Diagnostic des bactéries pathogènes du manguier (Mangifera indica L.)

Diagnostic des bactéries pathogènes du manguier (Mangifera indica L.)

INTRODUCTION 

L’agriculture figure parmi les secteurs prioritaires qui structurent l’économie des pays en voie de développement (FAO, 2011). Elle favorise une nette croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) et une amélioration substantielle des conditions de vie des populations. Au Sénégal, la production fruitière est l’une des filières les plus dynamiques du secteur agricole. La mangue est actuellement le principal produit d’exportation de la filière fruits et légumes et constitue 61% de la production fruitière (CARE, 2009). Cette filière joue un rôle économique majeur dans le pays. Elle emploie environ 33 600 personnes soit 44,7% de femmes réparties dans l’entretien des plantations, la récolte et post récolte, le triage et la transformation (USAID, 2006). L’essentielle de la production de mangue provient des régions de Dakar, Thiès, Saint-Louis, Fatick, Kolda, Ziguinchor et Sédhiou (Diedhiou et al., 2014). La zone des Niayes et la Casamance constituent les deux principaux foyers de production et abritent les vergers modernes et améliorés. La production nationale a connu un fort accroissement, soient 125 000 à 130 000 tonnes (ASEPEX, 2016). Le volume total des exportations présente une croissance annuelle moyenne de plus de 22% sur les 16 dernières campagnes (Dupuy, 2016). Il s’élevait à 17 168 tonnes en 2017, toutes destinations confondues (PACMS, 2017). Le pays est alors devenu la 2ème plus importante origine des exportations de mangue ouest-africaine juste derrière la Côte d’Ivoire. Cette position concurrentielle résulte d’innombrables efforts consentis dans la modernisation des vergers, du choix des variétés et de la large fenêtre d’exportation dont bénéficie le Sénégal. La qualité de la mangue fraiche est très appréciée et demeure une exigence dans sa commercialisation, surtout sur le marché international. La précaution oblige l’Union Européenne (principale destination des exportations) à mettre en place une réglementation adaptée et à appliquer des mesures de Qualité-Hygiène-Sécurité (QHS) et de contrôles douaniers (mesure Sanitaire et Phytosanitaire SPS). Le rapport d’Europhyt 2016 fait état de 13 interceptions d’organismes de quarantaines dont 9 sur Mangifera indica. Cependant, la fragilité et la périssabilité du fruit ainsi que les organismes de quarantaines (Mouches des fruits, champignons, bactéries) limitent fortement la commercialisation soit un taux de 12% du volume produit. De ce fait, des mesures strictes de conformité aux exigences d’absence d’organismes de quarantaines dans les fruits exportés doivent être adoptées. Les attaques des agents pathogènes au champ et après récolte sont l’œuvre des champignons et des bactéries. Ils sont une des causes de la diminution du potentiel productif et de la dépréciation 2 de la qualité des fruits. Les maladies bactériennes peuvent occasionner des pertes de fruits allant jusqu’à 85% dans des conditions climatiques favorables (Prakash and Misra., 1992). Au Sénégal, aucune étude (données disponibles) n’a jusqu’à présent été menée pour l’identification de bactéries pathogènes du manguier. Cependant la bactériose à Xanthomonas citri pv. Mangiferaeindicae a été identifiée au Ghana, au Burkina Faso, au Mali, au Benin et au Togo et il est à craindre qu’elle soit entrée dans le pays. Par conséquent, il urge de faire le diagnostic de bactéries phytopathogènes dans les zones de culture du manguier afin de prendre des mesures agronomiques et mener des actions (si l’infestation bactérienne est détectée) pour échapper aux grandes pertes que peuvent entrainer les bactéries. Ce travail constitue l’une des premières études à être mener sur les bactéries pathogènes du manguier au Sénégal. C’est dans ce cadre que s’inscrit cette présente étude dont l’objectif général est d’améliorer la qualité phytosanitaire des mangues produites au Sénégal. Comme objectifs spécifiques, cette étude vise à : – isoler des bactéries pathogènes du manguier – identifier et caractériser les isolats par des outils phénotypique, biochimique et moléculaire. – réaliser des tests de pathogénicité avec les isolats bactériens 

