensuite stockée dans les vésicules synaptiques par le transporteur vésiculaires des monoamines (VMAT)  (Kanner and Schuldiner, 1987). Deux isoformes du VMAT ont été identifiés, le VMAT1 localisé dans les cellules entérochromaffines et le VMAT2 localisé dans les neurones et les plaquettes (Erickson et al., 1992; Liu et al., 1992). Les VMATs ont des affinités différentes pour les monoamines (Ki 5-HT = 19+/-5 µM ; Ki Dopamine = 25+/-7 µM ; Ki Noradrénaline =91,5+/-10,5 µM). Ainsi, la régulation du trafic intracellulaire des transporteurs VMAT2 dans les neurones est essentielle pour le stockage et donc la libération des neuromédiateurs (pour revue Fei et al., 2008; Wimalasena, 2011).

La 5-HT est dégradée par la monoamine oxydase (MAO) en 5-hydroxyindole acétaldéhyde (5-HIAA) . Il existe deux sous-types de MAO, MAO-A et MAO-B, qui différent par leurs affinités pour les neuromédiateurs monoaminergiques. La MAO-A dégrade préférentiellement la 5-HT et la noradrénaline tandis que la MAO-B dégrade la dopamine (Johnston, 1968; Knoll and Magyar, 1972). La MAO-A est la cible thérapeutique de certains antidépresseurs qui vont bloquer son action et donc empêcher la dégradation de la 5-HT provoquant ainsi une accumulation de 5-HT dans la fente synaptique. Finalement, le 5-HIAA, est dégradé par l’aldéhyde déshydrogénase2 (ALDH2) dans les mitochondries .

La 5-HT est impliquée dans de nombreux processus physiologiques et cognitifs tels que les émotions (Graeff et al., 1996), la régulation des cycles circadiens (Prosser et al., 1990), les cycles veille/ sommeil (Levine and Jacobs, 1992; Portas et al., 2000; Ursin, 2002), la locomotion (Jacobs and Fornal, 1993; White et al., 1996), les comportements sexuels, alimentaires ou sociaux (Weiger, 1997). Cet éventail de fonctions est vraisemblablement dû aux variétés de structures cérébrales dans lesquelles les neurones sérotoninergiques se projettent ainsi qu’aux nombreuses innervations qu’il reçoit.

Les neurones sérotoninergiques, dont le nombre estimé est d’environ 26 000 (Ishimura et al., 1988), synthétisent et libèrent la 5-HT et sont regroupés en noyaux dans le raphé dorsal (DRN) (noyaux B6-B7), médian (DRM) (noyaux B5-B8) et caudal (noyaux B1-B2-B3) . Ces neurones, pauvres en épines dendritiques, ont la particularité d’être riches en axones collatéraux portant un grand nombre de varicosités formant ainsi des synapses dites « en passant » (van der Kooy and Hattori, 1980; Köhler et al., 1982; Descarries et al., 1982; Imai et al., 1986; Gagnon and Parent, 2014).

L’identité des neurones sérotoninergiques est caractérisée par l’expression de marqueurs moléculaires membranaires et intracellulaires. Les marqueurs couramment utilisés sont la TPH2, l’AADC, le transporteur de la 5-HT (SERT), le VMAT2, la MAO-A et la MAO-B et les autorécepteurs sérotoninergiques 5-HT1A/B (pour revue Goridis and Rohrer, 2002). La différenciation des neurones précurseurs en neurones 5-HT exprimant ces marqueurs sérotoninergiques est dépendante de l’expression du facteur de transcription Pet-1 (Liu et al., 2010; Wyler et al., 2016). C’est pourquoi, le promoteur Pet-1 est utilisé dans nos modèles transgéniques de souris knock-out conditionnelles pour les récepteurs 5-HT2B seulement dans les neurones sérotoninergiques (5-HT2B 5-HTKO).

