Réalisation électrique d’une pile de type SOFC à interfaces électrode/électrolyte architecturées

Réalisation et caractérisation électrique d’une pile de type SOFC à interfaces électrode/électrolyte architecturées

Introduction

Les simulations numériques présentées au chapitre III ont contribué fortement à l’identification et au paramétrage de motifs géométriques dont la présence périodique aux interfaces électrode/électrolyte conduit à une amélioration très significative des propriétés électriques des cellules SOFC élémentaires et, par extension, d’une pile complète. Si les résultats de cette modélisation démontrent que la présence de motifs géométriques périodiques aux interfaces, quels qu’ils soient, conduit à l’augmentation des surtensions, d’activation à la cathode et de concentration à l’anode, elles sont très largement contrebalancées par une très forte augmentation des densités de courant aux abords de ces motifs, conséquence directe d’une multiplication du nombre de TPB sollicités dans les zones où les matériaux d’électrodes sont confinés.

La question essentielle, qui sera traitée dans ce chapitre, est de savoir si la réalisation expérimentale de telles interfaces architecturées est possible avec des techniques raisonnablement disponibles et n’ajoutant pas un surcoût rédhibitoire aux cellules. Il s’agira donc ici d’identifier, parmi les techniques disponibles au laboratoire, un procédé ou une séquence de procédés permettant la réalisation de motifs périodiques dont la forme (pyramidale, ellipsoïdale, parallélépipédique) et les dimensions (largeur 2L et hauteur H, et espacement D) sont maîtrisables et en cohérence avec la modélisation, sur la surface d’une anode support crue, sur laquelle sera ensuite déposé un électrolyte suffisamment mince pour que l’architecturation soit aussi perçue du côté cathodique lors du dépôt ultérieur du matériau de cathode. Concernant l’épaisseur de l’anode support, le meilleur compromis devra être recherché entre la bonne tenue mécanique de l’assemblage, des pertes ohmiques raisonnables et des surtensions d’activation acceptables. Par ailleurs, le réseau poreux de l’anode, caractérisé par la distribution en volume et en taille des pores, sa percolation et sa tortuosité, devra être optimisé afin de limiter les surtensions de concentration, importantes à fortes densités de courant et susceptibles de l’être encore davantage en présence d’une architecturation aux interfaces ; il s’agira donc de repousser vers les fortes densités de courant les courants à saturation à l’anode ias et à la cathode ics.

Etant donné que les pertes d’activation sont régies par les processus de transfert de charges au sein des électrodes, et plus particulièrement dans des zones actives au voisinage des interfaces électrolyte/électrode, qui s’étendent sur quelques dizaines de 121 micromètres, l’architecturation aux interfaces conduit à l’augmentation du volume de ces zones actives et donc à l’augmentation de la densité de TPB concernés, et par conséquent des courants d’échange io qui sont limitants à faible courant de polarisation. Cette stratégie, détaillée dans une première partie, sera expérimentée sur une anode support. Pour ce qui concerne l’électrolyte, le procédé de mise en forme devra permettre de revêtir la surface de l’anode support en épousant la forme du motif préalablement créé, tout en assurant une épaisseur de dépôt suffisamment faible, typiquement bien inférieure à L, pour que du matériau de cathode puisse être confiné au sein de ce motif. La modélisation prévoyant un gain substantiel en performances pour une épaisseur de l’ordre de 10 μm, c’est cette valeur que l’on prendra comme objectif. Outre le gain en performances lié à des considérations d’épaisseur macroscopique des composants, l’augmentation de la densité de courant apportée par la présence de motifs dépend directement des paramètres géométriques H, L, et D, à microstructure et morphologie équivalentes pour chacun des composants de la cellule.

Le choix de ces paramètres doit se faire en se basant sur les considérations suivantes : – bien que permettant de développer efficacement les surfaces d’échange, une profondeur H du motif importante est nuisible à la diffusion du dioxygène vers l’électrolyte dans le compartiment cathodique, d’autant plus dans le cas d’un motif confinant fortement le matériau d’électrode localement ; par ailleurs, H ne doit pas être trop élevée au risque que les parois du motif inhibent l’évacuation de l’eau parallèlement à l’interface du côté anodique, comme le suggère l’augmentation des surtensions de concentration dans ce compartiment ; – l’espacement entre deux motifs, ainsi que sa largeur 2L, doit être paramétré de sorte que la densité de motifs par unité de surface soit la plus importante possible, effectif pour des valeurs de D petites, et dans un même temps que l’eau puisse s’évacuer facilement entre les motifs, zone à fortes surtensions de concentration et de production d’eau, par le réseau poreux de l’anode.

Ce dernier prérequis est vérifié lorsque les motifs ne sont pas trop proches, donc pour les valeurs plus élevées de D ; – il n’y a aucun gain en nombre de TPB sollicités à anticiper si la demi largeur L du motif (resp. le demi-espacement D/2 entre motifs) est inférieure à l’épaisseur de la couche active de 122 la cathode (resp. de l’anode) ; au contraire, si L est effectivement inférieur à cette épaisseur (resp. D/2), le volume de couche active confiné diminuera, et donc le nombre de TPB sollicités NTPB dans la cathode (resp. anode) ; par exemple, pour un motif parallélépipédique, NTPB diminuera selon : NTPB = dTPB × V = 2×t×[H×l + 2×(L-l)×l] (76) où dTPB est la densité de TPB par unité de volume, V le volume de couche active dans la cathode et l son épaisseur, H et L > 0 respectivement la hauteur et la demi-largeur du motif, et t une profondeur arbitraire dans la direction perpendiculaire à L et H. Ce chapitre traitera donc successivement de l’architecturation de l’interface anode/électrolyte, de la fabrication de l’anode, de l’électrolyte et de la cathode, en collant au mieux aux considérations morphologiques précédentes, puis de la caractérisation électrochimique d’une cellule complète à interfaces planes et d’une cellule complète à interfaces architecturées.