GENERALITES SUR LE MANGUIER

Origine et Systématique

 Le manguier (Mangifera indica L.) est un des arbres fruitiers les plus anciennement cultivés dans le monde. Sa culture remonte à plus de 4 000 ans (De Candolle, 1885). Il serait originaire de la région Indo-birmane (Bompard, 2009). Deux centres de domestication sont reconnus : l’un en Inde avec les mangues monoembryoniques et l’autre en Asie du sud-est (Indonésie, Philippines, Thaïlande) avec les mangues polyembryoniques (Iyer et Schnell, 2009). Le genre Mangifera L. appartient à la classe des Magnoliopsida, ordre des Sapindales, Famille des Anacardiaceae (Exama et Saint-hilaire, 1995). Il comprend 69 espèces, toutes réparties en Asie tropicale (Kostermans et Bompard, 1993). 2. Description botanique L’espèce Mangifera indica. L est un grand arbre à canopée plus ou moins retombante à feuilles persistantes lancéolées, de forme ovale à allongée, mesurant de 10 à 32 cm de long (Morton, 1987). L’arbre peut atteindre une hauteur de 30 m ou plus, et peut vivre plusieurs centaines d’années (Mukherjee et Litz, 2009). Le manguier a un système racinaire de type pivotant. Le pivot donne à sa formation que quelques ramifications, assurant l’ancrage de l’arbre dans le sol. D’autres racines verticales se forment à partir des racines de surface (Laroussilhe, 1980). Son inflorescence érigée et ramifiée, est une panicule terminale de 10 à 40 cm de long, contenant jusqu’à près de 1000 fleurs, à pédoncules jaunâtres à rouges selon les variétés et à pédicelles de 2-3 mm de long (Photo 1). Elle porte à la fois des fleurs mâles et des fleurs hermaphrodites (Bally, 2006). Ces fleurs sont petites (6 mm environ) et sont groupées 3 par 3 sur de courts pédicelles. Elles sont pentamères (5 sépales et 5 pétales), de couleur jaunâtre orangée, rose verdâtre ou pêche. La première floraison survient dès l’âge de 5-7 ans, soit 3-4 ans par sélection ou par greffage (Berhaut, 1967). La floraison a lieu après un repos végétatif de 2 à 3 mois causé par une période sèche en climat semi-aride ou par un excès de pluviosité accompagnée d’un rafraîchissement de l’atmosphère en climat équatorial (FAO, 1999). Son fruit est une drupe, de couleur, de taille et de forme (ovoïde, globuleuse, elliptique, oblongue) très variable selon les variétés.  Photo 1 : Pied de Mangifera indica L. (Verger prospecté) 3. Ecologie Le manguier est cultivé et répandu sous climat tropical semi-aride, non gélive, présentant une nette alternance de période sèche et de période humide. Il peut croître sur des sols très variés (Bakry et al., 2002). Les optimums de températures pour le développement de l’arbre et la croissance des fruits sont compris entre 15-33 °C et la limite s’étend de 2,2 à 43,5°C (Galán Saúco, 1999 ; Laroussilhe, 1980). La pluviométrie optimale pour le manguier se situe entre 500 et 2000 mm par an. Les besoins pluviométriques pouvant varier, durant l’année, jusqu’à 200 – 250 mm par mois en saison de forte chaleur et de sècheresse (PIP, 2011). Le manguier se développe sur une gamme de sols assez variée. Il préfère des sols profonds (au moins 2 m de profondeur), drainants et au pH compris entre 5,5 et 7,5 (PACIR, 2013). Une floraison abondante et uniforme nécessite une période de dormance de 2 à 3 mois (variable selon les variétés) induite par des températures plus basses (8-10°C) et/ou des conditions de sécheresse. 