L’équipe du Pr Gaspar a mis en évidence que les neurones issus du noyau B7 du DRN projettent préférentiellement vers les structures corticales . Ceux dont les corps cellulaires se situent dans le noyau B8 du MRN ciblent des structures centrales comme l’hippocampe . Enfin, les neurones issus du raphé supralaminal (B9) projettent au  niveau du cortex préfrontal (CPF), de l’aire tegmentale ventrale (ATV), du locus coeruleus (LC) et aussi sur les neurones 5-HT du raphé . L’organisation topographique des neurones sérotoninergiques permet d’associer différentes fonctions aux différents noyaux du raphé selon les structures dans lesquelles ils projettent. L’analyse des propriétés électrophysiologiques associée à une étude transcriptomique des neurones 5-HT dans différentes structures cibles a montré que ces différents noyaux sont en réalité des populations bien distinctes avec des caractéristiques physiologiques spécifiques (Beck et al., 2004; Fernandez et al., 2015; Mlinar et al., 2016).

Les populations de neurones sérotoninergiques sont, en général, distinguées par leur localisation dans les noyaux du raphé, leur morphologie et leur profil de décharge électrophysiologique. La mise au point de nouvelles méthodes de dissociation neuronale et de tri par cytométrie en flux associées à des études transcriptomiques a permis de différencier l’origine développementale des populations de neurones sérotoninergiques issus de différents rhombomères exprimant de façon variable des marqueurs génétiques spécifiques (Jensen et al., 2008) tels que la TPH2, le transporteur vésiculaire du glutamate 3 (VGLUT3) et le transporteur de la sérotonine (SERT). Il a été mis en évidence que chaque sous-populations sont associées à des fonctions spécifiques (Okaty et al., 2015; Wyler et al., 2016) .

Table des matières

INTRODUCTION
I. Le système sérotoninergique
A. Généralités
1. Découverte de la sérotonine
2. Métabolisme de la sérotonine
3. Organisation des neurones sérotoninergiques
B. Acteurs de la transmission sérotoninergique
1. Le transporteur de la sérotonine SERT
i. Distribution
ii. Régulations
2. Les récepteurs sérotoninergiques
i. Les R-5-HT1A et 5-HT1B
ii. Les R-5-HT2A/2C
iii. Les autres R-5-HT
iv. Oligomérisation
Homodimères
Hétérodimères
C. Protéines associées aux récepteurs sérotoninergiques
1. Protéines PDZ
2. Protéines PDZ associées aux R-5-HT
3. Autres protéines (GRK-b-arrestine, canaux ioniques, Yif, CAM)
4. CIPP
II. Le récepteur 5-HT2B
A. Généralités
B. Caractérisation fonctionnelle des mutants du récepteur 5-HT2B
1. Contribution de l’extrémité C-terminale
i. Gain de fonction du mutant R393X
ii. Perte de fonction du mutant R388W
2. Contribution de l’extrémité N-terminale
i. Phénotype du polymorphisme R6G ; E42G
C. Interactions du récepteur 5-HT2B
1. Les récepteurs 5-HT1B et 5-HT2B
2. Modulation de SERT par le couplage 5-HT2B / NOS
D. Fonctions physiologiques et pathologiques du R-5-HT2B
1. Au niveau périphérique
2. Au niveau central
3. Contribution du récepteur 5-HT2B dans les pathologies psychiatriques
i. Prise alimentaire
ii. Impulsivité
iii. Schizophrénie
iv. Vulnérabilité aux drogues d’abus
– Cocaïne
– Ecstasy ou MDMA (3,4-methylenedioxymethamphetamine)
v. Dépression- Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRSs)
III. Transmission sérotoninergique
A. Mode de neurotransmission
B. Libération de la sérotonine
1. Libération synaptique de sérotonine
2. Libération extrasynaptique de sérotonine
i. Somatodendritique
ii. Dendritique
C. Modulation de la transmission sérotoninergique
1. Hétéro-régulation
i. Par les neurones glutamatergiques et GABAergiques
ii. Co-libération de glutamate
iii. Régulation par les R-5-HT1A et 5-HT2
2. Autorégulation par les R-5-HT1 et les R-5-HT2
CONCLUSION

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