Mise en oeuvre expérimentale 

Génération de motifs géométriques périodiques aux interfaces : choix des outils

Après élaboration de l’anode support par coulage en bande (descriptif du procédé en annexe), puis séchage, l’objectif est la réalisation d’un motif périodique de surface, dont la forme (ellipsoïdale, pyramidale et cubique) et les dimensions caractéristiques (largeur 2L, hauteur H, espacement D) se rapprochent au plus près de celles qui ont été implémentées dans le modèle électrochimique décrit au chapitre III. Pour ce faire, plusieurs stratégies sont envisageables : à l’échelle industrielle, la gravure de motifs très fins, de dimensions nanométriques ou micrométriques, est réalisable par ablation laser, stéréo-lithographie ou impression 3D, etc [1,2] ; dans notre cas, et compte-tenu des dimensions caractéristiques visées (2L et H ~ 100 μm, D ~ 100-200 μm), des moyens expérimentaux moins sophistiqués, moins coûteux et plus faciles à mettre en œuvre ont été utilisés.

Ceux-ci ont été quelquefois susceptibles d’imposer certaines contraintes géométriques nous éloignant des cas idéaux traités en modélisation et dont il a fallu s’accommoder, mais qui ne nous apparaissent en aucun cas dommageables dans la mesure où dans chaque cas une grande surface d’échange a été développée, des volumes 123 d’électrode ont été confinés et la présence de points singuliers relevée, conditions sine qua non pour l’augmentation des courants d’échange. Les premiers essais ont été réalisés par estampage à froid sur la surface crue de l’anode coulée à l’aide d’un canevas en Poly-Ethylène-Téréphtalate (PET) à maillage carré et parois cylindriques (diamètre du fil nominal : ~ 240 μm ; ouverture de la maille : ~ 740 μm), pour la réalisation d’un motif périodique de géométrie complémentaire après application d’une pression, à savoir un motif carré de canaux à section elliptique (figure IV-1). Dans ce cas, la largeur 2L des canaux sera contrôlée par le diamètre du fil, tandis que la distance D les séparant sera imposée par l’ouverture de la maille du canevas. Bien évidemment, des dimensions caractéristiques nettement inférieures sont attendues après le retrait de frittage. Figure IV-1. Photographies de grilles en PET fournies par la société SEFAR. La deuxième série d’essais d’estampage à froid a été réalisée à l’aide de moules en époxy (figure IV-2a) et de moules en silicone (figure IV-2b) fabriqués par modelage d’une pâte en silicone.

L’impression a été réalisée en appliquant une pression uniaxiale de 1,5 tonne sur l’ensemble {moule-anode}, l’anode étant crue et en cours de séchage. Bien que commode à mettre en oeuvre a priori, ce procédé d’estampage contraint les solvants contenus dans la bande d’anode crue à s’évacuer au niveau de l’interface moule/bande coulée, provoquant un ramollissement du silicone ou de l’époxy à l’interface avec l’anode et favorisant l’accrochage lors du pressage au détriment du démoulage. Pour cette raison, cette technique s’est avérée difficile à mettre en œuvre avec des moules organiques, et nous nous sommes tournés vers des moules en aluminium (figure IV-3). Par commodité d’usinage, nous  nous sommes orientés vers la conception de moules en aluminium à motifs pyramidaux simples et tronqués. Figure IV-2. Photographies d’un (a) moule en époxy fabriqué à partir d’une (b) matrice en silicone. Deux types de moule en aluminium de 40 mm de diamètre à motifs pyramidaux simples (figure IV-3, a et b), différant par l’angle au sommet θ de la pyramide, ont été fabriqués par fraisage de précision à l’atelier du Centre des Matériaux (figure IV-3, c et d).

Ces moules seront nommés par la suite M1 et M2 correspondant respectivement à des angles au sommet de 45° et 90°. Figure IV-3. (a,b) Schéma en coupe des moules M1 (θ = 45°, L calculé = 0,21 mm) et M2 (θ = 90°, L calculé = 0,5 mm), (c,d) Photographies des moules M1 et M2 en aluminium correspondants. 125 Les dimensions caractéristiques réelles des moules utilisés M1 et M2 (demi-largeur L du motif, espacement D entre deux motifs et profondeur H du motif) ont été extraites par profilométrie laser (H ~ 500 µm, D ~ 60-100 µm, L ~ 350-450 µm). Un troisième moule en aluminium dont les motifs sont des pyramides tronquées, nommé M3, de même diamètre que les précédents, a été fabriqué (H = 160 µm, D = 150 µm, largeur moyenne <2L> = 500 µm) (voir tableau IV-1). Les dimensions de l’empreinte des motifs sur les bandes frittées ont été mesurées aussi par profilométrie laser. Les moules permettent donc d’imprimer un motif dont les dimensions sont du même ordre de grandeur de celles des couches d’anode crue (600 µm) et frittée (500 µm). Il n’est pas surprenant que les dimensions calculées soient différents de celles des moules usinés, elles-mêmes différentes de l’empreinte à cru, puis après frittage, puisque les matériaux passent alternativement par une phase de séchage, puis de frittage, avec des variations dimensionnelles afférentes.

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