La place du manguier au Sénégal 

Cycle phénologique du manguier 

Le cycle phénologique du manguier est très influencé par les conditions climatiques. C’est pour cette raison que les productions du Sud devancent celles du centre et du Nord d’un mois. D’après Diatta et al. (2015) la floraison n’est pas synchrone entre les vergers et s’étale de 8 à 16 semaines à l’échelle du verger. L’asynchronisme de floraison entre les arbres dans chaque 5 verger et l’étalement de la floraison sur chaque arbre rendent difficile la présentation d’un cycle phénologique type pour les manguiers du Sénégal. La mangue représente la première production fruitière du Sénégal en termes de quantité et d’exportation (Rey, 2011). Le pays produit, selon les régions, des mangues sur 6 mois (d’avril à septembre), avec une fenêtre d’exportation de 3 à 4 mois (ASEPEX, 2016). Dans la zone des Niayes, la production s’étale sur le créneau juillet-août-septembre, ce qui permet au Sénégal de prendre le relais de la production ouest africaine qui s’étale sur 4 mois (de mars à juin). Tableau 1: Période de production de la mangue au Sénégal (Ndimanya and Strebelle, 2013). Mois Région Mai Juin Juillet Août Septembre Octobre Casamance Sine Saloum Petite Côte Niaye

 Système de culture du manguier 

Le manguier a été introduit au Sénégal à la fin du XIXème siècle, mais c’est dans les années 70 que les techniques de surgreffage et les premières variétés américaines ont fait leur apparition. Les superficies couvertes par les vergers de mangue au Sénégal sont estimées à 25 000 ha. Ces derniers peuvent être classés en trois grandes catégories (Ndimanya et Strebelle, 2013 ; ASEPEX, 2016) : – Les vergers villageois et les vergers de case représentent les superficies les plus importantes. Il s’agit de plantations de petite taille (10 à 100 pieds) et de variétés locales qui ne bénéficient de techniques culturales adéquates (irrigation, amélioration des plantes…). Les exploitants sont les petits et moyens producteurs, les exploitations familiales et les groupements. – Les vergers améliorés sont des vergers traditionnels où les variétés locales ont été surgreffées avec des variétés améliorées (Kent et Keitt). Le rendement moyen peut être estimé à 10 tonnes/ha selon la densité de plantation et les techniques culturales adoptées. Les producteurs sont des petits et moyens exploitants, ainsi que les exploitations familiales et les groupements. – Les vergers modernes ou industriels (moins nombreux) sont caractérisés par une grande densité (400 à 450 pieds par hectare). Les plantations sont entièrement irriguées, taillées et traitées. Les rendements peuvent aller jusqu’à 30 tonnes à l’hectare. Les propriétaires de ces plantations sont de gros producteurs et commerçants. 

 Les variétés

 Suivant leur forme, les différentes variétés du manguier peuvent être classées en quatre groupes (Mbaye, 2006). Il s’agit des variétés indiennes de forme tortueuse, des variétés hybrides américaines (Kent, Keitt et Palmer) de forme élancée, des variétés indochinoises (intermédiaires entre les variétés indiennes et les hybrides) de forme élancée légèrement tortueuse et des variétés antillaises de forme arrondie. En plus des variétés locales, d’autres variétés d’export sont retrouvées en fonction des zones de production (ASEPEX, 2016) : – zone des Niayes : kent, keitt, diegbougatt, boulkodiekhal, sewe, greffal, avec une large prédominance de la variété kent. – zone Centre : les variétés de mangue prédominantes sont boulkodiekhal, greffal, keitt, kent avec une plus grande représentativité des keitt et kent. – Casamance : il s’agit des variétés : keitt, kent, diourou, papaye, peche, sierra leone. La variété Kent reste la plus recherchée pour sa couleur, son goût et est très peu fibreuse, ce qui amène de plus en plus les producteurs à investir dans la culture de cette variété. 

Production et commercialisation de mangues

 La production mondiale de mangues est estimée à plus de quelques 43 millions de tonnes (FAOSTAT 2015). L’Asie, le plus grand producteur, représente 76,3 % de la production mondiale, suivi des Amériques avec 12,3% et de l’Afrique 11,4%. Environ 40% de la production mondiale est assurée par l’Inde avec quelques 15 millions de tonnes de mangues. En Afrique occidentale, la production annuelle représente environ 1,3 millions de tonnes sur une superficie de 540 000 km², soit près de 4% de la production mondiale, avec des pertes postrécoltes pouvant atteindre entre 40% et 50% (ASEPEX, 2016). La production nationale quant à elle, se situe entre 125 000 à 130 000 tonnes (ASEPEX/PACMS, 2016). La majeure partie de la production est commercialisée sur le marché local, et la part exportée ne représente qu’environ 3 % des volumes produits (Ndimanya et Strebelle, 2013). L’année 2000 a marqué le début d’une croissance soutenue des exportations de mangues du Sénégal vers l’Europe et les pays de la sous-région. En quelques années, elle est devenue la 2ème plus importante origine Ouest-africaine juste après la Côte d’Ivoire et devançant ainsi le Mali et le Burkina Fasso. Le volume total des exportations de mangues en 2017 s’élevait à 17 168 tonnes toutes destinations confondues, contre 15 048 tonnes en 2016 et 16 704 tonnes en 2015 présentant une croissance annuelle moyenne de plus de 22% sur les 16 dernières campagnes (PACMS, 2017 ; Dupuy, 2016)

Table des matières

DEDICACE
REMERCIEMENTS
SIGLES ET ABREVIATIONS
RESUME
INTRODUCTION
Chapitre I : GENERALITES SUR LE MANGUIER
1. Origine et Systématique
2. Description botanique
3. Ecologie
4. La place du manguier au Sénégal
4.1. Cycle phénologique du manguier
4.2. Système de culture du manguier
4.3. Les variétés.
4.4. Production et commercialisation de mangues
4.5. Les ravageurs et les maladies du manguier
4.5.1. Les insectes ravageurs
4.5.2. Les maladies fongiques
4.5.3. Les maladies bactériennes
4.5.3.1. La bactériose du manguier
4.5.3.2. Nécrose apicale 1
4.5.3.3. Pourriture molle ou « soft rot »
Chapitre II : MATERIEL ET METHODES
1. Présentation de la zone d’étude : La région de Thiès
2. Présentation des vergers
3. Matériel végétal
4. Méthodologie
4.1. Echantillonnage
4.2. Préparation des milieux de cultures bactériennes
4.3. Isolement des bactéries
4.4. Caractéristiques des isolats
4.4.1. Caractérisation morphologique
4.4.1.1. Etat frais
4.4.1.2. Coloration de Gram
4.4.2. Tests biochimiques
4.4.2.1. Etude du métabolisme énergétique
4.4.2.2. Etude du métabolisme glucidique
4.4.2.3. Caractérisation des souches par l’utilisation de galeries Api
4.4.2.3.1. La galerie Api 20E
4.4.2.3.2. La galerie api 20NE
4.4.3. Identification moléculaire des isolats bactériens
4.4.3.1. Extraction d’ADN
4.4.3.2. Amplification de l’ADNr 16S
4.4.3.3. Visualisation des bandes des produits d’amplification
4.4.4. Test de pathogénicité
4.4.5. Traitement des données
Chapitre III : RESULTATS
1. Symptomatologie
2. Isolement des bactéries à partir des feuilles et rameaux de manguier
3. Tests morphologiques
3.1. Observation morphologique
3.2. Observation microscopique
4. Tests biochimiques
4.1. Test du métabolisme énergétique
4.2. Test du métabolisme glucidique
4.3. Bactéries identifiées à partir des galeries Api
5. Identification moléculaire
6. Tests de pathogénicité
Chapitre IV : DISCUSSION
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

 

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